Histoire de la prédication au dix-septième siècle

Jean Mestrezat

 1592-1657 

Jean Mestrezat, né à Genève en 1592, mort à Paris en 1657, la même année que Le Faucheur, se distingua par un développement précoce. A dix-huit ans, il était déjà professeur de philosophie à Saumur. Il fut appelé très jeune à Charenton[e] comme pasteur, sur l’audition d’un seul sermon. Il se rendit célèbre par des conférences ou disputes publiques, où il fit preuve de hardiesse et d’habileté.

[e] Charenton, à deux lieues de Paris, accordé pour le culte en 1606.

L’admiration qu’il avait excitée à son début se soutint pendant toute sa carrière. « Il n’y a point, dit Bayle, de sermons qui contiennent une théologie plus sublime que ceux qu’il prêcha sur l’Épître aux Hébreux. On dit qu’ayant rencontré dans la rue un ecclésiastique de sa connaissance qui avait prêché un Carême avec applaudissement, et l’en ayant félicité : « J’ai pris dans vos sermons, lui répondit l’autre, tout ce que j’ai dit de meilleur[f]. » Sa théologie pouvait, en effet, se convertir facilement en éloquence. Il suffisait pour cela de passionner les arguments, à la manière de Bourdaloue, dont la dialectique est toujours oratoire ; mais Mestrezat n’en prend pas la peine, et nous ne comprenons guère aujourd’hui qu’une vogue soutenue ait pu s’attacher à ses prédications.

[f] Dictionnnaire historique et critique. Article : Mestrezat.

Ce qui, à notre avis, le distingue, c’est d’abord une saine et belle théologie et une connaissance approfondie du système de la religion ; ce sont des pensées larges et élevées, qu’il ne doit pas exclusivement à la nature de son esprit, mais aussi à la scrutation attentive de l’Évangile et à la force de sa méditation. Il s’élève parfois à une hauteur de vues et à une respectueuse hardiesse, qu’on ne trouve pas d’ordinaire chez ses contemporains. Aucun d’eux, par exemple, ne rend hommage comme lui à la valeur de la preuve interne ou immédiate de la vérité religieuse. Cette preuve n’est pas identique pour tous : l’effet en est subordonné à un certain état de l’âme ; mais dans ces limites elle est très forte, elle est la plus forte, et si l’on ne commence pas toujours par là, c’est en tout cas par là qu’il faut finir. J’avais ouï parler de toi de mes oreilles, mais maintenant mes yeux t’ont vu. (Job 42.5) Cette idée est impliquée dans le passage suivant, tiré du premier sermon de Mestrezat sur l’Épître aux Hébreux :


Jean Mestrezat

« Je dis donc, pour revenir à cette Épître aux Hébreux, que, bien que nous ayons grande obligation aux anciens Pères grecs, qui ont universellement tenu cette épître comme divine, et qui finalement ont été suivis de tous les latine ; néanmoins maintenant nous disons franchement que ce n’est plus pour leur témoignage que nous la croyons divine, mais pour elle-même, et pour sa lumière céleste qui resplendit aux yeux de nos entendements. Et faisons ici ce que jadis un ancien disait : Nous mettons en avant la majesté des Écritures, si l’antiquité d’icelles ne suffit à montrer leur divinité. Nous mettons en avant la majesté sublime de cette épître, et proposons la merveille des révélations qui y sont contenues, lesquelles ne ressentent rien de l’esprit humain. »

Quant à la manière dont Mestrezat traite ses textes, elle ne diffère pas par la nature, mais par le degré seulement, de la pratique constante des prédicateurs de cette époque. Nous avons vu chez Du Moulin et chez Le Faucheur une fidélité respectueuse à suivre pas à pas l’Écriture ; mais plus qu’aucun Mestrezat serre énergiquement et interroge avec obstination chacun de ses textes, s’y tenant collé d’un bout à l’autre du discours. Une analyse exacte sans subtilité et sans minutie met en valeur et en relation mutuelle les différentes parties du texte, sans que l’auteur vise à une unité factice. Le tissu du discours est serré, le dessein ferme et constamment suivi ; la traversée est laborieuse pour le lecteur et ne s’accomplit pas sans un certain effort. Si une prédication pareille ne fatiguait pas alors, comme elle fatiguerait aujourd’hui, il faut croire qu’alors les facultés logiques et l’instrument dialectique étaient plus généralement cultivés. La pensée se portait sur moins d’objets, mais avait plus d’intensité. Les gens du monde faisaient leur lecture favorite d’ouvrages que nous ne lirions aujourd’hui qu’à titre d’étude, et la prédication même était sous ce rapport une vigoureuse palestre.

La manière d’écrire de Mestrezat est vénérable, mais rien de plus ; son style est inculte ; sa parole grave, mais pesante et nullement oratoire. C’est, à tout prendre, un commentaire, dans lequel on a mis infuser un peu de rhétorique, bien peu : quelques apostrophes, quelques transitions en font la façon. Le sentiment oratoire et le vrai tact de la chaire semblent manquer à Mestrezat. Même dans les sujets de morale, où l’on s’attend à rencontrer un style plus actif et plus agressif, il se borne d’ordinaire à exposer, ou bien il entremêle l’application et l’explication, sans souci du lieu et de la gradation. Il a l’air de penser que la vérité se suffit toujours à elle-même.

Du reste, il ne fait pas de l’érudition ni de la dialectique en pure perte et pour s’amuser. Il n’est ni scolastique ni artificiel. Enfin il controverse sobrement et à propos.

En résumé, Mestrezat est grave, mais point touchant ; il n’est pas orateur, comme Le Faucheur, et ne songe pas à l’être ; mais il est très bon à étudier pour la doctrine, pour les pensées, pour le raisonnement.

Passons maintenant à l’analyse de quelques-uns de ses discours, et d’abord de son sermon sur Hébreux 3.1-2 : Parquoi, frères saints, qui êtes participants de la vocation céleste, considérez l’apôtre et souverain sacrificateur de notre profession, Jésus-Christ, qui est fidèle à celui qui l’a établi, ainsi que Moïse aussi était fidèle en toute la maison d’icelui[g].

[g] De la Révérence et obéissance due à l’Évangile, ou Sermons sur les chapitres 3, 4, 5 et 6 de l’Épître aux Hébreux. Genève, 1855. Pages 1 à 52.

L’orateur commence par un exorde de dix pages[h]. — Tout ce qu’il y a de bon et de beau dans les créatures ne saurait, étant rassemblé, fournir un terme de comparaison avec la perfection divine, qui offrirait toujours quelque chose au delà. Il y aurait toujours la différence du principe aux effets ; en louant ces choses, c’est Dieu même qu’on loue ; il n’y a donc proprement pas de comparaison. Autant en faut-il dire de Jésus-Christ, en qui toute la plénitude de la divinité réside. Le monde entier échouerait à lui trouver un semblable. — L’Écriture, obligée de représenter les choses divines par les choses humaines, prodigue, pour honorer Jésus-Christ, tout ce que la nature et la vie humaine peuvent offrir tour à tour de grand, d’éclatant, de tendre, d’excellent. C’est ce que nous voyons dans l’épître aux Hébreux, où paraît à chaque instant quelque nouveau tableau, quelque nouvelle comparaison, pour décrire les perfections de Jésus-Christ le médiateur. Dans le chapitre deuxième, nous avons trouvé trois images : celle du premier homme, celle du premier-né de chaque famille d’Israël en Egypte, celle du souverain sacrificateur. Maintenant, c’est celle de Moïse.

[h] Mestrezat a voulu satisfaire aux conditions du genre en faisant des exordes quand son plan n’en comportait pas ; aussi les prend-il parfois un peu en dehors du sujet.

Le but de toute l’épître est d’imprimer un grand respect pour Jésus-Christ. L’Apôtre l’a mis d’abord au-dessus des prophètes et des anges ; à présent il le met au-dessus de Moïse. Son but est non seulement d’exhorter les Hébreux fidèles, mais de convaincre les Juifs incrédules, dont la foi s’obstinait à ne point dépasser Moïse. Il montre à ceux-ci que le Messie a dû être à la fois semblable à Moïse et plus grand que lui : semblable, car Moïse lui-même l’a dit ; plus grand, car il est fils de Dieu et maître de la maison où Moïse n’a été que serviteur. « Il s’ensuivait donc que les Juifs ne devaient point trouver étrange si on leur proposait Jésus-Christ et son Évangile, et si on préférait l’Évangile à la loi. Car c’est comme si l’Apôtre disait : Toutes les prédictions doivent être accomplies ; or, il y a des prédictions du Messie semblable à Moïse et toutefois plus grand que Moïse ; donc il faut que cela soit accompli, et par conséquent que l’Évangile, qui est la parole du Messie, soit reçu et préféré à la loi. » — L’Apôtre ne laisse pas à ceux qu’il réfute la ressource, dont on se faisait fort contre les premiers chrétiens, de l’accuser de manquer au respect dû à Moïse ; car il le déclare fidèle en toute la maison de Dieu et le compare au Messie ; il laisse à la loi de Moïse son rang et son importance, et se borne à la subordonner à l’Évangile, comme la figure à la réalité.

Venant au texte, l’orateur considère trois points :

  1. Les titres que l’Apôtre donne aux Hébreux ;
  2. L’acte qu’il requiert d’eux ;
  3. La convenance entre Jésus-Christ et Moïse.

I. Les titres que l’Apôtre donne aux Hébreux. — Il les appelle frères, non seulement comme issus d’un même père selon la chair, mais puisqu’ils sont convertis, comme issus d’un même père selon l’Esprit ; il leur rappelle ainsi tout à la fois leur origine et leurs rapports mutuels.

Participants de la vocation céleste.Participants, parce qu’ils l’ont acceptée, tandis que leurs frères selon la chair la rejetaient. — Vocation céleste : elle l’est par son origine, par son moyen, par sa fin, par son objet. Voici le développement de la troisième idée :

« Elle est appelée vocation céleste au regard de sa fin et de ce en quoi elle se termine ; car elle se termine en la félicité céleste ; le ciel et la gloire qui nous y est préparée est le but de la supernelle vocation. Et très à propos la vocation des hommes par l’Évangile est appelée céleste, eu égard à ce but, comme opposée à la vocation par laquelle les Pères de l’Ancien Testament étaient appelés par la loi à posséder une Canaan terrienne ; je dis par la loi (car ce qu’ils ont obtenu le ciel n’a pas été par la loi, mais par la promesse, qui était l’Évangile en semence, la loi de soi ne proposant que le repos et la félicité d’une Canaan temporelle), à raison de quoi l’Apôtre dit aux fidèles, au douzième aux Hébreux : Vous n’êtes point venus à une montagne qui se puisse toucher à la main, mais vous êtes venus à la Jérusalem céleste, aux milliers d’anges et aux esprits des justes qui sont sanctifiés, et à l’Église et assemblée des premiers-nés qui sont écrits au ciel. Et ici nous avons de l’avantage, non seulement par-dessus les Pères de l’Ancien Testament, mais même par-dessus Adam en son intégrité, lequel n’était appelé qu’à un paradis terrestre, et nous sommes appelés par-dessus tous les cieux en la maison de Dieu. » La conclusion de ce morceau est que les Juifs n’ont point à regretter leur héritage. Il y aurait quelque chose de plus spirituel à dire sur ce sujet, mais non pas peut-être dans la chaire. Continuons :

« Je dis, en quatrième lieu, que notre vocation en Jésus-Christ est appelée vocation céleste, au regard de tout son objet » (l’orateur aurait peut-être dû dire plutôt : de sa nature), « au sens auquel les choses de l’Évangile et le service qui est rendu à Dieu en esprit et en vérité sont appelés choses célestes, à l’opposite des choses de la loi et du tabernacle ancien, qui étaient terriennes et charnelles. C’est ainsi que se prend ce mot de céleste par saint Paul, et notamment en cette épître : pour exemple, au neuvième de l’épître aux Hébreux, l’Apôtre, après avoir parlé des offrandes et dons qu’on offrait selon la loi, dit : lesquelles choses servent au patron et à l’ombre des choses célestes, où par les choses célestes sont entendues celles de l’Évangile, dont celles de la loi avaient été ombre et figure. Suivant cela, au même chapitre, l’Apôtre appelle le sanctuaire de l’Ancien Testament sanctuaire mondain, et les viandes, breuvages, ablutions et sacrifices de la loi, cérémonies charnelles, par opposition au service spirituel et céleste de l’Évangile. Et ainsi au deuxième de l’Épître aux Colossiens, l’Apôtre appelle éléments du monde les ordonnances de la loi de ne manger, ne toucher, ne goûter, disant que nous sommes morts avec Jésus-Christ à tous ces éléments-là, c’est-à-dire à ces choses terriennes, afin que nous cherchions maintenant les choses qui sont en haut, là où est Jésus-Christ à la dextre de Dieu, c’est-à-dire que notre religion et notre conversation soient spirituelles et célestes. Car, afin que vous entendiez la force de certains arguments de l’Écriture, il faut que vous sachiez que la vie du fidèle et sa religion sont proposées comme devant être de même nature et de même condition, à savoir l’une et l’autre spirituelles et célestes et non plus charnelles et terriennes, tellement que l’Apôtre, par un même moyen et argument (par un même mot, aurait-il aussi pu dire), dispute contre les vices et contre les cérémonies de la loi. » Céleste veut donc dire spirituel, divin. « Le moyen et argument est que Jésus-Christ est mort au monde et vit maintenant au ciel, d’où résulte que le fidèle, devant être conforme à son chef, doit avoir sa conversation et sa religion, non plus mondaine et terrienne, mais spirituelle et céleste. »

Ici l’orateur dit avoir à se plaindre « de l’Église romaine et de nous-mêmes. » Le culte catholique, pompeux et mondain, répond mal à cette vocation toute spirituelle et en détourne les esprits de ses sectateurs. Et nous, nous offrons au monde, à la matière, sans rites et sans cérémonies, un culte bien indigne de notre vocation spirituelle.

Voilà ce qu’est la vocation céleste. Il était important de dire à ceux que l’on séparait de leur vocation terrestre, pleine de perspectives flatteuses pour la chair, qu’ils devenaient participants d’une vocation céleste, et que si Moïse Leur manquait, Jésus-Christ venait prendre sa place, le fils et l’héritier au lieu du serviteur. Ceci le conduit à sa seconde partie.

