Démonstration évangélique

LIVRE II

CHAPITRE IV
LES PROMESSES DIVINES NE SERONT PAS ACCOMPLIES SUR TOUTE LA NATION JUIVE, MAIS SUR UN PETIT NOMBRE D’ÂMES CHOISIES

« Votre terre est déserte ; vos villes sont la proie des flammes. Des étrangers sous vos yeux dévorent votre patrie ; elle est abandonnée à cause de leurs ravages. La fille de Sion est abandonnée comme la tente dans une vigne, et comme une cabane dans un champ de concombres, comme une ville dévastée. Si le Seigneur des armées n’eût conservé quelques restes de notre peuple, nous serions devenus semblables à Sodome et à Gomorrhe » (Isaie, I, 7). Le grand, le divin prophète commence son livre par nous apprendre que toutes ses prophéties concernent Juda et Jérusalem ; il accuse ensuite toute la nation juive, d’abord en ces termes : « Le taureau connaît son maître, et l’âne, l’étable de celui qu’il sert. Israël m’a méconnu, et mon peuple est sans intelligence. » Il déplore ensuite le sort de la nation entière, et dit : « Malheur à la nation perverse, au peuple chargé de crimes, à la race d’iniquité, aux enfants déréglés. » Après avoir élevé ces accusations contre les Juifs, en indiquant ainsi la cause des malheurs qui vont leur être prédits, il commence en ces termes : « Votre terre est déserte, » et cependant la Judée ne l’était pas quand Isaïe prophétisa : « Vos villes sont la proie des flammes, » cette catastrophe n’avait pas encore eu lieu, et les étrangers ne dévoraient pas leur patrie, quoiqu’il dise : « Des étrangers sous vos yeux dévorent votre patrie » (Is., I, 3).

Or, si vous descendez de l’avènement de Jésus-Christ notre Sauveur, et de lui jusqu’à notre époque, vous trouverez que toutes les paroles se sont accomplies. La fille de Sion, où le culte célébré sur la montagne de Sion, a été abandonné à la venue de Jésus notre Sauveur ; elle est devenue comme une tente en une vigne, et comme une cabane dans un champ de concombres, ou même comme un lieu plus désert encore. Sous leurs yeux, les étrangers ont dévoré leur patrie, tantôt en les chargeant d’impôts et de contributions, tantôt en se mettant en possession d’une contrée qui leur appartenait jadis. Le temple, cette merveille de la cité sainte, est tombé sous les coups des nations infidèles. Leurs villes ont été la proie des flammes, et Jérusalem a été prise. Or après ces terribles événements, le chœur des apôtres et les Hébreux qui avaient en leur cœur la foi du Christ conservée comme une semence féconde, se répandirent sur toute la terre, pénétrèrent chez toute tribu, et remplirent de la semence véritablement Israélite toutes les villes, toutes les campagnes, toutes les contrées du monde, de sorte qu’il faut dire que c’est d’eux que naquirent les épis de l’Église fondée sur le nom de Jésus ; et c’est pourquoi aux terribles menaces qu’il vient de prédire, l’homme de Dieu ajoute : « Si le Seigneur n’eût conservé quelques restés de notre peuple, nous serions devenus semblables à Sodome et à Gomorrhe. » C’est là le passage que le saint apôtre explique dans l’épître aux Romains en l’abrégeant. Pour Israël, dit-il, Isaïe s’écrie : « Quand le nombre des enfants d’Israël serait égal au sable de la mer, les restes seulement seront sauvés. » Car le Seigneur fera un grand retranchement sur la terre, et selon ce qu’Isaïe avait dit auparavant : « Si le Seigneur des armées n’avait réservé quelques-uns de notre race, nous fussions devenus semblables à Sodome et à Gomorrhe, » l’Apôtre ajoute : « Dieu a-t-il donc rejeté son peuple ? » non certes ; car je suis moi-même Israélite, de la race d’Abraham, de la tribu de Benjamin. Dieu n’a pas rejeté le peuple qu’il a connu dans sa prescience. Ne savez-vous pas ce que l’Écriture rapporte d’Élie, comment il invoque le Seigneur contre Israël ? « Seigneur, ils ont tué vos prophètes, ils ont renversé vos autels ; je suis demeuré seul, et ils me cherchent pour m’ôter la vie. » Mais qu’est-ce que Dieu lui répond ? « Je me suis réservé sept mille hommes qui n’ont point fléchi le genou devant Baal. » Ainsi donc, même en ce temps Dieu a fait un choix par sa grâce. Et pour que l’on ne soupçonne pas que la prophétie s’applique à un autre temps que celui de la manifestation de notre Sauveur Jésus-Christ, après qu’il a été dit : « Si le Seigneur des armées n’avait réservé quelques restes de notre peuple, nous serions devenus semblables à Sodome et à Gomorrhe, » désignant par le peuple de Gomorrhe tous les Juifs, et leurs chefs par les princes de Sodome. Le prophète annonce la un des fils de Moïse et le culte donné à tous les hommes par la nouvelle alliance, celui de la régénération par le baptême ; et au milieu de ses menaces terribles il tient un langage tout nouveau et annonce la loi : il dit : « Écoutez la parole du Seigneur, princes de Sodome ; prêtez l’oreille à la loi de Dieu, peuple de Gomorrhe ; que me fait la multitude de vos victimes (Is., I, 10) ? Et le reste. En détruisant les rites mosaïques, il leur substitue un autre mode d’expiation, celui du baptême, pour la rémission des péchés, et la vie nouvelle annoncée avec lui, quand il dit : « Lavez-vous, purifiez-vous, ôtez la malice de vos pensées » (Id., I, 16) ; il marque lui-même le motif qui le porte à nommer les Juifs princes de Sodome et peuple de Gomorrhe, c’est que vos mains sont pleines de sang ; et encore quand il dit plus loin : Ils ont publié hautement leur péchés comme Sodome, et l’ont dévoilé ; malheur à eux, car ils ont formé un dessein impie contre eux-mêmes, disant : Nous lierons le juste, car il nous est inutile (Id., III, 9). Il parle de sang, de pièges tendus au juste ; mais de quel juste trament-ils la perte, sinon de notre sauveur Jésus-Christ ? Pour ces complots impies, et après leur exécution, s’appesantirent sur eux tous les maux qui leur furent prédits.

37. DU MÊME

Tous les malheurs prédits par les prophètes aux Juifs les ont frappés à cause de notre Sauveur Jésus-Christ, et après son avènement.

« En ce jour, le Seigneur brillera par sa sagesse et avec gloire sur la terre, pour élever et glorifier ce qui sera demeuré d’Israël en Sion, et ce qui sera demeuré en Jérusalem. Alors seront appelés saints ceux qui dans Jérusalem sont désignés pour la vie ». Le prophète marque lui-même quels sont les restes d’Israël quand il indique ceux qui sont désignés dans Jérusalem et ceux qui sont appelés saints.

