Les épîtres de Paul

5.
Conclusions

Saint Paul parle, dans la 1re aux Corinthiens (2.6), d’une sagesse qu’il possédait par devers lui, mais dont il n’avait pu entretenir les Corinthiens, qu’il ne pourrait pas même leur communiquer encore, et qu’il n’expose que quand il se trouve au milieu des parfaits, c’est-à-dire de chrétiens parvenus à la maturité de la vie spirituelle. Cette sagesse, elle est sans doute renfermée dans la croix (1, 23) ; mais non dans la croix en tant que présentée à la conscience de l’inconverti pour la briser ou à celle du croyant pour y opérer la mort au péché. C’est, après que ce travail moral est accompli, que la croix devient pour l’âme la source d’une lumière qui éclaire le plan divin, illuminant le passé et l’avenir, initiant l’homme au « mystère de ce que Dieu a décrété avant les siècles pour notre gloire. » Ces mêmes expressions se retrouvent dans notre épître : « le mystère caché dès les siècles » ; « la richesse de gloire qui y est renfermée » ; « afin de rendre l’homme parfait » (1.26-28). La sagesse dont il parlait dans la 1re aux Corinthiens est donc bien celle qu’il expose dans notre lettre et dans celle aux Éphésiens. Si M. Sabatier avait compris cette relation, il aurait compris aussi l’erreur grave qu’il commettait en montrant dans ces deux épîtres « la pensée infatigable de l’apôtre arrivant enfin à son terme » ; « son enseignement prenant une forme plus spéculative » ; le large point de vue de l’épître aux Romains, qui était déjà une conquête sur les lettres précédentes, devenant le point de départ « d’un développement nouveau. » Ainsi s’est produit, selon lui, le « paulinisme des derniers temps. » Toute cette construction s’évanouit devant la déclaration de l’apôtre que nous avons rappelée en commençant ce paragraphe. Si nous nous fions à lui, il possédait cette sagesse, qu’il expose ici, dès le moment où il avait reçu la révélation dont il parle 1 Corinthiens ch. 2 ; et ce moment ne peut avoir été que celui de la révélation initiale qui l’avait fait apôtre de Jésus-Christ. Non, certes, qu’il eût saisi dès l’abord toutes les applications futures de la pensée divine, ni poursuivi toutes les ramifications du plan de Dieu dans l’histoire de l’Église ; mais les grandes lignes du plan divin pour le salut de l’humanité étaient tracées distinctement dans son esprit ; et, comme il le dit lui-même, c’est « avec cette portion de la lumière divine à lui dispensée » (κατὰ τὴν οἰκονομίαν τοῦ θεοῦ τῆν δοθεῖσαν μοι 1.25) qu’il s’est mis au service de Christ, qu’il est « devenu son διάκονος » (1.23). On voit aisément ce qui, dans la fausse doctrine répandue à Colosses, a évoqué l’enseignement christologique qui fait le fond de l’épître adressée à cette église. Il s’agissait de montrer deux choses : que Christ a de quoi suffire à tout — c’est ce qui résulte de l’habitation de Dieu en lui — et que tout ce qu’il a, il le communique à l’Église ; c’est ce qui résulte de son habitation en elle, due à la participation du croyant à sa mort et à sa résurrection. Voilà l’épître tout entière. Ces faits divins n’ont pas été découverts, encore moins inventés par Paul à l’occasion de cette controverse. Il les a tirés du trésor de la révélation qu’il avait reçue et les a exposés au moment où le besoin de l’Église en a réclamé la pleine connaissance. C’est sur cette voie, à lui complètement propre, que son enseignement s’est rencontré, comme au sommet de la pyramide, avec cette parole du Christ dans Jean : « En ce jour-là vous connaîtrez que je suis dans le Père, et que vous êtes en moi et moi en vous » (Jean 14.20).

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