L’épître de Jacques en 25 sermons

A ceux qui souffrent et à ceux qui sont dans la joie

Quelqu’un parmi tous souffre-t-il, qu’il prie. Quelqu’un est-il dans la joie, qu’il chante des cantiques.

Jacques 5.13

    Mes frères,

L’existence actuelle offre à chacun de nous sa part de souffrances et de joies. Toute vie humaine est un mélange de ces deux éléments, de sorte qu’il n’est pas exact de diviser les hommes, comme on le fait souvent, en heureux et en malheureux. Cette distinction peut sembler juste au premier abord ; mais, lorsqu’on va au fond des choses, on reconnaît sans peine qu’elle ne répond pas à la réalité. Quelles que soient les différences qui existent dans la répartition des joies et des souffrances sur la terre, il n’est personne de qui l’on puisse dire qu’il soit absolument privé des unes ou exempt des autres et, si l’on voulait classer les hommes à ce point de vue, il faudrait distinguer entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas recevoir ces deux sortes de dispensations.

C’est là, en effet, la question importante que nous devons nous poser. Puisque nous sommes tous appelés à rencontrer des joies et des souffrances, puisque ces deux éléments jouent un si grand rôle dans notre vie, nous devons nous demander ce que nous avons à faire dans l’un et dans l’autre cas. Or, l’Évangile ne nous laisse pas dans l’ignorance à cet égard. Notre texte, en particulier, nous donne, en quelques mots, une règle de conduite aussi complète que pratique : « Quelqu’un parmi vous souffre-t-il, qu’il prie ; quelqu’un est-il dans la joie, qu’il chante des cantiques. »

Cette parole ne demande pas de longues explications. Elle est si claire et si simple, que notre méditation peut se borner à l’appliquer à quelques-unes des circonstances où tous les hommes peuvent se trouver, à quelques-unes des souffrances et des joies de la vie, pour suivre l’ordre même indiqué par Saint-Jacques.

I

« Quelqu’un parmi vous souffre-t-il, qu’il prie ». Mes frères, cette première exhortation trouve partout et toujours son application. Qui de nous peut dire en effet que sa vie se soit passée et doive se continuer sans affliction ? Qui ne souffre pas ? Hélas ! le péché et ses tristes fruits ont si bien réussi à empoisonner toutes choses, que la vie du plus heureux d’entre nous n’offre que trop de misères, sans parler de toutes celles que nous nous infligeons à nous-mêmes directement par notre faute !

Mais, s’il est certain que chacun a ses infortunes, Il ne l’est pas autant que tout le monde se conforme à l’exhortation de Saint-Jacques. Il y a en effet deux manières de souffrir, suivant que l’on croit ou non à une Providence qui dirige toutes choses, suivant que l’on vit avec Dieu ou sans lui.

Sans Dieu, que peut-on faire, lorsque survient la souffrance ? Il est toujours difficile, et, dans la plupart des cas, il est impossible de la fuir ou de l’oublier… Les hommes mêmes ne peuvent ordinairement rien faire pour nous soulager réellement. Ce qu’ils ont de meilleur à nous offrir n’est, après tout, que leur sympathie. Mais le secours, mais la force, mais la patience, mais la résignation, mais la délivrance, mais la victoire, sont-ce les hommes qui peuvent les donner ? … Alors, il ne reste que cette triste alternative : ou bien se raidir contre la souffrance, se mentir à soi-même en s’écriant : « O douleur, tu n’es qu’un mot ! » ou bien se laisser déborder par le mal, se livrer au découragement, à la révolte, au désespoir !

L’Évangile nous enseigne autre chose. Il nous apprend que nous sommes ici-bas à une école où nous nous formons pour le ciel et que toute souffrance est, en même temps qu’un sujet de tristesse, un élément nécessaire de notre éducation morale. Il nous invite, en conséquence, à ne pas souffrir tout seuls, mais à regarder à Dieu, « Quelqu’un parmi vous souffre-t il, qu’il prie. » Oui, qu’il prie, parce que c’est Dieu qui lui fait son partage ici-bas ; qu’il prie, parce que Dieu seul peut le soulager, lui donner la force nécessaire pour souffrir patiemment et faire produire à son épreuve les fruits qu’elle comporte ; qu’il prie, enfin, parce que Dieu n’afflige pas par plaisir, mais pour le bien de l’homme et qu’il ne fera durer la souffrance que ce qu’il faut précisément pour que le but qu’il s’est proposé soit atteint.