En parcourant cette partie de la prophétie, vous trouverez facilement quel est ce jour où le Seigneur sera glorifié, où il élèvera les restes d’Israël, ceux qui sont appelés saints, et ceux qui sont désignés pour la vie. Après avoir commencé le livre de ses prophéties par la vision sur Juda et sur Jérusalem ; quand il a énuméré toutes les impiétés du peuple choisi, et proféré les effrayantes menaces de la destruction et de la dévastation entière de Jérusalem, il termine set prédictions par ces mots : « Car ils deviendront comme le térébinthe dépouillé de ses feuillet, et comme un jardin sans eau. Leur force sera comme la paille de l’étoupe, et leurs gains comme une étincelle. Les impies et les pécheurs seront consumés ensemble, sans que personne puisse éteindre leurs feux » (Isaïe, I, 30). Après avoir écrit ces fatales paroles, il s’arrête, et de nouveau il commence ses prédictions par cette sorte de préambule : « Parole de Dieu à Isaïe le prophète, fils d’Amos, au sujet de la Judée et de Jérusalem, ou, suivant l’interprétation de Symmaque, pour la Judée et pour Jérusalem » (Id., II, 1). On croira qu’abandonnant les tristes prophéties qu’il vient de faire, il annoncera des événements plus heureux. Mais les paroles qui suivent ne peuvent laisser subsister cette idée. Loin de contenir quelque heureux présage sur Juda et sur Israël, sur la terre promise ou sur Jérusalem, elles ne font entendre à Israël que des reproches et des invectives ; elles n’adressent à Jérusalem que de tristes menaces, tandis qu’elles promettent aux nations la vocation du salut, la connaissance du Dieu de l’univers, et l’indication de la nouvelle montagne du Seigneur et d’une autre maison de Dieu bien différente de celle de Jérusalem. Après donc qu’il a parlé de la Judée et de Jérusalem, il ajoute : « La montagne du Seigneur et la maison de Dieu qui apparaîtra dans les derniers temps s’élèvera sur le sommet des montagnes ; toutes les nations viendront à elle. Plusieurs peuples s’en iront en disant : Venez, montons à la montagne du Seigneur et à la maison du Dieu de Jacob. » Telle est la prédiction qu’il fait sur les nations ; voici ce qu’il ajoute sur les Juifs : « Il a rejeté le peuple, qui était la maison du Dieu de Jacob ; car leur pays s’est rempli comme autrefois d’hommes semblables aux habitants des autres pays, et ils ont donné le jour à plusieurs enfants d’iniquité. Leur terre est remplie d’or et d’argent, et leurs trésors sont innombrables ; » et le reste qui contient bien plus d’imprécations encore, et où il ajoute : « Ils ont adoré les idoles qu’ils avaient façonnées de leurs mains, homme s’est abaissé ; il s’est humilié : je ne lui pardonnerai pas. Entrez dans les rochers, et cachez-vous dans la terre pour vous dérober à la crainte du Seigneur et a la gloire de sa majesté, lorsqu’il se relèvera pour ébranler la terre. » Par ces paroles le prophète annonce évidemment que le Seigneur doit ressusciter et ébranler toute la terre des Juifs. Car c’est sur eux que roule toute cette prophétie, de même que ce qui suit : « Car voici venir le jour du Seigneur des armées sur les contempteurs et les superbes, sur les cœurs élevés et fiers » (Id., II, 12). Ainsi que les paroles qui suivent : « En ce jour de la résurrection du Seigneur, dit le prophète, après avoir prédit les maux de ceux qui s’élèvent contre la connaissance de Dieu, « en ce jour, le Seigneur se lèvera, et les hommes cacheront dans les antres les idoles qu’ont façonnées leurs mains. » Il semble désigner l’abandon des idoles, le délaissement qu’en firent les Juifs et les autres peuples, qui rejetèrent toute superstition après la manifestation de notre Sauveur. « En ce jour, dit-il, l’homme renversera les simulacres vains d’or et d’argent qu’il avait faits pour les adorer. » Après avoir fait cette prédiction sur le monde, à cause de l’appel qui doit être fait aux nations, il ajoute un trait particulier sur la nation juive, et dit : « Voici que le dominateur, le Seigneur des armées ôtera de la Judée et de Jérusalem l’homme vigoureux et la femme robuste, la force du pain et la force de l’eau, le géant, le puissant et le guerrier, le juge, le prophète, le devin et le vieillard, le capitaine de cinquante hommes, le conseiller prudent, le sage architecte et l’auditeur éclairé. » (Isaïe, III). Arrêtez-vous ici, et rappelez-vous les paroles du commencement de la prophétie : « Parole de Dieu à Isaïe, fils d’Amos, sur la Judée et sur Jérusalem. » Ne sont-elles pas plutôt contre les Juifs qu’en leur faveur ? A moins qu’elles ne contiennent quelque sens caché. Comment, en effet, celui qui doit ôter de la Judée et de Jérusalem l’homme vigoureux et la femme robuste, la force du pain et la force de l’eau et tous les ornements de sa gloire, annonce-t-il un sort heureux à la Judée et à Jérusalem ? Comment ce qui suit est-il en faveur des Juifs : « Jérusalem a été renversée et Juda est tombé ? leurs langues sont souillées d’iniquités ; car ils ne croient pas au Seigneur. Au temps où il fallait annoncer à toutes les nations et la montagne du Seigneur et la maison de Dieu élevée sur cette montagne, où les mêmes nations accourues devaient se répéter : « Venez, montons tous à la montagne du Seigneur, à la maison de Dieu, » en ce moment la parole divine qui a proféré ces accusations et menacé des derniers malheurs, ajoute la prédiction citée, enseigne que de la nation juive qui aura abandonné le culte du vrai Dieu, quelques hommes ne seront pas exposés aux désastres du peuple, qu’au contraire, préservés du sort des pervers et des iniques, et ayant embrassé la perfection de la foi, ils seront inscrits dans le livre de Dieu et appelés serviteurs saints du Seigneur. Il entend ici les apôtres de notre Sauveur, ses disciples, les évangélistes et ceux enfin de la circoncision qui ont cru en lui, à la chute de leur peuple. C’est ce que signifient ces paroles sacrées : « En ce jour, c’est-à-dire au jour de l’accomplissement des prophéties sur la vocation des nations et la ruine des Juifs, « le Seigneur brillera par sa sagesse et avec gloire sur la terre, pour élever et glorifier ce qui sera resté d’Israël ; et alors ce qui sera demeure en Sion et en Jérusalem, sera nommé saint : tous ceux qui seront restés dans Jérusalem sont désignés pour la vie. » Le début du fils d’Amos montre que la prophétie sur la Judée et sur Jérusalem s’applique à eux, ou encore à la Jérusalem céleste et à la Judée spirituelle qui la contient ; nous y reviendrons en son temps. A la vue de la puissance toute divine des apôtres de notre Sauveur et des évangélistes, qui a fait retentir leur voix dans toute la terre, et qui a porté leurs paroles jusqu’aux extrémités du monde, qui dès les jours de leur prédication jusqu’aux nôtres, a déposé sur les lèvres de l’Église du Christ les paroles célestes, les enseignements divins et la loi de la nouvelle alliance dont le Christ leur a confié la prédication, pourrait-on douter de la vérité de la prophétie qui annonce que par sa sagesse et avec gloire, le Seigneur élèvera sur toute la terre et glorifiera les restes d’Israël ; et encore que le veste de Sion et le reste de Jérusalem, ceux qui sont désignés pour la vie, seront appelés saints ? Tandis que les Septante disent, par sa sagesse et avec gloire, Aquila et Théodotion traduisent l’un et l’autre avec puissance et gloire, et indiquent de la sorte la puissance que les apôtres recevront de Dieu et la gloire qu’ils auront ensuite auprès de lui, suivant ces paroles : « Le Seigneur confiera sa parole aux évangélistes avec une grande puissance » (Ps., LXVII, 13).

