Préparation évangélique

LIVRE III

CHAPITRE XI
RÉFUTATION PÉREMPTOIRE DES DOCTRINES DES GRECS

« Ils ont donné, dit-il, Junon pour épouse à Jupiter, parce qu’ils ont appelé Junon l’éther ou le principe aérien ; car l’éther est la partie la plus subtile de l’air. »

Plus haut nous avons vu dans les vers d’Orphée que l’âme de Jupiter était l’éther ; maintenant notre auteur nous apprend ce qu’il faut entendre par cet éther. C’est, nous dit-il, la partie la plus subtile de l’air. Or l’air est un corps, par conséquent l’éther en est un aussi. Donc il faut qu’il avoue que l’âme de Jupiter est un corps bien qu’elle soit le plus subtil de tous les corps. Maintenant comprenne qui pourra comment deux natures aussi diamétralement opposées que le sont le corps et l’âme, peuvent être une même chose. Mais ce n’est pas tout : je ne sais comment il peut avoir si tôt oublié les vers de son poète, où il est dit textuellement :

« Son esprit est l’air le plus pur, l’air supérieur, l’éther incorruptible par lequel il contient et gouverne toutes choses ; par lui, un léger son, le plus petit bruit, une voix, rien n’échappe a Jupiter, le puissant fils de Saturne. »

Voilà bien clairement l’éther supposé l’esprit de Jupiter. Puis maintenant il vient nous dire que Junon est l’éther, le principe aérien. Ensuite il fait une distinction :

« L’air en général, dit-il, c’est Junon dont le nom grec Ἥρα, vient de ἀήρ qui signifie l’air ; mais l’air inférieur à la lune, cet air tantôt lumineux, tantôt opaque, a pour symbole Latone, c’est-à-dire l’oubli, soit parce que l’oubli s’empare de ceux qui se livrent au sommeil, soit parce que les âmes qui habitent les régions sublunaires, oublient la Divinité : voilà pourquoi aussi on en a fait la mère d’Apollon et de Diane qui sont le double flambeau qui dissipe les ténèbres. »

Il dit donc que le principe producteur du soleil et de la lune est l’air sublunaire, c’est-à-dire Latone.

Je demanderai comment l’air peut-être le principe de la lumière, lui qui la reçoit au lieu de la produire ; car l’action du soleil et de la lune fait subir à l’air mille vicissitudes. Ensuite il continue ainsi :

« Le principe terrestre a été personnifié sous le nom de Vesta, dont la statue, sous l’emblème d’une jeune vierge, reposait auprès du foyer. Pour représenter sa fécondité, on lui avait donné la forme d’une femme jusqu’au-dessous du sein. Rhéa est le nom allégorique donné à la terre considérée sous le rapport des rochers et des montagnes ; Сérès est également la terre, mais la terre fertile et propre à recevoir la culture. Il n’y a d’autre différence entre l’une et l’autre, sinon que Cérès a donné le jour à Proserpine, appelée en grec Korè, c’est-à-dire qu’elle a produit de son sein le tendre rejeton des arbustes auxquels les Grecs donnent le nom de Koros. C’est ce qui a fait couronner sa statue d’épis de blé, et c’est pour cela aussi qu’on l’environne de pavots, double symbole de sa fécondité. »

Ici, admirez comment Rhéa, cette mère des dieux, de Jupiter lui-même, est abaissée jusqu’à devenir la terre ou plutôt les rochers. Voyez aussi notre auteur la confondre avec Cérès, dont elle ne diffère qu’en un seul point : c’est que Cérès a conçu de Jupiter et mis au jour Proserpine (Korè), comme la terre reçoit le germe et la semence des arbustes dont elle produit un tendre rejeton (Koros). Voilà maintenant Jupiter identifié avec la semence et le germe des arbustes. Ensuite il continue :

