Le Pédagogue

LIVRE PREMIER

CHAPITRE XII

Le Pédagogue mêle avec une sagesse admirable, dans ses instructions paternelles, la douceur et la sévérité.

Ces instructions terminées, notre bon Pédagogue Jésus nous donne les règles d’une vie sainte et pure qui nous rende semblables à lui. Ces règles ne sont ni trop sévères ni trop indulgentes ; et en nous les donnant, il a soin de nous inspirer la force qui nous est nécessaire pour les mettre en pratique. Il a formé l’homme de terre, il l’a régénéré par l’eau, il l’a sanctifié par l’esprit ; enfin il l’a placé, par la puissance de sa parole et la sainteté de ses préceptes, dans la route du salut ; il l’a fait son fils d’adoption ; et par sa seule présence sur la terre, changeant en une flamme pure et céleste tout ce qu’il y a de terrestre en lui, il a accompli dans toute son étendue cette magnifique promesse : « Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance. » Oui, cet oracle de Dieu, c’est le Chris qui l’a accompli, changeant le vieil homme en un homme nouveau, la créature mortelle en une créature divine. Nous donc, fils d’un bon père, accomplissons sa volonté ; élèves d’un bon Pédagogue, obéissons à sa parole ; faisons si bien que toute notre vie soit une image vraie et frappante de la vie salutaire de notre Sauveur. Méditons dès à présent les formes célestes de cette vie, dont l’imitation, nous élevant au rang des anges, nous environne et nous pénètre d’une joie incorruptible comme d’un parfum précieux ; cette vie, dis-je, heureux symbole de la bienheureuse immortalité. Suivons, sans nous lasser jamais, les traces de ce divin guide qui, connaissant seul le véritable bonheur, est aussi le seul qui puisse et qui veuille nous le procurer. Contentons-nous de peu pour vivre, méprisons tout bien superflu, rejetons loin de nous tout fardeau inutile, afin d’être toujours prêts à reconquérir notre céleste patrie. N’est-ce point là le sens de ces paroles : « Ne vous mettez pas en peine du lendemain ? » Tout disciple du Christ, content du sort dans lequel son divin maître l’a placé, doit se servir lui-même et trouver suffisante sa nourriture de chaque jour. Les doctrines du Christ n’inspirent point l’inquiétude et les soucis, mais la paix et la tranquillité. Les inquiétudes se trouvent dans le tumulte des richesses du monde ; les soucis cuisants, dans ses vaines délices. La paix et la charité, ravissantes sœurs, vivent loin du bruit des affaires dans une fraternelle union : le Verbe suffit seul à leur nourriture ; le Verbe seul apprend à l’homme les douceurs d’une vie simple et frugale. Seul il lui inspire le mépris du faste, l’amour d’une sage liberté, la bienveillance envers ses frères, l’ardent désir de la vertu. Il le conduit des plaines de la terre aux montagnes du ciel ; mais comme sa bonté envers nous est infatigable, il faut que notre obéissance envers lui et notre amour de la vertu le soient aussi. À cette condition nous deviendrons tels, que nous aurions pu espérer de devenir.

Comme les hommes, dans le monde, adoptent divers genres de vie qui indiquent et font reconnaître leur profession, la vie chrétienne a des marques particulières qui la distinguent entre toutes. C’est d’abord un amour ardent, généreux, désintéressé, pour la vertu, et une volonté forte de ne s’en écarter jamais. Les vrais Chrétiens ne font rien qui ne soit dicté par une saine et droite raison. Démarche, sommeil, nourriture, tout est réglé chez eux par la décence et l’honnêteté. Toute leur conduite, simple et uniforme, est également éloignée d’une folle ardeur, et d’une mollesse honteuse. Tel est le fruit des doctrines de leur divin maître, du Sauveur généreux des hommes, à qui nous donnons le nom de Verbe parce que c’est sa parole qui nous guérit et qui nous sauve. Dans sa parole, en effet, sont contenus tous les remèdes souverains dont il se sert pour dissiper les ténèbres qui obscurcissent notre raison, et que sa bonté nous administre toujours dans le moment le plus opportun. Nous reprochant le mal que nous nous faisons à nous-mêmes par nos offenses envers Dieu, nous découvrant les causes de nos passions, arrachant jusqu’à leur dernière racine celles qui s’opposent au libre exercice de la raison et de la vertu, nous montrant celles qui nous menacent sans cesse et contre lesquelles il faut incessamment nous défendre, il a des remèdes souverains pour toutes les maladies de notre âme et de notre cœur, et ne nous en épargne aucun. C’est que le salut de la nature humaine est l’ouvrage le plus grand, le plus magnifique de Dieu. Les malades s’irritent contre le médecin qui ne leur découvre point la cause de leur maladie et ne fait rien pour les délivrer. Mais notre divin maître nous épargne-t-il les avertissements, les menaces et les remèdes ? Comment donc ne lui rendrions-nous pas chaque jour de notre vie de tendres actions de grâces ? Il semble que l’homme, cet animal doué de raison, ne se doive occuper que des choses du ciel. Mais, forcé par sa nature de vivre sur la terre, il faut qu’il y vive d’une manière conforme aux règles éternelles de la vérité, et qu’en suivant les maximes de son divin maître, maximes si pleines de justice et de bienveillance, il ne se lasse jamais de les admirer. Nous surtout, qui nous attachons ici à les expliquer et à vous porter à les suivre, nous devons vous donner toujours l’exemple de l’obéissance et faire si bien que nos actions ne démentent jamais nos discours.

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