« Platon ayant dit que l’âme ornait tout en parcourant tous les espaces ; que c’était par elle que les autres substances consentaient à être gouvernées ; que la nature n’était pas autre chose que l’âme, bien entendu que ce n’est pas l’âme irraisonnable ; enfin Platon ayant conclu de ces prémisses que tout arrive d’après les décrets de la Providence, en tant que c’est suivant la nature, Aristote ne donne son adhésion à aucun de ces principes. D’abord il dit qu’il est faux que la nature soit âme ; ensuite, que tout sur la terre soit administré par une même nature ; car dans chaque événement on découvre d’autres et d’autres causes. Il suppose aux mouvements du ciel, qui sont invariables et toujours dans les mêmes conditions, le destin pour cause : aux effets sublunaires, la nature ; aux actions humaines, la prudence, la prévoyance et l’âme : ayant donné une surface brillante à cette distribution, il n’en a pas démontré la nécessité. S’il n’existait pas une seule force pleine de vie qui parcourt tous les lieux, qui lie et enchaîne toutes choses, on ne pourrait pas dire que l’univers fût sagement et magnifiquement gouverné ; ce serait un aveuglement pareil à celui du fondateur d’une ville qui espérerait que tout irait bien sans la concentration du pouvoir, de croire que cet univers si admirable se maintient tel que nous le voyons, par la raison seule, sans lier et en rapprocher les parties, par une communauté d’intérêts.
« Aristote dit bien qu’il y a une telle chose qui règle toutes les choses individuelles, comme il y a un principe du mouvement ; mais il ne veut pas avouer que ce soit l’âme ; et cependant Platon avait démontré que, pour tous les corps mis en mouvement, le principe et la source de ce mouvement n’était autre que l’âme. Ce qui ne peut être que l’œuvre d’une âme raisonnable et éclairée : savoir, ne rien faire sans une intention ; il l’attribue à la nature, à qui il refuse le nom d’âme ; comme si c’était de noms et non pas d’énergies réelles que les choses procèdent. »