Remarquez, mes frères, qu’en disant d’une manière si générale : « quelqu’un souffre-t-il, qu’il prie », Saint-Jacques entend bien ne pas faire d’exception, parce qu’il n’est aucune des infortunes de cette terre dans laquelle Dieu ne veuille nous donner la consolation, le soulagement, la guérison ou, tout au moins, la soumission à sa volonté. J’ajoute même que lorsque nous avons le malheur d’attirer sur nous une affliction qui soit la conséquence directe d’un péché, alors encore, plus que jamais, nous devons prier, pour obtenir, sinon de ne plus souffrir, du moins d’être pardonnés et par là délivrés de cet aiguillon du péché qui rend plus amère encore une douleur déjà assez grande en elle-même. Ne croyons pas non plus que, lorsqu’il s’agit d’une petite épreuve, nous ne devions pas avoir recours à Dieu : rappelons-nous que rien de ce qui nous concerne n’est trop petit à ses yeux, puisque « les cheveux mêmes de notre tête sont tous comptés » et regardons à lui dans toutes nos souffrances.

Ainsi, vous, mon frère, qui souffrez de l’indigence, priez le Seigneur qui fixe à chacun sa position dans le monde, qui ne vous redemandera qu’à proportion de ce que vous aurez reçu et qui sait pourquoi il vous a assigné votre place parmi les pauvres, tandis que nous ne le savons pas. Priez au nom du Fils de Dieu qui a choisi votre position sur la terre, précisément pour pouvoir vous secourir dans votre dénuement et qui a vécu dans une pauvreté que vous ne connaissez probablement pas. Qui de nous, en effet, se trouve « sans un lieu où reposer sa tête ? … » Si, pouvant rassasier cinq mille hommes par un miracle, il a souffert lui-même de la faim, n’est-ce pas pour nous aider quand nous sommes dans une position semblable ? Priez-le donc avec d’autant plus de confiance, qu’il a été pauvre comme vous, plus que vous et pour vous… Sa réponse à votre prière ne dût-elle consister qu’à vous préserver du découragement, à vous faire regarder avec confiance en avant et en haut, ce serait déjà un grand bien obtenu ; et il vous a promis davantage, puisqu’il vous déclare que « si Dieu revêt l’herbe des champs » et nourrit les oiseaux de l’air, il vous donnera, à plus forte raison, ce qu’il vous faut pour l’entretien de votre vie.

Toutefois, la nourriture et le vêtement nous seraient d’une médiocre utilité, si nous étions privés du plus précieux des biens temporels, la santé. Et ici encore la parole de mon texte trouve de nombreuses applications. Qui d’entre vous, mes frères, n’a jamais été frappé dans sa santé ? Qui, tout au moins, ne peut s’attendre à une maladie, ne fût-ce que la dernière ? Et qui encore n’a, dans son entourage, quelque personne dont la vie soit en danger ? … Eh bien, écoutez : « Quelqu’un parmi vous souffre-t-il, qu’il prie. » Oui, vous qui êtes malade ou languissant, priez ce Dieu qui est maître de la vie et qui peut vous consoler, vous soutenir, vous rétablir. Regardez au Sauveur qui, comme vous, a souffert dans son corps et qui, aujourd’hui comme au temps de sa vie terrestre, peut guérir les malades. Réalisez ainsi la parole qui suit celle de mon texte : « La prière du juste faite avec zèle a une grande efficace. » Cette efficace est si grande, en effet, qu’elle s’étend à d’autres que nous-mêmes. Vous donc, qui souffrez de sentir menacée la vie d’une personne qui vous est chère, priez, exposez à Dieu vos anxiétés, vos angoisses ; implorez-le au nom de Jésus qui a aimé les siens et qui sait comprendre ce genre de douleur ; priez comme priaient la Cananéenne et le centenier de Capernaüm, ces croyants d’élite qui n’avaient pas reçu tous les privilèges religieux des Israélites et dont la foi pratique a pourtant surpassé de si haut celle des enfants d’Abraham, qu’elle sera proposée en exemple à l’Église dans tous les âges. Vous vous approprierez ainsi cette autre promesse de notre épître : « La prière faite avec foi sauvera le malade et le Seigneur le relèvera. »