38. DU MÊME

De plus ce qui s’est accompli à la lettre : « Vous entendrez, et vous ne comprendrez pas. Vous regarderez, et vous ne verrez pas. Car le cœur de ce peuple s’est appesanti : il a endurci ses oreilles et fermé ses yeux, afin de ne pas voir et de n’entendre pas, pour ne » pas se convertir, et afin que je ne le guérisse pas » (Isaïe, VI, 10). Et je dis : Seigneur jusques à quand ? Et il dit : « Jusqu’à ce que les villes soient désolées, privées d’habitants, et les maisons désertes, faute de possesseurs. Dieu dispersera encore les hommes, et ceux qui demeureront sur la terre se multiplieront. » Ainsi, au milieu de la désolation générale, ceux qui auront été préservés des maux de leur patrie, se multiplieront seuls ; et ce sont les disciples de notre Sauveur qui, s’étant répandus dans le monde comme une semence précieuse réservée avec soin, ont produit une abondante moisson, les églises des nations de tout l’univers. Ce qu’il faut observer, c’est que, tandis que le prophète annoncé que les Juifs sauvés de la ruine de la nation se multiplieront seuls, il dit que les autres au contraire demeureront dans une solitude complète ; car, dit-il, leur terre sera abandonnée : c’est ce qui leur a déjà été annoncé précédemment par le même prophète en ces termes : « Votre terre est déserte ; vos villes sont la proie des flammes ; sous vos yeux des étrangers dévorent votre patrie. » Or, à quelle époque vinrent fondre ces calamités, sinon après les temps de notre Sauveur ? Car jusqu’à ce qu’ils eussent exécuté les noirs complots qu’ils osèrent tramer contre lui, leur patrie ne fut pas un désert ; leurs villes ne devinrent pas la proie des flammes, et les étrangers ne dévorèrent pas leurs campagnes. Mais dès qu’eut retenti cette prophétique parole de notre Sauveur et Seigneur Jésus : « Voilà que votre maison sera abandonnée ; » dès lors et sans beaucoup attendre, assiégés par les Romains, ils virent leur cité devenir déserte (Matth., XXIII, 38).

La prophétie indique la cause de cette ruine ; elle l’expose sans ambiguïté ; et elle montre quel fut le motif de la destruction de ce peuple. Lorsque Notre-Seigneur leur annonçait son Evangile, ils ne lui prêtèrent pas les oreilles de leur cœur ; ils ne le comprirent pas. Ils l’ont vu des yeux de la chair ; ils ne l’ont pas vu des yeux de l’esprit : ils ont endurci leurs cœurs ; ils ont fermé les yeux de leur intelligence, et, obstrué leurs oreilles, suivant le langage prophétique, aussi leurs villes seront ruinées et inhabitables ; leur terre deviendra un désert, et un petit nombre d’entre eux échappera à la calamité générale, réservé comme un germe plein de vie. Ceux-ci, répandus sur la terre, doivent s’y multiplier. Cependant, après le départ de cette troupe choisie, évidemment des apôtres de notre Sauveur, il demeurera sur la terre de Juda la dixième partie de celle race maudite qui sera livrée encore à d’affreuses calamités, comme le térébinthe et le gland échappé à son calice.

Ces paroles, à mon avis, indiquent qu’après le premier siège qu’ils essuyèrent du temps des apôtres et sous l’empereur Vespasien, ils en subiront un second, celui d’Adrien ; qu’alors ils seront chassés de la contrée, sans qu’il leur soit permis même de demeurer sur le sol ou fut Jérusalem. Le prophète l’indiqua encore quand il dit : « Il sera encore livré au malheur » (Is., VI, 13), comme le térébinthe et le gland échappé à son calice » (Id., VII, 21). »

39. DU MÊME

« En ce jour l’homme nourrira une vache et deux brebis, et à cause de l’abondance du lait, le beurre et le miel seront la nourriture de ceux qui seront demeurés sur la terre. » Et si vous demandez quel est ce jour que désigne le prophète, c’est celui de la venue du Sauveur. En effet, lorsque le prophète a dit : « Une vierge concevra et enfantera un fils » (Id., XIV), il insère plusieurs prédictions sur les événements qui doivent accompagner le jour de la manifestation de notre Sauveur. Indiquées par une ingénieuse allégorie, sous les noms de mouches et d’abeilles, les puissances invisibles et les ennemis de ce peuple doivent pénétrer en son pays, et le Seigneur conduira le tranchant de leur glaive pour couper leur belle chevelure, les poils de leurs pieds et leur barbe, en un mot tous les ornements de leur orgueil. C’est alors, au jour de la naissance du fils de la Vierge, que l’homme échappé à la ruine générale, c’est-à-dire celui qui aura embrassé la foi du Christ, Fils de Dieu, nourrira une vache et deux brebis, et à cause de l’abondance de leur lait, savourera le beurre et le miel. En s’attachant au sens spirituel, cette prophétie fut accomplie par les apôtres de notre Sauveur. Chacun d’eux en effet établit dans les églises qu’il fonda la vertu du Christ, deux brebis (ou) deux ordres qui forment le troupeau de Dieu ; le premier, de ceux qui sont encore aux éléments de la foi ; le second, des fidèles régénérés par le baptême : il plaça au-dessus, comme une vache, la puissance toute sainte des pasteurs qui offrent au troupeau une nourriture divine et spirituelle, et retira alors le lait nourrissant et le miel, fruit de ses laborieuses sollicitudes. Nous n’expliquerons pas pourquoi le prophète appelle brebis les imparfaits dans la foi ; car l’Ecriture sainte l’indique partout.. Le saint apôtre fait sentir comment elle compare le travail de l’homme parfait qui fertilise plus d’un champ de l’Eglise à celui des bœufs, quand il dit. « Dieu de soucie-t-il des bœufs » (I Cor., IX, 9) n’est-ce pas pour nous qu’il le dit ? En effet, celui qui laboure doit labourer dans l’espérance de recueillir ; et celui qui bat le grain, dans l’espérance d’y avoir part. Si ce langage figuré blesse quelques susceptibilités, elles ne pénètrent pas le sens de ces mouches, de ces abeilles, du rasoir, de la barbe et des poils des pieds, et tombent dans des fables absurdes et incohérentes. Or, s’il est indispensable de ne chercher que le sens spirituel de ces paroles, n’est-il pas évident qu’il faut aussi le faire pour celles qui le suivent ?

