« Lorsqu’il s’est livré à ces actes pendant longtemps, qu’il s’est rapproché de lui, qu’il a eu de nombreux attouchements, soit dans les gymnases, soit dans les autres lieux de réunion, alors la source de ce torrent, que Jupiter épris de Ganymède a nommé ἵμερος (désir) s’écoule avec force vers l’objet aimé ; soit qu’elle pénètre en lui, ou que, débordant, elle se répande au dehors. Et tel qu’un souffle de vent ou un écho qui, venant frapper contre des corps polis et solides, est répercuté vers le point d’où il est parti ; ainsi l’écoulement de la beauté, revenant à celui qui l’a produit, par les yeux, qui est le chemin par lequel il pénètre jusqu’à l’âme, il rouvre les passages des ailes, l’inonde, l’excite à faire renaître ses ailes, et remplit d’amour, à son tour, l’âme de celui qui est aimé. Celui-ci aime, il est vrai ; mais sans connaître, ni pouvoir exprimer d’où lui vient le vague et la souffrance qu’il éprouve, et comme s’il tenait d’un autre, par contagion, la maladie des yeux dont il est atteint, il ne peut se rendre compte de ce qu’il ressent (Platon, Phèdre. p. 348 de Ficin, 255 de H. Et.). »
Il ajoute à la suite :
« Il désire ainsi que celui qui l’aime, quoique plus faiblement, le voir, le toucher, le baiser, être couché près de lui ; et comme cela se conçoit, il se livre sans délai à son désir. Lorsqu’ils reposent ensemble, le coursier fongueux de l’amant, a toujours quelque chose à dire au cocher : il souhaiterait qu’il lui permit, en échange de ses nombreux tourments, de s’accorder quelques jouissances : celui de l’aimé n’a rien à dire ; mais il est oppressé, il ne sait ce qu’il veut et dans son trouble il embrasse l’amant, le baise comme s’il n’embrassait qu’un homme qui lui veut du bien. Tant qu’ils reposent dans le même lit, il n’est en état de lui rien refuser ; malgré tous ses efforts, il céderait aux instances de l’amant, s’il lui en adressait. L’autre coursier aidé du cocher, résiste, en opposant aux vœux de son conjoint, des arguments tirés de la raison et de la pudeur. S’il vient à triompher et à ramener son associé à un genre de vie réglée et philosophique, la saine raison prendra le dessus, et tout deux mèneront ici-bas une vie heureuse, dans un sentiment unanime d’affection : maîtres d’eux-mêmes et honorables dans leurs rapports (Platon, Ibid). »
Il ajoute encore après quelques autres phrases,
« S’ils se livrent à un genre de vie vulgaire et éloignée de toute philosophie, et qu’ils cèdent aux mouvements de l’ambition, ils seront bientôt, ou entraînés aux parties de débauche ou plongés dans une coupable incurie, laissant leurs coursiers, sans frein et sans guides, s’emparer de leurs âmes, qui n’auront pas de défense : rassemblant et concentrant dans un même point cette élection de vie, qui passe pour la plus heureuse dans l’opinion de la multitude, ils l’adoptent et s’y complaisent. S’y complaisant, ils la mettent en pratique pendant le reste de leur existence, avec ménagement cependant, par le sentiment qu’ils conservent encore, qu’en agissant ainsi, ils ne suivent pas les inspirations de leur conscience. Ces deux amis, quoique méritant moins ce nom que les deux autres, lorsqu’ils ont cessé d’éprouver les ardeurs de l’amour, conservent l’union commencée sous ses auspices, pensant qu’ils se sont donnés et qu’ils ont reçu les plus grands gages que des hommes puissent se donner et recevoir, tels qu’il n’est pas permis de les rompre sans devenir ennemis irréconciliables. Lorsqu’ils touchent au terme de la vie, ayant perdu leurs ailes, ils s’efforcent de voler pour sortir du corps ; de sorte que le prix qu’ils remportent de leur fureur amoureuse n’est pas sans valeur, étant transportés par elle, hors des ténèbres et de cette route souterraine où la loi ne permet pas d’entrer à ceux qui ont déjà essayé du chemin qui rapproche du ciel. Après avoir eu une existence brillante, ils sont heureux de cheminer ensemble, portant des ailes semblables, qu’ils doivent à l’amour. Tels sont, ô enfant, les bienfaits immenses que tu recueilleras de l’amitié de celui qui fut ton amant (Platon, Ibid. p. 348 de Ficin, 256 de H. Et.). »
Voilà les pensées de Platon qui ne sont pas celles de Moïse lequel prescrit par ses lois des devoirs exactement contraires, et qui prononce à haute voix la punition à infliger aux pédérastes :
« Si quelqu’un, dit-il (Lévit. XX, 13), reçoit un mâle sur sa couche, en guise de femme, l’un et l’autre ont commis une abomination ; qu’ils périssent d’une mort violente pour le crime auquel ils se sont livrés. »
Puis encore.
« Maudit soit, dit-il, tout homme qui couche avec on homme en guise de femme. »
Mais à quoi bon signaler cette omission du sage par excellence, qui, dans ses lois, n’a point cru devoir infliger la peine capitale aux pédérastes, tandis qu’il la prononce contre l’esclave qui ne révèle pas la découverte d’un trésor, faite par un tiers ? Écoutez en quels termes il le déclare, pour que vous ne m’accusiez pas d’être un calomniateur.