François Coillard T.2 Missionnaire au Lesotho

Au Lecteur

En 1834, à Asnières-lès-Bourges, dans une famille déjà nombreuse, naissait un « tard venu » ; peu après, le père de famille mourait et la pauvreté entrait dans la maison. La mère, surnommée « la Mère Bonté », était une femme pieuse, elle voulait faire du plus jeune de ses enfants un pasteur. Lui aimait les études et se pliait mal aux rudes travaux de la terre ; mais, comme il fallait qu’il gagnât sa vie, on le plaça comme jardinier, puis comme domestique, dans des châteaux des environs. Il n’y réussit guère, son goût pour les études persistait. Le 20 septembre 1851, il entra à l’institut de Glay. C’est là qu’il se convertit et que, tout de suite après, Dieu lui montra clairement qu’il voulait faire de lui un missionnaire (1852).

Mais François Coillard — car c’est de lui qu’il s’agit — n’avait pas l’instruction première indispensable. Il l’acquit au Magny-Danigon par les soins du pasteur Louis Jeanmaire (1855), à Paris où il suivit pendant un an les cours de l’Ecole préparatoire de théologie de Batignolles (1853-1854), à Strasbourg (1855). Après un an de séjour à Asnières, où il fit plus d’évangélisation que d’études proprement dites, et où il finit par une suffragance, il entrait (novembre 1856) à la Maison des Missions, qui se rouvrait alors à Paris et dont le missionnaire Eugène Casalis, revenu du Lesotho, prenait la direction. Coillard croyait pouvoir enfin se livrer pendant plusieurs années, dans une maison chrétienne, selon un plan bien déterminé, à des études suivies et complètes, quand l’appel se fit entendre.

Après des adieux douloureux, après s’être séparé de la Mère Bonté qu’il ne devait plus revoir, il partit pour le Lesotho. Le voilà naviguant pendant cent jours sur un voilier, et si malade qu’on est presque inquiet de lui. Il débarque au Cap le 6 novembre 1857, puis se rend en chariot à bœufs au Lesotho, où sévit la guerre. Il va de stations en stations. Il douterait presque de l’opportunité de sa venue, lorsque la Conférence des missionnaires décide la fondation de deux nouvelles stations, dont l’une, Léribé, chez le chef Molapo, lui est confiée.

Il alla s’y établir, tout seul (février 1859), à la porte même du village païen. Mais cette solitude sur la station la plus reculée du Lesotho était difficile à supporter, elle nuisait à son travail ; seul, il ne pouvait pas faire l’œuvre, il lui fallait une compagne. Après deux années d’attente, Dieu la lui envoya en la personne d’une Écossaise d’un caractère énergique et d’une volonté ferme. Mlle Christina Mackintosh partit pour l’Afrique le 23 novembre 1860, se donnant tout entière à l’œuvre et à l’ouvrier. La joie de Coillard, à cette nouvelle, fut sans bornes ; il quitte la station d’Hermon, où il avait été placé provisoirement, il accourt au-devant de celle qui devait être la joie et, après Dieu, la force de sa vie…

Mais, ami lecteur, je perds mon temps et te fais perdre le tien ; cette histoire est assurément connue de toi. Suis-moi au Cap de Bonne-Espérance — quel joli nom pour le lieu où doivent se rencontrer deux êtres qui s’aiment pour la vie ! — Nous assisterons de loin, de très loin, comme la discrétion l’exige, au premier serrement de main des deux jeunes gens. Puis nous partirons avec ces deux époux, nous nous enfoncerons avec eux dans le continent noir et, pendant une vingtaine d’années, nous les suivrons à travers les tristesses et les joies, les difficultés, les dangers et les délivrances d’une carrière qui fut pleine d’imprévu.

Si tu aimes à pénétrer dans l’intimité d’une âme, viens avec moi : je te ferai pénétrer dans celle du petit Berrichon. Tu l’as connu timoré, craintif, triste, facilement abattu, et tu verras se développer en lui un homme énergique, viril, héroïque et serein, parce qu’obéissant.

Mais garde-toi bien de lui en attribuer la gloire, elle appartient au Maître qu’il a servi.

Édouard Favre.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant