Échec à la dépression

LE VRAI REGARD

Après un acte de foi apparemment sincère, beaucoup de croyants perdent pied, découragés. Pas le moindre changement. L’exaucement attendu n’est pas venu. Le ciel n’a pas répondu. Pourquoi ce silence ? Peut-être parce qu’on prend pour de la foi ce qui n’en est pas …

Voici un exemple qui précisera notre pensée :

Un ingénieur vient s’ouvrir à moi de ses problèmes. Son visage amaigri, ravagé, en dit long sur son état. Cette âme inquiète, obsédée par l’idée de l’enfer, ne peut trouver la paix.

Je l’écoute longuement, cherchant à comprendre son cas. J’ai devant moi un homme sincère, pleinement lucide sur sa situation devant Dieu, sur sa déchéance et sa révolte. Malgré ses confessions répétées, il patauge dans le doute comme au fond d’un puits ténébreux.

– Il vous manque simplement de croire … lui dis-je après un instant de silence. Tout simplement. Vous devez accepter maintenant le pardon obtenu pour vous au Calvaire …

Je multiplie les citations bibliques qui doivent, à coup sûr, lui apporter certitude et apaisement. Et en effet, la Bible paraît lui procurer un peu de réconfort, mais quelques instants seulement. J’ai beau lui dire de diverses manières : « Mettez votre confiance en Jésus-Christ. Croyez en la valeur de son sacrifice. Prenez au sérieux cette parole de l’Écriture : « Il a fait – c’est donc fait – la paix par le sang de sa croix » (Colossiens 1.20) … cette paix ne vient pas. Des arguments que je juge convaincants ne le rassurent pas. A bout de ressources, je l’invite à prier à haute voix en répétant mes paroles :

– Seigneur, je crois que tu as expié mon péché, entièrement réglé ma dette et que tu veux me faire grâce dans ton infinie miséricorde. Par ta mort sur la croix, tu as ouvert le ciel, tu as, selon l’Écriture, obtenu la réconciliation avec Dieu, le pardon de mes péchés et la vie éternelle. Je le crois et l’accepte pour moi. Maintenant, je crois que tu m’as accordé ta paix. Merci Seigneur.

L’ingénieur énonce fidèlement ces paroles de foi, rend grâces à Dieu et déclare avec conviction : « Je le crois ! ». Puis, il ouvre les yeux et me regarde.

– Alors ?

Son visage déçu me donne sa réponse : la paix n’est pas là.

Je fournis alors de nouveaux textes mais sans résultat. L’entretien menace d’être long, de piétiner sans aboutir … lorsque je réalise enfin que je fais fausse route et entraîne cet ami sur un chemin qui n’est pas le bon. Sans le savoir, je l’amène à se fourvoyer sur trois points, je veux dire à commettre trois erreurs :

  1. Je le pousse à se persuader que la paix est là, ou doit être là, tout simplement parce qu’il adhère à des vérités bibliques. Si bien qu’il se confie en sa foi, qu’il croit en son acte de foi plutôt qu’au Seigneur lui-même. Or, une vérité, la plus vraie si j’ose dire comme toute parole de l’Écriture, est en elle-même inopérante sans l’action du Saint-Esprit.
  2. Sans doute cet homme s’adresse-t-il à Dieu, mais à un Dieu qui doit s’exécuter sur le champ et accorder automatiquement la bénédiction réclamée pour la simple raison que sa créature croit en sa promesse. Or, se confier n’est pas synonyme de « commander ». Jamais le Seigneur n’acceptera d’être l’agent de notre volonté, même en vertu d’une promesse. Il es souverain et doit être traité en Dieu souverain. Trop de croyants voudraient « à coups de foi », mettre le ciel en branle, ce qui ne sera jamais.
  3. La troisième erreur commise par cet ingénieur est de se « tâter » sitôt après la prière de foi pour savoir s’il ressent véritablement la paix tant attendue. A ce sujet, je pense à telle chrétienne qui m’avouai : « Depuis deux mois je suis ébranlée car je n’éprouve plus cette grande paix que j’avais trouvée lors d’une retraite spirituelle l’été dernier. »

Ma réponse ne se fit pas attendre : « Je reste persuadé que Dieu a jugé utile de vous ôter la paix afin que vous ne regardiez plus à la paix mais à Jésus votre paix, pour que vos yeux ne s’attardent pas sur le don mais plutôt sur le Donateur.

