Dieu se propose toujours un but salutaire quand Il punit son peuple. Aussi le punit-il avec mesure (Ésaïe 28.24, § 90). Il ne le détruit pas comme Sodome et Gomorrhe ; il le châtie selon le droit (bemischeppath, יסר במשפט, Jérémie 10.24 ; 30.11) c’est-à-dire selon la mesure (Ésaïe 28.8), c’est-à-dire encore selon la mesure qui Lui est fournie par sa propre sainteté (Osée 11.8, § 48 « Comment te traiterais-je comme Adma ? » ).
Il le conserve tout en le punissant. Il en laisse toujours subsister au moins un résidu, שאר ou שארית יעקבv. A l’heure même où le gros de la nation a ouvertement, renié son Dieu, il y a encore sept mille fidèles qui n’ont pas fléchi les genoux devant Baal. C’est l’Église invisible de l’ancienne alliance ; grâce à elle le peuple de Dieu ne périra pas. Esaïe a le sentiment qu’il fait partie, avec ses fils, de ce noyau indestructible du peuple élu : « Me voici et les enfants que l’Éternel m’a donnés pour être un signe et un présage en Israël de la part de l’Éternel des armées. » (Ésaïe 8.17)
[Le peuple était tout éperdu ; il avait méprisé la parole de l’Éternel, et maintenant il ne savait à qui se recommander, à l’approche des jugements de Dieu. Esaïe se présente alors plein de confiance et dit : v. 17 : « L’Éternel cache sa face de la maison de Jacob, mais moi j’espère en lui ! » Esaïe est un signe, non seulement à cause du sens symbolique de son nom et des noms de ses enfants, mais par le fait même du calme dont il jouit au sein de la détresse générale.]
Pendant, longtemps les serviteurs de l’Éternel ont réussi par leurs prières à éloigner les jugements de Dieu (Amos 7.1-6). Le moment vient où ils n’y peuvent plus rien (Jérémie 15.1). Mais même alors, les justes sont épargnés et vivent grâce à leur foi (Ézéchiel 14.14-20 ; Habakuk 2.4)a. Israël est dispersé, secoué comme le blé dans le van, mais pas un grain n’en tombera à terre (Amos 9.8)b. Israël est abattu comme un arbre, mais la souche repoussera (Ésaïe 6.12). A cause des serviteurs de Dieu, tout ne sera pas absolument détruit Ésaïe 65.8). Il y aura toujours un résidu et ce sera ce résidu qui se convertira au Dieu fort et puissant.
a – Voyez aussi Jérémie 39.18 : A la prise de Jérusalem, Jérémie a eu la vie sauve parce qu’il a eu confiance en Dieu.
b – Le royaume d’Israël sera détruit, mais non pas le peuple.
[« Le résidu se convertira, » tel est le nom qu’Esaïe a donné a l’un de ses fils pour détromper ses compatriotes qui pensaient que tout le peuple échapperait, et en même temps pour empêcher les fidèles de se désespérer. Ce nom symbolique avait un double sens : Au peuple il voulait dire : Un reste seul sera sauvé ; aux fidèles : Vous échapperez à la ruine !]
Ce sera peu de chose que ce résidu (Sophonie 3.12) ; cependant quand l’Éternel aura réuni ses brebis de tous les pays où il les aura dispersées, elles se multiplieront (Jérémie 23.3), et il y aura un grand bruit d’hommes (Michée 2.12 ; 5.6) ; le jugement aura été terrible, mais quand il sera passé, on lui trouvera les proportions d’un simple triage.
C’est grâce au résidu de Jacob que le décret du salut pourra en fin de compte avoir son effet ; et, à ce coup, il ne surgira plus d’empêchement. L’alliance nouvelle sera immuable ; elle sera éternelle comme celle de Noé. « Je t’épouserai pour jamais. (Osée 2.20) J’ai caché ma face pour un moment dans le temps de la colère, mais j’ai eu compassion de toi par une miséricorde éternelle ! » Ce qu’il y a de plus solide au monde, les collines et les montagnes crouleront avant que soient abrogées les lois de l’alliance de grâce (Jérémie 31.35-37 ; 1.5 ; Ésaïe 61.8 ; Ézéchiel 16.60).
Mais le peuple de l’avenir ne sera-t-il peut-être pas lui aussi infidèle ? Et s’il l’est, l’alliance nouvelle n’aura-t-elle pas le sort de l’ancienne ? Non ! car Dieu lui-même produira dans son peuple les dispositions vouluesc, et lui donnera de répondre à sa vocation. — Il n’y aura cependant rien de magique dans ce rétablissement du peuple de Dieu : les Israélites se repentiront sincèrement (Deutéronome 30.2), et quand retentira, dans les pays où ils seront dispersés, le miséricordieux signal du retour, on les verra, tremblants et pleurant, se hâter d’accourir, de peur de laisser passer l’heure favorable du salut (Osée 11.10 ; 3.5 ; Jérémie 31.9 ; 1.4 et sq.). Alors Dieu leur pardonnera tous leurs péchés. La femme adultère redeviendra l’épouse de l’Éternel, comme si elle n’avait jamais manqué à la foi jurée. Dieu la reprendra et l’aimera comme on aime la femme de sa jeunesse (Ésaïe 54.6) ; et par tant de bonté Dieu confondra son peuple, et Israël n’aura plus la hardiesse d’ouvrir la bouche (Ézéchiel 16.63). « Ce sera leur justice d’auprès de moi » (תּדקתם מאתי, δικαιοσύνη), que je les aie aussi reçus en grâce, et après cela ils auront de quoi répondre à tous ceux qui voudront leur contester leurs droits. » (Ésaïe 54.17) Les citoyens de ce peuple nouveau seront tous des justes (Ésaïe 60.21).
c – Dieu n’exigera plus, Il créera (Jérémie 31.31, § 202).
En effet, Dieu gracie et justifie le pécheur, mais Il le sanctifie aussi ; Il lui communique par son Esprit un nouveau principe de vie. L’Israël de l’avenir est un Israël spirituel (Ésaïe 44.3 ; 59.21 ; Ézéchiel 39.29).
[« Je répandrai mon Esprit sur ta postérité… Il vient un Rédempteur pour Sion et pour ceux de Jacob qui se convertiront de leur péché, dit l’Éternel. Et quant à moi, voici l’alliance que je ferai avec eux, dit l’Éternel : Mon Esprit qui repose sur toi, et mes paroles que j’ai mises en ta bouche, ne cesseront d’être dans ta bouche et dans la bouche de tes enfants… Je ne cacherai plus ma face d’eux depuis que j’aurai répandu mon Esprit sur la maison d’Israël. »]
L’Esprit de Jéhovah exerçait déjà son influence sur les membres de l’ancienne alliance (Ésaïe 63.11 : « Où est Celui qui mit au milieu d’eux son Esprit saint ? ») ; mais c’étaient surtout les hommes en charge et les prophètes qui en ressentaient les effets ; puis, on ne peut guère parler, même pour eux, d’une habitation de l’Esprit de Dieu dans leur intérieur (§ 65 et 204). Il en sera tout autrement dans la nouvelle alliance : elle s’ouvrira par une abondante effusion de l’Esprit de Dieu sur toute chair (Joël 3.1), כל–בשר, toute chair, n’est pas le πᾶς σάρξ de Jean 17.2 ; ce n’est pas toute l’humanité ; cela veut dire qu’aucun âge, sexe, ni état n’exclura des avantages résultant de la Pentecôte ; l’Esprit sera pour tous, tous deviendront des prophètes et vivront dans la plus intime communion avec Dieu. « Plût à Dieu que tout le peuple de l’Éternel fût prophète, avait dit Moïse, et que l’Éternel mit son Esprit sur eux ! » (Nombres 11.29) Ce soupir sera exaucé. Ils seront tous enseignés de l’Éternel, et nul n’enseignera plus son prochain (Ésaïe 54.13 ; Jérémie 31.34 ; voir Jean 6.45 ; 1 Jean 2.20, 27) Dès leur plus tendre enfance ils connaîtront tous l’Éternel. On a souvent abusé de ces passages en leur faisant dire que tout ministère régulier est hors de propos dans l’alliance nouvelle à laquelle nous sommes parvenus. Mais encore aujourd’hui Dieu daigne se servir des hommes pour amener les âmes à la connaissance de la vérité. Seulement, grâce au témoignage intérieur de l’Esprit, le plus humble croyant peut maintenant se sentir dans la vérité sans qu’il soit nécessaire qu’aucune autorité humaine le lui certifie. C’est avec beaucoup de raison que Hengstenberg a cité à ce sujet cette parole de St-Paul : « Vous êtes une lettre de Christ, qui a été écrite par notre ministère, non pas avec de l’encre, mais par l’Esprit du Dieu vivant. » (2 Corinthiens 3.3) Voilà le ministère de l’apôtre expressément mentionné à côté de l’action du St-Esprit, comme instrument de salut et comme moyen de conversion.
L’effusion du St-Esprit rend plus vivante la connaissance qu’on pouvait posséder déjà des choses divines, elle purifie le cœur, elle fléchit la volonté de l’homme ; elle inspire au pécheur d’hier le désir de faire ce que Dieu veut (Ézéchiel 36.25, 27 ; Jérémie 31.33). Les longs efforts de Dieu sont enfin couronnés de succès ; non plus seulement en théorie, mais même en pratique, son peuple est un peuple saint.