40. DU MÊME

« En ce jour les montagnes, les collines, les forêts seront avilies et seront dévorées jusqu’à la chair par un souffle. Celui qui fuira sera comme celui qui échappe à une flamme dévorante : ceux qui échapperont seront peu nombreux : un enfant les comptera. En ce jour, les vertus d’Israël et ce qui a été conservé de Jacob ne s’appuieront plus sur ceux qui les traitaient avec injustice ; mais ils se reposeront en vérité sur Dieu, le saint d’Israël ; les restes d’Israël reviendront au Dieu fort » (Isaïe, X, 16). Quand le nombre des fils d’Israël serait égal à celui des sables de la mer, les restes seulement se convertiront en restreignant leur nombre avec justice ; car le Seigneur réduira le nombre de son peuple sur la terre entière.

Remarquez qu’en menaçant de ces fléaux, le prophète dit : « Celui qui fuira sera comme celui qui échappe à une flamme dévorante : ceux oui échapperont seront peu nombreux ; un enfant les comptera. »

Voilà donc et le petit nombre de ceux qui auront échappé à la destruction du peuple circoncis, et l’incendie de Jérusalem. Ceux qui seront réservés, dit-il, seront nombre, c’est-à-dire, pourront être évalués, leur petit nombre les rendant faciles à compter. Ils furent en effet peu considérables en comparaison de la multitude d’Israël, ceux qui crurent au Sauveur et Seigneur Jésus, et qui méritèrent d’être inscrits de sa main, suivant la prophétie : « Un enfant les inscrira » et il fit entendre quel devait être cet enfant, quand il dit : « Voici que la Vierge concevra et enfantera un fils ; » et avant que cet enfant sache appeler son père ou sa mère (Id. VII, 14), comme il dit ici : « un enfant les comptera, » plus haut il a dû dire : « ce qui sera demeuré en Sion, et ce qui sera demeuré en Jérusalem, ceux qui sont désignés pour la vie, seront appelés saints ; de même donc que ceux qui furent désignés pour la vie, furent appelés restes » (Id., IV). Ainsi dans le passage précédent, ceux qui échapperont sont dits un nombre, et un petit enfant les comptera. Les restes d’Israël et ce qui a été conservé de Jacob ne s’appuieront plus sur ceux qui les traitaient avec injustice, mais ils se reposeront sur Dieu, le saint d’Israël.

Voyez maintenant si ce n’est pas dans cette foi une ceux qui abandonnèrent la Judée, que les disciples et les apôtres de nôtre Sauveur préservés de la ruine des Juifs, et méprisant les ordres des princes du siècle et des chefs de la synagogue qui les avaient persécutés autrefois, se sont répandus dans le monde pour prêcher le Christ, Verbe de Dieu, si ce n’est pas dans cette foi qui, d’après la prophétie, soumettait leur esprit en vérité au Dieu saint d’Israël, et les portait sans dissimulation ni feinte, mais en toute vérité, à s’abandonner à l’espérance, qu’ils ont franchi les limites de leur patrie, pour accomplir leur grand dessein. C’est ce reste rempli de foi dans le Dieu fort, et semblable à la semence en qui doit revivre le peuple détruit ; c’est ce petit nombre de la grande nation d’Israël, comparée maintenant aux sables de la mer et non plus aux étoiles du ciel, que Dieu a honoré du don du salut, comme l’atteste de l’Apôtre, quand il dit : « Pour Israël, Isaïe s’écrie : Quand le nombre des enfants d’Israël serait égal à celui du sable de la mer, les restes seulement seraient sauvés » (Rom., IX, 37). La révélation que Dieu adressa à Abraham contient deux promesses sur sa race ; elle assure que ses descendants seront comme les astres du ciel et le sable de la mer : et le monde a vu briller comme les feux du ciel les fidèles enfants d’Abraham, c’est-à-dire, les prophètes et les apôtres auxquels notre Sauveur rend ce glorieux témoignage : « Vous êtes la lumière du monde, » Le reste de sa race, au cœur terrestre et grossier, est comparé au sable de la mer. Aussi suivant l’oracle sacré, aussitôt que la multitude des fils d’Israël déclinant de la dignité et de la grandeur de ses vertus antiques, sera ravalée jusqu’à terre, elle sera comparée au sable de la mer, alors un petit nombre d’entre eux seulement sera sauvé. Déjà nous avons traité longuement ce qui a rapport à ce petit nombre favorisé de Dieu. Or ces événements, nous dit le saint prophète, auront lieu au jour où la Seigneur, résumant et accomplissant, manifestera sa parole à la terre, ce qui désigne avec évidence la prédication de l’Évangile. C’est alors que, au lieu de la multitude des figures, des symboles et des rites charnels de la loi mosaïque, l’Évangile, dans sa merveilleuse concision, fut offert aux hommes et attesta la vérité de la prophétie.

41. DU MÊME

En ce jour le rejeton de Jessé se lancera, et celui qui doit commander aux peuples : les nations espéreront en lui, et son tombeau sera glorieux ; alors le Seigneur étendra encore sa main pour chercher et découvrir les restes de son peuple qui auront échappé aux Assyriens, à l’Egypte, à la Babylonie, à l’Ethiopie, aux Elamites, aux peuples de Sennaar et d’Emath et à ceux des îles de la mer ; il lèvera son étendard sur les nations, et réunira des quatre vents du monde les restes dispersés de Juda » (Isaïe, XI, 10).

Souvent déjà nous avons fait sentir que les événements annoncés pour un grand jour, c’est-à-dire pour le jour de la manifestation, ont été accomplis à l’avènement de notre Sauveur, où, la nation juive étant accablée sous sa ruine, suivant la parole divine, il fallait sauver le petit nombre de la ruine générale. Ce passage où il est parlé de la main du Seigneur désigne très clairement le jour et l’époque où ce jour se trouvera, et les événements qui auront lieu. En effet, en disant que le Christ naîtra de la race de David, elle annonce aussi la ruine des Juifs. Voici comment elle s’explique : « Voici que le dominateur, le Dieu des armées, agitera les glorieux : les orgueilleux seront humiliés ; le fer détruira les superbes, et le Liban tombera avec ses cèdres élevés (Isaïe, X, 33). Sous l’image du Liban est désignée Jérusalem, ainsi que nous l’avons déjà vu. La parole céleste annonce qu’elle tombera avec ceux qui recherchent les hommages des hommes, et avec les glorieux et les illustres qui l’habitaient. Après ces menaces, le prophète dit : « Un rejeton naîtra de la tige de Jessé et une fleur s’élèvera de ses racines », etc. (Id., XI, 1). Il montre ainsi très-clairement que de la tige de Jessé, qui fut père de David, naîtra le Christ, et c’est à cette naissance qu’il rapporte la vocation des Gentils, sous le voile mystérieux ordinaire aux prophètes. En effet, ces paroles : « Le loup paîtra avec l’agneau ; le léopard reposera près du chevreau » (Id., III, 6), et les autres semblables, que signifient-elles, sinon que les Gentils aux mœurs sauvages, cruelles et conformes à celles des animaux les plus féroces, se convertiront à la piété, à la douceur et à la charité. Le saint homme nous l’enseigne plus à découvert quand il dit : « La science de Dieu remplira toute la terre comme une eau qui couvre les mers. » De plus la parole du prophète s’explique elle-même. En ce jour apparaîtra le rejeton de Jessé et celui qui doit commander aux peuples. Les nations espéreront en celui qui se lèvera pour commander aux peuples, et son tombeau sera glorieux. Naguère, sous des termes enveloppés il annonçait la ruine de la nation juive ; ensuite il prédit la vocation des Gentils, tantôt avec plus, tantôt avec moins de clarté, afin donc de ne pas éloigner le fils de la circoncision de la foi du Christ, il revient sur ce qu’il a dit, et rappelle que les enfants de Juda croiront en lui. « Alors, dit-il, se lèvera celui qui doit commander aux peuples ; et qui doit se lever, sinon le rejeton de Jessé ? C’est lui qui commandera aux nations et non pas à Israël. »

Or, comme le prophète avait désigné de diverses manières la conversion des nations à celui qui doit naître de la tige de Jessé, sans annoncer que le peuple juif en retirerait quelque avantage, il dut compléter la terrible prophétie : « En ce jour, c’est-à-dire au jour de la manifestation de celui qui doit naître de la tige de Jessé, le Seigneur étendra encore sa main pour chercher et découvrir les restes de son peuple qui auront échappé à tels ou tels ennemis. » Ou, selon le sens qu’Aquila donne à ce passage : « En ce jour le Seigneur étendra une seconde fois la main pour posséder encore les restes de son peuple échappés à la fureur de l’Assyrien, » il faut reconnaître par-là les ennemis invisibles et spirituels du peuple de Dieu, les esprits malins, les esprits opposés à la parole de vie, qui gouvernaient les nations qui viennent d’être nommées, attaquaient les âmes des Juifs de mille passions diverses, les entraînaient et les asservissaient aux usages des nations. Dans ce peuple soumis au joug des puissances spirituelles, ceux qui auront été préservés de toute blessure et du pillage, jouiront des promesses ; ils verront la main de Dieu s’étendre sur eux, et ils deviendront son héritage suivant celle parole : « Le Seigneur étendra encore la main pour chercher les restes de son peuple. » Pourquoi Encore ? C’est parce que la main du Seigneur s’étendit à ceux qui déjà ont été désignés par les prophètes, afin que ce qui était inachevé fût accompli en ceux qui avaient été préservés de la ruine du peuple. Telles étaient les injustices de la nouvelle alliance que la main du Seigneur a découverte aux restes du peuple juif. Il est dit encore : « Pour chercher les restes de son peuple. » Ici Aquila et Théodotion disent ensemble : pour posséder le reste de son peuple échappé au glaive des Assyriens et des autres nations ennemies. Or ce reste du peuple, est-il dit, sera élevé comme un signe pour les nations. Ce sont eux qui seront le signe du Seigneur devant les Gentils ; par eux il réunira tous ceux d’Israël qui étaient perdus, ceux de la dispersion de Juda qui sont accourus des quatre vents du monde vers le Christ, à la voix des apôtres ; parlant ainsi des Juifs et des Israélites qui furent chassés de leur patrie et séparés entre eux. Les vertus des Juifs spirituels les font désigner comme le véritable Israël ; et au contraire les turpitudes et les infamies des Israélites charnels les font nommer les princes de Sodome et le peuple de Gomorrhe. Ces restes privilégiés par la grâce divine, ces restes que la prophétie nomme restes du peuple, ont révélé aux nations le signe du Seigneur ; ils les ont retirées de l’abîme où elles étaient plongées pour les amener à la connaissance du Christ ; ils en ont formé en l’honneur de Dieu un seul peuple qui, aujourd’hui encore, se recrute des quatre vents du monde en la puissance du Christ.

Les apôtres et les disciples de notre Sauveur, originaires des diverses tribus d’Israël, garantis de toute calamité au milieu de la destruction générale de leur nation, réunis dans une même vocation et une même effusion de l’Esprit saint, devaient mépriser tous les liens qui les attacheraient aux tribus de leur peuple ; tel est le langage de la prophétie. Animés d’un même esprit et d’une même volonté, ils parcoururent la terre, pénétrèrent dans les îles des nations en conquérant les âmes pour les soumettre à Jésus-Christ, suivant la prédiction (Isaïe, II, 14) : Ils voleront sur des vaisseaux en ravageant la mer extérieure et les peuples de l’Orient. Vous verrez facilement qu’il en est ainsi du reste de la prophétie, si vous en méditez chaque partie en écartant tout ce qui serait incohérent, sans liaison et trop abject, et vous aurez l’intelligence du sens, si toutefois l’esprit de Dieu vous est accordé, pour éclairer votre âme. Nous n’avons pas en effet le loisir de nous arrêter davantage, pressés que nous sommes d’accomplir notre dessein.

42. DU MÊME

« J’imposerai des châtiments à cette contrée, et aux impies le poids de leurs péchés. J’abattrai l’orgueil des superbes, et j’humilierai l’insolence des tyrans. Et ceux qui demeureront seront plus précieux que l’or que n’a pas éprouvé le feu, et l’homme que la pierre de Saphir. » Isaïe ajoute : « Ceux qui demeureront seront comme le chevreuil fugitif et comme la brebis égarée » (Isaie, XIII, 11). Nous voyons ici le petit nombre de ceux qui échapperont alors a la destruction générale ; et en outre, nous voyons que les fils de la circoncision n’auront plus de patrie, et que la nation juive tout entière n’héritera pas des promesses du Seigneur.