II. L’acte que l’Apôtre requiert des Hébreux. — « Considérez l’apôtre et souverain sacrificateur de notre profession. Le mot que l’Apôtre emploie en sa langue (κατανοήσατε), et que nous traduisons par considérez, emporte une grande attention d’esprit, une contemplation et méditation. C’est ce mot qui est employé par Jésus-Christ en Luc 12.24, 27 : Considérez que les corbeaux du ciel ne sèment ni ne moissonnent ; considérez comment croissent les lys : c’est-à-dire, prenez bien garde. Ainsi, au septième des Actes, il est dit que Moïse, ayant eu la vision du buisson ardent, s’approcha pour considérer. Partant, ce mot est opposé à un regard léger et superficiel. »

Pourquoi l’Apôtre emploie ce mot :

1. Parce que, si on regarde légèrement les figures et les prophéties de la loi, on n’y trouve pas Jésus-Christ. Il faut, pour l’y trouver, sonder les Écritures. Au dehors, elles parlent de Moïse, d’Aaron, de David, de Salomon ; mais au dedans et au fond elles parleront du Messie, comme ci-dessus nous vous avons fait voir que les paroles qui avaient été dites à David touchant Salomon : Je lui serai un père et il me sera un fils, au fond s’entendaient de Jésus-Christ, et que ce que le prophète Ésaïe avait dit de soi apparemment : Me voici et les enfants que Dieu m’a donnés, au fond s’entendait de Jésus-Christ et n’avait sa pleine vérité qu’en lui. » L’Apôtre demande aux fidèles du Nouveau Testament ce qu’il n’eut pas demandé à ceux de l’Ancien, « qui n’avaient pas, dit-il, la force de regarder au dedans des ombres et des figures. »

2. L’autre raison est tirée de la nature même de la foi justifiante. L’orateur en donne une belle définition : « La foi justifiante n’est autre chose qu’une sérieuse et véhémente considération de Jésus-Christ, opposée à la foi à temps, qui est une considération de Jésus-Christ légère et superficielle, laquelle par conséquent ne produit point de racines d’amour et de charité dans le cœur. Et pour cela la foi est opposée à tous nos défauts et manquements en la régénération ; car tous nos défauts, à proprement parler, viennent de ce que nous ne considérons pas Jésus-Christ, c’est-à-dire que nous n’imprimons pas bien avant en nos entendements cette grande charité et bonté, et cette souveraine a justice et sainteté, que Dieu nous a montrées en Jésus-Christ. »

Ce qui suit est la partie la plus oratoire et la plus applicative de ce discours :

« Toi, qui as si peu de soin de complaire et agréer à Jésus-Christ en tes actions, d’où vient ce manquement, sinon de ce que tu ne considères point ce grand amour que Jésus-Christ t’a porté, d’avoir voulu mettre sa vie pour toi ? Toi, que la splendeur et le lustre des dignités et honneurs de ce monde, ou l’avarice et l’amour des richesses mondaines, porte à travers champs, d’où vient ton manquement, sinon de ce que tu ne considères point en Jésus-Christ la beauté, la gloire et les richesses du royaume des cieux ? Tu penses, je l’avoue, à la félicité et gloire du Paradis que Jésus-Christ promet à ses fidèles ; mais c’est une pensée qui passe comme un éclair par ton esprit ; ce n’est pas une méditation véhémente et permanente ; car si c’était une méditation véhémente, elle ferait des impressions en ton cœur de l’amour de Dieu et de son règne, et te transformerait en l’image de Dieu, te donnant des affections toutes nouvelles et célestes, selon que dit l’Apôtre au douzième de l’Épître aux Romains : Soyez transformés par le renouvellement de votre entendement, pour éprouver quelle est la volonté de Dieu, bonne, plaisante et parfaite. De même, d’où vient, ô chrétien, que tu doutes souvent de la grâce de Dieu, soit à te pardonner tes péchés, soit à te subvenir ici-bas en tes nécessités, et te délivrer de tes dangers, sinon de ce que tu ne considères pas ce grand et divin sacrifice par lequel Jésus-Christ a effacé tes péchés, et la comparution de Jésus-Christ à la dextre du Père pour intercéder pour toi et t’obtenir toutes les choses qui te seront nécessaires et salutaires. En somme, mes frères, tout ce que nous vous inculquons de Jésus-Christ et de son Évangile, et tout ce que nous vous proposons par tant de prédications, n’est que pour vous amener à cette sérieuse et attentive considération de Jésus-Christ, et changer les pensées légères que vous en avez en fixes méditations, et les égarements que les affections charnelles produisent en vos entendements en une attentive et arrêtée contemplation de la beauté et de la gloire de Dieu en la face de Jésus-Christ. »

Mais qu’est-ce, précisément, qu’il faut considérer ? Nous avons vu que c’est Jésus-Christ ; mais sous quel rapport l’Apôtre veut-il que ceux à qui il s’adresse le considèrent ? C’est l’objet de la troisième partie.

III. La convenance entre Jésus-Christ et Moïse. — Ils ont rempli les mêmes offices, et l’un et l’autre avec fidélité, quoique leur fidélité fût inégale, ainsi que leur puissance.

Considérez l’apôtre et souverain sacrificateur de notre profession, Jésus-Christ, qui est fidèle à celui qui l’a établi, ainsi que Moïse aussi était fidèle en toute la maison d’icelui. — L’Apôtre réunit ici les deux types qu’il avait successivement appliqués à Jésus-Christ : celui du souverain sacrificateur et celui du grand prophète des Hébreux. Il appelle Jésus-Christ souverain sacrificateur en tant qu’il a eu Aaron pour type, et apôtre en tant que Moïse a été sa figure ; car il réunit en lui Aaron et Moïse, — Laissons le premier de ces titres, dont il a déjà été traité, et voyons seulement le second, celui d’apôtre.

D’après la signification constante de ce mot, que l’orateur définit, il convient également bien à Moïse, à Jésus-Christ et aux hommes que Jésus-Christ a envoyés prêcher l’Évangile. — Moïse et Jésus-Christ ont été fidèles comme apôtres. — Il faut considérer, dans cette comparaison, trois côtés de l’apostolat ou de la mission de Moïse : il a été, à l’égard de son peuple, prophète, libérateur et médiateur, et en tout cela l’ombre et la figure de Jésus-Christ, le prophète, le libérateur et le médiateur par excellence.

1. Prophète. Moïse s’attribue cette qualité, lorsqu’il dit au peuple : L’Éternel te suscitera un prophète tel que moi. (Deutéronome 18.15)

Remarquer, sur ces mots tel que moi :

« L’autorité, en ce que Moïse était tellement considéré comme ambassadeur de Dieu, que sa parole était prise comme la parole de Dieu, même au regard de l’infaillibilité ; et de là vient que Dieu dit à Moïse au septième de l’Exode : Tu seras Dieu à Pharaon, et Aaron ton frère sera ton prophète ; c’est-à-dire, tu seras en ma place, et, comme je parle aux hommes par des prophètes, Aaron sera ton prophète. Et pour vous montrer que le peuple regardait la face de Dieu en Moïse, c’est que, quand Moïse fut longtemps en la montagne sans revenir, ils dirent à Aaron : Fais-nous des dieux qui marchent devant nous ; car quant à cet homme Moïse, nous ne savons ce qu’il est devenu. En quoi il a été figure de Jésus-Christ, en qui Dieu s’est rendu visible aux hommes et a été d’une manière spéciale Immanuel, Dieu avec nous ; aussi, comme Moïse a eu Aaron pour prophète, Jésus-Christ a eu ses apôtres pour prophètes.

