Explication pratique de la première épître de Jean

XIV
Le commandement de Dieu

3.22-24

22 Et quoi que nous demandions, nous le recevons de lui parce que nous gardons ses commandements et que nous faisons les choses qui sont agréables à ses yeux. 23 Et voici son commandement : que nous croyions au nom de son Fils Jésus-Christ et que nous nous aimions les uns les autres ainsi qu’il nous en a donné le commandement. 24 Celui qui garde ses commandements demeure en lui, et lui en cet homme, et c’est à cette marque que nous savons, par l’esprit dont il nous a fait part, qu’il demeure en nous.

Après avoir enjoint aux enfants de Dieu d’observer les commandements de leur Père céleste, l’Apôtre ramène maintenant ces commandements à un seul qui résume tous les autres : « Et voici son commandement, que nous croyions au nom de son Fils Jésus-Christ et que nous nous aimions les uns les autres, ainsi qu’il nous en a donné le commandement. » La loi, sous l’ancienne alliance, donnait des ordres, mais il manquait aux hommes — ce qu’aucune loi ne peut leur communiquer — la force de les accomplir. Aussi la loi ne pouvait-elle servir qu’à réveiller dans l’homme la conscience de sa faiblesse morale, de sa séparation d’avec Dieu, de la désharmonie profonde qui règne en lui, de sa mort spirituelle, en un mot. Mais sous la nouvelle alliance, tous les commandements sont ramenés à un seul, qui consiste non à accomplir certains actes, mais à « croire au nom du Fils de Dieu, » c’est-à-dire à croire en lui comme en Celui que Dieu a envoyé au monde, qui nous délivre du péché, et par lequel seul nous pouvons aller à Dieu. C’est ainsi que Jésus, à cette demande de quelques Juifs : « Que ferons-nous pour faire les œuvres de Dieu ? » répond que l’œuvre de Dieu consiste à croire en Celui qu’il a envoyé, parce que cette œuvre-là, en effet, les renferme toutes (Jean 6.29). « Mais, dit-on, la foi étant le résultat d’une conviction personnelle, comment peut-elle être l’objet d’un commandement ? Comment pouvons-nous être sommés de croire ? comment pouvons-nous nous y contraindre nous-mêmes ? » C’est qu’à y regarder de près, cet ordre n’est pas un ordre, dans le sens habituel du mot, une sommation arbitraire, venant du dehors, sans rien qui la légitime au dedans de nous ; cet ordre n’est, au contraire, que l’expression des plus profonds besoins du cœur de l’homme. L’âme qui cherche sincèrement la vérité, une fois mise en présence de Jésus-Christ, ne peut pas ne pas se sentir attirée vers lui, car il a tous les droits possibles à notre confiance. Il suffit de contempler sa vie avec sérieux pour demeurer convaincu que Dieu l’a accrédité auprès des hommes, comme son propre Fils ; ainsi qu’il le dit lui-même, « le Père l’a marqué de son sceau » (Jean 6.27). Et si, d’une part, Jésus-Christ s’offre à nous environné de toutes de l’autre, Dieu a organisé l’âme humaine de telle sorte qu’elle sent en elle le besoin de s’unir à Jésus-Christ ; dans ses aspirations les plus hautes, dans ses moments les meilleurs, c’est Lui qu’elle réclame, c’est à ce Sauveur qu’elle rend témoignage ; malgré les ravages du péché, il reste un lien indissoluble entre l’âme et Dieu ; « c’est en Lui qu’elle a la vie, le mouvement et l’être. » C’est là l’attrait du Père qui conduit au Fils (Jean 6.44).

Le commandement de Dieu dont parle l’Apôtre trouve donc sa pleine confirmation dans les besoins les plus vrais, les plus intimes du cœur de l’homme ; il n’est qu’une autre forme de ces besoins eux-mêmes ; si Dieu nous commande de croire en son Fils, ce n’est pas qu’il veuille nous imposer d’autorité une foi qui ne serait pas une conviction ; c’est, au contraire, parce que cette foi seule répond à la nature même de notre âme et à ses besoins véritables.

Seulement saint Jean n’entre pas dans ces développements, parce qu’il s’adresse à des hommes pour qui ces vérités étaient des faits d’expérience ; il n’y avait pas lieu à insister auprès d’eux sur cet accord nécessaire entre les besoins de l’âme sincèrement interrogés et la foi chrétienne, car ils en portaient en eux-mêmes un irrécusable témoignage ; le précepte extérieur était devenu en eux une loi intérieure.

Saint Jean se borne donc à poser d’une manière absolue la nécessité du devoir dont il parle. Il y joint l’obligation fondamentale qui découle de la foi en Christ, mort pour le salut des pécheurs, celle d’aimer nos frères. Ce devoir-là embrasse et implique tous les détails de la vie chrétienne. Aussi, en parlant des commandements de Dieu, l’Apôtre passe-t-il sans transition du singulier au pluriel : il vient de parler du commandement de Dieu ; il ajoute maintenant que l’observation de ces commandements est le signe de notre communion avec Jésus-Christ : « Celui qui garde ses commandements demeure en lui et lui en cet homme ; et c’est à cette marque que nous savons qu’il demeure en nous, par l’esprit dont il nous a fait part. » L’observation des commandements divers renfermés dans celui de l’amour fraternel est la marque et tout ensemble la condition de la communion avec le Sauveur. Cette communion se fait sentir à nous par l’Esprit dont Christ nous fait part, et qui est pour nous l’accomplissement de la promesse qu’il fit aux siens, peu avant de les quitter : « Je ne vous laisserai point orphelins ; je viendrai à vous. Je suis avec vous jusqu’à la fin du monde. » Par cet esprit, Jésus-Christ n’est pas moins réellement au milieu des siens aujourd’hui qu’aux jours de sa chair, et cette communion continuera à subsister jusqu’à ce que la foi soit changée en vue.

Il existe donc deux signes auxquels nous pouvons reconnaître si nous demeurons en Christ : l’un intérieur, l’Esprit de Christ, l’autre extérieur et inséparable du premier, l’observation des commandements de Dieu. Nous ne les pouvons accomplir que par cet esprit ; d’un autre côté, nous ne pouvons compter sur l’Esprit de Christ qu’autant que nous sommes fidèles dans l’accomplissement de la volonté de Dieu. Cette règle retrouve sans cesse son application dans le règne de Dieu : le fidèle emploi des grâces reçues est la condition de grâces nouvelles : « A celui qui a, il sera donné. »

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