Théologie Systématique – III. Prolégomènes et Cosmologie

1. Démonstration biblique de la doctrine de la Trinité

La doctrine de la Trinité, c’est-à-dire d’une essence divine commune à trois personnes, est propre à la révélation scripturaire, et spécialement à l’enseignement de Jésus et des apôtres. Elle ne saurait être établie ni par voie de construction spéculative, ni par la méthode dite expérimentale, consistant à déduire cette donnée biblique des faits de l’expérience ou de la conscience chrétienne (Franck) ; et tous les pressentiments ou analogies de cette doctrine que l’on a prétendu découvrir soit dans le champ de la philosophie, soit dans l’histoire des religions, nous éloignent plutôt qu’ils ne nous rapprochent de la donnée scripturaire. Ici ou jamais, c’est la révélation donnée sur Dieu à l’homme par Dieu lui-même qui doit être seule interrogée, et aux lacunes de cette révélation doivent correspondre les lacunes de notre connaissance.

Les deux trinités philosophiques les plus connues, celles du Néoplatonisme et de l’Hégélianisme, ne sont que des processus ontologiques ou logiques, où des concepts prennent la place de substances personnelles. Il est inévitable d’ailleurs que, dans toute construction spéculative de la doctrine de la Trinité, la supériorité soit attribuée au troisième terme considéré comme la synthèse des deux autres. Or cette postposition est, comme nous l’établirons tout à l’heure, directement contraire à l’enseignement scripturaire.

Les religions étrangères aux révélations bibliques ne sauraient, elles non plus, nous fournir l’analogie que nous cherchons. La religion naturelle, comme nous l’avons dit précédemment, l’ignore absolument. Le tri-théisme brahmanique, tel que nous pouvons le connaître, ne nous présente dans les personnifications successives de la Trimurti, que les évolutions de ce panthéisme qui est à l’origine de toutes les religions païennes, et qui a fait la transition du monothéisme primitif au polythéisme. Brahm est un principe neutre, l’unité simple de la nature, avant de devenir le Brahma personnel, créateur du monde. On ne saurait attribuer aucune de ces origines ténébreuses aux personnes de la Trinité biblique. Ici τὸ ὄν s’appelle éternellement : ὁ ὤν.

La révélation de l’Ancien Testament elle-même, si strictement monothéiste, ne pouvait renfermer non plus que des indications imparfaites de cette donnée. L’idée monothéiste devait avant tout être inculquée à la conscience israélite, et ce résultat eût été compromis, surtout chez un peuple si enclin au polythéisme, par la révélation prématurée d’une pluralité de personnes dans la communauté même de l’essence divine. Si cependant l’Ancien Testament ne contient pas encore une révélation explicite sur cet objet, nous pouvons y suivre des pressentiments toujours plus distincts du mystère. Une aspiration continue vers cette réalité supérieure traverse toutes les périodes de cette économie, préparatoire en ceci comme en tout le reste.

1.1 Des pressentiments propres à l’Ancien Testament d’une pluralité de personnes dans l’essence divine

Aucun des anciens dogmaticiens protestants ne mettait en doute que la doctrine de la Trinité ne fût contenue dans l’Ancien Testament ; on discutait seulement sur le degré de clarté de cette révélation ; il s’agissait de décider si la notio trium personarum in una deitate était explicita et distincta, clara et perspicue proposita in Vetere Testamento, ou seulement implicita ; et Calixt (XVIIe siècle) s’attira de fortes censures pour avoir défendu ce dernier point de vue. Les ultra-orthodoxes de l’époque, Calow et Quenstedt prétendaient que le mystère de la Trinité était déjà révélé si clairement dans l’Ancien Testament que les fidèles de l’ancienne Alliance eussent pu l’en déduire sans le secours du Nouveau. Gerhard faisait une réserve et trouvait dans l’Ancien Testament : gravissima testimonia de Trinitate, licet obscuriora respectu claræ lucis in N. T. On établissait la preuve :

  1. Sur les passages où Dieu est nommé et se nomme au pluriel : Genèse 1.26 ; 3.22 ; 11.7.
  2. Sur la forme plurielle Elohim, qui construite dans la règle avec le singulier du verbe, exprimerait l’unité dans la pluralité, et qui construite avec le pluriel du verbe : Genèse 20.13 ; 35.7, exprimerait la pluralité dans l’unité.
  3. Sur les passages où Jéhova se distingue de lui-même : Genèse 19.24 ; Psaumes 110.1 ; Osée 1.4,7.
  4. Sur les passages où Jéhova est associé à son Fils : Psaumes 2.7 ; Proverbes 30.4.
  5. Sur ceux où les trois personnes sont indiquées ou nommées expressément : Genèse 1.1-3 ; 48.15-10 ; Psaumes 33.6 ; 2 Samuel 23.2-3 ; Ésaïe 48.16 ; 63.1-10.
  6. Sur la présence des ternaires : Nombres 6.24-26 ; Ésaïe 6.3.

