Au huitième siècle avant notre ère, la Palestine commence à être le théâtre de la lutte naissante entre l’Orient et l’Occident. Pour le moment, c’est l’Assyrie qui représente le monde oriental, et l’Egypte le monde occidental ; or, ces puissances devaient naturellement attacher toutes deux une grande importance à la possession de la Phénicie, de la Syrie et de la Palestine. Amos voit les jugements de Dieu se promener comme un orage sur tous les pays d’alentour, pour venir enfin s’abattre sur le royaume de Samarie (chap. 2). Dans Amos 6.14, il ne nomme pas l’Assyrie, mais il la montre de loin comme la puissance dont Dieu se servira pour punir son peuple.
A la mort de Jéroboam II, le désordre fut extrême à Samarie (Osée ch. 4), et il ne dura pas moins de 10 à 12 ansf. Il résulte de la combinaison de divers passages d’Osée et des Rois, que les dix tribus se partagèrent en deux petits royaumes fort irrités l’un contre l’autre, l’un au-delà, l’autre en deçà du Jourdain. Le quatrième successeur de Jéhu, Zacharie, fut renversé et tué après un règne de six mois, par Sçallum qui eut le même sort au bout d’un mois.
f – En comptant ainsi, on réussit à mettre d’accord les indications qui nous sont fournies sur la durée des règnes dans les deux royaumes.
[Voyez dans Osée VII, le tableau de ces horreurs : « Ils dévorent leurs gouverneurs, tous leurs rois sont lombes, v. 7. » — Dans l’espace d’un mois, l’on vit ainsi trois rois monter sur le trône ; mais Ménahem s’y maintint quelque temps, en sorte qu’on a eu tort de voir dans Zacharie 11.8, une allusion à ce fait, car Zacharie dit : « Je retrancherai trois pasteurs dans un mois. » Ewald a cru devoir découvrir le troisième dans 2 Rois 15.10, et il prétend qu’il avait nom Quavalam. Mais ces deux mots signifient : en présence du peuple. Sçallum frappa Zacharie en présence du peuple.]
Ménahem, l’assassin de Sçallum, ajouta une grande faute à ce crime : pour se maintenir au pouvoir, il ouvrit son pays à Phul, le roi d’Assyrie (2 Rois 15.19), et ce ne fut qu’au prix des plus grands sacrifices qu’il réussit à l’éloigner. Phul s’en retourna dans ses états, mais, c’en était fait, Israël avait perdu son indépendance. Et qu’avait-il gagné ? Entré sur la scène du monde, il n’aura plus désormais à souffrir seulement de la part de ses petits voisins, peuples de sa taille, dont il pouvait encore au besoin supporter les coups ; il va se trouver écrasé entre les grandes puissances de cette époque, dont Dieu se servira pour le châtier jusqu’à ce qu’il les châtie Lui-même : « Malheur à Assur, verge de ma colère… » (Ésaïe 10.5)
Quelle plus pitoyable politique imaginer, que celle qu’on va suivre à Samarie ? Dans le moment même où l’on recherche la protection de l’Assyrie, on traite par dessous main avec l’Egypte. De ces misérables stratagèmes à la politique théocratique, à la politique de la foi, il y avait mille lieues ; mais cette dernière, les prophètes seuls la concevaient. « Ne vous appuyez pas sur le bras de la chair, disaient-ils, attendez de Dieu seul votre délivrance, mais n’oubliez pas que Dieu est juste et que personne au monde ne peut l’empêcher de punir quiconque l’abandonne. Et si vous avez déjà fait la faute de vous allier avec une puissance étrangère, soyez fidèles à votre serment ; l’Éternel ne bénit pas les parjures (Osée 5.13 ; 7.8-16 ; 8.9 ; 10.4 ; 12.2). » Mais ils prêchaient dans le désert ; on se moquait d’eux (Osée 9.7 et sq.) ; et pour fermer la bouche aux moqueurs, ils n’avaient plus l’avantage qu’avaient eu leurs prédécesseurs ; le temps n’était plus des grandes délivrances annoncées par les serviteurs du vrai Dieu et destinées à arrêter la corruption en touchant les cœurs, les yeux de l’Éternel étaient sur le royaume pécheur pour l’abolir (Amos 9.8) ; il n’y avait plus possibilité de relèvement. Tout ce qu’il restait, à faire, c’était de montrer que Dieu était juste en frappant ainsi son peuple à coups redoublés ; de prêcher la repentance pour sauver au moins ce qui pouvait l’être encore, et enfin de consoler ce résidu fidèle par l’annonce de jours meilleurs. Et c’est bien là ce que tirent Osée et Esaïe.