Quant à la manière de laquelle Dieu se communiquait à Moïse, c’est qu’au lieu qu’il agissait dedans l’imagination des autres prophètes en songes et en visions, de telle sorte qu’ils ne voyaient rien au dehors, Dieu se communiquait à Moïse en dehors, faisant ouïr sa voix de près et lui apparaissant par une lumière, dont Moïse remporta sa face resplendissante… Et cette manière de communication a été ombre et figure de l’étroite communication et immédiate vision par laquelle Jésus-Christ a su de Dieu les choses qu’il nous a révélées, à savoir qu’il les a vues non de loin, mais de près, dedans le sein du Père, selon qu’il dit au huitième de saint Jean : Je vous dis ce que j’ai vu chez mon Père, et saint Jean, au premier chapitre, nous dit : Nul ne vit onc Dieu ; le Fils unique, qui est au sein du Père, c’est lui qui l’a révélé. »

b) La fidélité de Moïse en la charge de prophète. Elle a été telle qu’il a rapporté exactement tout ce qu’il avait reçu de Dieu, sans y rien ajouter ni diminuer, et c’est aussi la fidélité que Jésus-Christ nous montre en sa charge (Jean 8.26 ; 15.15) ; fidélité par laquelle il a laissé pour jamais un exemple à ceux qu’il a envoyés en son Église, de ne rien mettre en avant que ce qu’ils ont reçu de lui. »

2. Libérateur. « Secondement, Moïse a été libérateur du peuple d’Israël, Dieu ayant par la main de Moïse tiré son peuple d’Egypte et détruit l’Égypte ; et en cela aussi a-t-il été vraie figure de Jésus-Christ, qui nous a retirés de l’Egypte spirituelle, c’est-à-dire de la puissance de Satan et du péché. Et en ce point la fidélité de Moïse est remarquable en ce que, pouvant jouir en Egypte de paix et de repos, voire de divers honneurs comme fils de la fille de Pharaon, néanmoins il aima mieux souffrir avec le peuple de Dieu pour le délivrer, que de jouir des honneurs et des trésors d’Egypte : et n’est-ce pas, ô chrétiens, la fidélité de Jésus-Christ en notre rédemption, en tant que, comme dit l’Apôtre au douzième de l’Épître aux Hébreux, au lieu de la joie qu’il avait en main, il a souffert la croix et a méprisé la honte ; et au huitième de la deuxième aux Corinthiens, il s’est fait pauvre pour nous, combien qu’il fût riche, afin que par sa pauvreté nous fussions enrichis ? Et comme les murmures du peuple d’Israël contre Moïse, les injures qu’ils lui firent et les entreprises qu’ils firent de le tuer n’empêchèrent point Moïse qu’il ne les délivrât, telle a été la fidélité de notre Seigneur Jésus-Christ envers Dieu pour le peuple que Dieu lui avait donné à délivrer, nonobstant toute l’ingratitude des Juifs, leurs injures et leurs complots contre lui, voire nonobstant l’indignité de nous tous, qui étions ses ennemis en pensées et mauvaises œuvres, qu’il nous a délivrés de nos misères et est mort pour nous. Et toutefois quand nous tous parlons de la fidélité de Moïse envers Dieu ès délivrances du peuple d’Israël, remarquez que cette fidélité n’a pas été sans défaut, vu que, quand il fut question de délivrer le peuple de la soif et faire sortir l’eau du rocher, Moïse et Aaron sont repris de n’avoir pas cru à Dieu, ayant frappé le rocher par deux fois, au lieu de ne le frapper qu’une, comme il est représenté au vingtième du livre des Nombres. Mais cela nous apprend que Dieu juge de la fidélité et justice de ses enfants avec douceur et bénignité, passant par-dessus leurs défauts, et que, moyennant que leur obéissance soit sincère et que leur service soit exempt de fraude et de perfidie, il prend cela pour entière justice et fidélité. Ainsi Dieu prononça de Job, parlant aux amis d’icelui, qu’il n’avait point péché, passant par-dessus l’infirmité par laquelle Job avait murmuré contre Dieu en son affliction et maudit le jour de sa naissance. Pour vous dire que si Dieu loue en sa Parole la fidélité, justice et obéissance de ses enfants, il faut de cela non élever l’homme, en inférant qu’il est justifié par la perfection de ses œuvres, comme font nos adversaires, mais élever la bonté de Dieu, qui fait miséricorde à ceux qui l’aiment et qui pardonne à ceux qui le craignent, comme un père pardonne à son fils qui le sert, selon qu’il est dit au troisième de Malachie. »

3. Médiateur. Typique et non réel, car il n’y a qu’un médiateur entre Dieu et les hommes, savoir Jésus-Christ homme. Mais Moïse a pourtant été médiateur ou moyenneur :

a) En ce que c’est par lui que Dieu a donné la loi au peuple d’Israël ;

b) En ce que c’était par Moïse que Dieu entretenait des rapports avec le peuple.

Considérez, en cette fonction de Moïse, sa fidélité et son impuissance : « Sa fidélité en tant qu’il désire mourir pour le peuple et être exécration pour lui, disant à Dieu qu’il l’effaçât plutôt de son livre que de détruire le peuple : vraie figure en cela de l’affection et fidélité par laquelle Jésus-Christ a voulu mourir et être fait malédiction pour nous. Mais je dis aussi : l’imperfection et impuissance de Moïse en cet emploi de moyenneur, en ce que Moïse ne fut pas admis à mourir pour le peuple et être fait exécration pour lui, Dieu lui répondant que l’âme qui aurait péché, celle-là serait effacée de son livre. »

Toutefois, s’il était impuissant en même temps que fidèle, il n’en montrait que mieux combien un médiateur était nécessaire.

L’auteur finit cette partie par expliquer ces mots ; de notre profession : « L’Apôtre appelle Jésus-Christ l’apôtre et souverain sacrificateur de notre profession, pour opposer cet apôtre et souverain sacrificateur à celui dont l’Église d’Israël sous l’Ancien Testament avait fait profession. »

Conclusion[i]. I. — 1. Tournons d’abord ce propos contre les docteurs de l’Église romaine, et disons-leur que nul, après Jésus-Christ, ne peut réunir en soi Moïse et Aaron. A leur compte, le Nouveau Testament n’aurait rien de plus excellent que l’Ancien.

[i] En général, Mestrezat commence sa conclusion par quelque discussion des dogmes romains ; mais il ne s’y arrête pas longtemps.

2. Le siège apostolique et perpétuel de l’Église chrétienne n’est pas terrestre, mais spirituel et céleste ; car, « puisqu’en l’Église chrétienne tout doit être spirituel et céleste, donc au trône terrien et visible, comme le trône de Moïse et d’Aaron, ne doit pas répondre, sous le Nouveau Testament, un trône terrien et visible comme le leur ? » C’est vouloir chercher dans les ombres la réalité des ombres.

