Introduction au livre du prophète Habakuk

2. Canonicité

De tout temps, le livre du prophète Habakuk a été regardé comme un livre canonique. S’il n’a pas été cité d’une manière particulière, il a toujours été admis comme faisant partie du recueil des 12 petits prophètes. Ceci naturellement ne peut se montrer que d’une manière indirecte ; mais les quelques témoignages que nous allons reproduire, prouvent suffisamment qu’il n’a jamais été élevé aucun doute au sujet de la canonicité de ce livre.

La version des LXX et la version syriaque reproduisent les livres des 12 petits prophètes, tels que nous les avons encore maintenant, et parmi eux se trouve celui du prophète Habakuk. Le Nouveau Testament renferme plusieurs citations, tirées du livre d’Habakuk (comp. Habakuk 2.4 avec Romains 1.17 ; Galates 3.11 ; Hébreux 10.38 ; Habakuk 1.5 avec Actes 13.40-41). Quoiqu’elles ne soient pas accompagnées du nom de l’auteur, on ne saurait douter qu’elles n’aient été empruntées à ce prophète.

Josèphe (App. 1.8) reconnaît 22 livres dans le Canon de l’Ancien Testament et compte, parmi ces 22 livres, 13 prophètes, dont les 12 petits prophètes ne forment ensemble qu’un seul livre.

Dans l’Église chrétienne, les témoignages ne sont pas plus directs, mais ils sont tout aussi probants.

Méliton, évêque de Sardes (vers 150) fit un voyage en Palestine, avec l’intention de se renseigner sur le canon des Juifs. Il dressa, en effet, le catalogue des livres qui y sont renfermés, et l’envoya dans une lettre à son frère Onésime. Cette lettre, qu’Eusèbe nous a transmise dans son Histoire ecclésiastique (6.26), mentionne par ordre chronologique tous les livres du Canon, sauf les livres de Néhémie et d’Esther. Les 12 petits prophètes n’y sont point nommés par leur nom, mais sont cités comme formant un seul livre (τῶν δώδεκα ἐν μονοβίβλῳ).

Origène donne également le catalogue des livres de l’Ancien Testament, tel qu’il est reçu des Juifs, et en compte 22. Il commence par ces mots : Εἰσὶ δὲ αἱ εἴκοσι δύο βίβλοι καϑ’᾽ Ἑβραίους αἷδε Vient ensuite l’énumération des 22 livres ; mais, chose curieuse, il manque dans cette énumération le livre entier des 12 petits prophètes. C’est là, évidemment une erreur de copiste, puisque, en additionnant le nombre des livres cités, on n’en trouve que 21.

Au quatrième siècle, nous rencontrons, dans l’Église grecque, Cyrille de Jérusalem. Ce patriarche, qui avait d’abord exercé les fonctions de pasteur catéchiste, nous donne, dans une de ses Catéchèses, le catalogue des livres de l’Ancien Testament, qu’il compte aussi au nombre de 22, prenant les 12 petits prophètes pour un seul livre (τῶν δώδεκα προφητῶν μία βίβλος).

Grégoire de Naziance nous a conservé le catalogue des livres de l’Ancien Testament, dans une de ses poésies ; puis, avant de passer à l’énumération des livres du Nouveau Testament, il termine par ces deux vers :

Ἀρχαίας μέν ἔϑηκα δύω καὶ εἴκοσι βίβλους,
Τοῖς Ἑβραίων γράμμασιν ἀντιϑέτους.

Athanase nous rapporte également les noms des 22 livres de l’Ancien Testament, prenant les 12 petits prophètes pour un seul livre : Ἔστι τοίνυν τῆς μὲν παλαιᾶς διαϑήκης βιβλία τῷ ἀριϑμῷ τά πάντα εἰκοσιδύοa.

a – Epître Festale XXXIX.

Épiphane, dans son Panarium ou livre « contre les hérésies », nous cite les livres de l’Ancien Testament, comme étant au nombre de 22 dans le canon des Hébreux, et les 12 petits prophètes, comme réunis en un seul livre qu’il appelle : τὸ Δωδεκαπρόφητον.

Dans l’Église latine, Jérôme reconnaît 22 livres dans l’Ancien Testament et les énumère comme suit :

  1. 5 livres de Moïse, connus généralement sous la dénomination collective de תורה ;
  2. 8 prophètes, à savoir : Josué, Juges et Ruth, Samuel, les Rois, Esaïe, Jérémie, Ézéchiel, et le livre des 12 petits prophètes, appelé par les Juifs תריסר (ou תרי עשר ThéoTEX) ;
  3. les Hagiographes qu’il compte au nombre de 9 (Job, les Psaumes, les Proverbes, l’Ecclésiaste, le Cantique des Cantiques, Daniel, les Chroniques, Esdras et Néhémie, Esther) ;

puis il déclare, après cela, que tout ce qui n’a pas été rangé dans ce catalogue, doit être placé parmi les Apocryphes (« quidquid extra hos est, inter Apocrypha ponendum »).

Rufin, prêtre d’Aquilée, ne reconnaît également comme canoniques que ces 22 livres, parmi lesquels il compte les 12 petits prophètes pour un seul livre.

Cette opinion unanime des Pères sur le Canon, et plus spécialement sur les 12 petits prophètes est confirmée dans l’Église grecque par le concile de Laodicée (entre 360 et 364). Ce concile, dans son 60e canon, met au nombre des livres canoniques de l’Ancien Testament les 12 petits prophètes, qu’il cite comme formant un seul livre. — Dans l’Église latine, le concile d’Hippone (393) compte également les 12 petits prophètes (duodecim libri Prophetarum) parmi les livres canoniques de l’Ancien Testament (quoique, cependant, il ajoute à ce Canon plusieurs apocryphes).

Depuis le ive siècle de l’Église, il ne s’est jamais élevé aucun doute au sujet de la canonicité des 22 livres du canon hébreu, et aujourd’hui, l’Église romaine comme l’Église protestante reconnaissent les 12 petits prophètes comme ayant toujours fait partie du canon des Écritures.

Si nous n’avons pas cité des témoignages plus directs, pour montrer la canonicité du livre d’Habakuk, c’est que cela nous était impossible. On voit que les Pères de l’Église ont toujours considéré les 12 petits prophètes, comme formant un seul livre dans le Canon ; c’est pour cela, qu’ils n’ont pas donné le nom de chacun d’eux. Mais ce fait seul, que, partout et toujours, on a reconnu que ce livre était composé de 12 prophètes, n’est-il pas déjà d’un grand poids, en faveur de la canonicité d’Habakuk ? Peut-on penser que, dans ces nombreux catalogues de livres canoniques, on n’eût rien dit de particulier sur ce livre des 12 petits prophètes, si l’on eût soupçonné que l’un d’eux ne devait pas faire partie du Canon ? Ce silence seul est donc un témoignage d’une grande importance, surtout puisque nous voyons l’Église chrétienne nous transmettre avec soin et le livre des petits prophètes (toujours au nombre de 12) et le nom des livres que l’on regarde comme apocryphes.

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