1. Cependant Hérode, déjà revenu d'Italie, débarqua à Ptolémaïs ; il réunit une assez forte armée, composée d'hommes de sa nation et de mercenaires, et la mena, à travers la Galilée, contre Antigone. Il reçut l'aide de Silo et de Ventidius, que Dellius, envoyé par Antoine, avait persuadés de ramener l'érode. Ventidius était alors occupé à apaiser les troubles soulevés dans les villes par les Parthes ; Silo se trouvait en Judée, gagné par l'argent d’Antigone. Hérode cependant, à mesure qu'il avançait, voyait chaque jour ses forces augmenter, et toute la Galilée, à peu d'exceptions près, s'était déclarée pour lui. Mais en avançant sur Masada, — dont il était nécessaire de délivrer les assiégés, qui étaient ses parents, — il fut arrêté par Jopé ; comme cette ville lui était hostile, il fallait commencer par s’en emparer, afin de ne pas laisser sur ses derrières, dans sa marche sur Jérusalem, une forteresse aux mains de l'ennemi. Silo, ayant trouvé là un prétexte pour s'éloigner, les Juifs le poursuivirent : Hérode les assaillit avec une troupe peu nombreuse, mit les Juifs en déroute et délivra Silo, qui se défendait péniblement ; puis, après avoir pris Jopé, il courut au secours de ses amis de Masada. Les indigènes se joignaient à lui, les uns en souvenir de l’amitié qui les avait liés à son père, les autres attirés par sa renommée, d'autres encore en reconnaissance de services reçus de son père ou de lui, la plupart à cause des espérances qu'ils fondaient sur lui, comme devant être certainement roi.
[1] Guerre, I, § 290-344.
2. Il réunit ainsi des forces imposantes. Sur sa route, Antigone avait occupé, en y dressant des embuscades, les points favorables des passages ; mais toutes ses dispositions ne causèrent aucun dommage à l'ennemi, ou peu s'en faut. Hérode, après avoir enfin délivré ses compagnons de Masada et pris la forteresse de Thressa, marcha sur Jérusalem. Ses troupes s'étaient grossies de celles de Silo et de beaucoup de gens venus de la ville, que sa puissance avait vivement frappés. Comme il avait posté son camp sur la colline située à l'ouest de la ville, les gardes placés de ce côté lançaient des flèches et des javelots sur ses soldats ; quelques-uns même firent des sorties en troupe et attaquèrent ses avant-postes. Hérode alors ordonna tout d'abord de proclamer autour des remparts qu'il était venu pour le bien du peuple et le salut de la ville, sans intention de se venger même de ses ennemis déclarés, et décidé à oublier les torts qu'avaient envers lui ses pires adversaires. Antigone, en réponse aux proclamations d'Hérode, déclara à Silo et aux troupes romaines qu'ils violaient leurs propres traditions de justice en donnant le trône à Hérode, simple particulier et Iduméen, c'est-à-dire seulement demi Juif, alors qu'ils devraient le réserver, suivant leur coutume, à ceux qui étaient de race royale. S'ils étaient irrités contre lui, Antigone, et avaient résolu de lui enlever la royauté parce qu'il la tenait des Parthes, il y avait nombre d'hommes de sa race qui devaient, suivant la loi, recueillir la couronne, et qui, sans reproche à l'égard des Romains et nés prêtres, seraient victimes d'une injustice, s'ils étaient privés de leur dignité. Telles étaient les discussions engagées entre les deux adversaires. On en vint aux injures, et Antigone[2] permit aux siens de repousser les ennemis du haut des murailles. Mais ceux-ci, en les criblant de flèches et grâce à leur action vigoureuse, les obligèrent vite à quitter les tours.
[2] La comparaison avec Guerre montre que Josèphe a mal compris ici sa source. Il fallait dire : «&nbp;Hérode permit aux siens de chasser ces défenseurs des murailles » etc. Peut-être Ἀντίγονος est-il un lapsus pour Ἡρώδης.