« Partant, comme les Juifs disaient que pour la religion et en l’Église il fallait un homme d’autorité souveraine, qui fût apôtre de Dieu et souverain sacrificateur, et l’Apôtre leur répond que s’ils veulent un apôtre et souverain sacrificateur, en voici un, à savoir Jésus-Christ, nous disons le même à nos adversaires : Pourquoi nous demandez-vous un apôtre et souverain sacrificateur ? Voici le Fils de Dieu. Pourquoi en voulez-vous des charnels et terriens ? En voici un spirituel et céleste. Et n’est pas besoin que nous vous disions que Moïse et Jésus-Christ ont été fidèles en rapportant la volonté de Dieu sans y rien ajouter ni diminuer, et que l’évêque romain donne aux hommes ses traditions et les égale aux oracles divins, voire retranche les propres commandements divins, comme les plus grossiers le voient au retranchement du second commandement de la loi et au retranchement de la coupe en la sainte cène. »

II. — 1. Souvenons-nous des titres que l’auteur sacré donne aux fidèles : frères : nous devons donc nous aimer ; saints : cet amour doit avoir pour base la sanctification ; participants, etc. : la vérité et l’effet de la sanctification est de chercher les choses célestes. Notre vie répond-elle à ces titres ? Hélas ! non. — Ceci le conduit à ce qui suit dans le texte :

2. Considérez, etc. Considérer, c’est obéir. Obéirons-nous à Jésus-Christ moins que les Juifs à Moïse, comme si Jésus-Christ avait moins d’autorité que Moïse ? Ou bien, est-il moins fidèle, tellement que nous soyons aussi moins obligés à être fidèles ? — L’orateur adresse cette question successivement aux pasteurs, aux parents, aux serviteurs, à tous ses auditeurs.

3. Mais, outre l’exhortation, il y a ici une consolation, car Jésus-Christ est fidèle comme sacrificateur, c’est-à-dire comme notre salut. — Ici seulement vient l’explication (très contestable) de toute la maison de Dieu. »

La méthode de Mestrezat est celle de son époque, mais plus marquée chez lui que chez aucun de ses contemporains. Elle suppose des auditeurs sérieux, croyants et instruits dans la religion ; car de tels auditeurs pouvaient seuls goûter une prédication qui les entretenait ainsi de toutes les expressions d’un texte.

Épeler le texte sacré ; le presser mot par mot ; en extraire, non seulement la mère-goutte, mais tout ce qu’il peut donner : voilà la prédication de cette première période. Nous verrons un peu plus tard une révolution qui introduira les sujets à côté des textes et créera le sermon synthétique. Il faudra constater cette révolution, et en chercher la cause ou les causes.

Nous allons, pour faire mieux connaître Mestrezat et son époque, analyser encore un de ses discours, le troisième du volume intitulé : Des fruicts de la foy en vertus chrestiennes, ou Sermons sur les chapitres XII et XIII de i’Épistre aux Hébreux[a].

[a] – Pages 81-125.

Texte : Vous n’avez point encore résisté jusqu’au sang en combattant contre le péché, et avez oublié l’exhortation, laquelle parle à vous comme aux enfants, disant : Mon enfant, ne mets point à nonchaloir la discipline du Seigneur, et ne perds point courage quand tu es repris de lui ; car le Seigneur châtie celui qu’il aime et fouette tout enfant qu’il avoue. (Hébreux 12.4-6)

Exorde : La Providence divine est admirable en tout l’univers, mais surtout en la conduite des affaires humaines, en ce qu’elle tire le bien du mal, ainsi que le pharmacien convertit les poisons en remèdes.

« Quand Dieu tire la lumière de ce beau soleil, ou l’ordre réglé des saisons et du jour et de la nuit du réglé mouvement des cieux, cela est moins admirable que quand il tire, des actions des hommes les plus iniques et des maux les plus griefs et les plus douloureux, le bien et salut de ses enfants-, car ce faisant, il surmonte la nature des choses et en tire ce qu’il semblait qu’elles ne pourraient donner. Joseph admirait et représentait cette providence à ses frères, leur disant : Vous aviez pensé mal à l’encontre de moi, mais Dieu l’a tourné en bien ; car toutes les offenses qu’ils lui avaient faites en le vendant pour esclave, avaient été converties en moyens de les entretenir en vie pendant la famine. Et saint Paul la représente aux fidèles pour et leur consolation (Romains 8.28), disant que toutes choses aident ensemble en bien à ceux qui aiment Dieu. »

Ces paroles de l’Apôtre s’appliquent aux persécutions qu’enduraient les Hébreux. Il leur avait présenté d’autres motifs : l’espérance de la rémunération, l’exemple des fidèles de tous les temps et de tous les âges, et celui de Jésus-Christ. Ici, autre argument : il représente le combat qu’ils soutiennent comme un combat contre le péché.

Le texte nous invite à considérer :

  1. La mesure des souffrances des Hébreux.
  2. II. Le fruit et l’usage des afflictions.

Ce sont deux motifs de ne pas perdre courage. L’unité du discours est ainsi très satisfaisante.

I. L’Apôtre mesure les souffrances des Hébreux à celles de Jésus-Christ. Jésus-Christ a répandu tout son sang : eux n’ont pas encore résisté jusqu’au sang, la persécution ayant jusqu’alors consisté en opprobres et ravissement des biens. Seuls, parmi les disciples de la croix, Jacques et Etienne avaient subi le dernier supplice.

[Cette explication du quatrième verset ne me paraît ni la plus naturelle ni la plus belle. Il s’agit ici directement de combattre contre le péché (sans doute contre le péché qui est en nous) ; et alors résister jusqu’au sang, c’est faire les derniers efforts, s’imposer les derniers sacrifices. Les mots combattre et résister ne paraissent point convenir à l’interprétation que Mestrezat propose. Dans la persécution et les souffrances du corps, on est passif, on ne résiste pas, on ne combat pas. L’Apôtre dit aux Hébreux : Vous devez combattre contre vous-mêmes ; mais parce que vous ne vous donnez pas assez de besogne à l’intérieur, Dieu vous en donne à l’extérieur ; comme vous ne vous dépouillez pas vous-mêmes, il faut qu’il vous dépouille, et c’est à cela qu’il emploie les afflictions et les persécutions présentes.]

L’Apôtre exhorte les Hébreux à voir combien Dieu les a épargnés, et non combien Dieu les a frappés. Pour nous aider à bénir Dieu, il faut comparer nos afflictions avec les afflictions plus graves de notre prochain. Le découragement ne vient que de faire toujours l’inverse. (Ici trouve sa, place un de ces développements pratiques, trop rares chez notre prédicateur.)

Mais si les mots de l’Apôtre nous enseignent notre devoir, ils ne nous enseignent pas moins la conduite de Dieu à l’égard de ses enfants. Il ne châtie que par mesure et dans l’exacte proportion de la nécessité. « Comme Jésus-Christ, enquis pourquoi ses disciples ne jeûnaient pas comme ceux de Jean-Baptiste, répondit qu’on ne met point du vin nouveau en des ouaires vieux, autrement les ouaires se rompent et le vin s’épand, ni une pièce de drap écru à un vieil vêtement, de peur que la pièce n’emporte le vêtement, voulant dire que, ses disciples étant infirmes, il ne voulait pas leur imposer des exercices et des travaux qui surpassassent leur portée ;… c’est ce que Dieu fait envers nous, discernant les temps et la portée de ses enfants. »

Encore, dit l’Apôtre dans le texte, c’est-à-dire, ce que vous n’avez pas encore essuyé, vous pourriez l’essuyer par la suite ; Dieu exerce notre patience par degrés, nous préparant par de plus légères épreuves à en soutenir de plus grandes.

Le propos de l’Apôtre nous fait voir encore que Dieu tient la bride à nos ennemis. Les Juifs avaient fait mourir Jésus-Christ et deux de ses disciples, Etienne et Jacques. D’où vient qu’ils n’en font pas autant aux autres ? C’est que Dieu les retient. — Ici l’orateur rappelle, par forme de rapprochement, les conditions que Dieu fait à Satan à l’égard de Job.

Tout ce commentaire du mot encore caractérise bien la manière de Mestrezat, qui épuise chaque mot, lui faisant dire, non seulement tout ce qu’il signifie, mais tout ce qu’il implique, tout ce qu’il emporte, tout ce qu’il présuppose.

II. La mesure des souffrances était un premier motif de consolation ; le fruit et usage des souffrances en est un second. Cet usage est exprimé par ces mots : combattre contre le péché (mots expliqués par les suivants, qui rappellent une leçon pareille anciennement donnée).

Les termes de l’Apôtre sont remarquables :

1. Combattre. Le combat extérieur nous profite pour le combat intérieur, ce qui ne nous permet pas de nous plaindre du premier[b].

[b] – Vous ne croyez que pâtir : vous combattez ! Voilà ce que, au point de vue de l’orateur, j’aurais dit.

2. Mais comment le péché est-il combattu par nos souffrances ?

Le péché dont il est question ici, c’est le corps de péché, c’est tout le vieil homme. L’auteur le définit par différents passages de l’Épître aux Romains. (Romains 6.6, 12 ; 7.23)

Pour comprendre comment le péché est combattu par nos souffrances, il faut considérer l’origine et le siège principal du péché, qui est la vie animale. « Car, bien que le péché ait occupé les plus hautes facultés de l’âme, l’entendement et la volonté, néanmoins son origine et son premier siège est la sensualité, la partie inférieure de l’âme en laquelle résident les appétits corporels et les désirs des sens, d’où, comme d’un cloaque ou d’un bourbier, sont élevés des brouillards épais, qui obscurcissent l’entendement et le rendent tout charnel, et c’est à raison de cette origine et principal siège du péché, qu’il est appelé chair et corps en l’Écriture. »

Or, quand Dieu vous sépare de la chair, en quelque sorte, en vous séparant des biens dont elle fait sa joie, il veut donner à l’esprit ce qu’il enlève à la chair. « Vos ennemis sont donc des médecins et des a chirurgiens que Dieu envoie pour vos âmes ; leurs offenses et oppressions sont les médecines amères par lesquelles il veut purger les mauvaises humeurs de l’âme, c’est-à-dire ses vices et péchés ; les plaies que vous recevez du monde sont les coups de rasoir qui retranchent de vos esprits les superfluités et excressances qui s’y étaient formées. »

3. L’Apôtre justifie cette proposition par une maxime de Salomon qu’il rappelle à ses disciples, maxime citée d’après les Septante, qui nous en ont conservé non les termes, mais le sens : « Ce qui nous apprend, dit Mestrezat, que ce n’est pas aux mots et syllabes, mais au sens de l’Écriture sainte, qu’il se faut arrêter. » — On voit bien ici que Mestrezat ne néglige rien.

L’Apôtre, en citant cette maxime de Salomon, dit aux Hébreux :

a) Qu’ils l’ont oubliée (oubliée en pratique). Qu’est-ce donc que cet oubli ? La négligence des moyens de s’affermir en la foi et en la vertu chrétienne, et une excessive recherche des prospérités temporelles ; c’est dans ce sens que nous aussi nous oublions les paroles de l’Écriture.

b) Que cette exhortation (de Dieu, par Salomon) s’adresse à eux comme à des enfants. Et avec raison ; car c’est bien ainsi qu’on parle à des enfants ; et l’exhortation dit expressément : mon enfant. — Cela doit nous apprendre à être touchés, ainsi que Dieu, des afflictions de nos frères, comme s’ils étaient nos enfants ; — à ne pas rudoyer les affligés ; car voyez comme fait Dieu ; — à prendre courage, quand nous sommes affligés, en voyant comme Dieu parle aux affligés.

Voilà ce que l’Apôtre dit de cette exhortation de Salomon ; mais puisqu’il se l’approprie, puisqu’il la répète en son propre nom, considérons-la en elle-même et voyons ce qu’elle renferme.

Il y a : 1° ce qu’elle requiert de nous ; 2° les raisons pourquoi elle le requiert.

Cette distinction est difficile à suivre. Dans l’explication il y a déjà de la preuve, et dans la preuve de nouveau de l’explication. C’est l’écueil de cette méthode analytique, poussée à l’extrême, de faire passer plusieurs fois devant la même vérité. Ces allées et venues fatiguent et ne font pas avancer. Reprenons.

1. Cette exhortation requiert de nous :

a) De ne pas mépriser la discipline. Ce n’est pas que nous méprisions en tous sens la discipline ou l’affliction : il s’en faut bien ; mais nous la méprisons en ce sens que nous négligeons d’en faire usage pour notre correction, quand, préoccupés de notre seule souffrance, nous nous endurcissons dans notre péché.

b) De ne perdre pas courage, « comme quand Job vient à maudire le jour de sa naissance pour la durée et l’accroissement de ses afflictions ; et quand Jérémie vient à s’écrier que sa force est périe et son espérance faillie par-devers l’Éternel ; et quand Asaph, ennuyé de ce qu’il était battu journellement et que son châtiment revenait tous les matins, dit que c’est en vain qu’il a lavé ses mains en innocence, et doute que Dieu ait connaissance et qu’il y ait intelligence au Souverain. »

L’Apôtre a bien fait de joindre ensemble ces deux défauts ; car d’une extrémité on passe dans l’autre : du mépris dans le découragement.

2. Les raisons pourquoi elle requiert cela.

a) Les afflictions viennent de Dieu, dont l’autorité est souveraine, et la sagesse infinie.

b) Les afflictions sont des corrections : ne faut-il pas que Dieu corrige et redresse ? « Qui es-tu, ô homme, qui voulusses que Dieu ne reprit, ne corrigeât et ne châtiât point ? Voudrais-tu que tout fût en désordre en l’univers ? Que Dieu ne se plût pas d’y voir la justice et sainteté qui est son image, mais y laissât régner son contraire sans aucune punition et vengeance, et qu’ainsi il se reniât soi-même ? Voudrais-tu qu’il se déportât de gouverner et conduire le monde et son Église, pour laisser un chacun vivre à sa volonté ? Voudrais-tu voir, en la maison de Dieu et en sa famille, ce que tu ne voudrais pas souffrir en la tienne ? Car tu ne voudrais pas souffrir tes enfants sans correction et châtiment. »

Et si vous dites que pourtant vous en voyez plusieurs que Dieu épargne, je réponds : Vous ne savez pas ce que Dieu leur réserve ; — ils ont leur châtiment, propre à leurs défauts, et que vous ne voyez point ; — gardez-vous de contrôler la sagesse de Dieu.