43. DU MÊME

« En ce jour, la gloire de Jacob sera obscurcie ; son éclat aura disparu. Il en sera de même que si un moissonneur coupe la moisson qui s’élève, et recueille la semence de l’épi ; il en sera de même que si l’on glane un épi dans la vallée fertile, où est abandonnée une paille, ou comme de deux ou trois olives abandonnées au sommet de l’arbre, ou de quatre ou cinq oubliées sur ses rameaux. Voilà ce qu’a dit le Seigneur le Dieu d’Israël, en ce jour l’homme espérera en celui qui l’a créé, ses yeux se tourneront vers le saint d’Israël ; ils ne se lèveront plus vers les autels, ni vers les idoles, ouvrage de ses mains. » Aussi la gloire d’Israël et ce qui fait son ornement et sa force seront détruits ; un petit nombre facile à compter survivra à ce désastre, semblable aux rares olives qui échappent à la main avide : ce seront ceux qui auront cru en Jésus notre Sauveur. Or ces paroles sont suivies d’une autre prophétie qui annonce que tous les hommes abandonneront les errements de l’idolâtrie, pour reconnaître le Dieu d’Israël.

44. DU MÊME

« Écoutez, îles, et vous qui êtes échappés, tordez-vous de douleur, écoutez ce que j’ai appris du Seigneur des armées, ce que le Dieu d’Israël nous a annoncé. » Remarquez qu’il n’appelle pas ici tous les enfants de la circoncision pour entendre la parole de Dieu ; mais ceux-là seulement qu’il nomme les abandonnés et les souffrants, c’est-à-dire, suivant l’Apôtre, ceux qui gémissent et qui pleurent sur la perversité humaine (Isaïe, XXIV, 4).

45. DU MÊME

« Les superbes de la terre ont pleuré ; la terre a pris part à l’iniquité de ses habitants, aussi le peuple sera-t-il pauvre sur la terre, et il n’échappera qu’un petit nombre. » Ici le prophète gourmande ceux du peuple juif qui ont transgressé la loi et méprisé l’alliance du Seigneur ; il les menace des châtiments déjà indiqués, et annonce qu’un petit nombre d’entre eux échappera seul. Ce petit nombre est nommé par l’Apôtre les restes préservés par l’élection de la grâce (Isaïe, XXIV, 12).

46. DU MÊME

« Les cités seront des solitudes, et les maisons abandonnées s’écrouleront ; voilà ce qui arrivera à cette terre au milieu des nations : ainsi que la main recueille les rares olives qui sont demeurées sur l’arbre, ainsi seront-ils recueillis, et si la vendange se termine, ils pousseront des cris, et ceux qui demeureront sur la terre se réjouiront avec gloire pour le Seigneur ; » ainsi ce petit nombre se réjouira seul, tandis que le reste du peuple sera soumis à toutes les calamités déjà prédites (Isaïe, XXVIII, 3).

47. DU MÊME

« La couronne d’orgueil, les mercenaires d’Ephraïm seront foulés aux pieds. La fleur qui sur le sommet d’une montagne élevée est déçue de son espérance, de gloire sera comme la figue précoce que le passant voudrait dévorer avant même de l’avoir eu sa main. En ce jour le Seigneur sera une couronne d’espérance tressée pour la gloire de celui qui aura été laissé de son peuple. » Ici encore Isaïe annonce à ce petit nombre, non pas au peuple entier, mais au reste choisi par l’élection de la grâce, que le Seigneur lui sera comme une couronne d’espérance et de gloire, tandis qu’il appelle le peuple entier une couronne d’orgueil et les mercenaires d’Ephraïm.

48. DU MÊME

« Les restes échappés de la Judée jetteront leurs racines en bas et produiront des fruits en haut, parce que c’est de Jérusalem, de la montagne de Sion, que doivent sortir ceux qui seront sauvés. Le zèle du Seigneur des armées fera ces choses » (Isaïe, LXXII, 31).

Ceux que l’élection de la grâce préservera de la ruine de Jérusalem jetteront leurs racines et produiront des fruits en haut. Voilà clairement exprimé le choix des apôtres et des disciples de notre Sauveur, car les débris de ce peuple enfouirent dans les entrailles de la terre les racines de leur doctrine, et pour l’affermir, ils en ont prolongé les racines dans tout le monde : « ils sont excités à diriger leurs fruits vers les promesses célestes. Les restes d’Israël seuls doivent être préservés de la destruction générale, voilà ce qu’a fait le zèle du Seigneur. Car ce zèle de Dieu qui a suscité les uns pour éveiller les impies qui pratiquaient encore la circoncision, a stimulé fortement ces derniers, suivant la parole de Moïse : « Ils ont irrité ma jalousie en adorant ce qui n’était pas Dieu : je provoquerai leur jalousie en m’attachant ceux qui n’étaient pas mon peuple : je les irriterai en appelant une nation insensée » (Deut, III, 9, 21).

49. DU MÊME

Voici ce que dit le Seigneur : « De même que l’on trouvera un grain dans une grappe et que l’on dira : Ne le perdez pas parce que la bénédiction du Seigneur repose sur lui, ainsi en faveur de mon serviteur je ne détruirai pas Israël. Je ferai sortir de Jacob et de Juda une postérité qui héritera de ma montagne sainte, mes élus la posséderont et mes serviteurs y fixeront leurs demeures. Dans la forêt sera l’étable des troupeaux, et la vallée d’Achor sera le lieu de repos des bœufs de mon peuple, de ceux qui m’ont cherché ; mais vous qui m’avez délaissé, vous qui avez oublié ma montagne sainte, vous qui élevez une table à la fortune et qui faites des libations au démon, je vous livrerai au glaive. Tous, vous périrez en ce carnage, car je vous ai appelés, et vous n’avez pas écouté, vous avez fait le mal devant moi, et vous avez choisi, ce que je ne voulais pas » (Isaïe, LXV, 10).

Le prophète marque une distinction et dit que les rejetons peu nombreux de Jacob jouiront des promesses : il ajoute que ceux qui seront appelés à les posséder habitent les forêts, et désigne ainsi la vocation des Gentils.