3. C'est alors que Silo montra visiblement qu'il s'était laissé acheter : il lâcha un assez grand nombre de ses soldats, qui vinrent crier famine, réclamer de l'argent pour acheter des vivres, et demander qu'on les menât hiverner dans des lieux favorables, les environs de la ville n'offrant aucun moyen de subsistance parce qu'ils avaient été dévastés par les soldats d'Antigone ; là-dessus il leva son camp et fit mine de partir. Hérode supplia les officiers de Silo et les soldats de ne pas l'abandonner, lui l'envoyé de César, d'Antoine et du Sénat ; il promettait de veiller à ce que rien ne leur manquât, de leur donner en abondance tout ce qu'ils désireraient. Il fit suivre aussitôt ses instances d'une incursion dans le pays, et ne laissa plus à Silo aucun prétexte de départ : car il rapporta une quantité d'approvisionnements dépassant toutes les espérances, et il donna l'ordre aux gens de Samarie, qui étaient ses amis, d'envoyer du blé, du vin, de l'huile, du bétail et tout le nécessaire à Jéricho, afin que désormais rien ne manquât aux soldats pour leur entretien. Cette démarche n'échappa point à Antigone, qui envoya aussitôt des hommes dans le pays pour arrêter les fourrageurs et leur dresser des embuscades. Suivant ces ordres, ils réunirent autour de Jéricho une forte troupe armée et, s'établissant sur les montagnes, guettèrent l'arrivée des convois. Hérode, en présence de ces dispositions, ne resta pas inactif ; il prit dix cohortes, dont cinq romaines et cinq juives, et une troupe mêlée de mercenaires, auxquels il adjoignit quelques cavaliers, et marcha sur Jéricho. Il trouva la ville abandonnée, et fit prisonniers, puis relâcha, cinq cents hommes qui avaient occupé les hauteurs avec leurs femmes et leurs enfants ; les Romains se répandirent dans la ville, qu'ils pillèrent, ayant trouvé les maisons remplies de richesses de toutes sortes. Le roi, laissant une garnison à Jéricho, revint, et envoya l'armée romaine prendre ses quartiers d'hiver dans les pays voisins, l'Idumée, la Galilée, Samarie. Antigone obtint cependant de Silo, à prix d'argent, la faveur de recevoir une partie de l'armée romaine à Lydda : il voulait par là flatter Antoine. Les Romains vécurent ainsi dans l'abondance et débarrassés du service de guerre.
4. Hérode cependant ne crut pas devoir rester en repos ; il envoya en Idumée son frère Joseph avec deux mille hommes d'infanterie et quatre cents chevaux ; lui-même alla à Samarie, y installa sa mère et ses parents, extraits de Masada, et partit pour la Galilée, afin de s'emparer de certaines places occupées par les garnisons d'Antigone. Il arriva à Sepphoris par la neige, et comme la garnison d'Antigone venait de quitter secrètement la ville, il se trouva abondamment approvisionné. Informé que des brigands habitaient aux environs dans des cavernes, il envoya contre eux un détachement de cavalerie et trois compagnies d'infanterie, décidé à mettre fin à leurs déprédations : c'était tout près du bourg d'Arbèles. Vers le quarantième jour, il arriva lui-même, avec toute son armée ; sous l'effort d'une attaque audacieuse des ennemis, l'aile gauche de son corps de bataille fléchit ; mais Hérode survint avec du renfort, mit en déroute ses adversaires vainqueurs, et rallia ses troupes en fuite. Il poursuivit jusqu'au Jourdain l'ennemi, qui fuyait par diverses routes, et soumit toute la Galilée, à l'exception des habitants des cavernes. Les troupes reçurent des distributions d'argent ; les hommes touchèrent cent cinquante drachmes par tête, les officiers beaucoup plus ; après quoi il les renvoya dans leurs quartiers d'hiver. A ce moment il fut rejoint par Silo et les chefs des troupes qui avaient déjà pris leurs quartiers d'hiver : Antigone refusait, en effet, de leur donner des vivres ; il les avait nourris pendant un mois, pas davantage, puis il avait envoyé à toutes les populations des environs l'ordre d'enlever tout dans la région et de s'enfuir dans la montagne, afin que les Romains, dénués de toutes ressources, mourussent de faim. Hérode confia le soin de les nourrir à Phéroras, son plus jeune frère, et le chargea en même temps de fortifier Alexandreion. Phéroras ramena promptement l’abondance dans les camps et releva Alexandreion, qui avait été dévasté[3].
