Il en est qui, mettant avant tout leur opinion personnelle, bouleversent de leur propre autorité l’ordre dans lequel les justes seront élevés à la gloire céleste et seront mis en possession de l’immortalité ; en agissant de cette manière ils finissent par abonder dans le sens des hérétiques. Et, en effet, que soutiennent les hérétiques ? Ils excluent le corps de la participation au salut, comme en étant indigne, quoique formé de la main de Dieu ; mettant ainsi de côté la promesse faite par Dieu même, et dénaturant les vues de la providence, ils veulent que les âmes des justes, aussitôt après la mort, montent au-dessus des cieux et par-delà Demiurgos, et se rendent dans le sein de la Mère, ou du nouveau Père, qui est de leur invention. Mais pourquoi s’étonner que ceux qui ne veulent pas de la résurrection, et qui la suppriment de leur propre autorité, ne comprennent pas l’économie de la résurrection ? Ils ne veulent pas comprendre que, si les choses devaient se passer comme ils le disent, notre Seigneur n’aurait pas opéré sa résurrection seulement trois jours après sa mort ; mais, abandonnant son corps à la terre, il serait de suite remonté dans les cieux. Il est constant, au contraire, qu’il est resté durant trois jours dans le lieu où sont les âmes des morts, comme dit le prophète : « Dieu s’est souvenu de ceux qui sont morts et qui dorment dans la terre de la sépulture ; il est descendu vers eux pour les conduire dans les cieux et les faire jouir du salut. » De même encore notre Seigneur Jésus-Christ a dit : « Car, comme Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre de la baleine, ainsi le Fils de l’homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre ; » l’apôtre à son tour ajoute : « Et pourquoi est-il dit qu’il est monté, sinon parce qu’il était descendu auparavant dans les parties les plus basses de la terre. » David, en prédisant cet événement, avait dit : « Et vous avez tiré mon âme des abîmes de l’enfer. » Il ressuscita donc le troisième jour, et voici ce qu’il dit à Marie, qui le vit la première, et qui se prosterna devant lui : « Ne me touchez pas, car je ne suis pas encore monté vers mon Père ; mais allez vers mes frères, et dites-leur : Je monte vers mon Père, et votre père. »
Il est donc vrai que notre Seigneur est descendu dans le séjour des morts, afin de devenir ensuite le premier-né de la mort ; qu’il a demeuré là pendant trois jours ; qu’il est ensuite ressuscité avec le même corps qu’il avait eu sur la croix, sur lequel ses disciples virent la marque des clous de sa passion ; et que de là il est monté vers son Père. S’il a été ainsi, comment pourrait-on prêter attention à ceux qui veulent que les enfers soient ce monde que nous habitons ; et que l’âme des justes, après la mort, monte aussitôt dans le ciel ? Puis donc que le Christ, après être allé au sein des ombres de la mort, est ressuscité et monté au ciel, il faut en conclure que les âmes des élus, pour le salut desquels il a fait toutes ces choses, suivront les mêmes transmigrations, qu’elles iront d’abord dans les lieux invisibles, préparés par Dieu, où elles resteront jusqu’au jour de la résurrection ; alors elles reprendront leur corps et se revêtiront de toute leur perfection spirituelle et corporelle pour paraître en la présence de Dieu.
« Le disciple n’est pas au-dessus de son maître ; mais tout disciple sera parfait, s’il est comme son maître. » Nous suivrons donc le chemin que le Christ notre maître nous a tracé ; et de même qu’il n’est pas retourné de suite vers son Père, après sa mort, mais qu’il a attendu que le temps fixé pour le moment de sa résurrection fût arrivé (Jonas avait été la figure prophétique de cette résurrection), qui était le troisième jour depuis sa mort ; ainsi, en sera-t-il de nous et devrons-nous attendre dans les ténèbres le jour de la résurrection générale prédite par les prophètes, et de là être enlevés au séjour des cieux, si Dieu nous en juge dignes.