Vie de Guillaume Farel

37. La brebis perdue et retrouvée

Les enseignements de Farel avaient-ils donc été multipliés en pure perte ? Le vaillant ouvrier paraissait avoir semé sur le bord du chemin et les oiseaux avoir mange la semence.

Cependant Dieu avait un but d'amour, Il allait le manifester. Parmi les blasphémateurs, pauvres gens morts dans leurs fautes et leurs péchés, il y en avait qui seraient des témoins vivants de cet amour que beaucoup d'eau ne peut éteindre et que des flots de rébellions et de méchanceté ne sauraient étouffer.

Au commencement de ce mois de mai, il y eut de la joie parmi les anges de Dieu au sujet de la dame Elisabeth et d'Hugonin d'Arnex son mari. Nous ne connaissons pas les détails de leur conversion. Le seigneur d'Arnex, comme chef de famille, fut un de ceux qui furent forcés d'aller entendre Farel ; peut-être sa femme l'accompagna-t-elle à ce culte forcé ; nous l'ignorons, mais il est certain que leur conversion fit l'effet d'un coup de foudre dans la ville. Bientôt chacun sut que la dame d'Arnex était devenue la pire luthérienne de l'endroit, et même, chose inouïe, le jour de la fête de Notre-Dame, elle avait fait la lessive !

Quoi qu'il en soit, cette transformation était l'œuvre de Celui qui avait aimé dame Elisabeth et s'était donné pour elle. Le souverain Pasteur cherchait en tous lieux ses brebis, jusque dans les déserts, où le vent d'orage des jours fâcheux les avait chassées. « Contraignez-les d'entrer afin que ma maison soit remplie, » dit le Sauveur de toutes les pauvres âmes. Il vous invite aussi, chers lecteurs, si vous n'êtes pas encore sauvés. Ce n'est point par la volonté de la chair, ni par la volonté de l'homme que les pécheurs viennent au Sauveur. Si vous n'êtes point encore passés des ténèbres à la merveilleuse lumière, l'amour qui sauva Elisabeth d'Arnex et son mari pourra seul vous chercher et vous trouver.

A peine la nouvelle que ces deux lions avaient été changés en agneaux eut-elle fait le tour de la ville, qu'un autre événement à sensation se produisit. Quatre jours après le premier sermon de Pierre Viret, Georges Grivat, le chantre, parut dans la chaire, non plus pour chanter les antiennes latines comme il l'avait fait jusqu'à ce jour, mais pour annoncer la bonne nouvelle qu'il avait apprise de Farel. Ainsi le meilleur chanteur de l'église, celui dont tous admiraient la belle voix, était devenu un prédicant hérétique ! Son père, ses frères, ses amis furent au désespoir.

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