[3] Dans Guerre il n'est point question ici des Romains ; ce sont les troupes d'Hérode que Phéroras est chargé d'approvisionner.
5. Pendant ce temps, Antoine séjournait à Athènes. Ventidius manda Silo en Syrie contre les Parthes[4] ; il lui ordonna d'assister d'abord Hérode dans sa guerre, ensuite de convoquer les alliés pour celle que les Romains avaient à conduire[5]. Hérode cependant, tout à la poursuite des brigands qui habitaient les cavernes, renvoya Silo à Ventidius, mais partit lui-même contre ses adversaires. Ces cavernes étaient situées dans des montagnes complètement abruptes[6] ; elles avaient à mi-hauteur des entrées d’accès difficile et entourées de roches escarpées. Les brigands y vivaient cachés avec tous leurs biens. Le roi fit construire des coffres, les suspendit avec des chaînes de fer, et, à l'aide d'une machine, les fit descendre du sommet de la montagne ; car il n'y avait nul moyen, d'en bas, de monter jusqu’aux brigands, à cause de l'âpreté des rochers, ni, du haut, de ramper jusqu'à eux. Les coffres étaient remplis de soldats, armés de longs crocs, avec lesquels ils devaient harponner ceux des brigands qui leur résisteraient, et les tuer en les précipitant dans l'abîme. La descente des coffres fut rendue dangereuse par la très grande profondeur : les soldats cependant avaient, à l'intérieur, tout ce qui était nécessaire. Une fois les coffres descendus, aucun des brigands n'osa assaillir. L'ennemi arrivé au niveau de leurs cavernes, pris de peur, ils ne bougèrent pas. Alors l'un des soldats ceignit son glaive, et, s'accrochant des deux mains à la chaîne où le coffre était suspendu, se laissa glisser jusqu'aux ouvertures, irrité de la lenteur que les brigands effrayés mettaient à sortir. Arrivé à l'une des entrées, il commença par repousser à coups de javelots la plupart de ceux qui s'y tenaient ; puis, avec son croc, il attira à lui ceux qui résistaient, les poussa dans le précipice, pénétra au fond de la caverne, égorgea nombre de ceux qui s'y trouvaient, et revint se reposer dans le coffre. Les autres, en entendant les gémissements, furent frappés de terreur et se sentirent perdus ; mais la nuit survint, qui empêcha de tout terminer. Beaucoup, avec la permission du roi, et après avoir envoyé des parlementaires, firent leur soumission et se rendirent[7]. Le lendemain les soldats d'Hérode recommencèrent l'attaque de la même façon ; de leurs coffres, ils assaillirent leurs adversaires plus vigoureusement encore, attaquèrent les portes et mirent le feu. L'incendie se propagea dans les cavernes, où se trouvait beaucoup de bois. Un vieillard, cerné à l'intérieur avec ses sept enfants et sa femme, qui le suppliaient de les laisser se rendre à l'ennemi, vint se placer à l'entrée et là égorgea ses fils, à mesure qu’ils sortaient, jusqu'au dernier ; puis ce fut le tour de sa femme ; et, après avoir jeté les cadavres dans l'abîme, il s'y précipita lui-même, préférant la mort à la servitude. Avant de mourir il accabla de reproches Hérode sur la bassesse de sa condition, bien que le roi, qui pouvait voir toute la scène, lui tendît la main et lui promit grâce entière. C'est ainsi que les cavernes de ces brigands furent toutes prises.
[4] Printemps 38 av. J.-C.
[5] Le sens de cette phrase est très douteux.
[6] Ce sont probablement les cavernes qu'on voit encore près d'Irbid (Arbèla ?), au N.-O. de Tibériade, dans le flanc du Ouad-el-Ammâm.
[7] D'après Guerre, au contraire, pas un ne voulut capituler !
