Comme Christ

DIX-NEUVIÈME JOUR
En pardonnant

« Vous supportant les uns les autres, et vous pardonnant les uns aux autres si l'un a quelque sujet de plainte -contre l'autre. Gomme Christ vous a pardonné, vous aussi faites de même. » Col. 3.13.

Pour le racheté le pardon est l'une des premières grâces qu'il reçoit de Dieu, celle qui lui ouvre une vie nouvelle, qui lui est le signe et le gage de l'amour de Dieu. Le pardon de Dieu nous donne droit à tous les dons spirituels qui nous sont préparés en Jésus-Christ. Jamais, ni ici-bas, ni dans l'éternité, le racheté ne pourra oublier qu'il est un pécheur pardonné. Rien ne contribue mieux à raviver son amour, à alimenter sa joie, à affermir son courage que l'expérience sans cesse renouvelée de l'amour et du pardon de Dieu, dont le Saint-Esprit lui fait une vivante réalité. Chaque jour toute pensée, toute grâce reçue de Dieu lui rappellent qu'il doit tout au pardon de Dieu. Cet amour qui pardonne nous révèle une des plus hautes perfections divines. C'est à pardonner que Dieu trouve sa gloire et son bonheur. Et c'est cette gloire et ce bonheur que Dieu veut faire partager à ses rachetés, quand il les appelle à pardonner eux-mêmes aussitôt qu'ils ont reçu leur pardon.

N'avez-vous jamais remarqué que de fois et avec quelle force Jésus insiste là-dessus ? Si nous lisons avec réflexion les paroles du Seigneur dans Matthieu 6.12, 15 ; 18.2-25 ; Marc 11.25, nous comprendrons combien le pardon de Dieu est inséparable de notre pardon, à l'égard de nos semblables. Après l'ascension de Jésus, l'Ecriture nous dit de lui ce que lui-même avait dit du Père, que nous devons pardonner comme lui : « Comme Christ vous a pardonné, vous aussi faites de même ». C'est comme Dieu, c'est comme Christ, que nous devons pardonner.

Il n'est pas difficile d'en comprendre la raison. Quand l'amour qui pardonne vient à nous, il ne se borne pas à nous affranchir du châtiment ; il fait plus encore, il veut nous gagner à lui, prendre possession de nous et habiter en nous. Et une fois établi en nous, il ne perd pas son caractère divin, il est toujours l'amour qui pardonne et qui fait son œuvre non seulement pour nous, mais en nous et par nous, nous amenant à pardonner à ceux qui pèchent à notre égard. Il en est si bien ainsi que, selon l'Ecriture, ne pas pardonner est le signe certain de n'avoir pas été pardonné soi-même. Celui qui ne recherche le pardon que par égoïsme et pour être affranchi du châtiment, mais n'a pas encore laissé l'amour qui pardonne prendre la direction de son cœur et de sa vie, montre par là que le pardon de Dieu ne l'a pas encore réellement atteint; tandis que celui qui a vraiment reçu et accepté son pardon trouvera dans la joie avec laquelle il pardonne aux autres la confirmation de sa foi au pardon de Dieu. Recevoir de Christ le pardon, et pardonner ensuite comme Christ, sont donc une seule et même chose.

Voilà ce qu'enseignent les Ecritures ; mais, que disent la vie et l'expérience des chrétiens ? Hélas ! combien d'entre eux savent à peine ce que la Bible dit là, ou, s'ils le savent, pensent que c'est trop attendre d'un être pécheur ; combien aussi, tout en admettant en général ce que nous venons de dire, trouvent toujours dans leur cas particulier quelque raison pour se dispenser d'obéir. On allègue à sa décharge que ce serait affermir le méchant dans le mal, ou que jamais l'offenseur n'eût pardonné lui-même pareille injure, ou que même des chrétiens éminents ne pardonnent pas ainsi. Jamais les excuses ne manquent, et pourtant le commandement est clair autant que l'avertissement qui le suit est solennel : « Comme Christ vous a pardonné, vous aussi faites de même ». « Si vous ne pardonnez pas aux hommes leurs offenses, votre Père ne vous pardonnera pas non plus les vôtres ». (Mat. 6.15). En raisonnant ainsi on ôte à la parole de Dieu sa force, sans comprendre que c'est précisément en pardonnant que l'amour de Dieu cherche à vaincre le mal, et que c'est pour cela qu'il pardonne jusqu'à septante fois sept fois. N'est-ce pas ce que Christ a fait qui doit me servir de règle plutôt que ce que pourrait faire tel autre en pareil cas ? N'est-ce pas en me conformant à l'exemple de Christ plutôt qu'à celui d'éminents chrétiens que j'obtiendrai la preuve d'avoir reçu moi-même le pardon de mes péchés ?

