Histoire de la Bible en France

XVIII
Le prix de la Bible autrefois

Aujourd’hui la Bible est accessible à toutes les bourses. Mais, jadis, pour avoir une Bible, il fallait être riche. C’est surtout dans les inventaires des anciennes bibliothèques et dans les obituaires des couvents qu’on trouve les renseignements qui permettent d’évaluer le prix des anciennes Bibles.

[La plupart des renseignements contenus dans ce chapitre sont empruntés à la Bible au seizième siècle, de S. Berger.]

Les prix donnés par Lortsch dans ce chapitre étaient en francs français du début du xxe siècle, nous les avons convertis en euros, en les multipliant par cinq, d’après un facteur indiqué par divers organismes financiers. Il est évident qu’une telle correspondance ne peut être que très approximative, puisque non seulement la valeur d’une monnaie varie par rapport à un étalon pris arbitrairement comme absolu (l’or le plus souvent), mais encore la valeur des biens eux-mêmes varie relativement l’une à l’autre : le rapport entre le prix d’un kilo de pain et le prix d’un kilo de Bible, n’est certainement pas resté constant au cours du temps…

(ThéoTEX).

1. Ce qu’elles coûtaient

Voici pour les Bibles latines. Au couvent de Saint-Victor, à Paris, nous trouvons la Bible estimée, vers 1173, 20 livres (environ 2000 €) ; vers 1203, 14 livres (environ 1150 €) ; en 1218, 17 ou 18 livres (1575 et 1725 €). A la fin du treizième siècle, à la Sorbonne, son prix d’estimation est de 16 livres (environ 1450 €), et en 1311, de 12 livres (environ 900 €). En 1389, à Saint-Victor, une bonne Bible est estimée 160 francs de l’époque, c’est-à-dire environ 1280 € d’aujourd’hui.

Les prix s’élevaient naturellement selon la beauté de l’exemplaire. Les grandes Bibles, bien ornées, étaient appelées Bibliothèques. A la fin du treizième siècle, à Notre-Dame, « une Bibliothèque bonne et très belle » était appréciée 30 livres parisis, soit 2400 €.

Nous avons vu plus haut, que dans le midi de la France, au commencement du quatorzième siècle, une Bible entière se vendait 20 livres. En 1415, nous voyons évaluer à 86 livres parisis, soit 4300 €, une charmante Bible latine ornée de miniatures, et un volume des concordances de la Bible.

Quant aux Bibles françaises, leur prix était beaucoup plus considérable. En 1336, Pierre de Villenay et Marie sa femme, donnèrent à Saint-Victor « une très bonne Bible en français » du prix de six-vingt francs, c’est-à-dire peut-être 8625 €, valeur actuelle.

Ces prix, marqués dans les registres des couvents et des écoles, devaient être, si élevés soient-ils, inférieurs à la réalité, comme le sont d’ordinaire les prix d’inventaires. Ce qui le prouverait, c’est que, quand il y a vente, le prix monte plus haut.

En 1284, en Normandie, on voit une Bible évaluée à 50 livres tournois (environ 4000 €). En Alsace, à la même époque, on voit une Bible en cinq volumes vendue 35 livres (environ 3000 €), aux chanoines d’Ittenwiller, par les frères Augustins de Strasbourg. En 1417, le couvent d’Engelthal, dans la Hesse, engage une Bible à un autre couvent pour 63 florins d’or (environ 3780 €). En 1450, le couvent d’Obersteigen, dans la Hesse, vend 60 florins (environ 2100 €), au vicaire du grand chœur de la cathédrale de Strasbourg quatre volumes en parchemin contenant l’Ancien et le Nouveau Testament.

Les Bibles glosées atteignaient aussi des prix très élevés. Nicolas Lombard, « marchand de livres à Paris », vend 40 livres parisis (3200 €) à Gui de la Tour, évêque de Clermont de 1250 à 1286, une Bible glosée copiée « d’une seule main ».

Mais il ne suffit pas, pour se rendre compte de la valeur d’une Bible au moyen âge, d’indiquer son prix évalué en francs. Il faut encore se rappeler que la valeur de l’argent était bien plus considérable alors qu’aujourd’hui. « De bons auteurs estiment, en effet, dit M. Samuel Berger, que l’argent du quatorzième et du quinzième siècle, avait six fois plus de valeur relative, ou, comme on dit, de pouvoir, que le nôtre, relativement à la plus générale et à la plus nécessaire de toutes les dépenses, au prix du blé ».

D’après cela, pour comparer le prix d’une Bible au moyen âge avec le prix d’une Bible d’aujourd’hui, il faudrait multiplier par six les chiffres ci-dessus.

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