Vie - Flavius Josèphe

CHAPITRE XIII

Cette nouvelle me fâcha fort. J'allai aussitôt à Tibériade où je fis tout ce qu'il me fut possible pour recouvrer une partie de ce qui avait été pillé au roi, comme des chandeliers à la Corinthienne de riches tables et quantité d'argent non monnayé, dans le dessein de le conserver pour ce prince, et je mis toutes ces choses entre les mains des principaux du sénat et de Capella, fils d'Antillus, avec ordre de ne les vendre qu'à moi-même. J'allai de là avec mes collègues à Gischala pour sonder ce que Jean avait dans l'esprit, et je n'eus pas de peine à connaître qu'il aspirait à la tyrannie ; car il me pria de trouver bon qu'il se servit du blé qui appartenait à l'empereur et qui était en réserve dans les villages de la haute Galilée, afin d'en employer le prix à faire bâtir des murailles. Mais comme je m'aperçus de son dessein je le refusai, et résolus de garder ce blé ou pour les Romains, ou pour les besoins de la province, en vertu du pouvoir que la ville de Jérusalem m'avait donné. Lorsqu'il vit qu'il ne pouvait rien obtenir de moi, il s'adressa à mes collègues ; et parce qu'ils aimaient fort les présents et qu'ils ne prévoyaient pas les suites, ils lui accordèrent sa demande, quelque opposition que j'y pusse faire, me trouvant seul contre deux. Il usa encore d'un autre artifice. Il dit que les Juifs qui étaient à Césarée de Philippe se plaignaient de manquer d'huile vierge à cause des défenses que le roi leur avait faites de sortir de la ville pour en acheter, et qu'ils s'étaient adressés à lui pour en avoir, parce qu'ils ne pouvaient se résoudre à se servir de l'huile des Grecs contre la coutume de notre nation. Ce n'était pas néanmoins le zèle de la religion, mais le désir d'un gain sordide qui le faisait parler de la sorte ; parce qu'il savait qu'au lieu que deux setiers de cette huile se vendaient une drachme à Césarée, les quatre-vingts setiers ne valaient que quatre drachmes à Gischala. Ainsi il fit porter à Césarée toute l'huile qui était dans cette ville, et fit croire faussement que c'était avec ma permission ; mais je n'osai m'y opposer de crainte que le peuple ne me lapidât ; et par cette fourberie il amassa beaucoup d'argent.

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