Ainsi les élus du Seigneur et le rejeton de Jacob, ce sont les apôtres elles disciples de notre Sauveur, qui seuls ont échappé à la destruction commune, car la prophétie marque sans aucun voile que les promesses de su ne concernent pas toute la nation juive, mais ce rejeton annoncé, les élus appelés de Dieu ; or « il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus » (Matth., XXII, 14). Ils seront honorés d’un nom nouveau, car il est dit aux impies : « Votre nom ne sera plus qu’un nom d’opprobre pour mes élus ; le Seigneur vous détruira, et le nom de mes serviteurs sera un nom nouveau » (Isaïe, XLV, 15).

Or, quel est ce nom nouveau inconnu aux anciens, si ce n’est celui de chrétien qui, tiré du nom du Sauveur Jésus, de Christ, est béni dans toute la terre.

50. DE MICHÉE

Dans la goutte de ce peuple il y en aura de réunis. Tout Jacob sera réuni, je recueillerai les restes d’Israël, je réunirai ceux qui seront revenus (Michée, V, 7).

Comme Isaïe, Michée dit que le Seigneur recueillera non pas tous les Juifs, mais ceux-là seulement que n’aura pas atteints la ruine de la nation : ce reste précieux préservé de la destruction et que le grand prophète appelait le rejeton d’Israël, Michée le nomme une goutte échappée. C’est ainsi qu’est désigné le chœur des apôtres, goutte échappée et rejeton précieux de la nation juive ; l’influence de cette goutte mystérieuse n’a formé qu’un seul corps de tous ceux qui ont confessé le Christ de Dieu et reçu ses lois, et les a délivrés du joug de leurs ennemis.

51. DU MÊME

Et toi Bethléem, maison d’Ephrata, tu es là plus petite des villes de Juda ; de toi sortira le chef qui doit conduire Israël (Id., V, 2). Sa sortie est du commencement et des jours de l’éternité, aussi les abandonnera-t-il jusqu’au temps de celle qui doit enfanter. Elle enfantera, et le reste de ses frères reviendra. Plus loin Michée dit : « Les restes de Jacob seront parmi les nations, au milieu de la multitude des peuples, comme la rosée du Seigneur, comme les agneaux sur le gazon, afin que nul ne soit réuni et ne demeure parmi les fils des hommes. Les restes de Jacob seront parmi les nations et au milieu de la multitude des peuples, comme un lion parmi les animaux des forêts, et comme le lionceau parmi les brebis ; ainsi qu’il renverse, saisit et déchire sa proie, et nul ne la lui enlève. Israël, votre main s’élève sur ceux qui vous combattent, et tous vos ennemis périront.

Peut-on jamais exprimer plus clairement la naissance du Sauveur dans la petite ville de Bethléem, son éternelle génération, le travail de la Vierge, la vocation des apôtres et des disciples, et la prédication de la doctrine du Christ, qu’ils firent retentir dans toute la terre ; car ces promesses d’un prince qui se lève dès le jour de l’éternité et qui doit naître à Bethléem, et d’une vierge immaculée qui lui donnera le jour, ne sont pas un présage de salut pour toute la nation juive, mais pour ceux seulement qui doivent être le reste d’Israël, et qui s’abaisseront sur les nations en fertile rosée. Car, dit-il, les restes de Jacob seront parmi les nations comme la rosée du Seigneur et comme les agneaux sur le gazon. Aquila dit : comme la rosée sur l’herbe, et Théodotion : comme la neige sur le foin ; et encore, au lieu de : afin que nul ne soit réuni et ne demeure parmi les fils des hommes, et que nul enfant des hommes ne se heurte, Théodotion traduit : Il n’attendra pas un homme, et n’espèrera pas dans le fils d’un homme ; Aquila : Il n’attendra pas un homme, et ne considérera pas les fils de l’homme.

Ainsi toute l’espérance des apôtres de notre Sauveur n’était pas établie sur un homme, mais sur le Sauveur et le Seigneur de leurs âmes, sur le Verbe de Dieu. Michée ajoute : « Les restes de Jacob seront parmi les nations comme un lion parmi les animaux de la forêt, et comme le lionceau parmi les brebis, lorsqu’il les traverse, saisit et déchire sa proie, sans que nul ose la lui disputer. » Telle fut à mon avis, l’audace et l’intrépidité des apôtres en la prédication. Animés de l’ardeur du lion et du lionceau, ils se sont élancés dans la forêt des nations, et au milieu des troupeaux des brebis humaines, ils ont séparé les dignes des indignes et ont soumis ceux-là à la parole du Christ. C’est à lui que se rapportent les paroles suivantes : Votre main s’élève sur ceux qui vous combattent et tous vos ennemis périront, ce que nous voyons aujourd’hui. Malgré la multitude de ceux qui méprisent la parole du Christ, et lui ont déclaré une guerre sans fin, cette parole s’élève et les domine de sa puissance. La main du Seigneur est exaltée au-dessus de ses persécuteurs, et les ennemis de son nom, qui a diverses époques ont affligé son Église doivent être détruits.

52. DE SOPHONIE

Alors je formerai la langue des peuples au nom du Seigneur, pour les asservir tous sous le même joug. Des extrémités des fleuves de l’Éthiopie viendront mes suppliants. Les fils de la dispersion m’apporteront leurs offrandes. En ce jour vous ne rougirez plus de tous les penchants qui vous faisaient prévariquer contre moi, parce qu’alors j’enlèverai de votre sein l’opprobre de votre orgueil, et vous ne vous enorgueillirez plus sur ma montagne sainte. Je laisserai au milieu de vous un peuple doux et humble. Les restes d’Israël vénéreront le nom du Seigneur, et ils ne commettront plus d’injustice et ne proféreront plus le mensonge. La fraude ne souillera plus leurs lèvres, parce qu’ils pâliront et se reposeront, et personne ne les troublera.

Le Seigneur promet donc de se réserver un peuple doux et humble, et le désigne en ceux de la circoncision qui croiront en son Christ ; il promet encore de sauver seulement les restes d’Israël, avec les autres peuples dont il a prédit la vocation-au commencement de la prophétie.

53. DE ZACHARIE

« Voilà que le jour approche, et votre dépouille sera partagée en votre enceinte » (Zach. XIV, 1). « Je réunirai toutes les nations pour assiéger Jérusalem ; la ville sera prise ; les maisons seront pillées, les femmes violées, et la moitié des habitants emmenée en captivité. Le reste ne sera point chassé de la ville. »

Cette prophétie est conforme à celles que nous avons déjà citées sur la ruine de la nation juive qui eut lieu après l’avènement du Christ. Or, c’est après le retour de Babylone. que Zacharie prophétise, qu’il annonce le dernier siège de cette ville par les Romains. Alors les Juifs devant devenir les esclaves de leurs vainqueurs, le prophète avertit qu’il n’y aura de sauvé que le reste du peuple, désignant évidemment les apôtres de notre Sauveur.

