Démonstration évangélique

LIVRE II

CHAPITRE III
À LA VOCATION DES GENTILS PAR LE CHRIST, LES JUIFS DEVAIENT PERDRE LES RITES DE LEUR CULTE ET LA RELIGION DIVINE

24. DE JÉRÉMIE

La nation juive est rejetée, et les nations sont adoptées à sa place. Voici ce que dit le Seigneur : « Demeurez sur les chemins ; considérez et interrogez les sentiers éternels du Seigneur pour connaître la bonne voie. Suivez-la, et vous trouverez la délivrance de vos âmes. Ils ont répondu. Nous n’y marcherons point. J’ai établi des sentinelles sur vous : entendez la voix de la trompette, et ils ont dit, nous ne t’écouterons point. Aussi les nations ont-elles entendu et ceux qui paissent les troupeaux » (Jér., VI, 16).

25. DU MÊME

La religion des Gentils ; l’impiété du peuple juif ; les maux qui doivent fondre sur lui après l’avènement du Christ.

« Seigneur, ma force et mon appui, mon refuge au jour de la tribulation, les nations viendront a vous des extrémités de la terre, et diront : Vraiment, nos pères ont adoré des idoles vaines, qui ne leur ont été d’aucun secours. Si l’homme se fait des dieux, sont-ce là des dieux ? Aussi je leur montrerai en ce temps, je leur ferai connaître mon bras et ma puissance, et ils sauront que mon nom est le Seigneur » (Jér., XVI, 19). Le péché de Juda est écrit avec une plume de fer sur une pointe de diamant, et gravé dans l’étendue de leur cœur, lorsqu’ils se sont rappelés leurs bois sacrés dans les forêts épaisses, sur les collines élevées, sur les montagnes, dans les plaines. Je livrerai votre force, vos trésors et vos lieux hauts dans toute retendue de votre terre A cause de vos péchés. Vous demeurerez délaissés, privés de l’héritage que je vous ai donné ; je vous ferai servir vos ennemis dans une terre que vous ne connaissez pas ; parce que le feu de ma colère est allumé ; il brûlera éternellement » (Id., XVII, 1).

26. D’AMOS

La dispersion des Juifs dans l’univers ; le renouvellement par l’avènement du Christ, et par sa royauté ; la vocation des Gentils.

« Voici ce que j’ordonne : j’agiterai la maison d’Israël au milieu de toutes les nations, comme on agite le blé dans un crible, et aucun grain ne tombera sur la terre : Ils périront par le glaive tous les pécheurs de mon peuple, qui disent : Cet maux ne viendront pas, ils ne s’approcheront pas de nous. En ce jour je rétablirai le tabernacle de David qui est tombé, et j’en réparerai les brèches ; j’en enlèverai les ruines, je le rebâtirai comme il fut aux jours anciens, afin que le reste des hommes me cherche, ainsi que les nations qui m’étaient soumises. » Le Seigneur a parlé ; c’est lui qui accomplira ces promesses (Amos, IX, 9).

27. DE MICHÉE

L’accusation des princes du peuple Juif, et la destruction de la métropole ; la manifestation du Christ et de la maison de Dieu qui est son Église ; la prédication de la parole dévie et de la loi, et la vocation des Gentils.

« Écoutez donc ces dernières paroles, princes de la maison de Jacob et restes d’Israël ; vous qui haïssez le jugement et pervertissez la justice, qui bâtissez Sion avec le sang, et Jérusalem sur l’iniquité des princes jugeaient pour des présents et les prophètes ont prédit pour un salaire. Ils se reposaient sur le Seigneur, en disant : Le Seigneur n’est-il pas avec nous ? les maux ne nous atteindront pas. Aussi, à cause de vous, Sion sera labourée comme un champ ; Jérusalem deviendra comme un monceau de pierres, et la montagne du temple deviendra forêt (Michée, III, 9). Et au dernier des jours la maison du Seigneur sera apparente : elle sera préparée sur le haut des monts, élevée au-dessus des collines. Les peuples se hâteront vers elle, et les nations accourront, en disant : Venez ; montons à la montagne du Seigneur et à la maison du Dieu de Jacob. On nous enseignera ses voies ; nous marcherons en ses sentiers, parce que la loi sortira de Sion, et la parole du Seigneur, de Jérusalem (Id., IV, 1).

