Échec à la dépression

ÔTER L’ÉPINGLE

Alain, l’auteur d’un ouvrage excellent : « Propos sur le bonheur », ouvre son livre par l’exemple que voici :

Bébé hurle soudain en se tortillant. Maman accourt et, pour le calmer, propose le biberon. En vain. L’enfant crie de plus belle. Inquiète et perplexe à la fois, la mère s’interroge : le lait serait-il trop chaud ? Pas assez ou trop sucré ? et de supposer mille raisons jusqu’à ce qu’enfin apparaisse la cause réelle du petit drame : une épingle mal placée, oubliée au fond de la culotte, pique l’enfant qui hurle de douleur. Alors le remède est simple, rapide, efficace : il suffit d’’ôter l’épingle. Et le philosophe de conclure : « Quand ça va mal … cherchez l’épingle. »

Il y a des dépressions qui ne seront jamais surmontées par de simples résolutions, des actes de foi ou des cures de sommeil aussi longtemps que « l’épingle » sera là. Sans généraliser toutefois. Car, de même qu’une maman aurait tort de conclure qu’il y a nécessairement une épingle dans la culotte chaque fois que l’enfant gémit, de même nous nous tromperions de croire que toutes les dépressions ont des causes précises, extérieures, qu’il faut éliminer avant d’espérer retrouver l’équilibre nerveux.


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J’ai maintes fois noté au cours de mes entretiens que les personnes occupant un emploi où une situation qui les dépasse, c’est-à-dire bien au-dessus de leur compétence, sont des candidats à la dépression.

Je pense ici à tel ouvrier qualifié, sérieux et ordonné qui se signale à ses chefs par un travail bien fait et une conduite irréprochable. Pour le récompenser, le directeur lui confie un poste de sous-ingénieur qui, naturellement, le flatte et le réjouit. Or, trois ou quatre mois plus Lard, il s’effondre. Pourquoi ? Parce qu’il ne possède pas les qualifications qu’exige sa nouvelle fonction. En effet, pour conserver la confiance de ses supérieurs sans jamais les décevoir, pour échapper aux quolibets de ses nouveaux subordonnés qui le jalousent, cet homme se surveille avec inquiétude, fait double tâche, multiplie les précautions, soupçonne de justes critiques, s’irrite contre ses collègues qu’il accuse de ses échecs … Bref, il vit sous une tension constante et il est en danger. Le remède ? Il est fort simple : « Oter l’épingle ». La paix et l’équilibre ne reviendront que lorsque l’employé, renonçant à sa promotion, reprendra la tâche d’hier.

J’ai rencontré, jadis, un croyant en pleine débâcle nerveuse. Cet homme ayant réussi parmi la jeunesse de son église, se voit appelé à prendre la tête d’une œuvre importante qui demande imagination, esprit d’initiative et nerfs solides. Le comité lui fait confiance et, naturellement, attend beaucoup trop de lui. Trop … et il le devine car il n’a pas les dons de leader. Et pour de semblables raisons, ses nerfs cèdent quelques mois plus tard. Le remède ? Oter l’épingle. C’est-à-dire en l’occurence, avouer humblement son incompétence et laisser la place à un autre en s’opposant, s’il le faut, à un comité qui insiste : « Ce n’est pas vrai, vous avez de l’étoffe. Tenez bon. Ne doutez pas de vous … ». Surtout pas. De tels conseils ne sont pas faits pour activer la guérison.

Voici un jeune père de famille. Belle situation, foyer heureux. Le beau-père, industriel, au soir de la vie, l’encourage à entrer dans l’affaire qui marche bien. Le gendre se laisse convaincre et prend la direction de l’entreprise. Résultat : six mois plus tard, le nouveau patron sombre dans la dépression, simplement parce qu’il n’est pas taillé pour cette tâche. Heureusement pour lui, le beau-père, homme de cœur, comprend le problème. Soucieux du bonheur des siens, il accepte de liquider son affaire et conseille à son gendre de reprendre son premier emploi. Aussitôt, il retrouve équilibre et joie.

Telle épouse se lamente. Son épreuve ? Elle ne peut avoir d’enfants. Une réelle souffrance qu’on aurait tort de minimiser. Cette femme, humiliée lorsqu’elle entre dans un foyer riche en progéniture, éclate en larmes chaque fois qu’elle se penche sur un berceau. Et, comme Rachel qui accablait Jacob, elle s’en prend à son mari qui ne lui donne pas de fils. Ici encore il faut ôter l’épingle. Avec amour. L’épouse ne retrouvera la sérénité que lorsqu’elle acceptera d’admettre sa révolte et de déposer devant Dieu le fardeau qui l’acéable. Certes, il faut encourager de telles femmes et leur rappeler qu’il n’est pas coupable d’espérer toujours. Nombreuses sont les stériles qui ont enfin enfanté. Et sans remonter à Sara ou à Élisabeth, on peut citer les noms de celles qui ont obtenu réponse sur le tard. Toutefois, ce que Dieu demande à l’épouse stérile, c’est d’accepter « l’état dans lequel elle se trouve » présentement. Dans cette soumission, elle retrouvera l’apaisement qui changera l’atmosphère du couple et demain certainement ne la décevra pas.

