Préparation évangélique

LIVRE X

CHAPITRE V
QUE LES GRECS ONT TIRÉ EN TOUTES CHOSES DE GRANDS SECOURS DES BARBARES

Le premier qui ait introduit en Grèce les lettres communes, c’est-à-dire les premiers éléments de la grammaire, est certainement Cadmus, Phénicien d’origine ; ce qui a autorisé quelques anciens à nommer les lettres φοινικήια γράμαμτα. Il est des auteurs qui en rapportent la découverte aux Syriens ; or, les Hébreux sont Syriens, voisins de la Phénicie, et habitant un pays nommé anciennement Phénicie, puis Judée, et aujourd’hui Palestine. Les noms qu’on donne aux lettres grecques ne sont pas très différents de ceux des leurs ; mais, chez eux, le nom de chaque lettre a une valeur significative, qu’il n’a pas pour les Grecs. Vingt-deux éléments composent tout l’alphabet chez les Hébreux ; le premier en est AIph, qui, traduit dans la langue grecque, voudrait dire instruction, le deuxième Beth, s’interprète par le mot maison, le troisième Gimel est le complément, le quatrième Delth est le signe de tablettes, le cinquième E, veut dire même. Ces caractères rapprochés l’un de l’autre, donnent celle phrase : L’instruction de la maison est le complément même des tablettes ; après ceux-ci vient le sixième élément qu’ils prononcent VAU (ἐπίσημον βαῦ), ce qui veut dire en elle ; ensuite Zaï signifie vit. Après vient Eth, qui est le vivant : en sorte que le tout ensemble a la signification suivante : En elle vit le vivant. A la suite, le neuvième élément le Teth, veut dire Beau ; après quoi Joth, se traduit par commencement, et les deux ensemble : Le beau commencement. Après ceux-ci vient Chaph, qui est : cependant ; ensuite Labd, qui est apprenez, et le tout : cependant apprenez ; eu suivant, vient le treizième élément Mem, qui veut dire d’eux ou d’elles ; puis Noun qui est éternel : après Samch, qu’on traduit par secours, de manière que lue ensemble, cette série de lettres veut dire : Le secours éternel vient d’elles. Après quoi vient Aïn, dont la signification, en le traduisant, est : source ou œil ; à la suite Phé, bouche, et toujours en continuant Sadé, qui est justice, le sens total : La source ou œil et la bouche de la justice ; à la suit. de cet élément vient Coph, qu’on rend par appel. Après Rhès, qui est tête, et après ceux-ci Sen : les dents. Puis le vingt-deuxième élément est Thau, qui veut dire signes ; en sorte qu’on trouve pour sens : l’appel de la tête et les signes des dents. Voici donc la métaphrase ou interprétation de ces éléments qui ont le sens complet, correspondant à la valeur d’idée du nom de chacun d’eux, ce qu’on ne pourrait pas trouver chez les Grecs. D’où l’on est forcé d’avouer que ces éléments ne sont pas nés en Grèce, mais y ont été évidemment transportés d’une langue barbare. On peut encore s’en convaincre par la dénomination de chacun des éléments. En quoi Alpha diffère-t-il d’Alph, Beta de Beth, Gamma de Ghimel, Delta de Delth, l’Héta de l’E, le Zeta du Zaï, le Teth du Thêta, et tous les autres pareillement ? en sorte qu’il est incontestable que toutes ces voix ne sont pas originaires de la Grèce ; mais bien venues des Hébreux chez lesquels on a montré que chacune d’elles possède un sens spécial. Ces éléments donc ayant eu un principe d’existence chez ce peuple, ils se sont propagés chez les autres, et sont parvenus définitivement chez les Grecs. J’en ai assez dit de mon chef sur les premiers éléments. Clément a aussi traité la même question, entendons-le parler.

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