« Comme il y a dans les semences jetées en terre une certaine vertu productive, et que le soleil quittant pendant l’hiver notre hémisphère pour échauffer l’hémisphère inférieur, entraîne en quelque sorte avec lui cette propriété des semences, on a donné le nom de Proserpine à la propriété qu’ont les semences de se conserver, et le nom de Pluton au soleil, lorsqu’il va sous la terre échauffer un monde inconnu pendant le solstice d’hiver. C’est là l’origine de la fable de l’enlèvement de Proserpine et du deuil de Cérès, pleurant sa fille ensevelie sous la terre. La propriété de produire des fruits à écale et en général tous les fruits qui naissent des plantes, est appelée Bacchus. Maintenant, voyons les emblèmes de ces divinités. Le symbole de Proserpine, ce sont des rejetons de semences qui naissent sur le sol. On a donné des cornes à Bacchus comme à Proserpine ; et il est représenté sous la forme d’une femme, pour désigner la réunion des deux sexes dans la production des fruits. Pluton, le ravisseur de Proserpine, a pour symbole un casque, qui représente le pôle invisible. Il est représenté avec un sceptre brisé, pour signifier son empire sur les morts ; et le chien qu’on remarque près de lui désigne la production des fruits, parce que le mot qui signifie chien, signifie aussi rendre fécond : et cette production des fruits a trois époques distinctes : on les sème, la terre les reçoit et les garde quelque temps, puis ils poussent ; car cette dénomination ne lui vient pas de ce qu’il dévore les âmes, mais de ce que Pluton en enlevant Proserpine lui communique la fécondité. Attis et Adonis ont aussi une certaine analogie avec les fruits. Attis représente les fleurs qui éclosent au printemps et qui tombent avant d’avoir engendré des fruits : c’est pour cela qu’on le représente honteusement mutilé, pour marquer les fruits qui ne parviennent pas à mûrir leur semence. Adonis est le symbole de la récolte des fruits au temps de leur maturité. Silène est le symbole de la force du vent, d’où résulte un grand avantage pour le monde. Les fleurs qui ornent sa tête, et l’éclat qui l’entoure sont le symbole de la révolution du ciel : la chevelure qui couvre la partie inférieure de son corps est le signe de l’air épais qui environne la terre.

Enfin comme il y a dans la terre une certaine propriété divinatoire, on a donné à cette propriété le nom de Thémis, c’est-à-dire qui présage à chacun ce que le sort a fixé. Ainsi la terre était un objet de vénération par rapport à toutes ses propriétés, que nous venons d’exposer. On l’honorait comme vierge, sous le nom de Vesta, en tant qu’elle est le centre de tout ; sous celui de Mère, en tant qu’elle donne la nourriture ; sous celui de Rhéa, en tant qu’elle produit les rochers et les montagnes ; sous celui de Cérès, en tant qu’elle produit les plantes ; enfin sous celui de Thémis, en tant qu’elle sert pour les présages. La vertu génératrice qu’elle contient dans son sein est représentée par Priape, dont le nom est Proserpine, lorsqu’il s’agit des fruits secs, et Bacchus lorsqu’il représente les fruits aqueux et les fruits à écale, parce qu’au temps des semailles Proserpine est enlevée par Pluton, c’est-à-dire par le soleil qui va échauffer l’hémisphère inférieur ; et Bacchus, dans le premier exercice de cette vertu génératrice qui doit plus tard produire des fruits abondants, reste caché sous la terre : mais en tant qu’il s’unit à cette force qui fait tomber les fleurs, il a pour symbole Attis ; et en tant qu’il s’associe au principe qui fait mûrir les fruits, il est représenté par Adonis. La puissance de l’air qui pénétra toutes choses est représentée par Silène, de même qu’on a donné la forme de bacchante à la vertu qui donne l’accroissement, et qu’on a représenté par les satyres le penchant à la volupté. Tels sont les symboles qui enveloppent les diverses propriétés de la terre. »

