« Je cède à l’opinion commune en avouant que c’est par le sentiment du plaisir qu’on doit juger du mérite de la musique ; toutefois, je n’abandonne pas au premier venu le droit d’en décider. Mais il est à peu près certain que la plus belle muse est celle qui plaît le plus aux hommes les plus vertueux et dont l’éducation a été la plus soignée, et par-dessus tout, à l’homme dont la vertu et l’instruction l’emportent sur celle de tous les autres. En conséquence, nous soutenons que, pour bien juger de cette musique, il faut de la vertu ; il faut partager non seulement la connaissance qu’ont tous les autres auditeurs, mais y joindre de plus, la fermeté. Il ne faut pas qu’au théâtre le véritable juge apprenne à juger, qu’il se laisse troubler par l’agitation des spectateurs et par la conscience de sa propre ignorance, ou, s’il a les connaissances requises, que la crainte et le défaut de détermination le trouble, par la pensée qu’il doit juger de la même bouche dont il a invoqué les dieux, et qu’il altère la vérité, en atténuant la rigueur de sa sentence. Or, ce n’est pas pour recevoir la leçon des autres, mais pour la leur faire, qu’il est institué juge en bonne justice ; c’est pour s’opposer aux spectateurs avides de goûter un plaisir qui blesse toute convenance et toute décence. »
De même, chez les Hébreux, dès les temps les plus anciens, ce n’était pas au public qu’on reconnaissait le droit de juger ceux qui se présentaient comme animés de l’esprit de Dieu, dans les chants inspirés qu’ils récitaient. Il n’y avait qu’un petit nombre de sujets, possédés eux-mêmes de l’esprit de discernement des paroles divines, à qui il était permis de prononcer sur ces poèmes et de déclarer saints les livres des prophètes, en rejetant ceux qui partaient d’un organe profane.