1. Arétas, fort de ces promesses, marcha contre Aristobule avec cinquante mille cavaliers et de l'infanterie, et le vainquit en bataille rangée. A la suite de cette victoire, il y eut de nombreuses défections en faveur d'Hyrcan, et Aristobule abandonné s'enfuit à Jérusalem. Mais le roi des Arabes, à la tête de toutes ses troupes, vint attaquer le Temple et l'y assiégea, avec l'aide du peuple, qui s'était prononcé pour Hyrcan, tandis que les prêtres seuls restaient fidèles à Aristobule. Arétas, ayant réuni les forces des Arabes et des Juifs, poussa vivement le siège. Comme ces événements se passaient vers le temps de la fête des Azymes, que nous appelons la Pâque, les plus considérables des Juifs, abandonnant le pays, s'enfuirent en Égypte. Un certain Onias, homme juste et pieux, qui, jadis, au moment d’une sécheresse, avait prié Dieu d'y mettre fin, et dont les prières exaucées avaient amené la pluie, s'était caché en voyant que la rébellion continuait toujours aussi violente ; amené au camp des Juifs, on l'invita, de la même façon qu'il avait autrefois par ses prières fait cesser la sécheresse, à prononcer des imprécations contre Aristobule et ses partisans. Comme il s'y refusait et comme son refus lui attirait les violences de la foule, se dressant au milieu des Juifs, il s'écria : « :Ô Dieu, roi de tout l'Univers, puisque ceux qui m’entourent sont ton peuple, et que ceux qui sont assiégés sont tes prêtres, je te demande de ne pas écouter ce que demande ton peuple contre tes prêtres, et de ne pas exaucer les prières de tes prêtres contre ton peuple. » Quand il eut prié de la sorte, les plus méchants des Juifs qui étaient autour de lui le lapidèrent[1].
[1] Cette anecdote ne paraît pas empruntée à Nicolas, mais à la tradition rabbinique. L’histoire de la prière d'Onias pour la pluie se retrouve dans la Mishna, Taanith, III, 8.
2. Mais Dieu les châtia sur le champ de leur cruauté et vengea le meurtre d'Onias de la manière suivante. Pendant qu'Aristobule et les prêtres étaient assiégés, le moment approcha de la fête appelée Pâque[2] à l'occasion de laquelle nous avons coutume d'offrir à Dieu de nombreux sacrifices. Comme ils manquaient de victimes, Aristobule et les siens demandèrent à leurs compatriotes de leur en fournir, offrant de les payer aussi cher que l'on voudrait. Les assiégeants leur demandèrent mille drachmes par tête de bétail. Aristobule et les prêtres acceptèrent avec empressement et, au moyen d'une corde, firent descendre l'argent le long du mur. Les assiégeants prirent l'argent mais ne donnèrent pas les victimes, poussant la méchanceté jusqu'à violer leur serment et commettre un sacrilège, en refusant à ceux qui en avaient besoin ce qui leur était nécessaire pour les sacrifices. Les prêtres ainsi trompés prièrent Dieu de les venger de leurs compatriotes, et le châtiment ne se fit pas attendre, car Dieu envoya un vent violent qui détruisit la récolte dans tout le pays, si bien que l'on dut payer le boisseau de blé onze drachmes[3].
[2] Probablement la Pâque de 65 av. J.C.
[3] Il y a aussi trace de cet épisode dans la tradition rabbinique. Voir Derenbourg, Essai, p. 113. On a remarque, avec raison que Josèphe en combinant ces deux anecdotes s'est embrouillé. Le cyclone est le châtiment de la perfidie envers les assiégés et non pas, comme il l'avait annoncé, du meurtre d’Onias.
3. A ce moment Pompée, qui se trouvait alors en Arménie, encore en guerre contre Tigrane, envoya Scaurus en Syrie. Celui-ci, arrivé à Damas, trouva cette ville aux mains de Lollius et de Métellus, qui venaient de s'en emparer ; lui-même se dirigea alors rapidement sur la Judée. Dès qu'il y fut arrivé, des envoyés vinrent le joindre de la part d'Aristobule et d'Hyrcan, demandant les uns et les autres son alliance. Aristobule promit de lui donner quatre cents talents[4], Hyrcan offrit la même somme. Scaurus accepta les offres d'Aristobule ; car celui-ci était riche et généreux et ne demandait que des choses raisonnables, tandis qu'Hyrcan, pauvre et avare, exigeait davantage en retour d’une promesse incertaine. Il était, en effet, autrement difficile de s'emparer par la force d'une ville fortifiée et bien défendue, que de chasser une troupe de transfuges et la foule des Nabatéens, peu propres à la guerre. Pour ces raisons, il prit le parti d'Aristobule, reçut l'argent et fît lever le siège, en donnant à Arétas l'ordre de se retirer s'il ne voulait pas être déclaré ennemi des Romains. Puis Scaurus revint à Damas, et Aristobule, à la tête de forces nombreuses, marcha contre Arétas et Hyrcan, les attaqua près de l'endroit appelé le Papyrôn, les vainquit, et tua environ six mille ennemis, au nombre desquels Phallion, frère d'Antipater.
[4] Trois cents d'après Guerre.