6. Le roi, après avoir nommé Ptolémée gouverneur de cette région, partit pour Samarie avec six cents cavaliers et trois mille hoplites, espérant trancher par une bataille sa contestation avec Antigone. Ptolémée ne réussit pas dans son gouvernement. Ceux qui avaient déjà auparavant troublé la Galilée l'attaquèrent et le tuèrent, après quoi ils se réfugièrent dans les marais et les cantons d'accès difficile, pillant et dévastant tout le pays. Hérode revint sur ses pas et les châtia : il tua quelques-uns des révoltés, assiégea ceux qui s'étaient réfugiés dans des places fortes, les prit, les mît à mort et détruisit les repaires. Après avoir mis ainsi un terme à la sédition, il frappa les villes d'une amende de cent talents.
7. Cependant, Pacoros avant succombé dans une bataille et les Parthes ayant été défaits[8], Ventidius envoya comme renfort à Hérode, sur les instances d'Antoine, Machoeras avec deux légions et mille cavaliers. Mais Machoeras, appelé (à Jérusalem) par Antigone, malgré les protestations d'Hérode, s'éloigna, gagné à prix d'or, sous prétexte d'examiner les affaires d'Antigone[9]. Toutefois celui-ci, qui se défiait de ses intentions, prit assez mal son arrivée, le repoussa à coups de fronde, et jeta le masque. Machoeras comprit alors que les conseils d'Hérode étaient les meilleurs et qu'il avait eu tort de ne pas les écouter ; il se retira dans la ville d'Emmaüs, et tous les Juifs qu'il rencontra sur sa route, amis ou ennemis, il les massacra, fort irrité de sa mésaventure. Le roi en conçut une vive colère et se rendit à Samarie, résolu d'aller voir Antoine à ce sujet ; il n'avait, en effet, nul besoin d'alliés de ce genre qui lui feraient plus de mal qu'à ses ennemis : il suffirait seul pour avoir raison d'Antigone. Machoeras, qui l'accompagnait, le suppliait de rester ; s'il avait tant de hâte de partir, qu'il laissât tout au moins son frère Joseph pour concourir avec l'armée romaine à battre Antigone. Hérode, sur les prières instantes de Machoeras, se réconcilia avec lui et laissa Joseph avec une armée, en lui recommandant de ne rien risquer et de vivre en bonne intelligence avec Machoeras.
[8] 9 juin 38 av. J.-C.
[9] D'après Guerre Machoeras n'aurait jamais eu sérieusement l'intention de s'entendre avec Antigone.
8. Lui-même marcha en toute hâte vers Antoine, qui assiégeait la place forte de Samosate, sur l'Euphrate ; il avait avec lui des renforts de cavalerie et d'infanterie. Arrivé à Antioche, il trouva réunis nombre de gens qui désiraient aller rejoindre Antoine, mais que la crainte empêchait de partir, car les barbares attaquaient les passants sur les routes et tuaient beaucoup de monde. Il les rassura et se mit à leur tête pour le voyage. A l'avant-dernière étape, avant d'arriver à Samosate, un guet-apens des barbares était dressé contre ceux qui passaient journellement pour se rendre auprès d'Antoine. Comme d’épais taillis empêchaient en cet endroit l'accès de la plaine, les Parthes y avaient placé en embuscade un fort détachement de cavaliers, avec ordre de ne pas bouger jusqu'à ce que la colonne fût arrivée dans un terrain praticable pour les chevaux. Dès que les premiers eurent passé — Hérode veillait à l'arrière-garde —, les cavaliers embusqués, au nombre d'environ cinq cents, tombèrent sur eux à l'improviste et mirent en fuite la tête de la colonne ; mais le roi, se précipitant sur eux, repoussa les assaillants par sa seule impétuosité, releva le courage de ses amis et leur rendit de la résolution ; les fuyards se rallièrent et engagèrent le combat, et les barbares furent tués de tous côtés. Le roi s'acharna au massacre, puis, après avoir recouvré tout le convoi dispersé — il y avait beaucoup de bagages et d'esclaves — il poursuivit sa marche. Les Juifs eurent encore à supporter de nombreuses attaques des ennemis postés dans les taillis, près de l'entrée de la plaine ; Hérode les assaillit à leur tour avec une troupe aguerrie, les mit en fuite, en tua un grand nombre, et rendit la route libre pour ceux qui le suivaient. Ceux-ci le proclamèrent leur sauveur et protecteur.
