La fin est proche

6
CHERCHEZ MA FACE

Je fléchis les genoux devant le Père (Ephésiens 3.14).

La recommandation expresse que Jésus adresse à ses disciples, qu’il s’attend à trouver « debout » et non dans la confusion lorsqu’il paraîtra, tient en quelques mots : « Priez en tout temps » (Luc 21.36 ; 1 Jean 2.28). Dans le chapitre précédent nous avons distingué « la prière communion » de « la prière dans le secret » qui devrait inaugurer chacune de nos journées. N’oublions pas que le Fils de l’homme, fidèlement, se rendait à l’écart très tôt le matin pour converser avec son Dieu. Pourquoi ne l’imiterions-nous pas ? Ecoutons-le : « Quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est là dans le lieu secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra » (Matthieu 6.6).

On ne saurait sous-estimer la valeur de ces tête à tête quotidiens à condition que ce soit bien Sa personne que l’on recherche. Surtout ne faisons pas chorus avec ceux qui disent, un brin superstitieux : « Si je manque le rendez-vous du matin et ne consacre pas au moins dix à quinze minutes à mon Seigneur, alors les heures qui suivent se traîneront dans la médiocrité et la faiblesse. C’est pourquoi je m’applique à Le rencontrer fidèlement sitôt levé pour être fort tout au long de la journée ». Ce langage n’est pas totalement faux, mais le motif est discutable. On ne commence pas sa journée pour soi, c’est-à-dire pour que « ça marche bien » ensuite, afin qu’on soit béni et heureux jusqu’au soir. Non ! On rencontre Dieu pour Lui, pour lui plaire et l’adorer, comme un service qu’il attend, sachant que « le Père demande des adorateurs ». En outre, c’est un acte d’obéissance, à Celui qui ordonne de chercher continuellement sa face (Psaumes 105.4).

Paul, ce fidèle intercesseur, ajoute dans sa lettre à ses amis d’Ephèse, une précision qui n’est pas sans importance et qui risque de passer inaperçue : « Je fléchis les genoux devant le Père ». L’apôtre veut certainement inciter ses lecteurs à en faire autant, lui qui tient à être conscient de prier sous le regard de Dieu, dans sa présence directe, un peu comme s’il redoutait de parler dans le vide.

A l’instar de ce serviteur exceptionnel, nous devrions prendre le temps de nous placer devant Dieu chaque fois que nous l’invoquons, en lui demandant de chasser les pensées vaines qui, trop souvent, occupent notre esprit, et nous empêchent de nous placer réellement « devant Lui ». Ce n’est pas la prière en soi qui a de la valeur, mais la Personne divine que nous invoquons.

Prenons un exemple : Si je veux téléphoner à l’un de mes amis, je saisis d’abord le combiné et compose avec soin son numéro. Puis, j’attends que l’ami décroche à son tour l’écouteur et se présente. Il serait déraisonnable d’entamer la conversation avant de l’avoir au bout du fil, avant d’être assuré que c’est bien lui qui répond à mon appel. Je tendrai bien l’oreille pour m’en assurer. Le dialogue ne s’engagera que lorsque j’entendrai la voix ou le nom de mon ami, mais pas avant. De même quand je prie.

C’est pourquoi, avant de parler au Seigneur, nous devrions prendre le temps de nous assurer, dans le silence (Ecclésiaste 5.1), que nous avons réellement audience auprès de notre Seigneur, que nous avons accès jusqu’en sa présence même, que nos pensées sont tendues vers Lui, que nous n’avons de pensées que pour Lui ; bref, que « notre esprit » est réellement en relation vivante avec Lui afin de ne pas courir le risque d’aligner des phrases en songeant à toute autre chose. « On peut dire des prières sans prier » disait Adèle Pélaz qui ajoutait : « Laisse plutôt ton cœur prier sans paroles que tes paroles prier sans cœur ».

Hélas ! Les chrétiens « pressés » resteront à un niveau superficiel, humain ; ils ne connaîtront pas la « vraie prière », celle qui procède du Saint Esprit (Ephésiens 6.18). Or, la tentation est grande de se précipiter dans un flot de paroles pieuses, sans chercher à savoir si Dieu nous a rejoints. Parfois, il arrive que nous nous trouvions d’emblée dans la présence et la joie du Seigneur ; l’accueil est alors merveilleux. Mais dans la plupart des cas, le contact est plus long à établir, il semble parfois que le ciel est fermé. Alors la tentation est grande de s’accuser, de chercher pourquoi Dieu ne répond pas. Qu’on se rassure. Le ciel est toujours ouvert pour celui qui s’approche humblement du Père, « au moyen du sang de Jésus ». N’a-t-il pas promis d’être toujours avec nous, jusqu’à la fin du monde ? Restons confiants quand « tarde » le Seigneur. Il aime sans doute que nous l’attendions avec soumission et respect, tel un subordonné qui attend son chef qu’il vénère. Pour l’enfant de Dieu, attendre avec confiance est une façon d’honorer le Père, de reconnaitre Sa grandeur et d’accepter sa souveraineté. Précisons ici qu’il ne s’agit pas de « sentir », d’éprouver quelque émotion, ou d’attendre une manifestation quelconque pour croire que Dieu est devant nous. Cette assurance vient lorsque nous sommes apaisés, soumis, n’ayant d’autre pensée que pour Lui.

Surtout, ne nous accusons pas si parfois le Seigneur paraît se faire attendre. N’oublions pas que Satan ne chôme jamais, lui qui s’emploie — et avec quelle énergie — à tenir loin du Seigneur celui qui cherche à le rencontrer, soit en encombrant son esprit de vaines pensées, soit en le maintenant dans l’illusion qu’il dialogue déjà avec son Créateur.

Une excellente chrétienne avouait, peu avant sa mort, qu’il lui fallait du temps et surtout de la volonté pour que ses pensées, tellement indisciplinées, se portent uniquement sur la Personne du Seigneur chaque fois qu’elle se disposait à l’invoquer.

Le verbe « rechercher » employé dans l’expression « rechercher la face de Dieu », et qu’on retrouve à plusieurs reprises dans l’Ecriture, montre qu’il faut faire effort, lutter parfois, en tout cas l’attendre avec confiance, pour le rencontrer réellement.

Les chrétiens qui se précipitent dans la prière sont moins que raisonnables ; ils courent le risque de parler dans le vide, ou plus exactement devant eux-mêmes. Ils croient percevoir la voix du ciel… et c’est leur propre voix qu’ils entendent. Leur interlocuteur n’est pas le Seigneur mais… le Moi, le Moi qui est devenu pieux – mais oui ! – car il a appris beaucoup de choses depuis que le chrétien lit la Bible et fréquente l’Eglise. Le Moi a même des accents divins à s’y méprendre ; le langage évangélique lui est devenu familier et il est capable de citer des textes bibliques les plus appropriés, et donner ainsi à celui qui prie l’illusion d’entendre la voix de Dieu.

Une chrétienne au grand cœur rendait visite à un malade gravement atteint et condamné par les médecins. Elle disait avoir reçu de Dieu l’assurance qu’il guérirait. Aussi s’empressa-t-elle de se rendre auprès du malade pour lui apprendre la bonne nouvelle et l’encourager, en lui disant : « Dieu m’a dit que vous serez bientôt rétabli ». Hélas, cet homme devait décéder le surlendemain, ce qui jeta le trouble parmi les siens qui s’attendaient à la guérison. La preuve était donc faite que ce : « Dieu m’a dit » ne venait pas d’En-Haut. Et pourtant, cette femme était sincère, mais sa sincérité ne l’empêchait pas de prendre pour un message du ciel ce qui n’était que le produit de la pitié qu’elle éprouvait devant ce malheureux, une pitié qui faisait naître en elle le désir, combien louable, d’apporter consolation et espoir à une famille affligée. Son MOI, apparemment sensible et généreux, avait parlé. Mais pas le Tout-Puissant. Donc prudence : le Moi a ses élans — combien séducteurs — de bonté désintéressée. Mais c’est du faux !

Il convient de se rappeler que, hors de Sa communion, nous nous illusionnons constamment sur nous-mêmes ; plus que cela, nos bonnes intentions, nos élans les plus généreux, notre dévouement le plus sincère au service de Dieu ainsi que les actes de charité dont nous pourrions tirer gloire (1 Corinthiens 13.3), peuvent n’avoir rien à voir avec le Seigneur qui prend soin de nous dire : « mes pensées ne sont pas vos pensées et vos voies ne sont pas mes voies » (Esaïe 55.8).

Je dois être convaincu de ceci : Tout change radicalement quand je suis réellement devant Dieu. Dans « Sa lumière » (1 Jean 1.5), autre est mon univers, autres mes notions, mes désirs et mes réactions, autre ma façon d’analyser les situations, autre ma mentalité, ma vision des choses, ma conception même du péché, autre mon amour, autre l’atmosphère qui m’’enveloppe… autre… autre… « Soumis à la lumière divine, ce que nous prenions pour du blé peut n’être que de la vulgaire paille tandis que la paille se révèle souvent blé » (Kelly). Donc, pas de commune mesure entre ma vérité et celle de Dieu. Devant Lui je ne peux vivre selon la chair. Le moi n’est plus au centre, aux commandes ; il disparaît aussi longtemps que je suis dans Sa présence. Devant Dieu, seule Sa gloire occupe mon esprit et compte pour moi ; elle inspire mes choix, mes décisions et me donne la joie et la force d’accomplir sa volonté. Dès lors, « ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ».

Donc, pas de hâte lorsque nous prions ! Assurons-nous d’abord que nous sommes réellement en communication avec le Seigneur. N’oublions pas le conseil judicieux et toujours actuel de l’Ecclésiaste : « Lorsque tu entres dans la maison de Dieu approche-toi pour écouter… Ne te presse pas d’ouvrir la bouche et que ton cœur ne se hâte pas d’exprimer une parole « devant » Dieu… » (4.17-5.1). Oui, prenons le temps de nous placer devant Lui en lui livrant notre esprit pour qu’il l’amène à soumission ; laissons-nous apaiser par le Seigneur et persévérons jusqu’à ce que nous ayons conscience d’être en sa présence. C’est au nom du Fils et en vertu de son sang versé que nous avons la pleine liberté de nous approcher du Père ; notre assurance de nous trouver devant Lui ne repose pas sur l’émotion ou sur des sentiments merveilleux, mais uniquement sur la foi en ses promesses. Ici, il ne s’agit pas de « sentir » mais de croire que nous avons audience devant sa face.

La prière véritable, écrit Chambers, suppose un grand effort de volonté. « Une fois dans notre chambre, une fois la porte fermée (Matthieu 6.6), le plus difficile c’est de prier. Nous avons du mal à discipliner notre pensée ; ce qui fait d’abord obstacle à la prière, ce sont nos pensées vagabondes. C’est là qu’il faut lutter avec énergie pour balayer toute cette rêvasserie qui encombre notre esprit, pour concentrer toute notre pensée sur le Seigneur, pour prier enfin de toute notre volonté ».

Voici quatre précieuses promesses :

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant