Préparation évangélique

LIVRE XI

EXORDE DE CETTE DIVISION DE L’OUVRAGE

La dixième section de la Préparation évangélique qui vient de sortir de nos mains, contenant surtout les témoignages du dehors, à l’exclusion d’expressions qui nous sont propres, a prouvé jusqu’à l’évidence, que les Grecs n’avaient rien pris dans leur propre fonds, pour fonder leur sagesse ; et que, si on en excepte la force de la diction et le charme du style, tout le reste a été dérobé aux Barbares ; qu’ils n’ont pas ignoré non plus les oracles des Hébreux, et ont su s’en servir dans une certaine mesure ; qu’enfin, ils n’ont pas conservé leurs mains pures de pillage, dans la lutte des productions de l’esprit. Ce n’est pas nous qui l’avons avancé, ainsi que je le dis, mais ce sont eux-mêmes qui en ont donné la démonstration. Nous ne nous en sommes pas tenus là, nous avons fait voir que les Grecs étaient à peu près les plus récents des peuples, tant pour les progrès de l’entendement, que pour l’âge ; distants par un immense intervalle de l’antiquité des Hébreux, que nous avons établie par le calcul des temps, dans cette même partie de notre ouvrage : voilà le point où nous sommes parvenus. Que nous reste-t-il à faire pour acquitter, comme dette, l’engagement que nous avons contracté ? Nous devons mettre au jour l’accord qui règne en certains points, si ce n’est en tous, entre les théories philosophiques et dogmatiques de la Grèce et les oracles des Hébreux ; ce que nous exécuterons en écartant les preuves surabondantes, pour invoquer le témoignage unique de celui qu’on peut considérer comme le Coryphée de tous les autres, comme la règle la plus certaine pour arriver à la solution de ce problème : c’est Platon que je veux dire. Lui seul en effet, par l’élévation que sa renommée a prise au-dessus de toutes les autres, semble devoir suffire à constater la vérité que nous recherchons. Si cependant, pour éclaircir la pensée de ce philosophe, il était parfois nécessaire de recourir au témoignage de ceux qui l’ont imité dans ses doctrines, nous rapporterons leurs paroles, pour confirmer l’exactitude de nos assertions, en déclarant toutefois, que si la plupart des thèmes qu’il a soutenus sont l’expression de la vérité, on nous accordera cependant de pouvoir démontrer, lorsque l’occasion s’en présentera, qu’il n’a pas toujours atteint ce but ; et cela ne tient pas à l’intention de le dénigrer, mais servira à notre justification, pour avoir préféré la philosophie barbare à celle des Grecs.

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