Voilà ce que j’ai dû extraire sommairement de notre auteur ; car il ne faut pas que nous passions pour ignorer les plus beaux des philosophes. Ainsi, d’après ce que nous venons de voir, Proserpine est le principe vital des graines ; Bacchus, celui des fruits à écale ; Attis, le symbole des fleurs du printemps ; Adonis, celui des fruits en maturité. Fallait-il donc faire des divinités de toutes ces substances que l’Auteur de toutes choses a créées pour la nourriture des animaux ? Pourquoi offrir quelque chose de terrestre à nos adorations, à nous qui avons reçu du Dieu souverain de l’univers une âme céleste, raisonnable, immortelle, une âme qui peut le contempler par la pure lumière de l’intelligence ? Peut-on sans indignation entendre dire que Silène est la puissance de l’air, le principe qui pénètre tous les êtres que sa tête représente la révolution du ciel, et sa barbe épaisse, la densité de l’air qui environne la terre ? La raison ne se révolte-t-elle pas en voyant refuser à celui qui doit être adoré avant tous les êtres, un culte que l’on prostitue à Adonis et à Bacchus, c’est-à-dire aux fruits qui croissent aux arbres ? La patience ne vous échappe-t-elle pas, lorsque vous voyez que les satyres et les bacchantes, ne sont que des noms honnêtes inventés pour désigner les plus honteuses et les plus infâmes passions des hommes, puisque, comme nous l’avons vu, les satyres étaient le symbole du penchant à la volupté, et les bacchantes représentaient des infamies plus révoltantes encore ? Mais pourquoi nous arrêter à réfuter chacune de ces absurdités ? Continuons plutôt de parcourir ces allégories, tirées de la nature, pour ne rien passer sous silence de cette philosophie basée sur des explications mystérieuses. Faisons une sorte de résumé de la doctrine entière de notre auteur. Il continue ainsi de nous en faire l’exposé :

« Ils ont nommé océan tout l’élément des eaux, et Thétis, l’emblème sous lequel ils le représentent ; mais ils ont fait de cet élément plusieurs divisions auxquelles ils ont donné différents noms. Ils ont compris sous le nom d’Achélaüs toutes les eaux douces et potables ; sous celui de Neptune toutes les eaux marines, qu’ils ont aussi désignées sous le nom d’Amphitryon, en tant qu’elles ont une vertu génératrice. Les propriétés particulières des eaux douces, ils les ont désignées sous le nom de nymphes : celles des eaux marines, sous le nom de néréides. Ils ont personnifié le principe du feu sous le nom de Vulcain, et ont donné à sa statue la forme humaine, avec une couronne d’azur, symbole de la voûte du ciel, où est le siège du feu primitif et le plus pur ; car celui que nous avons sur la terre est plus faible et manque de soutien et de base ; c’est pour cela qu’il semble boiter par défaut d’appui. C’est aussi parce qu’ils avaient vu la même propriété dans le soleil, que les Grecs lui ont donné le nom d’Apollon, d’un mot qui signifie palpiter, à cause de l’oscillation apparente de ses rayons. Les neuf muses qui forment le chœur d’Apollon sont la sphère sublunaire, avec ses planètes et une étoile fixe. On lui a consacré le laurier, d’abord parce que l’élément igné est contenu en grande quantité dans cet arbrisseau, ce qui fait que les démons l’ont en horreur : ensuite la flamme qu’il produit en brûlant semble douée d’une voix articulée, signe de la vertu prophétique attribuée au dieu. Comme le soleil, par son action bienfaisante éloigne de la terre tous les fléaux que son absence y produirait, on l’a nommé aussi Hercule, nom formé de deux mots grecs, dont l’un signifie briser, et l’autre l’air, parce que dans sa course de l’Orient à l’Occident, il semble briser l’air. Les douze travaux que la fable attribue à Hercule ne sont que le symbole des douze signes du zodiaque, division que l’on a imaginée dans l’orbe céleste. On l’a aussi armé d’une masse et revêtu d’une peau de lion : la massue est le signe de l’irrégularité des ses mouvements, et la peau de lion est l’emblème de la force avec laquelle il darde ses rayons pendant qu’il parcourt le signe du lion. Sa vertu vivifiante est personnifiée sous le nom d’Esculape. On le peint avec un bâton, pour marquer qu’il est la force et le soutient des corps affaiblis par la douleur : un serpent l’enveloppe de ses replis pour représenter sa vertu salutaire sur les corps et sur les âmes (or dans l’exposition des lois physiques, les naturalistes, voulant expliquer pourquoi certains animaux se traînent, rampant sur la terre, en donnent pour raison la matière grossière et terrestre dont ils sont formés) ; car le serpent est plus que tous les autres animaux, composé d’une substance toute d’esprit ; il abandonne son corps exténué de faiblesse pour en revêtir un autre. La science médicale paraît même être une propriété chez lui : car il a trouvé l’art de donner à ses yeux une prodigieuse perspicacité, et il a su découvrir la plante dont le suc fait ressusciter. En raison de son mouvement circulaire et mesuré qui fait que sa chaleur donne aux fruits la maturité, le soleil reçoit le nom de Bacchus (Dionysius), non pas qu’il soit la vertu productrice des fruits aqueux, mais ce nom lui vient, ou qu’il est la cause du mouvement de toute la voûte céleste (περιδινεῖ) ou de ce qu’il accomplit lui-même sa révolution (διακινεῖ) autour du ciel. Sa course autour du monde produit les saisons (ὧρας) : voilà pourquoi on le nomme aussi Horus. Comme son action vivifiante donne la fécondité à l’agriculture, source de toutes les richesses (πλούτος), on l’appelle encore Pluton, mais comme il contient en même temps une grande force de destruction, on a joint à Pluton Sérapis. Le mouvement par lequel il plonge ses rayons dans l’hémisphère inférieur est figuré par un manteau de pourpre. Un sceptre brisé par le haut est le signe de sa puissance sur les mânes. Une main disposée d’une certaine manière est le symbole de sa disparition dans des plages inconnues. On a donné trois têtes à Cerbère, parce que le soleil a trois phases sur l’horizon : l’aurore, le midi et le coucher. Au rang de leurs divinités, ils ont placé le nom de Diane (Artémis), c’est-à-dire qui fend l’air (ἀεροτόμον). Bien qu’elle soit vierge, elle préside aux accouchements, parce que la nouvelle lune exerce une heureuse influence sur les accouchements. Minerve est à la lune ce qu’Apollon est au soleil ; car la lune est le symbole de la prudence, et à ce titre elle mérite le nom de Minerve. On lui donne aussi le nom d’Hécate à cause de ses transformations successives et de ses propriétés qui changent simultanément avec sa figure. Ces propriétés nous sont représentées sous trois formes différentes. Au temps de la nouvelle lune, on lui donne une robe blanche, une chaussure d’or et des torches allumées. Dans son croissant, lorsqu’elle commence à s’élever au-dessus de l’horizon, on lui fait porter un panier en signe de la maturité des fruits dont son influence favorise l’accroissement. Enfin au temps de la pleine lune, on lui donne une chaussure d’airain. Un rameau d’olivier vous représente son principe igné ; le pavot, sa vertu génératrice et la multitude d’âmes qui l’habitent comme une ville ; car le pavot est le symbole d’une ville. Comme Diane, elle est armée d’un arc pour représenter les douleurs aiguës de l’enfantement. Les Parques peuvent aussi être regardées comme diverses modifications de sa puissance : Clotho est sa vertu fécondante, Lachésis, sa vertu nutritive, enfin Atropos, sa volonté inexorable. On la confond quelquefois avec le principe générateur des fruits, c’est-à-dire Cérès, parce qu’en effet elle lui communique sa force. On en fait aussi une seule chose avec Proserpine ou même avec Bacchus, parce que comme lui elle porte des cornes, et parce que les nuages occupent une région inférieure à celle des astres.

Ayant remarqué dans la nature de Saturne quelque chose de lent, de pesant et de froid, les anciens en ont fait le dieu du temps : ils l’ont représenté debout avec une chevelure blanche, signe de la vieillesse, parce que la vieillesse est l’attribut du temps, les Curètes auxquels fut confiée l’éducation de Saturne sont l’emblème des circonstances favorables, parce que c’est par la succession de ces diverses circonstances que le temps s’écoule. Parmi les Heures, il y en a qui habitent le ciel et qui sont les compagnes du soleil ; ce sont elles qui ouvrent les portes du ciel. D’autres habitent la terre à la suite de Cérès ; elles portent une corbeille tantôt de fleurs, symbole du printemps ; tantôt d’épis, emblème de l’été. Voyant dans Mars la nature du feu, ils en ont fait le dieu de la guerre, qui aime l’effusion du sang, et ils ont attaché à sa puissance l’idée de ruine ou de salut. Supposant dans l’astre de Vénus une vertu génératrice et une grande influence sur les passions, ils en ont fait une femme pour représenter cette vertu génératrice, et lui ont donné la beauté pour attribut, parce qu’en effet Vénus ou l’étoile du soir est la plus brillante des étoiles que l’on voit au firmament. C’est pour la même raison qu’ils l’ont faite mère de l’Amour. Elle voile son sein et les autres parties de son corps qui sont les sources de la vie et de la nourriture. En signe de sa vertu génératrice, ils la font aussi naître de la mer, élément humide et chaud, agité d’un mouvement perpétuel qui produit l’écume. Mercure est le symbole de la parole qui produit tout, qui explique tout : il se tient droit pour marquer la vigueur de l’éloquence ; il figure aussi la force spermatique qui pénètre tous les êtres. Enfin l’éloquence est une sorte d’être multiple qui s’appelle Mercure dans le soleil, Hécate dans la lune, Hermopan dans l’univers : car dans toutes ces parties se trouve la vertu spermatique et productrice. Les Égyptiens l’appellent Hermanubis, mot composé du grec et de l’égyptien. Comme l’éloquence possède l’art de faire aimer les objets qu’elle présente, elle est aussi représentée par Cupidon que l’on donne pour fils à Mercure. On le peint sous la forme d’un enfant à cause de ses penchants impétueux pour la lubricité. Le symbole de l’univers a été personnifié dans Pan. On lui a donné des cornes pour représenter le soleil et la lune, et une peau de faon, comme symbole de la variété qui règne dans l’univers.