Nous écartons sans discussion l’argument qui se tire de la forme plurielle Elohim, et qui, du consentement unanime des interprètes modernes, ne saurait avoir cette portéeh. Elle doit s’expliquer en effet soit comme expression de la plénitude des forces vitales renfermées dans l’Être divin, soit comme un vestige de polythéisme rectifié par la révélation.

h – Nous avons été surpris de rencontrer cette opinion surannée dans le beau livre de M. Guyot, La Création.

Les textes où Jéhova parle à la première personne du pluriel (Genèse 1.26 ; 3.22), peuvent s’entendre et ont été entendus non pas d’une pluralité de personnes en Dieu même, mais d’une confabulation entre Dieu et les créatures éminentes, les témoins de son œuvre primitivei.

i – Le pluriel majestatis, admissible encore dans le premier texte, ne le serait en tout cas plus dans Genèse 3.22.

La mention du Fils de Dieu, Proverbes 30.4, peut s’expliquer encore comme une forme de langage proverbiale, et ne saurait non plus avoir une portée dogmatique dans ce contexte.

Nous reconnaissons en revanche une valeur relative aux autres arguments, trop dédaignés par une partie des interprètes modernes.

Nous ne saurions, quant à nous, méconnaître une intention supérieure dans les passages précités où Jéhova est nommé dans deux relations distinctes, comme Genèse 19.24 ; Osée 1.7. Les ternaires aussi : Nombres 6. 24-26 ; Ésaïe 6.3, nous paraissent receler le pressentiment plus ou moins distinct d’une vérité encore voilée.

Les textes qui attribuent au Messie futur, soit sous forme typique, soit sous forme directe, une communauté d’essence avec Jéhova, Psaumes 2 et 110 ; Ésaïe 9.5 ; Michée 5.2, ont à nos yeux une signification plus haute et plus distincte encore ; et parmi ceux-là nous plaçons au premier rang les mentions que nous suivons à travers tout l’Ancien Testament, depuis Genèse 18 jusqu’à Malachie 3.1 — ce passage rapporté par Jésus à lui-même, Matthieu 11.10j — du Maleach Jehova, en qui est le nom de l’Eternel, Exode 23.21, et qui est appelé aussi la Face et l’Ange de la face, Exode 33.14 ; Ésaïe 63.9. Nous mentionnons encore le langage prêté à la Sagesse de Dieu, qui atteint à la personnification, Proverbes 8.22 (comp. Job 28.20-28), et dans lequel Jésus s’est également reconnu, Luc 8.35.

j – La comparaison de Matthieu 11.10 avec Malachie 3.1, est des plus instructives pour la Théologie biblique, en ce que le prophète identifiant l’Ange de Jehova et Jéhova lui-même, Jésus, par la substitution du toi au moi du texte prophétique, a prononcé sa propre identité avec l’un et l’autre.

Les textes enfin qui nomment l’Esprit de Dieu ou l’Esprit de Jéhova, depuis Genèse 1.2  ; 6.3, jusqu’à Psaumes 33.6 ; 104.29 ; Ésaïe 11.2 ; 61.1, sans exprimer déjà la personnification de ce troisième terme, y tendent cependant, et dépassent en tout cas la notion d’un principe ou d’une force purement abstraite.

Mais toutes ces indications sont encore éparses au cours des révélations préparatoires, plusieurs se dégageant à peine du type historique qui les retient comme une gangue ; d’autres saillent inopinément du contexte, d’autant plus significatives par là même. L’on peut dire que la doctrine de la Trinité perce de toutes parts le voile des révélations préparatoires, mais sans transparaître nulle part, ni s’imposer par une évidence logique à l’interprétation.

1.2 Révélation de la doctrine de la Trinité dans le Nouveau Testament

Le texte à citer ici en premier lieu, celui qui a été le point de départ de la doctrine ecclésiastique de la Trinité, est la formule du baptême : Matthieu 28.19, qui, comme l’a dit Julius Mïller, établit tout ensemble la divinité du Fils par celle du Père et du Saint-Esprit dont personne ne doute ; et la personnalité du Saint-Esprit par celle du Père et du Fils dont personne ne doute.

Les trois personnes sont également nommées conjointement : 1 Corinthiens 12.4-6 ; 2 Corinthiens 13.13 ; Éphésiens 4.4-6 : trois textes où le terme de κύριος se rapporte évidemment au Christ glorifié. Des échos de la doctrine trinitaire se retrouvent sous la plume d’autres apôtres : 1 Pierre 1.2, 3-17 ; 1 Jean 1.3 ; 4.13 ; Apocalypse 1.4-5 ; Jude 1.20-21.

Nous ne saurions en revanche citer ici comme texte probant le récit du baptême de Jésus : Matthieu 3.13-14, bien que les trois personnes figurent dans la scène, mais sans que l’identité du personnage désigné comme le Fils avec la seconde personne, ni celle de l’Esprit avec la troisième, en ressorte avec évidence.

Nous écartons également du nombre des loci probantes quelques-uns de ceux cités par Zöckler : Jean 14.16 ; 15.26 ; 16.14 et sq., où Christ parle encore dans son état d’abaissement, et où sa filiation essentielle n’est pas non plus clairement énoncée.

Le texte 1 Jean 5.7, qui donne la formule précise et complète de la doctrine de la Trinité, doit être également écarté comme notoirement inauthentique.

Aux textes du Nouveau Testament qui associent dans une même formule les trois personnes divines doivent être ajoutés ceux qui établissent la consubstantialité du Fils au Père et la personnalité du Saint-Esprit.

Quant aux textes relatifs à la filiation essentielle de Christ, nous remarquons, bien que cette réserve ne doive avoir aucune conséquence pratique et ne porte que sur un principe de méthode, que notre but actuel n’est ni de démontrer ni de définir la divinité du personnage historique appelé Jésus-Christ. Nous n’avons pas même pour le moment à démontrer l’identité de la seconde personne divine avec ce personnage historique, mais seulement à établir l’existence de cette deuxième personne divine ainsi que la personnalité de la troisième.

Au nombre des textes qui établissent la consubstantialité du Fils au Père, nous plaçons au premier rang les témoignages de Christ concernant le rapport transcendant de ces deux personnes ; dans les synoptiques d’abord : Matthieu 11.27 ; Marc 13.32 ; et dans le quatrième évangile : Jean 3.16 ; 5.26 ; 17.5 ; comp. Jean 8.58 ; 10.30 ; 16.28.

Nous en appelons ensuite aux principaux témoignages apostoliques ; de saint Paul, tout d’abord dans les épîtres de la première période de sa carrière, celles dont l’authenticité n’est pas contestée : Romains 9.5 ; 1 Corinthiens 8.5-6 ; comp. Romains 8.32 ; — τοῦ ἰδίου υἱοῦ2 Corinthiens 4.4 ; 8.9 ; Galates 4.4 ; puis dans les écrits que nous attribuons aux époques de sa première et de sa seconde captivité à Rome, mais qui, quoi qu’en dise la critique, n’ajoutent aucun élément essentiel aux données précédentes : Colossiens 1.15-17 ; Philippiens 2.5-6 ; 1 Timothée 3.16k ; Tite 2.13 ; comp. Colossiens 2.9.

k – Ce texte où nous lisons : θεός, et non pas ὅς, est d’autant plus significatif que, selon toute vraisemblance, il contient le plus ancien fragment connu d’hymne chrétienne.

La doctrine de l’auteur de l’épître aux Hébreux est d’accord sur ce point avec celle de Paul dans les Corinthiens et les Colossiens : Hébreux 1.2-3. Enfin les témoignages personnels de l’apôtre Jean, qui est pour nous l’auteur commun du IVe Evangile, des trois épîtres catholiques et de l’Apocalypse, sont si explicites qu’il est à peine besoin de les énumérer. Nous citons ici : Jean 11-3 ; 1 Jean 1.1-3 ; 5.20 ; Apocalypse 19.13.

La personnalité du Saint-Esprit, qui n’était que pressentie dans l’Ancien Testament, nous paraît explicitement enseignée ou supposée dans les différents textes du Nouveau où l’Esprit est nommé.

II est certain toutefois que tous les endroits du Nouveau Testament relatifs au Saint-Esprit n’ont pas la même portée ; et nous nous trouvons en présence d’une double série de textes, dont les uns paraissent impliquer nécessairement la personnalité du sujet, et les autres, tout aussi nombreux, ne dépassent pas la notion d’un don, d’une force, d’un organe, ou du moins n’atteignent pas avec une évidence inéluctable à la notion de personnalité.

Nous devons tout d’abord écarter de nos considérations actuelles les endroits où soit Dieu (Jean 4.24), soit le Christ glorifié est désigné comme πνεῦμα (2 Corinthiens 3.17).

Parmi les textes où le Saint-Esprit n’est encore désigné que comme un don, une force ou un organe, ou du moins ne l’est pas expressément comme une personnalité, nous citerons d’abord 1 Corinthiens 2.10-11, où le rôle de l’Esprit en Dieu même a pour parallèle le rôle de l’esprit de l’homme en l’homme ; puis ceux relatifs au rôle de l’Esprit dans la naissance et la résurrection de Christ : Luc 1.35, où le terme πνεῦμα ἄγιον a pour parallèle dans le second membre : δύναμις ὑψίστου ; Romains 1.4 ; 8.11. Les passages suivants mentionnent son rôle dans la prédication de l’Evangile et la sanctification du croyant, sans impliquer non plus nécessairement sa personnalité : Actes 1.8 ; 1 Corinthiens 2.4 : ἐν ἀποδείξει πνεύματος καὶ δυνάμεως ; 1 Corinthiens 2.12 : τὸ πνεῦμα τὸ ἐκ τοῦ θεοῦ ; Romains 8.6, où le φρόνημα τοῦ πνεῦματος est opposé au φρόνημα τῆς σαρκός ; 1 Corinthiens 6.19, où il est mentionné comme habitant chez le fidèle et y apportant, pour ainsi dire, la substance de Christ et de Dieu. C’est un don de Dieu, Actes 2.38 ; 1 Jean 4.13. Dans d’autres passages, il est comparé à une flamme (1 Thessaloniciens 5.19 ; comp. Actes 2.3) ; à la sève (Galates 5.22) ; à une eau courante, Jean 7.37-39 ; à l’huile d’onction, Χρίσμα, 1 Jean 2.27.

D’autres passages, dont le sens est plus prégnant que celui des précédents, sont plus favorables à la notion de personnalité qu’à celle d’un simple principe, mais ne sont pourtant pas encore à eux seuls absolument décisifs. Dans Actes 5.3, l’expression : ψεύσασθαι τὸ πνεῦμα τὸ ἅγιον, qui suppose sans doute de préférence la personnalité de l’objet, pourrait encore être interprétée d’après l’analogie des expressions : mentir à ses principes, à sa conscience. Dans Éphésiens 4.30, de même, reproduction accentuée du passage Ésaïe 63.10, l’objet contristé pourrait être encore entendu comme un organe. Il en est de même dans Hébreux 10.29. Dans Romains 8.16, où l’Esprit de Dieu, comme auteur du témoignage, est opposé à notre propre esprit comme objet, on pourrait contester au premier terme la portée personnelle que le second : τῷ πνεύματι ἡμῶν, n’a évidemment pas.

Une fois ces concessions faites, et faites généreusement à l’opinion opposée, il nous sera permis de tenir pour probants en faveur de la thèse de la personnalité du Saint-Esprit, les textes où, soit par les attributs qui lui sont rapportés : sui-conscience, langage, volitions, soit par le rôle qu’il remplit ou par les activités qu’il exerce, l’Esprit de Dieu est assimilé à toute personnalité, ou mis en opposition ou en parallèle avec une personne divine ou humaine.

Jésus attribue incontestablement à l’Esprit dans ses derniers discours une existence personnelle distincte, d’abord par l’appellation même de ὁ παράκλητος (avocat) qu’il lui donne à plusieurs reprises : Jean 14.26 ; 15.26 ; 16.7 ; mais surtout en distinguant, dans le contexte de ce dernier passage, le moi de cet agent des deux autres personnes divines qui l’envoient : ἀφ’ ἑαυτοῦ (v. 13) ; en le désignant par le pronom masculin : ἐκεῖνος joint au neutre : τὸ πνεῦμα, et en lui attribuant des activités qui ne sauraient être exercées que par une personne : ὁδηγήσει, λαλήσει, ἀκούσῃ, ἀναγγελεῖ (v. 13), ἐκεῖνος ἐμέ δοξάσει, ἐκ τοῦ ἐμοῦ λήψεται (v. 14).

Dans les synoptiques, Jésus oppose le langage de l’Esprit à celui des disciples, Matthieu 10.20 : οὐ γὰρ ὑμεῖς ἐστε οἱ λαλοῦντες, ἀλλὰ τὸ πνεῦμα τοῦ πατρὸς ὑμῶν, τὸ λαλοῦν ἐν ὑμῖν ; ailleurs, le péché contre le Saint-Esprit au péché contre le Fils de l’homme : Matthieu 12.31 ; or on ne saurait supposer que l’offense faite à un principe fût plus grave que celle faite à une personne.

Saint Paul, lui aussi, attribue des activités ou des rôles personnels au Saint-Esprit. L’intercession de l’Esprit dans le cœur des fidèles accompagnée d’un intérêt compatissant : συναντιλαμβάνεται ταῖς ἀσθενείαις ἡμῶν, succède en le renforçant, au soupir de ces fidèles eux-mêmes (ὡς αὑτῶς) : Romains 8.26. Ailleurs, l’Esprit est représenté distribuant avec discernement dans l’Eglise les dons spirituels : διαιροῦν ἰδία ἑσκάστῳ καθὼς βούλεται : 1 Corinthiens 12.11 ; mais Il ne se dépense pas dans cette distribution même ; Il reste transcendant à ses manifestations ; Il se possède et s’oppose dans l’unité de sa personne à la multiplicité de ses effets : διαιρέσεις χαρισμάτων, τὸ δὲ αὐτὸ πνεῦμα, 1 Corinthiens 12.4. Enfin l’Esprit intervient plus d’une fois dans le récit des Actes des Apôtres, soit parlant lui-même à la première personne : ἀφορίσατε δή μοι, Actes 13.2, soit donnant des ordres formels : Actes 8.29 ; 10.19 ; 16.7. Dans le décret du concile de Jérusalem, il est associé aux chefs de l’Eglise comme auteur d’une opinion : Actes 15.28.

Que conclure de cette double série de passages ? Deux alternatives se présentent à nous : ou sacrifier la seconde série à la première, ou ramener la première à la seconde. Dans l’article Trinité de l’Encyclopédie des sciences religieuses, et à la suite d’un exposé très impartial d’ailleurs des témoignages scripturaires pour ou contre la personnalité du Saint-Espritl, M. Lobstein se décide pour la première alternative indiquée :

l – Plusieurs des textes qui ont paru à M. Lobstein favorables à la personnalité du Saint-Esprit, ont été classés par nous dans la série opposée.

« Cette solution qui se recommande, s’impose d’elle-même en présence de textes sans cela inconciliables, nous amène nécessairement au résultat suivant : le Nouveau Testament n’établit pas de distinctions hypostatiques entre le Père et le Fils d’une part, et le Saint-Esprit de l’autre ; il n’enseigne pas la personnalité distincte et indépendante de l’Esprit, puisque celui-ci n’est que Dieu ou le Sauveur glorifié, vivant et agissant dans les âmes, y déployant sa force, y répandant ses dons. »

Cette conclusion nous paraît toute gratuite. Comme les passages qui désignent le Saint-Esprit comme une force, peuvent s’accorder parfaitement avec ceux qui le désignent comme une personne, tandis que ces derniers ne s’expliquent point si le Saint-Esprit n’est qu’une force, il nous paraît rationnel de conclure de l’enseignement du Nouveau Testament que le Saint-Esprit est une force divine, un don divin, un agent divin, et que cette force, cet agent est une personne.

L’examen auquel nous nous sommes livré des principaux textes scripturaires relatifs à la doctrine de la Trinité, nous autorise également à nous inscrire en faux contre la déclaration sommaire de Rothe : « La doctrine de la Trinité dans sa formule ecclésiastique, et en général toute doctrine de la Trinité proprement dite, est entièrement étrangère au N. T. C’est en vain qu’on y a cherché des passages où les trois hypostases divines seraient associées comme constituant une unité. »

Nous concluons au contraire que le Nouveau Testament nous enseigne l’existence distincte de trois personnes douées chacune de sui-conscience et de volonté, de trois moi, dans la communauté de l’essence divine.

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