9. Quand Hérode fut arrivé près de Samosate, Antoine envoya à sa rencontre un corps de troupes en grande tenue, tant pour lui rendre honneur que comme renfort ; car il avait appris l'attaque des barbares. Il témoigna beaucoup de plaisir à le voir, le félicita en apprenant les incidents de sa route et admira sa valeur. Lui-même, il le serra dans ses bras, et lui témoigna tous les honneurs, comme à un homme qu'il avait dernièrement proclamé roi. Peu après, Antiochus[10] rendit la place, et la guerre se trouva ainsi terminée. Antoine confia [la Syrie] à Sossius, et après l'avoir invité à assister Hérode, partit pour l'Égypte. Sossius dépêcha en avant, pour la Judée, deux légions de renfort destinées à Hérode, et suivit lui-même avec le gros de l'armée.
[10] Le roi de Commagène Antiochus Ier, assiégé dans Samosate.
10. Joseph venait de périr en Judée dans les circonstances suivantes. Il oublia les recommandations que lui avait faites son frère, en partant pour rejoindre Antoine, et alla camper dans les montagnes ; car Machoeras lui avait donné cinq cohortes, avec lesquelles il courait vers Jéricho, dans l'intention de couper les moissons des habitants. L'armée romaine était composée de recrues, sans expérience de la guerre, la plupart des soldats ayant été levés en Syrie ; aussi, à la première attaque de l'ennemi, Joseph, cerné dans une position difficile, ne put que mourir courageusement les armes à la main et perdit toute son armée : six cohortes furent détruites. Antigone s'empara des cadavres et coupa la tête de Joseph, que son frère Phéroras voulait racheter pour cinquante talents. A la suite de cet échec, les Galiléens se soulevèrent contre les grands et jetèrent dans le lac les partisans d'Hérode ; sur plusieurs points de la Judée il y eut aussi des révoltes. Quant à Machoeras, il fortifia la place de Gittha[11].
[11] Nom et site incertains.
11. Des messagers portèrent au roi la nouvelle de ces événements vinrent à Daphné d'Antioche lui apprendre le sort de son frère ; il s'y attendait, certaines apparitions en songe lui ayant prédit clairement la mort de Joseph. Il hâta donc sa marche, arriva au pied du mont Liban, joignit huit cents habitants de la région à la légion romaine qu'il avait déjà, et parvint à Ptolémaïs ; il en repartit de nuit avec son armée et traversa la Galilée. Les ennemis vinrent à sa rencontre, furent battus et bloqués dans la forteresse d'où ils étaient partis la veille. Il les y attaqua, le matin venu ; mais une violente tempête éclata, qui l'empêcha de rien faire, et il conduisit son armée dans les villages voisins. Une seconde légion, envoyée par Antoine, le rejoignit alors, sur quoi les défenseurs de la place, effrayés, l'abandonnèrent pendant la nuit. Le roi les poursuivit rapidement vers Jéricho, dans l'intention de venger la mort de son frère. Quand il eut campé, il réunit à dîner les magistrats, puis, après le repas, il renvoya les assistants et se retira dans sa chambre. C'est ici qu'on peut juger de la bienveillance de Dieu pour le roi : le toit de la salle du festin s'écroula, mais sans tuer personne ; aussi tous furent-ils persuadés qu'il fallait qu'Hérode fût aimé de Dieu, pour avoir échappé à un danger aussi grand et aussi inattendu.