54. DE JÉRÉMIE

« Convertissez-vous, enfants rebelles, dit le Seigneur (Jér., III, 15) ; car je serai votre Seigneur, et je vous prendrai, un dans une cité, et deux dans une tribu, et je vous conduirai en Sion. Je vous donnerai des pasteurs selon mon cœur, et ils vous nourriront en vous faisant paître avec discernement, et lorsque vous serez multipliés et que vous aurez grandi, dit le Seigneur, en ces jours on ne dira plus : L’arche de l’alliance du Seigneur ; son souvenir ne se présentera plus à votre cœur, elle ne sera plus nommée ni vénérée. » En ces paroles encore nous voyons la conversion d’Israël au moment de la venue de notre Sauveur, de Jésus-Christ ; alors le Seigneur doit choisir un homme de la ville, et deux de la tribu, faible nombre d’envoyés qu’il établira pasteurs des nations qui auront cru en lui, et qui se sont multipliés sur la terre à l’appel des apôtres. D’après le prophète, on ne dira plus l’arche de l’alliance du Seigneur ; car les hommes ne recourront plus au culte charnel de Moïse, honorés qu’ils seront du Testament Nouveau.

55. DU MÊME

« Ils ont multiplié leurs iniquités ; ils se sont affermis dans leurs prévarications (Id., V, 6). En quoi pourrai-je vous être propice ? Vos fils m’ont abandonné, et ils jurent par ceux qui ne sont pas des dieux. Je les ai rassasiés ; ils sont devenus adultères et ils ont péché dans la maison des prostituées. Ils sont der venus des chevaux pleins d’ardeur. Chacun hennissait après la femme de son voisin. N’éviterai-je point ces crimes ? dit le Seigneur, ou mon âme ne se vengera-t-elle pas d’une telle nation ? Montez sur ses remparts et égorgez ; mais ne consommez pas sa perte ; laissez ses fondements, parce qu’ils sont au Seigneur. » Ces paroles d’un libre prophète offrent l’accusation du peuple juif ; elles prédisent aussi le siège de la cite, et le reste choisi qu’il nomme le fondement de la nation, parce qu’il est l’héritage du Seigneur. C’est ce débris précieux qui fut fortifie et confirmé par la foi du Christ, afin qu’il ne fût pas exposé aux châtiments.

56. D’ÉZÉCHIEL

« Ils tomberont blessés au milieu de vous (Ezéch., VI, 8), et vous reconnaîtrez que je suis le Seigneur, quand ce qui aura échappé au glaive sera dispersé parmi les nations, et que vous serez parmi les peuples. Les délivrés d’entre vous se souviendront de moi parmi les nations où ils auront été emmenés captifs. »

Cette prophétie me semble conforme à celles que nous avons déjà citées. Quels sont, en effet, ces hommes préservés du malheur général, si non ce qu’on appelle ailleurs tantôt le reste d’Israël, tantôt la goutte ou la voie de ce peuple, c’est-à-dire les apôtres de notre Sauveur. Conservés au milieu de la ruine de la nation, dans sa dispersion ils se sont rappelé leur Dieu. Ainsi c’est d’eux que parle ici l’Écriture.

57. DU MÊME

Voici ce que dit Adonaï, le Seigneur (Ezéch., XII, 15) : « Je les chasserai chez les nations, et je les disperserai parmi les peuples, sur la terre. Je formerai une petite sanctification dans quelque contrée qu’ils se trouvent Dieu, donne un nouveau nom à ces restes échappés, et il appelle petite sanctification ceux qui doivent être réservés et conservés. »

58. DU MÊME

« Je jetterai à tous les vents ceux qui les recevront (Id., XII, 15), et je tirerai le glaive contre eux, et ils sauront que je suis le Seigneur quand je les aurai dispersés parmi les nations ; je les disséminerai sur la terre. Je laisserai quelques-uns d’entre eux échapper à l’épée, à la faim et à la mort, afin qu’ils racontent toutes leurs iniquités aux peuples où ils iront, et ils sauront que je suis le Seigneur. » Dans la dispersion générale il étendra sa protection sur quelques élus, qui ne peuvent être que ceux qui nous ont été désignés déjà.

59. DU MÊME

Voici ce que dit Adonaï, le Seigneur (Id., XIV, 21) : « Et même si j’envoie contre Jérusalem mes quatre vengeances, le glaive, la faim, les bêtes farouches et la mort, pour faire périr en son sein l’homme et les animaux, quelques habitants seront sauvés et préserves, » etc.

Cette prédiction ne diffère en rien des précédentes.

60. DU MÊME

« Ainsi je vous jugerai, dit le Seigneur (Ezéch., XX, 36), je vous assujettirai à mon sceptre, et je vous ferai entrer en mon alliance : Je séparerai de vous les violateurs et les impies car je les ferai sortir de la terre étrangère, et ils n’entreront pas dans la terre d’Israël. » Cet oracle sacré témoigne clairement qu’un petit nombre de Juifs seulement sera dirigé par le sceptre du Seigneur, parce que les autres seront déchus des promesses.

Après avoir montré nue les paroles divines ne s’adressaient point au hasard ni indistinctement aux Juifs dont l’impiété et le libertinage avaient corrompu le cœur, et à ceux qui avaient suivi le sentier du Seigneur, mais qu’elles concernaient le petit nombre facile à compter des fidèles qui embrassèrent la foi de notre Sauveur et Seigneur, ou se conservèrent dans la justice avant son avènement, je crois avoir prouvé suffisamment que les promesses divines ne s’accomplirent pas indifféremment sur tous les Juifs, ou plus sur eux que sur les autres peuples qui ont reconnu le Christ de Dieu. Le sens des promesses divines sera développé plus tard. J’ai été contraint d’accumuler ces divers témoignages pour abaisser l’orgueilleuse jactance es fils de la circoncision, qui se glorifiaient d’être les seuls auxquels devait être envoyé le Christ, et pour montrer combien est louable l’ardeur qui nous entraîne vers les livres sacrés de ce peuple. Déjà, dans le livre précédent, j’ai fait sentir pourquoi nous évitons les rites judaïques, quoique nous ayons recours à leurs prophéties ; et j’ai exposé, suivant mes forces, la règle de vie que le Christ a donnée aux nations, et l’antiquité des maximes évangéliques. Après ces considérations, voici le moment de nous élever aux ineffables mystères de notre Sauveur et Seigneur Jésus le Christ de Dieu, de chercher le motif qui a différé jusqu’à ce temps son avènement en ce monde ; de voir pourquoi il n’a pas appelé les nations à sa lumière a une époque moins avancée, mais après un laps de temps aussi considérable ; de pénétrer ses perfections inénarrables, ce qui le concerne, et comment il s’est fait homme ; c’est par cette question que nous allons commencer, en invoquant l’appui du Verbe de Dieu contre l’incrédulité des hommes.

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