Voilà l’interprétation de la théologie grecque.

Notre auteur nous apprend encore quels sont les symboles de celle des Égyptiens. Voici comme il l’interprète :

« Chez les Égyptiens, l’être créateur de toutes choses s’appelle Kneph : ils lui ont donné la forme humaine, un teint azuré, tirant sur le noir. Ils lui ont mis à la main une ceinture et un sceptre, sur la tête un diadème orné de plumes. Par ces divers emblèmes ils représentent ses attributs : l’un signifie que cette raison suprême habite invisible dans un secret impénétrable : un autre, qu’il est le père de tous les êtres vivants ; un autre est le signe de sa royauté ; enfin le plumage qui orne sa tête est le symbole de l’agilité de son intelligence. Ils racontent que de la bouche de ce dieu sortit un œuf, d’où naquit leur dieu Phtha, le Vulcain des Grecs ; or cet œuf n’est autre chose que le monde. Ils lui ont consacré la brebis en mémoire de ce que dans le principe, les hommes se nourrissaient de lait. Pour le monde lui-même, voici sous quel emblème ils l’ont représenté : une statue de forme humaine, les pieds joints, couverte d’un manteau bigarré, descendant des épaules jusqu’aux pieds, sur la tête une sphère d’or, pour signifier, par l’attitude des pieds, l’immobilité du monde ; par le manteau, la prodigieuse variété des astres ; enfin par la sphère, la forme sphérique du monde. Ils représentent le soleil sous l’emblème d’un homme montant un bateau, porté par un crocodile. Le bateau est le signe de l’élément humide au milieu duquel se meut le soleil, et le crocodile marque l’eau douce qui le porte : double symbole qui signifie que l’air, à travers lequel le soleil accomplit sa révolution, est un élément à la fois humide et doux. Ils ont donné à la terre céleste et à celle d’ici-bas le nom d’Isis, qui signifie égalité, c’est-à-dire la source de toute justice. La terre céleste, ils l’ont appelée la lune ; le sol que nous habitons et qui produit les fruits se nomma simplement la terre. Isis chez les Égyptiens est la même que Cérès chez les Grecs : comme aussi la Proserpine et le Bacchus des Grecs sont l’Isis et l’Osiris égyptiens. Isis nourrit les plantes de la terre et leur donne l’accroissement. Osiris est la personnification du principe producteur des fruits : les Égyptiens lui offrent le tribut de larmes comme une sorte d’expiation de ce que la vie des fruits est sacrifiée, lorsqu’on les enterre pour les semer, ensuite lorsque l’homme les consomme pour sa nourriture. Osiris est pris aussi quelquefois pour la puissance du Nil. Ainsi lorsqu’ils veulent désigner le sol terrestre, ils prennent Osiris dans le sens du principe productif des fruits : et quand ils parlent de la terre céleste, Osiris est pris pour le fleuve du Nil qui, selon eux. prend sa source dans le ciel. Lorsqu’ils le prennent pour le Nil, ils n’en répandent pas moins des larmes en son honneur, comme pour suppléer sa puissance, qui paraît avoir des intervalles de faiblesse et d’anéantissement. Isis qu’ils donnent pour épouse à Osiris, n’est autre chose que la terre d’Égypte : elle est son égale, elle fait germer les fruits dans son sein, enfin elle les met au jour : ce qui fait dire qu’Osiris est à la fois, l’époux et le fils d’Isis.

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