Quand comprendrons-nous que les sentiments sont un supplément, en quelque sorte « un extra ». Aussi faut-il donner aux sentiments la place de second plan qui leur revient. S’il nous est accordé d’en éprouver de merveilleux, tant mieux. Ne les refusons pas. Mais si de tels sentiments nous sont ôtés, peu importe : nous n’en mourrons pas. Dieu est sage. Demeurons dans une attitude de foi en disant avec Job, pour un tout autre motif : « L’Éternel a donné ; l’Éternel a ôté ; que le nom de l’Éternel soit béni » (Job 1.21).

Pour en revenir à notre ingénieur, conscient d’avoir égaré cet homme en quête d’assurance, je me ravise et lui conseille :

– Je vois que vous essayez de croire mais sans résultat. Dites à Jésus que vous n’y parvenez pas. Soyez honnête avec lui. N’essayez pas de vous demander « pourquoi ? ». Ne brassez pas des idées et ne partez pas à la recherche d’un autre chemin. Vous n’y trouveriez que migraine et regain de tristesse. Cessez une fois pour toutes cette inutile investigation qui vous use sans vous soulager. Entrez plutôt dans le repos et dites : « Je refuse de lutter encore : Je n’y parviendrai jamais moi-même ». Mais abandonnez-vous maintenant au Seigneur qui libère en lui disant : « Je te laisse agir. Me voici, fais de moi ce que tu voudras … ».

L’homme accepta d’en finir avec lui-même et au lieu de regarder au salut, il fixa les yeux sur le Sauveur. Il ajouta :

– Puisque je n’arrive pas à chasser mes doutes, je te les donne. De même mes tourments. Je n’arrive pas à croire mais je sais que tu m’établiras dans la foi paisible et cela me suffit. Gloire à toi seul !

C’est alors que je l’invitai à aller prendre son repas, l’heure étant venue. Une demi-heure plus tard, il revint tout joyeux, rayonnant :

– Ça y est … Jésus est merveilleux !

Le Seigneur avait répondu à ce simple abandon.

Il y a trop souvent des « je crois » qui ne sont que simple adhésion à telle promesse de Dieu, une sorte d’autosuggestion qui ne change rien. Dire vingt fois : « Je n’ai plus mal aux dents, je n’ai plus mal aux dents … » parce qu’il y a dans le quartier un excellent dentiste n’enlèvera pas pour autant la douleur. Le patient n’aura vraiment la guérison qu’après s’être abandonné entre les mains du praticien. Il faut, non l’effet d’un calmant, fut-il le meilleur, mais l’action directe du chirurgien. Le mal doit être extirpé par « quelqu’un ».

Ainsi, lorsque je vous exhorte à croire pour obtenir la délivrance, je ne dis pas : « Croyez à la guérison. Persuadez-vous que vous êtes guéri puisque la promesse en est faite. Non, mais tournez-vous vers Celui qui accorde la paix et l’équilibre intérieur. Abandonnez-vous maintenant à son action et bénissez-le pour sa fidélité. Cessez de faire barrage à son intervention puissante par le refus de l’incrédulité. ».

Trop de croyants ont cru faire un acte de foi. Et ils ont été déçus parce qu’ils ont cru en leur foi, en la puissance d’un acte de foi. La vérité opère lorsque nous fixons les yeux sur le Véritable.