Refuser le châtiment, c’est déclarer qu’on veut rester dans le péché.

c) La troisième raison, c’est que les afflictions proviennent de l’amour paternel de Dieu. Les pères châtient les enfants pour leur bien : pourquoi Dieu ne le ferait-il pas ? Voulez-vous être meilleurs que Dieu ? Prétendez-vous l’obliger à être moins sage que vous ? « Que si Dieu nous châtie par un motif si favorable, comment pouvons-nous rebuter son châtiment ou nous en ennuyer ? Ou comment plutôt ne lui en rendons-nous des remerciements et des actions de grâces ? Et c’est ici, ô fidèles, où vous devez vous discerner d’avec les enfants de ce monde. Le motif par lequel Dieu punit ceux-ci, après qu’ils ont refusé les semonces de sa grâce, est la justice vengeresse, son ire, sa haine ; mais quant à vous, qu’il a séparés du monde et qui avez été enseignés de lui, c’est le soin de votre salut qui le porte à vous châtier, selon que dit l’Apôtre (1 Corinthiens 11.12) : Quand nous sommes jugés, nous sommes enseignés par le Seigneur, afin que nous ne soyons condamnés avec le monde. »

d) Quatrième raison, non commune à tous les hommes, mais particulière aux fidèles, que Dieu a séparés du monde, et dont il est le père dans un sens excellent. « Comme il les a régénérés et adoptés à soi par Jésus-Christ, les retirant de leur rébellion naturelle, aussi il les traite continuellement comme père, les enseignant et corrigeant pour les conduire à l’héritage qu’il leur a préparé. Considérez donc, fidèles, que ces maux desquels votre chair se plaint sont des effets de la grâce de laquelle Dieu vous a adoptés en Jésus-Christ, et selon laquelle il veut vous rendre conformes à l’image de sa mort et de sa résurrection… Davantage, ce titre comprend en son étendue tout ce que nous pouvons concevoir de douceur et d’arguments de la bonne volonté de Dieu envers nous, pour notre délivrance et pleine consolation. »

Renvoyant à un discours suivant le développement de cette idée de père (qui s’y représentera dans l’étude d’un nouveau texte), l’orateur passe aux doctrines et conclusions.

1. La première doctrine est contre le purgatoire, lequel ce texte détruit entièrement. Car le purgatoire a été bâti sur ce discours que Dieu, après avoir reçu en grâce ses enfants et leur avoir pardonné, ne laisse pas de les châtier et visiter de diverses afflictions, et que, cela étant, Dieu pardonne bien la peine éternelle des péchés, qui est la peine des enfers, mais non pas une peine temporelle ; partant, que si on ne la souffre en cette vie, à proportion des péchés qu’on a commis, il en faut parachever la souffrance après cette vie en un feu. Et ainsi ils présupposent que Dieu est envers les fidèles comme un juge qui punit des criminels en ire pour satisfaction à la justice ; or cela est renversé de fond en comble en notre texte, auquel nous voyons que Dieu châtie ses enfants, non en son ire, ni pour satisfaire à sa justice (car sa justice est satisfaite et son ire apaisée en Jésus-Christ), mais pour satisfaire à son amour, de sorte que le motif de ses châtiments soit l’affection de père, par laquelle, nous ayant pardonné nos péchés en Jésus-Christ, il veut nous avancer en sainteté. Or puisque ce qu’il châtie et rédargue les fidèles n’est que pour leur amendement, aussi ses châtiments ne peuvent avoir lieu envers ses enfants que pendant le cours de cette vie, qu’ils ont en eux des défauts et péchés, et qu’ils sont capables d’amendement ; car il n’y a après la mort plus de lieu à l’amendement, ni donc plus de lieu à des punitions envers des enfants, puisqu’elles ne peuvent être que pour leur amendement. »

2. Ce texte, où l’on voit alléguées aux simples fidèles des paroles de l’Écriture que nul d’entre eux n’eût dû oublier, que par conséquent chacun d’eux est censé connaître, nous apprend :

a) Que la connaissance de l’Écriture sainte est recommandée à tous les fidèles ;

b) Que l’Écriture est pleine de sapience et de consolation ;

c) Qu’elle nous parle. Ainsi ce n’est pas une règle muette, qu’il faille faire parler. « Non, non, ô adversaires, l’Écriture, ou plutôt Dieu par les Écritures, nous parle voire bien expressément et clairement, tant contre les péchés des hommes que contre les erreurs et superstitions. Et si Dieu en l’Écriture parle à nous comme à des enfants, donc nous y reconnaîtrons la voix de notre père, et partant ne faut pas qu’on nous die : D’où savez-vous que l’Écriture est vraie parole de Dieu ? non plus qu’à des enfants : A quoi connaissez-vous la voix de votre père ? — Les brebis oyent bien la voix de leur berger et la discernent de celle de l’étranger ; et pourquoi des enfants ne connaîtraient-ils, par l’esprit que Dieu leur a donné, la voix de leur père ? »

3. Nous avons, bien plus que les Hébreux, oublié l’exhortation qui nous parle comme à des enfants. « Combattons, combattons, mes frères, contre le péché[c], par la reconnaissance des bienfaits de Dieu et de ses grâces, afin que nous n’ayons à le combattre par la souffrance de diverses calamités. Et vous qui vous plaignez et murmurez contre Dieu pour votre condition et vos souffrances, à savoir privation d’offices et d’emplois, rebut, mépris et haine qu’on a contre notre profession, d’où proviennent diverses grièves afflictions, souvenez-vous que vous n’avez point encore résisté jusqu’au sang en combattant contre le péché, et que nous avons à louer Dieu de son support et reconnaître sa bonté. Au reste, apprenez que nous devons tout à Jésus-Christ, non seulement biens, emplois et charges, mais aussi les vies mêmes, et partant que nous nous trompons si nous avons suivi Jésus-Christ à condition que ce ne fût pas jusqu’au sang. Mais considérez, mes frères, que si Dieu nous appelle à quelque souffrance et quelque perte, c’est pour notre bien et pour le soin qu’il a de notre salut, c’est pour nous détacher de la terre et nous élever au ciel, et pour mieux posséder nos cœurs et nos affections. Secondement, qu’il rémunérera en dons et grâces de son Esprit toutes les pertes que nous ferons pour son nom ; que nous recevrons cent fois autant en bénédictions spirituelles que tout ce que nous aurons perdu, et après cela la vie éternelle. En général, mes frères, apprenons à adorer la conduite de Dieu en notre endroit, puisque ce qu’il fait est pour combattre en nous le péché et qu’il agit en toutes choses comme père pour nous conduire à son but. Remplissons-nous donc de courage et de consolation contre tous maux, par une pleine certitude et persuasion de son amour ; disons en nos maux : Qu’est-ce qui nous séparera de la dilection de ce père ? Disons en nos anxiétés : Ce père, qui nous a pris par la main droite, nous conduira par son conseil, et finalement nous recevra en gloire ! Disons en la mort, que nous passons de ce monde au Père. Finalement, puisque tel est l’amour du Père céleste envers nous, aimons-le réciproquement, afin que, comme il rapporte toutes choses, santé, maladie, prospérité, adversité, vie et mort, à notre bien et salut, aussi nous rapportions toutes choses à sa gloire. Dieu nous en fasse la grâce ! »

[c] Je retrouve ici le sens que j’ai proposé, et auquel l’orateur aurait dû, je crois, se tenir.

Nous trouvons dans le même volume un sermon intéressant sur ce texte : Pourchassez la paix avec tous, et la sanctification, sans laquelle nul ne verra le Seigneur (Hébreux 12.14). — Voici le sommaire de la première partie[d] :

[d] Pages 257-277. Le sujet de Mestrezat est : La paix sauf la sanctification. Tholuck a traité ce texte, en prenant pour sujet : La paix moyen de sanctification.

