« Gardons-nous de laisser indéterminé ce que nous entendons par éducation, soit qu’en louant ou en blâmant l’éducation de chacun, nous disions de l’un qu’il est bien élevé, de l’autre, qu’il manque d’éducation. En appliquant ces dénominations à des hommes qui se livrent au trafic de détail, ou qui se font armateurs, ou qui embrassent d’autres industries analogues, parmi lesquelles nous admettons qu’il est des hommes très bien élevés, il me semble que nous manquons à ce qui vient d’être dit, qui ne nous permet pas d’attribuer de l’éducation à ceux qui suivent de semblables carrières. L’éducation est proprement ce qui porte les enfants à la vertu, ce qui excite en eux le désir et l’amour d’être des citoyens accomplis, sachant commander ou obéir dans les limites du juste. Le discours qui a précédé ayant, à ce qu’il me semble, défini avec exactitude ce qu’est l’éducation, il ne tolère plus maintenant qu’on donne à d’autres qu’à celle-ci le nom d’éducation. Quant à cette instruction qui s’applique à l’augmentation de la richesse, ou de la force corporelle ou à toute autre science qui ne dépend ni de l’intelligence ni de la justice, elle ne mérite aucunement d’être appelée du nom d’éducation, puisqu’on l’entend des arts mécaniques et illibéraux. N’allons pas exciter une dispute de mots ; mais laissons subsister dans son entier, le raisonnement qui a précédé et qui a été confirmé, en vertu duquel les hommes véritablement bien élevés ne peuvent presque pas être autres que des hommes vertueux. Il faut éviter d’avilir le moins du monde l’éducation, le premier des biens éminents qui arrivent aux hommes vertueux ; laquelle quand, dans le principe elle a été mal dirigée, ne peut se réparer qu’à force de travail : la vie entière et toutes nos facultés consacrées à ce soin ne sont après tout que l’accomplissement d’un devoir. »
Dans le second livre des Lois il s’exprime ainsi : « J’appelle éducation, la vertu qui se dénote d’abord dans les enfants : la joie et l’amitié, la douleur et l’aversion, tant qu’elles sont essentielles à l’âme, sont régulières ; mais c’est pour les âmes qui ne sont pas éclairées par la raison. Lorsque cette dernière y aura pénétré, elles s’accoutumeront à régler leurs habitudes sur des exemples convenables ; c’est cet accord de la conduite avec la raison qui embrasse toute la vertu. Ainsi, savoir retrancher par la raison cette partie de l’âme qui incline à la joie et à la douleur, pour qu’elle haïsse sans délai depuis le commencement jusqu’à la fin tout ce qui est haïssable, pour qu’elle chérisse tout ce qui mérite d’être chéri ; si vous nommez cela l’éducation, je croirai que vous l’aurez bien nommé. »
Telles sont les doctrines de Platon. Mais, David, dans ses psalmodies, prenant les devants, nous enseigne à haïr ce qu’on doit haïr et à aimer ce qui mérite qu’on l’aime, lorsqu’il dit :
« Venez, mes enfants, écoutez-moi, je vous enseignerai la crainte du Seigneur. Quel est l’homme qui veut la vie et qui aime à voir des jours prospères ? Faites taire toute méchanceté de votre bouche et que vos lèvres ne profèrent pas l’artifice. Eloignez-vous du mal et faites le bien. Cherchez la paix, et ne vous lassez pas de la poursuivre. »
Salomon en a dit autant, « Ecoutez, mes enfants, l’instruction de votre Père. Je vais vous faire un don de grand prix, ne laissez pas tomber mes lois dans l’oubli. »
Il dit encore : « Acquérez la sagesse, acquérez l’intelligence, et gardez-en le souvenir. »
Puis : « Dites à la sagesse qu’elle soit votre sœur, et faites-vous un ami de la prudence. »
De nouveau : « Ne fréquentez pas les voies des impies, ne portez pas envie aux transgresseurs des lois. »
On trouvera, dans les livres des Hébreux, dix mille sentences pareilles, propres à former la jeunesse, à lui inculquer la piété et la vertu, qui sont un ornement commun de l’adolescence et de l’âge mûr.