Hélas ! quelle est l'Eglise, quel est le groupe de chrétiens qui ne transgresse cette loi de l'amour qui pardonne? Que de fois dans nos assemblées religieuses, dans nos œuvres philanthropiques, aussi bien que dans nos rapports de société, et jusque dans notre vie domestique, nous avons la preuve que pour un grand nombre de chrétiens l'invitation à pardonner comme Christ a pardonné n'est pas encore devenue la règle de leur vie habituelle. A propos de quelque divergence d'opinion, de quelque objection à ce qui paraît juste et bon, à propos de quelque dédain supposé ou vrai, de quelque rapport imprudent ou malveillant, on accueille des pensées de rancune, de mépris ou de froideur, plutôt que d'aimer, de pardonner et d'oublier comme Christ. Dans ces cas-là, l'esprit et le cœur ne sont point encore sous l'influence de cette loi de compassion, d'amour et de pardon qui relie la tête aux membres, et qui doit régler tous les rapports des membres entre eux.

Bien-aimés disciples de Jésus, vous qui êtes appelés à représenter son image dans le monde, apprenez que comme le pardon de vos péchés fut la première chose que Jésus fit pour vous, de même le pardon à l'égard de vos semblables est une des premières choses que vous avez à faire pour lui. Souvenez-vous que pour le cœur renouvelé, la joie de pardonner aux autres dépasse si possible la joie de se savoir pardonné soi-même. La joie d'être pardonné est seulement la joie du pécheur, une joie terrestre, tandis que la joie de pardonner est une joie semblable à celle de Christ, une joie céleste. Oh ! comprenez que vous êtes appelés à participer ainsi à l'œuvre même de Christ et à la joie dont il jouit lui-même.

C'est par là que vous pourrez être bénédiction pour le monde. C'est en pardonnant que Jésus gagne ses ennemis et se fait des amis. C'est en pardonnant que Jésus a fondé son royaume et qu'il continue à l'étendre. C'est aussi par le même amour qui pardonne que l'Eglise convaincra le monde de l'amour de Dieu. Quand le monde verra que cet amour est non seulement prêché dans l'Eglise, mais qu'il anime la vie de chaque disciple de Christ, quand il verra des hommes et des femmes se conduisant comme Jésus et pardonnant comme lui, il sera obligé de reconnaître que réellement Dieu est avec eux.

Et si cela vous paraît trop difficile, trop élevé pour vous, souvenez-vous que c'est votre cœur naturel qui parle ainsi. Notre nature pécheresse ne goûte pas cette joie-là et ne peut jamais l'obtenir. Mais dès que nous sommes unis à Christ, nous le pouvons ; celui qui demeure en Christ marche comme lui-même a, marché. Si vous avez renoncé à vous-mêmes pour suivre Christ en toutes choses, il vous en rendra capables par son Saint-Esprit. Sans attendre le moment de la tentation, accoutumez-vous d'avance à contempler Jésus comme votre Modèle dans la céleste beauté de son amour et de son pardon, car « en contemplant la gloire du Seigneur, nous sommes transformés à son image de gloire en gloire ». (2 Cor. 3.18). Chaque fois que vous priez Dieu de vous pardonner, ou que vous le remerciez de son pardon, prenez l'engagement à la gloire de son nom d'avoir pour tous ceux qui vous entourent le même amour qui pardonne. Avant qu'il soit question de pouvoir pardonner aux autres, il faut que le cœur soit rempli d'amour pour Christ, d'amour pour les frères, d'amour pour les ennemis même. Un cœur plein de cet amour divin trouve du plaisir à pardonner. Dans les petites circonstances de chaque jour, s'il surgit quelque tentation de ne pas pardonner, accueillez avec joie cette occasion de montrer que vous possédez l'amour de Dieu qui pardonne, que vous êtes heureux d'en faire briller un rayon sur les autres, et que vous sentez tout le privilège de pouvoir être ainsi l'image de notre bien-aimé Sauveur.

Pardonner comme toi, Jésus, Fils de Dieu, voilà la règle de ma vie. Toi, qui as donné le commandement, tu donneras aussi la force de l'accomplir. Toi, qui as eu assez d'amour pour me pardonner, tu me rempliras aussi de ton, amour et tu m'enseigneras à pardonner aux autres. Toi, qui m'as déjà donné la joie de savoir mes péchés pardonnés, tu me donneras certainement aussi cette autre joie plus grande encore de pardonner aux autres comme tu m'as pardonné. Veuille pour cela fortifier ma foi en la puissance de ton amour en moi, afin que comme toi je puisse pardonner septante fois sept fois ? que je puisse aimer tous ceux qui m'entourent et leur faire du bien.

O Jésus, ton exemple fait ma loi. Il faut que je sois semblable à toi. Et ton exemple est aussi mon Evangile, la bonne nouvelle qui m'assure que je puis être comme toi. Tu es à la fois ma loi et ma vie. Ce que tu demandes de moi comme mon Modèle, c'est toi-même qui l’opères en moi en me communiquant ta vie. Je pardonnerai donc comme toi tu pardonnes.

Seigneur ! Apprends-moi seulement à vivre dans une plus complète dépendance de toi, à compter sur l'entière suffisance de ta grâce et à me savoir sous une garde sûre par le fait que tu habites en moi. Alors je pourrai croire à la force toute-puissante de ton amour. Alors je pardonnerai comme Christ m'a pardonné Amen.

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