Philadelphe Delord

IV.
Sauvetage nocturne

Delord s’occupait de ses lépreux individuellement, jour et nuit.

Un soir, il perçut un bruit insolite. Il lui sembla entendre un appel au secours. Il descendit aussitôt et trouve l’abbaye envahie par l’eau. A la suite d’un violent orage, un torrent avait fait irruption dans le grand cloître et menaçait les cellules les unes après les autres.

Cette fois, arrivé sur les lieux du sinistre, le cri d’alarme lui parvint distinctement : une pauvre aveugle, alitée et à moitié paralysée, appelait ; l’eau montait à la hauteur de ses couvertures.

– Nous arrivons, courage !

(« Nous », c’était lui ; il était seul !) Il entra, surpris, s’ingénia, par des moyens de fortune, à pomper l’eau et à la refouler. Comment a-t-il fait ? Il travailla des heures. La nuit y passa ; toute une nuit froide d’octobre !

… Quand le danger fut écarté, que la malade put revenir de ses émotions, le sauveteur remonta chez lui en claquant des dents. Ce fut le début d’un mal de reins dont il ne se remit jamais.

Il se sentit gravement atteint et se demanda s’il pourrait continuer.

Selon son habitude, il regarda la situation sans hésiter, prêt à tout événement.

Avec une claire vision, il dit :

« Pas de doute, je suis affaibli ; mais le bien de Valbonne avant tout. La décision s’impose, il faut passer la main ! »

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