28. DE ZACHARIE

L’avènement du Christ et la destruction des préparatifs de guerre des Juifs ; la paix des Gentils et le royaume du Seigneur qui s’étendra jusqu’aux extrémités de la terre.

Tressaille d’allégresse, fille de Sion ; pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ; voilà que ton roi vient vers toi, juste et Sauveur, doux lui-même ; monté sur une ânesse et sur le poulain de l’ânesse. Il perdra les chars d’Éphraïm et les coursiers de Jérusalem. Il brisera l’arc des combats. L’abondance de la paix sortira des nations, il commandera d’une mer à l’autre, et des rives des fleuves au extrémités de la terre (Zach., IX, 9)

29. DE MALACHIE

Lorsque le culte spirituel sera donné aux Gentils par le Christ, la nation des Juifs sera rejetée, et son culte charnel aboli.

Ma volonté ne repose pas sur vous, dit le Seigneur tout-puissant, et je ne recevrai pas de victime de vos mains, car depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher, mon nom est glorifié parmi les nations, et en tout lieu l’on offre a mon nom l’encens et une victime pure, parce que mon nom est grand parmi les nations, dit le Seigneur ton Impuissant ; mais vous, vous le déshonorez (Malach., I, 10).

30. D’ISAÏE

La ruine du Juifs ; la prédication de la parole de Dieu et de la loi nouvelle ; la manifestation de l’Église ; la piété des Gentils.

La fille de Sion sera délaissée comme la tente dans la vigne, et comme la cabane dans un champ de concombres, comme une ville après un siège (Is., I. 8). Le prophète dit ensuite : comment Sion la cité fidèle s’est-elle changée en courtisane ? la justice s’y est endormie ; maintenant des meurtriers s’y recèlent ; il ajoute : Elles seront comme le térébinthe dépouillé de ses feuilles, et comme un jardin sans eau, leur force sera comme la paille de l’étoupe, et leurs grains comme une étincelle de feu ; les injustes et les pécheurs seront consumés, et nul ne pourra éteindre ces flammes. Après ces imprécations, il continue ainsi : « Dans les derniers jours la montagne du Seigneur apparaîtra, la main du Seigneur sera préparée sur le haut des monts ; elle sera élevée sur le haut des collines. Tous les peuples se hâteront vers elle, et la multitude des nations accourra en disant : Venez, montons à la montagne du Seigneur et à la maison du Dieu de Jacob. Il nous enseignera ses voies, et nous les parcourrons « parce que la loi sortira de Sion, et la parole du Seigneur, de Jérusalem, et il jugera les nations. »

31. DU MÊME

La destruction de la gloire de Juda ; la conversion des Gentils de l’idolâtrie et leur retour au Dieu de l’univers ; la destruction des cités des Juifs et leur incrédulité.

Le Seigneur des armées dit : « Il en sera de même que si l’on glane un épi dans la vallée fertile, où est abandonnée une paille, ou comme de deux ou trois olives abandonnées à l’arbre ou de quatre ou cinq oubliées à ses rameaux. Voici ce que dit le Seigneur, le Dieu d’Israël, en ce jour l’homme espérera en celui qui l’a créé. Ses yeux se tourneront vers le saint d’Israël ; ils ne se lèveront plus vers les autels ni vers les idoles, ouvrages de ses mains ; alors ils ne regarderont plus les bois sacrés, ni les abominations ; vos villes seront abandonnées, comme elles le furent par les Amorrhéens et les Hévéens à l’approche des fils d’Israël ; elles deviendront désertes, parce que vous avez abandonné Dieu, votre Sauveur, et vous ne vous êtes pas rappelé le Seigneur votre Dieu, aussi planterez-vous en vain ; au jour où vous aurez planté, vous serez déçus ».

