Le Pédagogue

LIVRE PREMIER

CHAPITRE II

Ce sont nos péchés qui nous rendent nécessaire l’assistance du Pédagogue.

Notre Pédagogue, mes chers enfants, est semblable à Dieu le père, dont il est le fils impeccable, irrépréhensible. Son âme n’est pas l’esclave des passions. C’est un Dieu revêtu de la figure humaine, qui n’est taché d’aucune souillure, soumis sans réserve à la volonté paternelle ; Verbe-Dieu qui est dans le Père, qui est à la droite du Père, qui est Dieu avec un corps. C’est une image pure et sans tache, à la ressemblance de laquelle doivent tendre tous nos efforts. Il est entièrement affranchi de toutes les passion humaines ; il est le seul qui nous juge, parce qu’il est le seul qui ne pèche point. Faisons donc tous nos efforts pour pêcher le moins possible. Ce que nous devons faire avant tout, c’est de nous débarrasser des passions et des maladies de notre âme ; ensuite, il faut éviter de tomber facilement dans l’habitude du péché. Le premier degré de la perfection et de ne pas pécher du tout ; mais cette impeccabilité est l’attribut de Dieu. Le second, qui est le propre de l’homme sage, est de ne jamais pécher volontairement. Le troisième, est d’éviter de tomber fréquemment dans des fautes involontaires ; il appartient à ceux-là seulement qui se laissent instruire et diriger par le Pédagogue. Le quatrième, enfin, est de ne pas rester longtemps dans l’état de péché ; mais le retour au bien par la pénitence exige de nouveaux combats.

Les paroles suivantes, que le Pédagogue place dans la bouche de Moïse, me paraissent renfermer un sens admirable : « Si quelqu’un meurt subitement en votre présence, votre tête sera souillée et devra être rasée. » Il appelle le péché involontaire une mort subite. C’est une tâche qui, selon lui, souille la pureté de l’âme ; et, pour l’enlever, il y applique le remède le plus prompt, en ordonnant que la tête du pécheur soit rasée à l’instant même ; c’est-à-dire que les ténèbres de l’ignorance, qui obscurcissent la raison, dont le siège est dans le cerveau, soient dissipées et détruites, afin que, libre du poids du vice de la même manière que la tête est débarrassée de cette épaisse forêt de cheveux, l’âme revienne rapidement à la vérité par la pénitence. Quelques paroles plus loin, il ajoute : « L’aveuglement dure encore pendant les premiers jours ; » voulant nous faire entendre qu’il s’agit ici des péchés qui se commettent contrairement à la raison. D’une part, il appelle involontaire ce qui est subit, irréfléchi ; d’une autre part, il fait voir que tout péché est un acte contre la raison. C’est pour cela que le Pédagogue emploie tous ses soins à le défendre et à le prévenir. Examinez à ce sujet cette manière de s’exprimer si familière à l’Écriture : « C’est pour cela que le Seigneur dit. » Ces mots, c’est pour cela, ne vous montrent-ils pas que, parce que vous avez péché, vous serez jugés et punis. Vous les retrouvez à chaque instant dans la bouche des prophètes : « Si vous n’aviez point péché, vous n’auriez pas été menacés. » Et c’est pour cela que le Seigneur dit : « Comme vous n’avez point prêté l’oreille à ces discours, voici ce que dit le Seigneur ; » et « Voilà pourquoi le Seigneur dit. » Ces prophéties n’ont pas d’autre but que de nous porter, d’un côté, à l’obéissance et de nous détourner, d’un autre côté, de la désobéissance ; et de nous faire voir qu’à cause de l’une nous serons récompensés, et qu’à cause de l’autre nous serons punis.

L’ancienne loi procédait à notre instruction par la menace ; notre Pédagogue guérit les maladies de notre âme par les exhortations. L’art de guérir les maladies du corps est appelé proprement la médecine ; elle est le résultat de la sagesse humaine. Le Verbe, issu du Père, est le seul médecin des infirmités humaines ; il guérit par un saint enchantement les maladies de l’âme. « Sauvez, ô mon Dieu ! s’écrie le roi prophète, sauvez votre serviteur qui espère en vous ; ayez pitié de moi, Seigneur, car mes cris et mes plaintes ne cesseront pas de s’élever vers vous tout le jour. » La médecine, dit Démocrite, guérit les maladies du corps ; la sagesse guérit les âmes des passions qui la troublent. Oui, mais notre Pédagogue, qui est la sagesse même, qui est le Verbe du Père, qui a créé l’homme, a soin de toutes ses créatures. Il guérit tout à la fois le corps et l’âme, et suffit à nos besoins comme médecin et comme sauveur. « Levez-vous, dit-il au paralytique, emportez le lit sur lequel vous êtes couché et rentrez dans votre maison. » Aussitôt celui qui ne pouvait marcher, se lève, et rentre chez lui sans soutien. Il dit à un mort : « Lazare, sortez de la tombe. » Le mort sort de sa tombe, tel qu’il était avant d’être malade, faisant en quelque sorte l’apprentissage de la résurrection future. Non-seulement il guérit le corps ; mais il guérit l’âme par ses préceptes et ses grâces. Quant à nous, aussitôt que nous avons été créés par sa pensée, nous avons reçu de sa sagesse l’organisation la meilleure et la plus solide. Cette sagesse a d’abord créé le ciel et la terre, s’est occupée à tracer la rotation circulaire du soleil et le mouvement des astres, dans le but d’être utile à l’homme. Ensuite, elle a formé l’homme lui-même, l’objet unique de tous ses soins. Et regardant cet ouvrage comme le plus beau de la création, elle lui a donné la sagesse et la prudence pour gouverner son âme. Elle a orné son corps de beauté et de proportions convenables. Quant aux actions des hommes, elle a répandu en elles la droiture et le bon ordre qui provient d’elle-même.

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