Mais, vous le savez, mes frères, la guérison d’une ou de plusieurs maladies ne saurait empêcher qu’il soit « ordonné à tous les hommes de mourir un jour » et la mort est, de toutes les causes de souffrance, celle qui fait verser le plus de larmes dans le monde. Vous avez tous perdu des parents, des amis. Il y a dans votre vie des deuils ou récents ou anciens que rien ici-bas ne pourra effacer. Et puis, il faudra aussi qu’à votre tour vous payiez le tribut à la nature et plus d’un, parmi vous, sans doute, est tourmenté à la pensée de la mort qu’il n’ose envisager en face… Eh bien, mon frère, qui souffrez à cause d’un deuil ou en songeant à votre propre mort, ayez recours à la prière. Regardez à celui qui mesure à chacun la durée de son existence terrestre, mais qui est la source de toute consolation et de toute vie. Demandez le secours de Jésus qui a pleuré lui même sur le tombeau d’un ami, pour vous aider à traverser vos deuils et qui a passé par la mort, pour qu’à votre tour vous puissiez la subir sans crainte. Rappelez-vous enfin que Dieu ne nous donne son secours qu’à mesure qu’il le faut et que, lorsque le moment tant redouté sera venu pour vous, la promesse faite à la prière s’accomplira certainement.

Ce qui rend la mort si redoutable, c’est qu’elle a pour aiguillon le péché ; et ce n’est pas à notre dernière heure seulement que le péché nous fait souffrir. Pourrait-il en être autrement quand, en faisant le mal, nous nous éloignons de Dieu et qu’en Dieu seul se trouve le vrai bonheur ? Aussi longtemps que nous ne sommes pas rentrés dans la communion de Dieu, quelles que soient les autres conditions de notre vie terrestre, nous ne pouvons être heureux. Et même, comme la transformation produite chez le croyant par l’Esprit de Dieu ne se fait pas en un jour, que pendant toute sa vie le chrétien a des progrès à faire dans la sanctification, il continue encore à souffrir du fait du péché, lorsqu’il lui semble qu’il n’avance pas dans la vie chrétienne, qu’il en est toujours au même point en fait de sainteté, de charité, de piété… Eh bien, vous, cher frère, qui souffrez de n’être pas ce que vous devriez être, qui avez la conscience troublée et qui éprouvez un sentiment de vide impossible à décrire, regardez en haut et priez. Sachez que c’est Dieu qui frappe à la porte de votre cœur et qui vous appelle à vous convertir. Ne laissez pas se dissiper sans résultat cette souffrance salutaire qui doit vous amener à une vie nouvelle. Dans le sentiment de votre misère, jetez un regard suppliant vers la croix du Calvaire. Contemplez-y le Saint et le Juste subissant volontairement le dernier supplice et acceptant de passer par la mort afin de vous donner, en échange de ce sacrifice, le pardon et la vie que vous ne pouviez mériter. Dites-vous bien que c’est pour vous, pour vous-même, que Jésus est mort, au point que si tous les autres hommes refusaient le salut, vous pourriez encore être sauvé. N’attendez- pas d’être assez parfait pour rentrer de vous-même dans la communion de Dieu, mais confiez-vous tout simplement dans l’œuvre du Sauveur et la réponse à votre prière sera ce qu’elle a été pour les fidèles de tous les temps et il y aura à votre sujet « de la joie dans le ciel. »

Replacé dans la communion de Dieu, tous y trouverez la force nécessaire pour lutter contre le mal. Mais vous ne la trouverez que là et souvent vous ferez la triste expérience « que celui qui est debout doit bien prendre garde qu’il ne tombe. » Vous aurez des moments de défaillance ; vous trouverez parfois que vous en êtes toujours au même point dans l’œuvre que Dieu vous a confiée ; vous risquerez de vous décourager… Mais, alors encore, priez ; ne comptez pas sur vous-mêmes ; sentez au contraire toujours mieux votre impuissance personnelle, pour vous mettre toujours plus en état de recevoir le secours de Dieu. Rappelez-vous que cette lutte incessante contre le mal est une condition inévitable de notre vie terrestre, que Jésus lui-même « a été tenté en toutes choses, » mais qu’il a vaincu pour nous le mal et qu’il est toujours avec nous pour nous aider, si nous le voulons, à triompher de nos tentations.

C’est ainsi, mes frères, que Dieu répond à toutes nos prières pour l’amour de Jésus-Christ et si, à l’ordinaire, nous souffrons mal, c’est que nous ne mettons pas assez en pratique le précepte de Saint-Jacques. Car, il faut le reconnaître, nous sommes bien timides dans nos prières. Comme nous avons peur de Dieu ! Comme nous manquons de confiance dans sa bonté ! Combien nous avons de peine à nous persuader que nous sommes réellement ses enfants et que nous pouvons tout lui dire, et tout lui demander, et tout attendre de son amour !

