1. Les Juifs d’Asie Mineure et ceux de la Libye voisine de Cyrène étaient maltraités par les villes. Les rois leur avaient autrefois accordé l’égalité de droits, mais maintenant, les Grecs les persécutaient avec injustice, au point de les spolier de leur numéraire sacré et de les léser en bétail. Souffrant de la sorte et ne voyant pas de limite à l’inhumanité des Grecs, ils députèrent à ce sujet vers l’empereur. Celui-ci leur accorda l’égalité de charges et adressa aux provinces des rescrits dont nous donnons ci-dessous les calmer, comme témoignages des dispositions que les gouvernants ont eues dès l’origine à notre égard.
« César Auguste, grand pontife, investi de la puissance tribunitienne, édicte : Attendu que le peuple juif a été reconnu animé de bons sentiments envers le peuple romain, non seulement au moment actuel, mais aussi dans le passé, et surtout sous mon père l’empereur César[1], et pareillement leur grand-prêtre Hyrcan, — j’ai décidé, avec mon conseil, après serment et, de l’avis du peuple romain, que les Juifs pourraient observer leurs propres usages conformément à la loi de leurs ancêtres ainsi qu’ils le faisaient du temps d’Hyrcan, grand-pontife du Dieu Très-Haut ; que leurs contributions sacrées seraient inviolables et envoyées à Jérusalem pour être remises aux receveurs de cette ville, qu’ils ne seraient pas astreints à donner caution le jour du sabbat ni le jour précédent à partir de la neuvième heure. Si quelqu’un est pris en flagrant délit de vol de leurs livres saints ou de leur argent sacré, soit dans une synagogue soit dans une salle de réunion, qu’il soit considérer comme un voleur sacrilège et que ses biens soient confisqués au profit du trésor public des Romains. Quant au décret que les Juifs ont rendu en mon honneur pour la piété que je témoigne à tous les hommes, et en l’honneur de C. Marcius Censorinus[2], j’ordonne qu’il soit affiché avec le présent édit, dans l’emplacement très insigne qui m’a été consacré par le Konion de l’Asie à Ancyre. Si quelqu’un transgresse une des prescriptions ci-dessus, il subira un châtiment sévère ». Gravé sur une stèle dans le temple de l’empereur[3].
[1] Antiq., XVIII, 32.
[2] Consul en 8 av. J.-C., proconsul d’Asie en 2 ap. J.-C. Horace lui avait dédié la 8e Ode du livre III.
[3] Il s’agit du temple consacré à Ancyre par les délégués des Civitates Asiae, Romae et Augusto.
3. « César à Norbanus Flaccus[4], salut. Les Juifs de quelque lieu que ce soit, qui ont depuis longtemps l’habitude de recueillir des contributions sacrées pour les envoyer à Jérusalem, doivent pouvoir le faire sans empêchement ».
[4] Consul en 38 av. J.-C., triompha de l’Espagne en 34, plus tard proconsul d’Asie. C’est en cette qualité qu’il a reçu ce rescrit.
Voilà ce qui concerne César (Auguste).
4. Agrippa, lui aussi, écrivit en faveur des Juifs dans les termes suivants : « Agrippa aux magistrats, au Conseil et au peuple d’Éphèse, salut. Je veux que la gestion et la garde des contributions sacrées, rassemblées pour le temple de Jérusalem soient assurées par les Juifs d’Asie-Mineure conformément à leurs lois nationales. Je veux que ceux qui auront volé l’argent sacré[5] des Juifs soient arrachés même des lieux d’asile où ils se seraient réfugiés et livrés aux Juifs au même titre que les auteurs de vols sacrilèges. J’ai également écrit au préteur Silanus que nul ne doit forcer les Juifs à donner caution le jour du sabbat. »
[5] χρήματα de la plupart des mss. et non γράμματα (P)
5. « Marcus Agrippa aux magistrats, au Conseil et au peuple de Cyrène, salut. Les Juifs de Cyrène[6], en faveur desquels Auguste a déjà écrit au préteur Flavius qui gouvernait alors la Libye et aux autres magistrats de la province, afin qu’il puissent envoyer sans empêchement leurs contributions sacrées à Jérusalem selon leurs coutumes ancestrales, se sont présentés à moi parce qu’ils sont molestés par quelques délateurs et empêchés d’envoyer cet argent, sous le prétexte faux qu’ils devraient certains impôts. J’ordonne qu’on remette tout dans l’état antérieur sans les inquiéter en rien, et si de l’argent sacré à été enlevé dans certaines villes, j’ordonne que les gens chargés de ce prélèvement en fassent réparation aux Juifs de ces endroits ».