Pécach, ayant assassiné Pékachja, le fils de Ménahem, monta sur le trône en 759. Il fit tout pour accélérer la ruine de son peuple. Son premier soin fut de traiter alliance avec la Syrie, l’ennemi héréditaire d’Israël, et de déclarer la guerre à Juda. Il comptait s’emparer du royaume de David et augmenter d’autant ses forces pour résister à l’Assyrie qui devenait toujours, plus menaçante. La vieille haine d’Ephraïm pour Juda, qui pendant deux siècles avait déjà coûté tant de sang, se ranima tout à coup et l’explosion fut terrible. Achaz implora le secours de Tiglath Piléser. Le roi d’Assyrie accourut, frappa d’abord Damas, ainsi que l’avait annoncé Amos 1.3, puis envahit Galaad et la Galilée qu’il s’annexa, et dont il déporta les habitants dans l’intérieur de l’Asie (2 Rois 15.29). Cela se passait environ 740 ans avant J.-C. La perte de l’indépendance, sous. Ménahem, avait été le premier degré du châtiment. Le démembrement, sous Pékach, en est le second.
Le peuple de Samarie se révolta contre la main qui le frappait et chercha des consolations dans les rêves les plus insensés de revanche et de relèvement. « Les briques sont tombées, mais nous bâtirons avec des pierres de taille ; les figuiers sauvages ont été coupés, mais nous les changerons en cèdres. » (Ésaïe 9.9)
[Outre Osée, qui était sans doute originaire du royaume d’Israël, et Nahum, dont on peut vraisemblablement en dire autant, nous n’avons plus en fait de prophètes des dix tribus que Hoded, dont 2 Chroniques 28.9-15, raconte qu’ayant rencontré l’armée de Pékach qui s’en revenait de Juda avec une foule de prisonniers, il réussit à les faire relâcher : « Relâchez les prisonniers que vous avez pris d’entre vos frères, car l’ardeur de la colère de l’Éternel, est sur vous ! »]
Hosée fut moins mauvais que ses prédécesseurs (2 Rois 17.2). Toutefois, il ne parvint au pouvoir que grâce à l’assassinat de Pékach ; et, ne pouvant accepter d’être tributaire de Salmanazar, il fut assez imprudent pour lui refuser hommage et pour se jeter dans les bras du roi d’Egypte, So, le Sabakon d’Hérodote. Salmanazar envahit le royaume des dix tribus ; il fit venir Hosée dans son camp pour lui demander compte de sa conduite ; il le garda prisonnier et se mit à assiéger Samarie. Les Israélites combattirent en héros, comme ils l’ont fait dans toutes les occasions où il ne leur restait plus qu’à mourir ; ce ne fut qu’après une résistance désespérée de trois années que « la couronne de fierté des ivrognes d’Ephraïm fut foulée aux pieds. » (Ésaïe 28.3) Le peuple fut emmené en exil. Le châtiment était maintenant accompli.
[Oppert et Delitzsch prétendent, sur la foi des inscriptions cunéiformes, que ce ne fut pas Salmanazar qui prit Samarie, mais Sargon, son successeur, dont parle Ésaïe 20.1. Ewald pense que Salmanazar est le même personnage que Sargon et il a raison. Il est vrai qu’il n’est nulle part expressément dit que ce fut Salmanazar qui prit Samarie (2 Rois 17.3 ; 18.10). Mais d’après le contexte, c’est le sens qui se présente le plus naturellement à l’esprit.]
[Dans 2 Rois 17.23, l’historien sacré énumère toutes les infidélités qui ont amené cette catastrophe. (C’est un morceau plein d’émotion qui rappelle, par exemple, Jean 12.37-43. Note de H. R.)]
C’est en Médie et dans l’Assyrie supérieure que les Israélites des dix tribus furent déportés (2 Rois 17.6). C’est là qu’on les retrouve dans les siècles suivants ; ils continuèrent à y subsister, et les prophètes parlent de leur retour dans leur patrie comme de la chose du monde la plus certaine (§ 170 et 224).