32. DU MÊME

Les villes de la Judée sont détruites ; les nations se réjouiront en Dieu.

« Seigneur mon Dieu, je vous glorifierai ; je célébrerai votre nom, parce que vous avez consommé des prodiges, le dessein antique est véritable. Oui, Seigneur, parce que vous avez changé les cités en monceaux de ruines, leurs cités même fortifiées, pour que les fondements s’écroulent. La cité des impies ne sera plus rebâtie. Aussi vous bénira-t-on, car vous êtes le défenseur de toute cité pauvre, et la protection de celui que la misère rend pusillanime. Le Seigneur appellera toutes les nations à cette montagne ; elles boiront le vin de l’allégresse ; elles seront inondées de parfums sur cette montagne. Annoncez ces merveilles aux nations, car tel est le dessein de Dieu pour tous les peuples ; la mort engloutit en triomphant » (Is., XXV, 8). Et encore : « Le Seigneur a essuyé les larmes de tous les yeux ; Dieu a enlevé l’opprobre du peuple de dessus la terre ; car c’est la bouche du Seigneur qui l’a prononcé. »

33. DU MÊME

La promesse des faveurs divines à l’Église abandonnée autrefois des nations ; le désespoir des Juifs ; leurs crimes et ta vocation des Gentils.

« Oubliez le passé, et ne vous rappelez plus les événements antiques, j’en prépare de nouveaux, qui vont éclater maintenant, vous les connaîtrez ; je trouverai un chemin dans la solitude, et je ferai couler des fleuves dans les déserts sans eaux ; les bêtes sauvages, les sirènes, les petits de l’autruche me béniront, parce que j’ai conduit dans la solitude une eau pour abreuver la race de mes élus. Le peuple que je me suis formé, racontera ma gloire. Ce n’est pas vous, ô Jacob que j’ai appelé ; ô Israël, je ne vous ai pas fait servir, vous ne m’avez pas offert des holocaustes de vos troupeaux, et vous ne m’avez pas glorifié en vos sacrifices ; vous ne m’avez pas rendu hommage par vos présents ; je ne vous ai pas fatigué à recueillir l’encens ; vous n’avez pas eu à acheter les parfums ; je n’ai point désiré la graisse de vos victimes ; mais quand je vous guidais, vous vous abandonniez à l’iniquité et à l’injustice. » Le prophète ajoute : « Revenez à moi, et vous serez sauvé, peuple des extrémités de la terre ; je suis le Seigneur, et il n’y en a pas d’autre ; je jure par moi-même, la justice sortira de ma bouche, et ma parole ne changera pas ; tout genou fléchira devant moi, et toute langue jurera par le Dieu véritable, et dira : la justice et la gloire reviendront au Seigneur, et tous ceux qui se séparent du Seigneur seront confondus » (Is., XLIII, 18).

34. DU MÊME

L’avènement du Christ sur la terre, les crimes des Juifs, et la promesse des faveurs de Dieu à toutes les nations.

Voici ce que dit le Seigneur : « Quel est l’acte de répudiation par lequel j’ai abandonné ta mère ? ou à quel débiteur t’ai-je vendu ? tu as été vendu à tes péchés, et j’ai abandonné ta mère à les iniquités, aussi je suis venu et il ne se trouvait pas un homme ; j’ai appelé et personne pour entendre, » etc. (Is., XLV, 22). Le prophète ajoute : « Vous qui, privés de la lumière, marchez dans les ténèbres, espérez au nom du Seigneur, et appuyez-vous sur votre Dieu ; tous maintenant vous allumez des feux, et vous excitez la flamme : marchez à la lumière de vos feux et à la lueur de vos flammes, voilà mon œuvre contre vous. Vous dormirez dans la douleur, » et le reste. Il continue : « Écoutez, écoutez-moi ; mon peuple et ses rois, prêtez-moi l’oreille, la loi sortira de ma bouche, et ma justice sera la lumière des nations : le juste approche ; le Sauveur apparaîtra comme la lumière, et les nations espéreront en mon bras » (id., I, 1).