Il y a deux sortes de paix :

  1. La paix en nous-mêmes, qui est une paix
    1. de foi,
    2. de sanctification,
    3. de contentement d’esprit.
  2. La paix avec le prochain, consistant
    1. en innocence,
    2. en support,
    3. en bénéficence.

Il invoque à l’appui de ce devoir :

a) La nature, dans laquelle on voit « les éléments, bien que contraires, être unis en chaque corps par une harmonie qui les conserve ; »

b) L’Église, « qui consiste en l’union des hommes en Jésus-Christ. — Pourquoi, dit-il, ne peux-tu supporter à présent ton prochain, avec lequel tu vivras éternellement au paradis de Dieu ? Tu ne veux ici-bas boire et manger avec lui, et tu seras assis avec lui à table au royaume de Dieu. Tu es en querelle avec lui pour quelques deniers et quelque héritage, et tu dois posséder par indivis avec lui les cieux et la terre. »

c) La Trinité, « dont les sacrées personnes n’ont leur rapport l’une à l’autre que par amour. »

Nous avons dit que Mestrezat presse souvent beaucoup trop son texte. Nous en trouvons un exemple frappant dans son sermon sur Malachie 4.2 : A vous qui craignez mon nom se lèvera le soleil de justice, et santé sera en ses ailes[e]. Voici comment il explique le mot ailes :

[e] Version moderne : « dans ses rayons. »

« C’est aussi avec grâce que le prophète nous parle des ailes de ce soleil, disant qu’il porte la santé en ses ailes, accomparant les rayons par lesquels le soleil va comme s’étendant en faisant sa course, aux ailes par lesquelles les oiseaux s’étendent par l’air en volant, les rayons donnant comme de l’étendue au corps du soleil et l’élargissant, ainsi que les ailes sont aux oiseaux comme une dilatation de leur corps. Secondement, pour ce que le prophète parlant de santé semble avoir égard au bien et au soulagement que les oiseaux apportent à leurs petits quand ils les couvrent de leurs ailes en leurs maux et infirmités, les réchauffant par ce moyen, comme aussi les garantissant contre les injures de l’air. A quoi Jésus-Christ regardant dit à Jérusalem qu’il a voulu assembler ses enfants comme la poule assemble ses poussins sous ses ailes. Aussi Dieu voulut montrer dedans son propre sanctuaire sa grâce et sa protection par cette comparaison-là, quand il voulut que sur le propitiatoire il y eût les ailes des chérubins étendues. A quoi le prophète regardant disait, Psaumes 61 : Je séjournerai en ton tabernacle par longs siècles, je me retirerai sous la cachette de tes ailes ; et Psaumes 91, il dit à celui qui a pris Dieu pour sa retraite et son assurance : Il le couvrira de ses plumes, tu auras retraite sous ses ailes. Et le propitiatoire, où ces ailes étaient ainsi étendues, était le type et la figure de Jésus-Christ, lequel Dieu a ordonné pour propitiatoire par la foi en son sang (Romains.3.24), pour nous dire que Jésus-Christ a des ailes étendues, pour nous mettre à couvert contre tous maux et contre l’ire de Dieu[f]. »

[f] Trois sermons sur la venue et naissance de Jésus-Christ. Genève, 1649. Pages 22-23.

Dans sa seconde partie, l’orateur montre quel est le lever de ce soleil[g]. » Il se lève de cinq manières : par l’incarnation, — par la prédication, — par le Saint-Esprit, — par sa providence, — par sa justice (dans le jugement final).

[g] Ce plan prête à la critique. Plusieurs endroits de la seconde partie rentrent dans la première.

Pourquoi toujours décomposer ? Pourquoi ne pas présenter aussi l’idée dans sa majestueuse unité, sans toujours briser le faisceau ? Mais c’est pour Mestrezat une affaire de conscience, et il y met le plus grand sérieux et la plus grande bonne foi.

Citons encore, comme exemple du même défaut, l’exorde du troisième sermon sur la venue de Jésus-Christ. Il s’agit de la salutation de Marie à Élizabeth (Luc 1.39-43) :

Le prophète David, au psaume huitième, parlait à Dieu en cette sorte : Quand je regarde ès cieux, qui sont l’ouvrage de tes doigts, la lune et les étoiles que tu as agencées, je dis : Qu’est-ce que de l’homme mortel, que tu aies souvenance de lui, et du fils de l’homme, que tu le visites ?

Cette journée, mes frères, nous donne sujet d’enchérir par-dessus le prophète, en l’admiration de la bonté de Dieu, et de nous écrier à plus forte raison : Seigneur, qu’est-ce que de l’homme mortel, que tu aies souvenance de lui, et du fils de l’homme, que tu le visites ?

David tenait ces propos en considérant la lune et les étoiles, sa méditation, comme il est vraisemblable, se faisant en la nuit. Mais, en cette journée, par le mystère de l’incarnation, nous contemplons, non la lune et les étoiles du firmament, mais une lumière de dessus tous les cieux, l’Orient d’en haut, qui est venu luire sur ceux qui étaient assis en ténèbres et en la vallée d’ombre de mort, la Lumière de vie et le Soleil de justice apportant la santé en ses ailes, c’est-à-dire en ses rayons.

David contemplait les étoiles accompagnantes la lune et luisantes au firmament, pendant que les hommes étaient enveloppés des ténèbres de la nuit. Mais nous nous contemplons nous-mêmes, transformés en lumière par la vertu de la Lumière qui a resplendi sur nous, et devenus étoiles pour luire au milieu de la nation tortue et perverse.

David contemplait les cieux que les yeux de ce corps peuvent apercevoir, et les considérait comme le lieu et l’habitation des étoiles. Mais, au moyen de l’incarnation de Jésus-Christ notre Seigneur, nous contemplons par la foi les cieux des cieux, où les yeux n’atteignent point, la maison du Père, que nous considérons comme notre future habitation.

David, en ce psaume, descendait par sa méditation des cieux jusqu’aux petits enfants, disant que Dieu tire sa louange de la bouche des petits enfants et de ceux qui tètent. Mais au sujet, de l’incarnation de Jésus-Christ notre Seigneur, nous trouvons que Dieu tire sa louange, non d’un enfant déjà né, mais qui plus est d’un enfant étant encore dans le ventre.

David considérait la merveille de la providence de Dieu à nourrir les enfants sortant du ventre, tant en l’instinct que Dieu leur donne de sucer leur nourriture, qu’en ce que Dieu, par une pourvoyance singulière, fait que la substance dont les enfants étaient nourris dans le ventre remonte, bien préparée, aux mamelles, pour là être commodément reçue de la bouche des enfants. Mais au sujet de l’incarnation de Jésus-Christ, nous voyons les merveilles de la grâce de Dieu et de son amour envers des enfants, leur donnant son Esprit pour une vie surnaturelle et les rendant participants du bénéfice de Christ.

C’est ce que l’histoire que nous avons lue nous fera voir, laquelle nous avons choisie pour nous aider en cette journée à la méditation des merveilles de la bonté du Seigneur envers nous, afin que, par les mêmes ressentiments qu’avait Élisabeth, nous disions : D’où nous vient ceci, non que la mère du Seigneur, mais que le Seigneur même soit venu du ciel à nous[h] ? »

[h] Trois sermons sur la venue et naissance de Jésus-Christ. Pages 98-101.

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