En voulez-vous une preuve ? Voyez comme nous sommes étonnés quand Dieu nous exauce, comme nous recherchons, après avoir obtenu ce que nous avions demandé, si c’est bien Dieu qui nous a exaucés ou si les événements n’ont pas tout simplement suivi un cours naturel qui nous a apporté une heureuse solution de notre souffrance. Preuve, soit dit en passant, que, même en présence d’un fait aussi positif que l’exaucement d’une prière, nous sommes appelés, comme en toute circonstance, à marcher « par la foi et non par la vue… » Quels progrès à faire encore ! Que de pardons, de consolations, de soulagements, de guérisons nous perdons ainsi par notre manque de confiance et combien nous souffririons mieux, si nous voulions sortir de cet état et regarder franchement à Dieu comme à celui qui dispense les biens et les maux et qui peut tout, et qui nous aime.

II

Il ne faudrait pas prétendre cependant, mes frères, que tout soit souffrance dans la vie. On y trouve aussi des joies plus douces, plus profondes et plus nombreuses que les esprits chagrins, portés à dénigrer le monde actuel, ne veulent bien le reconnaître. Sans vouloir faire la balance détaillée des biens et des maux, qu’il nous suffise de signaler quelques-unes des sources de joie que nous offre cette vie. Nous verrons que la seconde partie de l’exhortation de Saint-Jacques trouve aussi bien que la première son application parmi nous. Ce n’est pas en vain que parmi les fruits de l’Esprit Saint-Paul nomme la joie ; ce n’est pas en vain que Saint-Jacques dit : « Quelqu’un est-il dans la joie, qu’il chante des cantiques. » Joyeux, qui ne l’est jamais, qui ne peut l’être ? Dieu est plus miséricordieux que nous ne pensons ordinairement. Il sème sur notre route des bienfaits que nous n’avons pas le droit de dédaigner, car nous serions coupables si nous les refusions et si nous assombrissions encore la vie terrestre que le péché et ses conséquences ont déjà rendue si sombre à tant d’égards. Sans doute il y a des joies mauvaises et ce n’est pas de celles-là qu’il est question. Mais il en est d’excellentes pour tout le monde et le meilleur moyen de sanctifier nos joies est précisément de faire ce que dit Saint-Jacques. Soyez sûrs que votre joie sera légitime lorsque vous pourrez en bénir Dieu et. vous réjouir en sa présence, car telle est la portée de cette expression : « qu’il chante des cantiques. »

Vous donc, mon frère, qui êtes joyeux de voir la nature si belle à ce moment de l’année ; joyeux de vous sentir vivre, d’être plein de force et de santé ; joyeux encore de constater que vous faites dans votre travail une œuvre utile et profitable, « chantez des cantiques, » c’est-à-dire, dans votre joie, remontez à l’auteur de ces merveilles de la création dont l’habitude seule nous fait oublier le prix ; bénissez celui qui a formé ce corps si bien approprié à l’économie présente ; rendez grâce à cette Providence qui seule donne efficace aux efforts de l’homme, qui féconde le sol, qui ouvre l’intelligence, qui a conformé la nature à notre esprit de manière que nous puissions nous l’assujettir pour la faire servir à notre usage.

N’oublions pas non plus, parmi les sujets de joie que nous trouvons ici-bas, ceux que nous procure l’affection des êtres qui nous entourent. Vous tous qui êtes heureux d’avoir des cœurs qui battent à l’unisson du vôtre, une famille, des amis, bénissez l’auteur de tant de joies excellentes, ce Dieu qui n’a pas voulu que nous vivions pour nous-mêmes et qui a mis en nous le besoin d’aimer et d’être aimés.

Et puisqu’à ces bienfaits généraux Dieu en ajoute chaque jour d’une nature spéciale, que nous ne pouvons énumérer ici, mais que chacun de vous peut compter dans sa propre vie, vous tous qui êtes joyeux d’avoir reçu quelque marque particulière de la protection divine, bénissez celui dont la Providence prend soin de nous dans les petits détails comme dans les grandes circonstances de la vie et à qui vous devez cette guérison, cette délivrance, cet éloignement d’un danger qui vous menaçait, cet heureux succès d’une entreprise qui vous tenait à cœur.