Etes-vous déprimé ? Le Christ s’approche de vous pour vous accueillir et faire en vous toutes choses nouvelles. Laissez-le entrer et agir et il restaurera votre âme. Ne vous opposez pas à son action toute puissante …


♦   ♦

« Et si ça rate ? me demanda un ancien d’église au cours d’un entretien sur le sujet qui nous occupe. Si ça rate, le malade deviendra pire qu’avant et refusera désormais d’entendre parler de Jésus-Christ. Je visite régulièrement des dépressifs et sais de quoi il est question ! Je ne veux pas les décevoir. »

Qui envisage l’échec peut être certain que « ça ratera  ». A tous les coups et à cause de l’incrédulité des bien portants, je veux dire de l’entourage ou des visiteurs chrétiens. Je vous demande sérieusement : Avec le Fils de Dieu, cela peut-il rater ? Est-il, oui ou non, le Vainqueur de Satan ? Il est vrai que le patient peut refuser de s’abandonner au Libérateur ; s’il attend passivement la guérison et se laisse porter par les autres sans désirer vraiment sortir de sa peine, il ne verra rien se produire, par sa faute. On ne pourra rejeter sur l’entourage la responsabilité du silence de Dieu. Mais Jésus peut-il décevoir quiconque s’attend fermement à lui pour la santé de son âme ? Dois-je hésiter d’affirmer à un malade qu’il a « tout pleinement en Lui, le chef de toute domination et de toute autorité » (Colossiens 2.10) ? Ou renoncer à lui dire « qu’il peut sauver parfaitement ceux qui s’approchent de Dieu par Lui » (Hébreux 7.25) ? Ces déclarations bibliques concernent-elles aussi les déprimés ? Sont-elles « vérité » ou « mensonge » ? Dois-je visiter les malades des nerfs, les exhorter en pensant : « De toutes manières, ça ratera ! » ?

Dieu n’utilisera pas l’ami chrétien qui envisage l’échec : « Celui qui doute est semblable au flot de la mer, agité par le vent et poussé de côté et d’autre. Qu’un tel homme ne s’imagine pas qu’il recevra quelque chose du Seigneur : c’est un homme irrésolu, inconstant dans toutes ses voies (Jacques 1.6-8). J’affirme que l’entourage ou les chrétiens ont leur part de responsabilité dans la détresse de nombreux dépressifs. Pour vous en convaincre, lisez le récit d’une guérison manquée, rapporté dans les Évangiles de Matthieu (17.14-21), de Marc (9.14-29) et de Luc (9.37-43).

Un jeune homme lunatique – sans doute épileptique – se jette parfois dans le feu, en écumant, et cela au grand désespoir des siens. Alors que le Christ descend de la montagne de la Transfiguration avec Pierre, Jacques et Jean, les autres disciples tentent de délivrer l’enfant, mais en vain. Grande est la déception du père qui va au devant de Jésus pour lui dire sa peine : « Maître, je l’ai amené à tes disciples et ils n’ont pas pu le guérir » (Matthieu 17.16). Pourquoi cet insuccès ? Qui faut-il accuser ? L’enfant ? Le père ? Non, mais les disciples puisque le reproche de Jésus s’adresse à eux : « Race incrédule et perverse » (Matthieu 17.17).

Il est grand temps de se laisser sonder par l’Esprit saint et d’accepter pour soi la parole cinglante du Christ : « Race incrédule et perverse ». Pleurons sur nos doutes. Sérieusement. Et cessons de conduire les gens abattus vers un Seigneur qui ne peut rien. Finissons-en avec nos exhortations pieuses et nos conseils gratuits qui laissent le malade dans sa détresse. Ayons un vrai message pour eux. Refusons l’idée d’un échec, demandant à Dieu qu’il nous accorde une nouvelle vision de Celui qui a le pouvoir « de changer le deuil en allégresse » afin de l’annoncer avec conviction à celui qui pleure.

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