1. Comment Sossius et Hérode s'emparèrent par force de Jérusalem, et, de plus, firent Antigone prisonnier, le livre précédent l'a montré ; nous passons maintenant à la suite des événements. Lorsque Hérode eut soumis à son pouvoir la Judée entière, il récompensa ceux du peuple qui, dans la ville, alors qu'il n'était que simple particulier, s'étaient montrés ses partisans ; quant à ceux qui avaient pris le parti de ses adversaires, il ne laissait pas passer de jour sans les poursuivre de ses châtiments et de ses vengeances. Le Pharisien Pollion et son disciple Saméas furent surtout en honneur auprès de lui pendant le siège de Jérusalem, ils avaient en effet conseillé à leurs concitoyens d'ouvrir les portes à Hérode, et ils reçurent de celui-ci le retour de leurs bons offices. Ce (Saméas[2]) était le même qui, lorsqu'Hérode autrefois avait passé en jugement sous une accusation capitale, avait prédit à Hyrcan et aux juges, en leur reprochant leur lâcheté, qu’Hérode, s'il était acquitté, chercherait un jour à se venger d'eux tous : c'est, en effet, ce qui arriva alors, Dieu ayant permis que les prédictions de Saméas se réalisassent.
[1] Quelques traits de ce chapitre (récompenses et châtiments, cadeaux et à Antoine) sont réunis dans Guerre, I, § 358.
[2] Les mss. sauf E ont ici Pollion, mais cf. livre XIV, IX, 4.
2. Une fois maître de Jérusalem, Hérode ramassa tout ce qu'il trouva de richesses de toutes sortes dans le royaume ; de plus, en spoliant les riches, il put réunir de fortes sommes d'argent et d'or qu'il distribua entièrement en présents à Antoine et à son entourage. Il fit mettre à mort les quarante-cinq chefs les plus importants du parti d'Antigone et plaça des gardes aux portes de la ville pour que rien ne fût emporté avec les morts. Les cadavres étaient fouillés, et tout ce qu'on trouvait en or, argent ou objets précieux était porté au roi. Les maux de la nation étaient sans bornes : d'une part, l'avidité du maître, fort dépourvu, faisait main basse sur tout : de l'autre, l'année du sabbat, pendant laquelle il nous est défendu de faire des semailles, était survenue et empêchait de cultiver le sol[3]. Cependant Antoine, qui avait reçu Antigone prisonnier, voulait le garder dans les fers jusqu'au triomphe ; mais quand il apprit que le peuple s'agitait et, en haine d'Hérode, restait favorable à Antigone, il décida de lui faire trancher la tête à Antioche ; car les Juifs ne pouvaient pour ainsi dire rester en repos. Strabon de Cappadoce confirme mon récit, et s'exprime en ces termes : « Antoine fit décapiter le Juif Antigone, qui avait été amené à Antioche. Ce fut, ce semble, le premier Romain qui fit décapiter un roi. Il ne voyait pas d'autre moyen d'amener les Juifs à accepter Hérode, qui avait remplacé Antigone ; les supplices mêmes ne pouvaient, en effet, les décider à le reconnaître comme roi, tant ils avaient gardé haute opinion du roi précédent. Antoine pensa que le supplice ignominieux d'Antigone obscurcirait le souvenir qu'il avait laissé et atténuerait la haine qu'on avait pour Hérode. » Ainsi s'exprime Strabon[4].
[3] L'année 38/7 av. J.-C. Cf. livre XIV, XVI, 2.
[4] Josèphe ne paraît pas s'apercevoir que cette version des causes de la mort d'Antigone est peu d'accord avec celle qu'il a donnée dans le livre XIV, XVI, 3, d'après Nicolas.