35. DU MÊME

Les impiétés des Juifs et la destruction de leur religion ; la vocation des Gentils.

« Le bras du Seigneur ne peut-il pas sauver, et son oreille s’est-elle endurcie jusqu’à ne pas entendre ? vos iniquités vous séparent de votre Dieu, et c’est à cause de vos péchés qu’il a détourné son visage de vous, pour ne pas faire miséricorde ; car vos mains sont souillées de sang, et vos doigts d’iniquités. Vos lèvres ont proféré le mensonge, et votre langue se prépare à l’injustice ; nul ne fait entendre la vérité, et il n’y a pas de jugement équitable ; ils se confient au néant et disent des choses vaines ; car ils conçoivent le travail et ils enfantent l’iniquité ; ils ont rompu les œufs des aspics et tissu la toile des araignées. Celui qui veut manger de ces œufs, quand il les aura brisés, y trouvera une eau pure et au milieu un serpent ; leurs toiles ne les vêtiront pas, et ils ne pourront s’envelopper de leurs œuvres ; leurs œuvres sont des œuvres d’iniquité ; leurs pieds courent au mal ; ils sont prompts pour répandre le sang, leurs pensées sont des pensées vaines, le ravage et la désolation sont dans leurs voies, ces sentiers se recourbent qu’ils parcourent sans connaître la paix ; aussi l’équité s’est, éloignée d’eux, et la justice ne les connaît pas ; ils ont attendu la lumière, les ténèbres les ont entourés, ils ont espéré l’éclat du jour, et ils ont marché dans l’obscurité de la nuit ; de leurs mains ils ont cherché le mur comme les aveugles, et ils l’ont touché comme privés de la lumière. Ils tomberont en plein midi comme au milieu de la nuit ; ils gémiront comme les mourants ; ils deviendront comme l’ours et la colombe, » etc. (Is., LIX, 1). Isaïe ajoute : « l’Occident craindra le nom du Seigneur, et l’Orient vénérera son nom glorieux. » Sans extraire d’autres passages du grand nombre de semblables qui se trouvent dans les prophéties, nous nous arrêterons à ceux que nous venons de citer, et nous les expliquerons en leur lieu, persuadé que nous sommes que nous en avons assez avancé pour faire sentir que les Juifs n’ont rien de plus favorable que les nations ; car s’ils prétendent que seuls ils ont droit à la bénédiction d’Abraham, parce que c’est de lui qu’ils tirent leur origine, les Gentils n’ont-ils pas aussi la promesse non seulement de la bénédiction d’Abraham, mais aussi de celle d’Isaac et de Jacob. En effet, Dieu annonce clairement que les nations seront bénies comme les Juifs le furent, et invite à la joie que goûtèrent les bienheureux et fidèles patriarches, d’après ces paroles : « Nations, réjouissez-vous avec son peuple » (Ps. XLVI, 10) ; et celles-ci : « Les princes des peuples se sont assemblés avec le Dieu d’Abraham… » Se glorifient-ils d’être héritiers du royaume de Dieu ? mais il est prédit que Dieu régnera sur les nations. « Annoncez aux nations, dit le prophète, que le Seigneur a régné » (Id., XCV, 10). Et ailleurs : « Dieu a régné sur les nations » (Id., XLVI, 9). Se vantent-ils d’avoir été choisis pour exercer les fonctions du sacerdoce et du culte de Dieu, il sera facile d’établir que la parole divine promet aux Gentils un semblable ministère, quand elle dit : « Apportez au Seigneur, familles des peuples, apportez au Seigneur la gloire et la vénération, immolez des victimes et entrez en son sanctuaire » (Ps., XCV, 8). Vous y pourrez joindre aussi cette prophétie d’Isaïe : « Sur la terre d’Égypte il s’élèvera un autel ; les Égyptiens reconnaîtront le Seigneur ; ils offriront leurs sacrifices ; ils feront des vœux au Seigneur, et il les accompliront » (Is., XIX, 19). Or, remarquez ici que le prophète dit que hors de Jérusalem et sur la terre d’Égypte on élèvera un autel au Seigneur ; que les Égyptiens sacrifieront sur cet autel ; qu’ils y formeront des vœux et qu’ils les accompliront : et même, ce ne sera pas seulement sur cette terre, mais encore dans la vraie Jérusalem, quelle qu’elle soit, que les nations et les Égyptiens eux-mêmes, peuple le plus attaché au culte des idoles, sont invités par la prophétie à célébrer la fête des tabernacles, dont il faut chercher le sens, non dans les paroles, mais dans la pensée qui les a suggérées. Si Jacob fut jadis le peuple de Dieu, et Israël la part de son héritage, un jour viendra où toutes les nations seront données au Seigneur comme héritage, car le Père a dit au Fils : Demandez-moi, et je vous donnerai les nations en héritage (Ps., XXVIII). Et le prophète ne fait-il pas entendre que sa puissance ne s’étendra pas seulement sur la Judée, mais encore d’une mer à l’autre, et jusqu’aux extrémités de la terre : Toutes les nations lui seront soumises, dit-il, et en lui seront bénies les tribus de la terre. Cette bénédiction se répandit sur elles parce que Dieu manifesta son salut à toutes les nations. Déjà nous avons fait sentir que le nom de Jésus traduit de l’hébreu en grec exprime salut, de sorte que le nom de notre Sauveur Jésus-Christ n’est autre que le salut de Dieu. Le saint vieillard Siméon l’atteste, puisque ayant pris entre ses bras le petit enfant Jésus, il dit : « Maintenant, Seigneur, vous laisserez aller votre serviteur en paix, selon votre parole. Car mes yeux ont vu votre salut, que vous, avez préparé devant la face de tous les peuples, pour être la lumière qui éclairera toutes les nations » (Luc, I, 29). L’auteur des psaumes fait connaître ce salut, quand il dit : « Le Seigneur a révélé son salut ; il a manifesté sa justice aux yeux des nations » (Ps., XCVII, 2). Suivant Isaïe, à la présence de celui qui est leur salut, tous les hommes s’humilieront devant le Dieu de l’univers qui doit leur donner son salut ; et ils se prosterneront devant lui, non pas dans cette Jérusalem terrestre de la Palestine, mais chacun en son pays, même ceux des lies des nations. Lorsque sera accomplie la prophétie, les hommes n’invoqueront plus les dieux de leurs pères, ni les idoles où les démons, mais le nom du Seigneur, qu’ils serviront dans un saint accord, aux extrémités mêmes des fleuves de l’Éthiopie. On offrira à sa gloire des hosties d’intelligence non sanglantes, suivant la nouvelle alliance établie par le Christ, non pas dans la Jérusalem terrestre, ni sur l’autel qui est élevé en son sein, mais aux extrémités de l’Éthiopie.