[6] La Cyrénaïque unie à la Crète dépendait d’Agrippa, chargé spécialement des affaires d’Orient. Le préteur Flavius désigné comme « gouverneur de Libye » est évidemment le propréteur Cretae et Cyrenaicae.
6.[7] « C. Norbanus Flaccus, proconsul aux magistrats et au conseil de Sardes, salut. L’empereur m’a écrit pour défendre qu’on empêchât les Juifs d’envoyer à Jérusalem les sommes, quelles qu’elles soient, qu’ils ont, l’habitude de recueillir à cet effet selon leur coutume nationale. Je vous ai donc écrit, pour que vous sachiez que l’empereur et moi le voulons ainsi.
[7] Cette lettre, qui se rattache étroitement au document du § 166 et n'est précédée d'aucune introduction, doit avoir été changée de place (T. R.).
7. Le proconsul Julius Antonius[8] écrivit également : « Aux magistrats, au Conseil et au peuple d’Éphèse, salut. Les Juifs résidant en Asie, pendant que je rendais la justice à Ephèse aux ides de Février, m’ont fait connaître que César Auguste et Agrippa leur avaient accordé de suivre leurs propres us et coutumes, de percevoir sans empêchement les offrandes que chacun d’eux donne en contribution volontaire par piété pour la divinité...[9] et de pouvoir les escorter. Ils me demandaient de confirmer par ma propre décision les faveurs conférées par Auguste et Agrippa. Je veux donc que vous sachiez que selon les volontés d’Auguste et d’Agrippa je leur permets de vivre et d’agir sans entraves conformément à leurs coutumes ancestrales ».
[8] Fils de Marc-Antoine, consul en 10 av. J.-C., mort en 2 av. J.-C. Horace lui dédia le deuxième Ode du livre IV.
[9] Lacune de quelques mots.
8. J’ai jugé nécessaire de donner ces textes, puisque mes annales de notre histoire sont surtout destinées aux Grecs, pour leur montrer que dès le début nous avons été traités de la façon la plus honorable, que les magistrats ne nous pas empêchés de pratiquer nos lois ancestrales et que nous fument au contraire aidés à observer notre religion et à honorer Dieu. Si je mentionne souvent ces faits, c’est pour nous réconcilier les autres peuples en déracinant les haines implantées parmi les sots chez eux comme chez nous. Car il n’y a aucun peuple qui ait toujours les mêmes lois ; même de ville à ville, il y a beaucoup de diversité. Mais la justice est très utile à cultiver pour tous les hommes pareillement, qu’ils soient Hellènes ou barbares ; or, c’est d’elle que tiennent le plus grand compte nos lois qui, si nous les observons intégralement, nous rendent bienveillants et affectueux envers tous les hommes. C’est pourquoi noirs avons droit à même traitement de la part des autres et il ne faut pas croire que la différence des nationalités se résume dans la différence des coutumes, mais dans la rivalité pour la vertu[10], car c’est là un bien commun à tous et seul capable de sauver la civilisation humaine. Mais je reprends le fil de mon histoire.
[10] Texte altéré, nous traduisons au jugé (T. R.).