C’est en remontant à des temps extrêmement anciens, à des siècles très reculés, on peut même dire à la première apparition de l’homme sur la terre, que les Hébreux ont découvert les principes de la véritable et pieuse philosophie ; qu’ils ont transmis intact, aux générations successives du père au fils, le trésor des leçons de la vérité, l’ayant reçu et gardé soigneusement, sans se permettre d’y rien ajouter ni d’en rien retrancher, après les avoir une fois admises. Ce n’est donc pas Moïse, quoique doué d’une profonde sagesse, et bien plus ancien qu’aucun des Grecs, mais le dernier venu de tous les Hébreux de cette époque, qui aurait conçu l’idée de remuer et de refaire cette tradition délivrée par les patriarches, en ce qui concerne la théologie dogmatique. Il a pu seulement jeter les bases d’une législation et d’une constitution politique en rapport avec le genre de vie des hommes au milieu desquels il se trouvait. Ce ne sont pas non plus les Prophètes qui ont fleuri après d’innombrables périodes d’années, qui auraient osé proférer une seule parole dissonante avec ce qui avait reçu l’autorité de la loi, soit de Moïse, soit des hommes chéris de Dieu qui l’avaient précédé dans le monde. Ce n’est pas enfin notre enseignement contemporain, sorti n’importe d’où, qui » ayant envahi presque toute la Grèce et toute la contrée barbare, par l’effet de la puissance divine, aurait pu introduire la moindre disparité dans ce corps de doctrine, donné par ceux qui nous ont instruits ; à moins que l’on ne dise que cet enseignement conserve la même teneur, non seulement quant aux dogmes de théologie ; mais même, quant à la manière de vivre, que celle adoptée par les Hébreux chéris de Dieu et antérieurs à Moïse. Nos croyances sont telles, en effet, que, professées par des hommes de tous les rangs, d’un accord unanime, elles portent dans tous les suffrages l’empreinte de la stabilité qui n’appartient qu’à la véritable piété et à la saine philosophie : elles remplissent tout l’univers, se rajeunissant chaque jour, et fleurissant comme si elles étaient encore dans leur première sève. Ni les injonctions législatives, ni les pièges des ennemis domestiques, ni les glaives, souvent aiguisés, de ceux du dehors, n’ont pu triompher de la vertu intrinsèque des doctrines que nous professons : ils n’ont fait qu’en montrer la puissance. Voyons maintenant quelle force nous signaleront les sectes de la philosophie grecque ? Semblables aux navires poussés sur les lagunes, nous verrons descendre, les premiers sur l’arène, les physiciens ainsi nommés, qui, comme nous l’avons dit, ayant vécu avant l’époque où a brillé Platon, ont été livrés entre eux à des dissensions interminables, que ce philosophe nous révèle. Il accuse, en effet, le combat à outrance de Protagore, d’Héraclite et d’Empédocle, contre Parménide et ses partisans. Ce Protagore avait été disciple de Démocrite, et avait acquis la réputation d’athée, parce que, dans son livre sur les Dieux, il débutait ainsi :
« Au sujet des Dieux, je ne sais pas s’ils sont ou s’ils ne sont pas, ni quelle est leur essence. »
Démocrite avait dit que le vide et le plein étaient les deux éléments de l’univers. Il appelait plein ce qui est solide, et vide ce qui ne l’est pas : en sorte, disait-il, que l’être n’a pas plus de réalité que le néant. Il ajoutait que les choses existantes, répandues de toute éternité dans le vide, y étaient dans un mouvement violent et continuel. Héraclite disait que le feu était l’élément universel de qui tout provenait, et en quoi tout devait venir se perdre. Car tout n’était qu’un échange perpétuel, et il ajoutait que le temps était marqué dans lequel tout devait être dissous par le feu, et où tout devait renaître du feu. Ces philosophes, sont aussi dans l’opinion que le mouvement est universel. Parménide était d’Élée. Il déclarait que le tout n’était qu’un, qu’il était sans principe de génération et immobile, doué d’une forme sphérique. Mélissus fut le compagnon de Parménide ; il professait les mêmes dogmes que lui. A ce sujet, écoutons ce qu’en dit Platon dans le Théétète.