Démonstration évangélique

LIVRE X

CHAPITRE VII

ZACHARIE

Sur l’éclipse de soleil encore, et sur le temps de la passion de salut.

« Le Seigneur mon Dieu viendra, et tous les saints avec lui. En ce jour il n’y aura pas de lumière, mais le froid et la gelée, durant un jour, et ce jour connu du Seigneur, ne sera ni un jour, ni une nuit, et vers le soir apparaîtra la lumière. En ce jour, une eau vive jaillira de Jérusalem, une partie coulera vers la première mer, et une partie vers la seconde ; en hiver et en été elles ne tariront pas. Le Seigneur deviendra le roi de toute la terre. Il sera le Dieu unique, et il n’y aura plus que son nom qui enceindra toute la terre et le désert » (Zach., XIV, 5). Cette prédiction fut réalisée à l’avènement de notre Sauveur, quand il vint, accompagné de ses vénérables apôtres et de ses disciples ou de ses saints, les puissances divines et les esprits matériels, ses anges et ses ministres, dont il est dit dans les saints Evangiles que « les anges vinrent et le servirent » (Matth., IV, 11). Or, en ce jour-là (ainsi l’Ecriture sainte se plaît à nommer tout le temps de son séjour parmi les hommes) s’accomplit entre autres prophéties celle qui est sous nos yeux, lorsque dans le temps de sa passion, de la sixième à la neuvième heure, les ténèbres s’étendirent sur toute la terre. Aussi le prophète dit-il : « En ce jour il n’y aura plus de lumière, » et encore « le jour ne sera ni un jour ni une nuit ; et vers le soir reparaîtra la lumière » (Id., XXVII, 45). Il me semble que ces paroles montrent avec évidence la circonstance de ce temps où, Notre Seigneur étant élevé, la nuit se répandit sur la terre au milieu du jour, de la sixième heure jusqu’à la neuvième, après laquelle les ténèbres se dissipèrent, et le jour et la lumière reparurent de nouveau ; puis encore la nuit leur succéda suivant l’usage, ce qu’indique l’expression prophétique en ces termes : « Et ce jour, connu du Seigneur, ne sera ni un jour ni une nuit ; vers le soir reparaîtra la lumière » Ce ne fut pas le jour, à cause des ténèbres de la journée ; ce ne sera pas non plus la nuit, à cause du jour qui revient, et dont il marque le retour en ces termes : « Vers le soir reparaîtra la lumière. » Qui ne serait surpris de voir indiquée même la particularité du froid : mais c’est ce qu’indique la prophétie quand elle ajoute : « Et il y aura froid et glace. » Or, le témoignage de l’Evangile le confirme, puisque Pierre, ayant suivi Jésus, se chauffait avec d’autres au feu qui était allumé dans la cour de Caïphe. Jean rappelle clairement la circonstance du froid, en disant : « Les esclaves et les ministres se tenaient auprès du feu parce qu’il faisait froid, et se réchauffaient » (Jean, XVIII, 18). Tel fut l’accomplissement de la lettre de la prophétie ; mais, selon le sens spirituel, quand la lumière de salut brillait sur elle, la nation juive préféra la lumière aux ténèbres ; ce qu’elle préféra lui fut accordé, car la lumière s’étant retirée, une nuit obscure l’enveloppa, et son intelligence devint ténébreuse, parce que la lumière de l’Evangile ne brillait pas dans son cœur. Et encore, leur amour pour Dieu se refroidit ; alors la prédiction de cet aveugle ment fut accomplie ; les circonstances de la prophétie se réalisèrent ensuite, puisqu’en ce jour de la manifestation de salut, il sortit de Jérusalem une source d’eau vive, la parole féconde et vivifiante de l’enseignement évangélique qui se répandit chez toutes les nations en sortant de la Judée et de Jérusalem elle-même, et s’est distribuée dans toute la terre et jusqu’aux extrémités de l’univers. C’est de cette eau que parle notre Sauveur et Seigneur lui-même quand il dit à la Samaritaine : « Si vous saviez qui vous demande à boire, vous-même lui en demanderiez, et il vous donnerait une eau vive » (Id., IV, 10). Quant à la douceur dont jouiront ceux qui ont goûté cette eau vive et spirituelle, il la montre en enseignant que ceux qui en auront bu, rejetteront les esprits malfaisants qui les dominaient autrefois, pour reconnaître leur seul Seigneur et roi, et que le Seigneur, comme jadis des Hébreux seulement, deviendra le roi de toutes les nations de la terre qui auront cru en lui ; qu’il n’y aura plus que son nom qui enceindra la terre entière et le désert. Or, en voyant ce qui s’est passé, qui ne serait surpris ? Formé du nom de Christ, et le Christ est le Seigneur, le nom des chrétiens a enceint tout lien, les villes et les campagnes, et les nations mêmes qui habitent dans les déserts et aux extrémités de la terre, suivant la prédiction du prophète.

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