Si vous considérez attentivement la manière de se conduire de ces hommes, vous y découvrirez plutôt parleurs œuvres que par leurs discours, avec quels soins ils se livraient, avant tout, à la pratique de la morale. Comme la fin de tout ce qui est bien, et comme le dernier terme de la vie heureuse consiste dans la piété et dans l’amour de Dieu, qui s’acquiert par la correction des mœurs ; pénétrés d’un vif sentiment d’admiration pour cet état, ils en poursuivirent la possession à tout prix, et non pas celle de la volupté corporelle à la suite d’Epicure. Ils n’admirent pas non plus, avec Aristote, la triple classification des biens, qui met sur le même rang les liens du corps avec ceux extérieurs et ceux de l’âme : ils ne donnaient pas dans cet excès d’ignorance et d’ineptie, que certains philosophes (les académiciens), ont cru anoblir, en lui donnant le nom d’Εποχή le doute, l’arrêt. Ils n’ont pas compris non plus cette vertu (des Stoïciens), qui tire son principe de notre âme. Quelle vertu peut exister dans l’humanité, et que peut-elle en soi, séparée de Dieu, pour exempter notre vie de toute souffrance ? Faisant donc tout dépendre de l’espérance en Dieu à laquelle ils rattachaient leur existence, comme à un câble que rien ne peut rompre, ils proclamaient qu’il n’y avait de vraiment heureux que celui qui est aimé de Dieu (ou qui aime Dieu) θεοφιλής. En effet, Dieu étant le dispensateur de tous les biens, l’arbitre de notre vie, la source de toute vertu, Dieu pourvoyant à tous nos besoins, tant pour le dehors que pour notre corps, doit suffire seul au bonheur, pendant sa vie, de celui qui a composé tout son être, d’après la piété la plus sincère, pour gagner son amour. C’est dans cette pensée que Moïse, sage par excellence, le premier de tous les écrivains, nous ayant transmis la relation de la manière dont vivaient avant lui les Hébreux, chéris de Dieu, nous a développé, dans sa narration historique, leur existence politique et pratique ; mais il a eu soin de commencer son récit par l’exposition de l’origine de l’univers, en nous montrant Dieu comme la cause unique de tout ce qui existe. Puis décrivant la cosmogonie et l’anthropogonie, après quoi, descendant du général au particulier, à l’aide des souvenirs des anciens patriarches, il a fait naître dans ses auditeurs le zèle pour imiter leur vertu et leur piété : il a fait plus, étant devenu lui-même législateur suprême, toutes ses lois ne respirent que la piété ; il y montre partout son caractère religieux, apportant la prévoyance la plus soutenue à tout ce qui tend à la correction des mœurs. C’est ce que déjà nous avons fait connaître dans le livre qui a précédé. Il serait trop long de passer ici en revue tous les prophètes venus après Moïse, pour faire juger de leurs efforts, afin de porter les hommes à la vertu, et pour les éloigner du vice. Que serait-ce, si je rapportais tous les enseignements moraux du plus sage des rois, de Salomon, qui leur a donné des titres particuliers, nommant Παροιμίαι, un recueil de sentences abrégées, par forme d’apophtegmes, roulant sur un même sujet ? Il est, en conséquence, prouvé que les enfants des Hébreux ont cultivé la morale de toute ancienneté ; bien avant que les Grecs apprissent les premiers éléments du langage : ils se sont formés dans cette science, et l’ont communiquée libéralement à tous ceux qui se sont mis en rapport avec eux.