12. Le lendemain les ennemis, au nombre de six mille, descendirent des sommets pour livrer bataille, au grand effroi des Romains. Les troupes armées à la légère assaillirent de traits et de pierres les soldats de l'entourage du roi qui s'étaient avancés : Hérode lui-même fut blessé au flanc par un javelot. Antigone envoya contre Samarie un général du nom de Pappos, avec quelques troupes, afin de faire croire à l'ennemi qu’il avait un excès de forces. Mais Machoeras vint se poster près de ce général[12] et Hérode, s'étant emparé de cinq villes, fit mettre a mort tous les prisonniers, au nombre d'environ deux mille, brûla les villes, puis revint contre Pappos, qui était campé près du bourg nommé Isana[13]. De Jéricho et du reste de la Judée les renforts affluèrent en masse. Quand il fut proche, les ennemis, pour payer d'audace, tirent une sortie contre lui : il tomba sur eux, les défit, et, désireux de venger son frère, poursuivit les fuyards jusque dans le bourg, en les massacrant. Les maisons étaient remplies de soldats, quelques-uns même s'étaient réfugiés sur les toits ; il s'empara de ceux-ci, et en soulevant les toitures, on aperçut l'intérieur plein de soldats, entassés en groupes compacts. Ces malheureux furent lapidés du haut des murs et écrasés en masse, et ce fut le plus terrible spectacle de toute cette guerre que celui de ces cadavres innombrables, entassés les uns sur les autres, à l'intérieur des murs. Ce massacre ébranla fortement l'assurance des ennemis et les inquiéta sur l'avenir ; on pouvait les voir en bandes nombreuses, accourus de loin, tout autour du bourg. Ils prirent alors la fuite, et si une violente tempête ne l'en avait empêchée, l'armée du roi, enhardie par sa victoire, serait arrivée jusqu'à Jérusalem et tout aurait été terminé car Antigone envisageait déjà la nécessité de la fuite définitive et de l'abandon de la ville.
[12] Je lis Μαχαιρᾶς au lieu de Μαχαιρᾷ.
[13] Cette localité, nommée ailleurs (Ant. VIII, 11, 3 = II Chron. 13, 19), était près de Béthel ; aujourd'hui Airi Sinia. La leçon Κανᾶ de Guerre ne convient pas au contexte topographique.
13. Le roi, comme il était tard, ordonna à ses soldats d'aller dîner, et lui-même, épuisé de fatigue, entra dans une chambre et se disposa à prendre un bain. C'est alors qu'il courut un grand danger, auquel il échappa, grâce à la protection divine. Comme il avait déposé ses armes et se baignait, n'ayant auprès de lui qu'un esclave, quelques ennemis qui, de peur, s'étaient réfugiés là avec leurs armes, sortirent de leur retraite : un premier, le glaive nu, franchit la porte, puis un second, puis un troisième, également armés, et ils partirent sans faire de mal au roi, tant était grande leur frayeur, heureux de pouvoir s'échapper sans avoir eux-mêmes été inquiétés. Le lendemain Hérode fit couper la tête de Pappos, qui avait péri dans la bataille, et l'envoya à Phéroras, en représailles du malheureux sort de son frère, que Pappos avait tué.
14. La mauvaise saison finie, Hérode partit, se rapprocha de Jérusalem et campa tout près de la ville ; c'était la troisième année depuis qu'il avait été proclamé roi à Rome[14]. Levant le camp pour se rapprocher encore, il s'établit du côté le plus favorable à l'attaque, devant le Temple, décidé à donner l'assaut, comme autrefois Pompée. Il investit la place de trois terrassements, et employa de nombreux soldats à élever des tours, en coupant le bois des forêts environnantes. Puis, laissant à la tête de ces travaux des hommes entendus, une fois son armée bien installée, il alla lui-même à Samarie pour y épouser la fille d’Alexandre, fils d'Aristobule, à laquelle il était fiancé, comme je l'ai dit plus haut.
[14] Cette date fait difficulté s'il est vrai, comme l'a dit Josèphe, que Hérode ait été nommé roi en 40 av. J.-C , car « la troisième année » (romaine) depuis lors serait 38 av. J.-C. et nous sommes maintenant au printemps 37. Il faut admettre que Josèphe compte par années juives (macédoniennes), commençant en octobre. La 1ère année d'Hérode est alors 40/39, la seconde 39/38, la troisième octobre 38 à 37.