Un langage analogue doit être tenu à l’endroit des célibataires accablés de ne pouvoir fonder un foyer, chose bien légitime aussi. Nombre d’entre eux se sont aigris, n’acceptant leur état qu’à contre cœur … pour sombrer ensuite dans la dépression. Qui leur jettera la pierre ? L’épreuve est réelle et il faut entourer et comprendre de telles personnes. Toutefois, que le célibataire ne se révolte pas mais demande à Dieu la grâce de « vouloir » ce qu’il redoute (Philippiens 2.13). D’ailleurs, il n’est pas illégitime d’espérer trouver un jour le compagnon de sa vie – on convole à tout âge – pourvu qu’on accepte le moment présent tel que Dieu a jugé bon de nous l’accorder. Il n’y a pas de libération possible sans le « que ta volonté soit faite ». Un conseil cependant. Ne portez pas tout seul votre épreuve mais partagez-là avec un ami sûr qui pourra vous aider à la déposer. A ceci on me rétorque :

– Facile à dire. Je voudrais bien, mais dans mon église personne ne me comprend !

– Allons donc ! Vous ne me ferez jamais croire que parmi les cent ou cent vingt personnes de votre communauté il ne s’en trouve pas une qui ne puisse porter avec vous cette souffrance. Se méfier des autres, c’est se condamner à être seul dans sa peine.

Sitôt après la guerre, j’eus un entretien avec un jeune homme qui ne trouvait pas la paix. Chef de famille – il avait perdu tragiquement son père – il devait assurer par son travail la vie de tous à la maison. Or, vendeur dans un grand magasin, il m’avoua qu’il était obligé, constamment, de vanter une marchandise qu’il savait défectueuse. Ce mensonge l’éprouvait. Enfin, il prit une résolution qui le libéra. Il écrivit une lettre à son patron pour lui annoncer sa résolution de ne plus mentir aux clients … et ne tarda pas à éprouver la paix de Dieu. Plus tard, quoique congédié sans égard, il trouva un emploi dans lequel il put enfin s’épanouir.

Une veuve au visage amaigri et dans un état physique lamentable m’apprit qu’elle souffrait d’insomnie. Après un message où je fus conduit à dénoncer l’adultère, cette femme capitula et renonça à son inconduite car elle entretenait des relations avec un homme marié. Le lendemain, le visage rayonnant, elle me déclara : « C’est merveilleux ! J’ai enfin dormi toute la nuit ». Cette veuve avait « ôté l’épingle » et, du même coup, avait retrouvé son équilibre.


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En évoquant ce dernier fait, comment ne pas penser à David qui, lui aussi, connut la dépression. Il décrit son état d’âme dans le psaume 32 :

« Tant que je me suis tu, mes os se consumaient.
Je gémissais toute la journée …
Nuit et jour, ta main s’appesantissait sur moi.
Ma vigueur n’était plus que sécheresse comme celle de l’été. »

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Pourquoi cette détresse ?

Peu auparavant, le monarque avait commis adultère avec la femme de l’un de ses officiers. Sur le point d’être découvert – un enfant était en route – David ordonna qu’on fit périr le mari. Alors il épousa la veuve et tout rentra dans l’ordre. Ni vu, ni connu.

Il essaya d’oublier son forfait, mais en vain … Ses remords qu’il tentait de refouler, l’épuisaient : « la main de Dieu s’appesantissait sur lui ». Enfin, démasqué par le prophète, il capitula et accepta « d’ôter l’épingle ». Il confessa ouvertement sa faute ainsi qu’il le précise dans ce même psaume (v. 5) :

« Je t’ai fait connaître mon péché, je n’ai pas caché mon iniquilté.
J’ai dit : j’avouerai mes transgressions à l’Éternel … ».

Alors le résultat ne se fit pas attendre. Il éprouva la joie et la certitude du pardon qu’il exprime ainsi :

« Et tu as effacé la peine de mon péché …
Heureux celui à qui la transgression est remise et le péché pardonné ! »
(v. 1).

Y aurait-il dans ma vie, une épingle à ôter ?

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