S’il est honorable d’être le peuple de Dieu et de passer pour tel, et que la plus grande des promesses divines soit celle qui est adressée à ceux qui en seront dignes : « Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple » (Jer., XXIV, 7) ; Israël a conçu d’abord une juste satisfaction d’être le seul peuple de Dieu ; mais le Seigneur étant descendu sur la terre a promis le même bonheur aux nations, lorsqu’il leur dit : « Je viens moi-même habiter au milieu de vous. Plusieurs peuples recourront au Soigneur, et formeront son peuple » (Zach., II, 11). C’est de cette nation nouvelle qu’il est dit avec une si grande justesse : « Et je dirai à celui qui n’était pas mon peuple : Vous êtes mon peuple. Et il me dira : Vous êtes le Seigneur mon Dieu » (Osée, II, 24). Si notre Dieu est vraiment le Christ qui devait sortir de la tige de Jessé, comme les Juifs l’avouent, de sorte que l’on ne peut hésiter davantage, remarquez qu’il est annoncé comme le chef qui doit s’élever pour commander non plus à Israël, mais aux nations, et qu’il est dit des nations et non pas d’Israël, qu’elles espèreront en lui, car il est leur attente ; aussi le prophète dit de lui qu’il donnera la sagesse aux nations, qu’il sera leur lumière ; que les nations espèreront en son nom ; enfin qu’il sera le salut non seulement des Juifs, mais aussi de tous les hommes, jusqu’aux extrémités de la terre. Aussi le père qui l’a envoyé sur la terre, lui dit-il. « Je vous ai envoyé pour établir l’alliance avec votre race pour être la lumière des nations, pour renouveler la terre, et recueillir les héritages abandonnés. »

