Homilétique

3.1 De l’explication.

Explication des faits.

Préalablement aux deux genres d’explication que j’ai indiqués, la narration et la description, il en est un autre propre au discours de la chaire : c’est l’exégèse, ou explication du texte, explication verbale, avec les éclaircissements historiques nécessaires.

Un sermon pourrait, dans certains cas, n’être qu’une exégèse nourrie de sentiments affectueux et d’applications pratiques. Mais, en ramenant le mot à sa signification ordinaire, quelle place l’exégèse peut-elle prendre dans l’enseignement de la chaire ? Un usage plus restreint que chez Saurin, mais peut-être plus étendu que dans la prédication actuelle en général. – Si les discussions de ce genre conviennent peu à la chaire, certains résultats peuvent y être indiqués ; et il n’y aurait pas de mal que la prédication donnât peu à peu aux fidèles les renseignements nécessaires pour lire la Bible avec fruitx.

x – Voyez Saurin, Sermon sur les dévotions passagères.

Quant à l’explication, nous y comprenons, non seulement la décomposition des faits ou rémunération de leurs parties, soit dans le temps, soit dans l’espace, mais aussi l’indication des rapports qui lient ces différentes parties, le pourquoi avec le comment. Par là, je l’avoue, nous touchons à la preuve, ou plutôt la preuve entre dans l’explication ; mais l’explication reste toujours le but. Il s’agit de faire connaître ce qui a été, ce qui est ou ce qui sera. – Sous le nom de faits, nous entendons tout ce qui prend une place déterminée dans le temps et dans l’espace, les faits de l’ordre moral comme les autres.

Prenons d’abord la narration. – Elle fait partie essentielle du discours du barreauy. L’avocat doit d’abord exposer les faits, et c’est une des parties où il peut mettre le plus d’art et déployer le plus d’habileté. Il expose les faits, ou peu connus, ou mal connus, et qui, en tout cas, n’ont point encore été racontés. – Le prédicateur est sensé raisonner sur des faits connus.

y – Voir les plaidoyers de Cochin, de Loyseau de Mauléon.

Toutefois la narration peut devenir une partie intégrante et même considérable du discours. Voyez les discours d’Etienne et des premiers apôtres. (Oraison funèbre. – Tableau d’une époque de l’Église.)

Quant à la représentation des faits simultanés, autrement la description, elle est plus rarement l’objet du sermon qu’elle n’est la forme de certaines idées qui font partie du sermon. Elle a quelquefois cependant sa place nécessaire dans le discours de la chaire : ainsi lorsque, dans la peinture des mœurs et des habitudes d’une certaine époque, ou dans la représentation d’une certaine situation de l’homme et de la société, le récit devient stationnaire.

Du reste, même dans les endroits où la narration et la description font partie intégrante du discours et appartiennent au sujet, elles ne jouent le plus souvent dans le discours qu’un rôle subordonné. Le fond du discours de la chaire, ce sont des idées. On ne raconte, on ne décrit des faits contingents que pour établir des vérités immuables. Cela ne peut pas se dire absolument de l’histoire. Sans lui appliquer, comme l’a fait M. de Barante, le mot de Quintilien : Scribitur ad narrandum, non ad probandum, on peut dire pourtant que, dans l’histoire, le récit est en première ligne, que l’historien écrit d’abord ad narrandum. Il n’en est point ainsi de l’orateur ; il n’écrit que pour prouver. Ceci nous conduit dès à présent à faire une remarque qui se présentera plus tard sous un autre aspect ; c’est que l’étendue de la narration et de la description est restreinte et leur forme modifiée par le but et le caractère général du sermon. L’impulsion oratoire se perpétue à travers tous les incidents de la matière, et la narration ou la description n’est à l’ordinaire qu’un incident. Cette donnée première domine tout. On peut, pour s’en faire une idée, voir comment des maîtres de l’art ont narré et décritz.

z – Voyez Saurin, sur les Malheurs de l’Europe. Massillon, sur le Jugement universel ; sur la Vérité de la religion  ; sur les Tentations des grands, depuis : « Sa gloire, Sire… »

La narration et la description peuvent se fondre l’une dans l’autre ; mais la seconde prend souvent la forme de la première, qui est plus oratoirea.

a – Voyez Massillon, sur la Divinité de Jésus-Christ.

La narration et la description ont leurs avantages respectifs. – L’une a plus de vivacité et de mouvement ; l’autre fait un corps de tous les éléments homogènes.

Nous n’avons pu méconnaître que la narration et la description, dans le discours évangélique, sont en général auxiliaires ou subsidiaires. Elles ne sont qu’indirectement la matière du sermon. Ce sont des éléments, des matériaux pour la démonstration.

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