Mais, mes frères, fussiez-vous d’ailleurs privés de toutes les sources de joie que je viens de vous signaler, il vous resterait toujours la plus précieuse de toutes, celle sans laquelle les autres ne seraient rien, sans laquelle vous ne pourriez vous réjouir véritablement : je parle de la joie religieuse, du bonheur que l’on goûte à se sentir réconcilié avec Dieu, en communion avec lui, à savoir que si aujourd’hui même il vous redemandait votre âme, vous iriez dans le paradis ; ou encore cette joie que l’on éprouve à se trouver dans la maison de Dieu avec ses frères, unis dans un même sentiment, sans distinction sociale, dans une égalité complète, comme les enfants du même père. « Quelqu’un parmi vous est-il joyeux » — et qui ne le serait ? — des liens qui l’unissent pour l’éternité à Dieu et à ses semblables, oh ! alors, plus que jamais, « qu’il chante des cantiques » à l’auteur de son salut, à celui dont l’amour surpasse toute intelligence, qui ne nous devait rien et qui nous a tout donné, à celui de qui nous étions séparés par un abîme infranchissable à notre nature pécheresse et qui est venu au-devant de nous et nous a ramenés de la mort à la vie ! La venue du Sauveur sur la terre a été célébrée par les cantiques de l’armée céleste ; c’est par des cantiques que les anges célébreront encore le triomphe de l’Église : que nos cantiques annoncent aussi que nous avons part aux bienfaits de l’Évangile !

Oui, mes frères, bénissons et louons Dieu ; chantons-lui du plus profond de nos cœurs des cantiques de reconnaissance. Ce ne sont pas les occasions de le faire qui nous manquent. Si nous pratiquons mal le précepte de Saint-Jacques, la faute en est à nous-mêmes. Or, il faut bien le reconnaître, ce n’est pas notre disposition habituelle de bénir Dieu pour les joies qu’il nous procure. Nous sommes si peu attentifs à voir ces sujets de le louer que nous perdons bien des joies par notre faute. De plus, nous ne sommes pas assez reconnaissants dans les circonstances où cela devrait nous être le plus naturel. Preuve en soit qu’il faille parfois rechercher péniblement quels bienfaits nous avons reçus de la bonté divine, alors que nos cantiques de louanges devraient sortir spontanément de notre cœur.

Mes frères, loin de nous, cette langueur spirituelle, cette tiédeur ! Apprenons à être joyeux comme nous avons sujet de l’être. Apprenons aussi à être reconnaissants et alors, comme rien n’est de nature à éclairer au dehors tant que la joie, nous aimerons à chanter des cantiques, au sens littéral du mot ; nous répéterons les hymnes composées par ceux dont la piété sera toujours un modèle pour la nôtre, les psaumes de David, les cantiques des Vinet, des Adolphe Monod, des Malan et de tant d’autres fidèles contemporains. Nous en viendrons à chanter à notre réveil, à notre travail, si possible et, le soir, dans le cercle de famille. Nous l’enseignerons à nos enfants et surtout, quand nous serons dans la maison de Dieu, nous chanterons plus que jamais, nous chanterons de tout notre cœur, et notre culte reflétera les sentiments de joie qui nous animeront.

Mes frères, vous l’avez vu, Saint-Jacques nous enseigne le moyen de traverser la souffrance et de sanctifier la joie. Ce moyen est le seul efficace et il est bien simple, puisqu’en définitive il consiste en une seule chose, à regarder à Dieu dans l’une et l’autre circonstance. Mais vous êtes-vous représenté quelle est en réalité l’importance de l’exhortation que nous avons méditée ? Savez-vous bien ce qui arriverait si nous la mettions en pratique ? C’est que notre vie entière se passerait sous le regard de Dieu, parce que les joies et les souffrances sont toute la vie. Nous nous demandions, en commençant, quelle conduite nous avions à tenir dans la souffrance et dans la joie. La réponse nous a été fournie : « Quelqu’un parmi vous souffre-t-il, qu’il prie ; quelqu’un est-il dans la joie, qu’il chante des cantiques. » Voici maintenant la question qui se pose à nous : Voulons-nous vivre avec Dieu ou loin de lui ? Ferons-nous de notre vie deux parts, pour donner à Dieu une heure chaque dimanche et quelques minutes chaque jour, en attribuant tout le reste à la terre ; ou bien, nous souvenant qu’en toute occasion nous avons besoin de nous tenir en sa présence, lui consacrerons-nous notre vie tout entière ? … Mes frères, puissions-nous tous répondre à cette question en prenant la résolution sincère de regarder à Dieu dans la souffrance, à lui dans la joie, à lui toujours ! Amen.

Samuel Savary

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