Il avertit ainsi le monde que toutes les nations qui d’abord ne savaient rien du Christ, dès qu’elles connaîtront sa loi et sa puissance, invoqueront son nom ; que les peuples qui l’ignoraient autrefois accourront à lui. Mais pourquoi s’appesantir davantage sur ce sujet ? Ces paroles des prophètes, celles que nous emprunterons plus tard aux saints livres où l’on peut recueillir ces prophéties, nous donnent la facilité de fermer la bouche aux enfants circoncis, lorsqu’ils prétendent qu’ils sont les seuls héritiers des promesses, et que nous, les élus des nations, nous sommes bien inférieurs à eux, et entièrement étrangers à ces mêmes promesses. Nous avons au contraire montré plus haut qu’il fut prédit que toutes les nations jouiraient des bienfaits de l’avènement du Christ, et que le grand nombre des Juifs seraient frustrés des promesses faites à leurs ancêtres en punition de leur manque de foi dans le Christ, tandis que parmi eux quelques rares fidèles suivraient la croyance de notre Sauveur et Seigneur Jésus, et jouiraient par-là de la rédemption spirituelle prédite depuis longtemps. C’est ce que nous apprend le divin apôtre, quand il dit : « Pour Israël, Isaïe s’écrie : Quand le nombre des enfants d’Israël serait égal à celui du sable de la mer, les restes seulement seraient sauvés. Le Seigneur dans sa justice réduira son peuple à un petit nombre, parce que le Seigneur fera sur la terre un grand retranchement. » Et selon ce qu’Isaïe avait dit auparavant : « Si le Seigneur des armées ne nous avait laissé quelque reste de notre peuple, nous serions devenus semblables à Sodome et à Gomorrhe » (Rom., IX, 27). Après ces paroles et d’autres encore, l’Apôtre ajoute : « Dieu a-t-il rejeté son peuple ? non sans doute ; car je suis moi-même de la race d’Abraham et de la tribu de Benjamin. » Dieu n’a pas rejeté son peuple qu’il a connu dans sa prescience. Ne savez-vous que l’Écriture rapporte d’Élie, comme il invoque Dieu contre Israël : « Seigneur, ils ont tué vos prophètes ; ils ont renversé vos autels ; je suis demeuré seul, et ils ne cherchent qu’à m’ôter la vie. » Mais qu’est-ce que Dieu lui répond ? « Je me suis réservé sept mille hommes qui n’ont pas fléchi le genou devant Baal » (Rom., II, 1). Ainsi donc même en ce temps, Dieu a fait un choix par sa grâce.

Par ces paroles l’Apôtre fait clairement entendre qu’après la ruine générale de la nation juive, c’est lui-même, ce sont les autres apôtres et les évangélistes de notre Sauveur, ce sont les Juifs qui ont cru et qui croient aujourd’hui encore en Jésus-Christ, qui forment cette semence précieuse désignée par le prophète en ces termes : « Si le Seigneur des armées n’avait réservé quelques restes de notre peuple, nous serions devenus semblables à Sodome et à Gomorrhe. » Il montre ici qu’il faut entendre dans les autres prophéties par les restes du tout préservés par le choix, de la grâce.

Nous allons donc maintenant développer les oracles des prophètes sur ce reste préservé, afin qu’on soit plus convaincu que la promesse du salut par l’avènement du Christ ne fut pas faite indistinctement à toute la nation juive, mais à ce petit nombre de fidèles qui crurent en notre Sauveur et Seigneur Jésus, comme l’événement l’a prouvé.

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