Les prophètes font dépendre l’ouverture de l’ère du salut tantôt de l’apparition de l’Éternel, tantôt de celle d’un roi de la race de David, qu’ils appellent le Messie.
Dans Psaumes 96.10 ; 98.7 ; Ésaïe 35.4 ; 40.10 ; 52.12 ; Ézéchiel 34.11 ; Zacharie 14.16 ; Ézéchiel 43.2, 7 ; Ésaïe 60.2, 19 ; 4.5 ; Zacharie 2.5, c’est Jéhovah en personne qui vient au milieu des acclamations de toute la nature établir son royaume sur la terre ; qui ramène son peuple de l’exil, comme dans les jours d’autrefois. Il le ramena d’Egypte ; qui vient demeurer en Sion et régner de là sur tous les peuples de la terre ; qui remplit le nouveau temple de sa gloire, qui répand sur la ville sainte tout entière une lumière éternelle, et qui l’entoure comme de murailles de feu. Cette habitation de Dieu dans l’assemblée de ses fidèles sera tellement réelle et efficace, comparée à l’habitation précédente de Dieu en Israël, qu’il n’y aura plus d’arche de l’allianceg. Jérusalem sera le trône de l’Éternel (Jérémie 3.16).
g – L’arche était autrefois le meuble auquel se rattachait la manifestation de la présence de l’Éternel.
Mais si, d’une part, les rapports dans lesquels Dieu entrera avec son peuple pendant l’économie du salut, sont tout ce qu’on peut imaginer de plus intime, d’autre part, il y a toute une série de prophéties qui interposent entre l’Éternel et son peuple un homme, un fils de David, par l’intermédiaire duquel l’Éternel se plaît à faire passer ses grâces et auquel Il a donné tout son pouvoir.
Il y a une prophétie où ces deux points de vue se trouvent réunis. C’est Ezéchiel ch. 34. Des bergers infidèles ont laissé périr le troupeau. « Moi-même, dit l’Éternel, v. 11, je rechercherai mes brebis et me mettrai à leur tête. » Et au v. 23 : « je susciterai sur elles un pasteur qui les paîtra, savoir mon serviteur David ; il les paîtra et lui-même sera leur pasteur. » Le v. 24, résume, on ne peut mieux, l’un et l’autre point de vue quand il dit : « Moi, l’Éternel, je serai leur Dieu, et mon serviteur David sera prince au milieu de mes brebis. »
Ce grand fils de David, auquel viennent ainsi aboutir toutes les prophéties de l’A. T., — comme à une cime centrale tous les soulèvements d’un vaste pays de montagnes, — n’est autre que le Messie.
Un messie, משיח (Χριστὸς chez les Septante), c’est d’abord tout simplement une personne qui a été ointe de l’huile sainte. Le souverain sacrificateur est le messie (§ 96). Puis, comme l’huile de l’onction est un symbole de l’Esprit de Dieu, le nom de messie est appliqué en général à tout homme dont Dieu se sert pour se faire connaître à l’humanité. « Ne touchez point à mes messies, ne faites point de mal à mes prophètes. » (Psaumes 105.15)h Mais le titre de Messie est tout spécialement celui du roi théocratique (§ 163) ; aussi est-ce le grand roi des derniers temps qui sera le Messie par excellence (Psaumes 2.2 ; Daniel 9.25).
h – Dans ce verset, le mot de messie répond exactement à celui de prophète.
La plus ancienne prophétie messianique est assurément Genèse 3.15 (§ 19). Cependant, la semence de la femme qui écrasera la tête du serpent n’est pas encore un individu ; c’est la race humaine. L’humanité, dans sa lutte contre le mal, finira par remporter la victoire, mais la victoire sera chèrement payée.
La semence d’Abraham (Genèse 12.3 ; 18.18 ; 22.18), d’Isaac (Genèse 26.4), de Jacob (Genèse 28.14), par laquelle tous les peuples seront bénis (§ 23), n’est pas non plus un individu, mais bien l’ensemble des descendants de ces patriarches. Toutefois, c’est en Christ que s’accompliront ces prophéties, en sorte que d’une manière générale elles sont bien réellement messianiques.
On a souvent pris le Silo de Genèse 49.10, pour le nom du grand prince de la paix que le monde attend, et auquel la tribu de Juda doit donner naissance. On traduit alors : « Jusqu’à ce que le Silo vienne, et, à lui appartient l’obéissance des peuples. » Cette traduction a contre elle le parallélisme, mais elle est possible et elle est certainement beaucoup plus plausible que celle qu’adopte encore Delitzsch : « Jusqu’à ce qu’il vienne à Silo », ville d’Ephraïm qui fut le chef-lieu de la théocratie sous les Juges. Mais il faut bien probablement prendre le mot Schiloh substantivement, dans le sens de repos, et traduire : « Jusqu’à ce que Juda (après ses longues guerres) arrive à jouir de quelque repos, et que les peuples lui obéissent. » (Les peuples עמים, et non les tribus d’Israël.) Cette prophétie est surtout importante en ce qu’elle indique la tribu de Juda comme celle d’où doit sortir le futur maître du monde.
Les plus anciens interprètes juifs, comme Onkélos, ont eu raison de voir dans la parole de Balaam (Nombres 24.19, § 30) une prophétie messianique. Il n’y est sans doute proprement question que d’une puissance redoutable qui doit surgir en Israël, subjuguer tous les peuples voisins et leur survivre à tous ; mais on ne peut pas se représenter une puissance sans un chef quelconque qui la soutienne, et qui en soit en quelque sorte la personnification.
Pour ce qui est enfin de Deutéronome 18.15-19, qu’on a souvent pris pour une prophétie directement messianique, et dont nous avons déjà parlé tout au long dans les paragraphes 97 et 161, il nous paraît impossible à cause du contexte de ne voir qu’un prophète dans le נביא du v. 18. On pourrait intituler ces versets l’institution du prophétisme. Ils ne sont néanmoins pas sans importance pour le développement de l’idée messianique. Ils montrent qu’il ne suffira pas d’un roi, quelque puissant qu’on se le représente, pour que le règne de Dieu puisse s’établir sur la terre, mais qu’il faudra aussi un médiateur par lequel l’Éternel parle au monde, un prophète qui raconte aux hommes tout le conseil de Dieu. Le futur maître du monde devra être en même temps un prophète.