Hudson Taylor

DEUXIÈME PARTIE
Les années de préparation (Barnsley et Hull)
1850-1852
(de dix-sept à vingt ans)

CHAPITRE 11
Si c'est Toi, ordonne que j'aille vers Toi1
mars-septembre 1852
(de dix-neuf à vingt ans)

Il n'est guère surprenant qu'à la lumière, de ces expériences, quelque chose en rapport avec le service de Dieu, et plus essentiel que les questions d'argent, commençât d'impressionner Hudson Taylor. Sa vie solitaire l'amenait à changer sa manière de voir sur bien, des points. Il eut cet hiver-là des heures mémorables, en tête à tête avec la Parole de Dieu et ses lettres du début du printemps témoignent d'un état d'esprit qui résulte clairement de ses luttes et des victoires de sa foi.

Je sens que je n'ai plus longtemps à rester dans ce pays maintenant, écrivait-il à sa sœur le 1er mars. Je ne sais ce que décidera la Providence, mais je pense qu'il va y avoir un changement et ces pressentiments m'avertissent d'être prêt. Prie pour moi, pour que ma foi ne défaille pas... Je suis si indigne, si peu qualifié pour le service du Maître ! Mais cela fait que la gloire sera plus complètement pour Lui. 0, être l'instrument par lequel Il amène beaucoup de brebis à la bergerie !

J'entends le Seigneur dire : « Si J'ouvre la porte ou si je t'ordonne d'aller, iras-tu, même si tu ne peux voir la route nettement ? Auras-tu confiance en Moi ? Les cheveux de votre tête sont tous comptés. Vous êtes de plus de valeur que bien des passereaux. » Je ne suis pas sûr qu'Il ne désire pas l'abandon de ma situation et que je gagne l'argent de mon passage pour la Chine : aller par la foi, sans douter. J'attends patiemment qu'il me guide. Il manifestera Sa volonté en temps utile et, alors, c'est Lui, Lui seul qui m'accordera la grâce de l'accomplir.

Deux semaines auparavant, il avait écrit à sa mère : Dois-je partir dès que j'aurai économisé assez d'argent ? Ce n'était plus maintenant une question d'argent. C'était la question, bien plus importante, des âmes à sauver.

Oh Amélie, continuait-il, mon cœur est uni au tien par dix mille liens ! Mais si mon Sauveur m'appelle, ne dois-je pas obéir ? S'Il a laissé Son trône de gloire pour venir verser Son sang et mourir pour nous, ne devons-nous pas laisser, tout, et Le suivre ?

Si je reste encore ici deux ou trois ans et que j'économise cinquante ou soixante livres pour payer mes dépenses jusqu'en Chine, je n'arriverai pas plus riche que si j'y vais tout de suite en gagnant mon passage. En deux ans, il sera mort là-bas au moins vingt-quatre millions de personnes... En six ou huit mois je serai capable de parler un peu le chinois. Et si je pouvais instruire des vérités de l'Évangile un seul pauvre pécheur et que l'Esprit fasse pénétrer la Parole avec puissance dans son âme et qu'il soit sauvé, pendant toute l'éternité il serait heureux et louerait le Seigneur. Que seraient alors, en comparaison, les souffrances de quatre ou cinq mois de voyage ? Ces «  légères afflictions qui ne sont que pour un temps nous valent un poids immense, incalculable, de gloire éternelle ».

Il écrivit encore à sa mère une lettre qui montre d'une façon caractéristique sa volonté de travailler pour payer son voyage jusqu'en Chine. Il avait l'idée, s'il ne pouvait partir comme assistant du médecin de bord, de s'embarquer comme marin, et il s'était informé en détail de tout ce que cela comporterait. Le capitaine Finch, en particulier, l'avait mis en garde contre les fatigues d'un voyage de cinq mois dans ces dernières conditions et lui avait assuré qu'il ne pourrait jamais résister au travail qu'on exigerait de lui. Mais Hudson Taylor avait examiné la chose à fond et se sentait prêt à tout endurer pour l'amour de Jésus.

Il parlait peu de tout cela à sa mère, mais s'étendait plutôt sur les riches compensations de la vie présente et de la vie à venir.

Je suis profondément reconnaissant, lui écrivit-il en réponse à l'une de ses dernières lettres, de ce que tu ne veux pas reprendre le don que tu as fait de moi au Seigneur. Peut-être veut-Il éprouver notre sincérité sur ce point plus tôt que nous ne le pensions l'un et l'autre. Si je ne connais pas l'intensité de l'amour d'une mère, je sens l'intensité de l'amour d'un fils, de l'amour d'un frère, de l'amour d'amis et de frères dans le Seigneur, et la pensée de les quitter tous me fait l'effet d'un déchirement de ma propre personne. Mais, béni soit Dieu, je sais quelque chose aussi, quoique encore bien peu, de l'amour d'un Sauveur. L'avoir en partage me suffit et je puis dire en toute vérité :

J'oublie tout de la terre,
Sa sagesse, sa puissance et sa gloire.
C'est toi, Jésus, ma seule part,
Mon bouclier et mon rempart.

Je ne peux te raconter la joie indicible que j'ai eue dimanche après-midi en chantant ce verset ! Mon âme était remplie d'un bonheur céleste. je sentais que je ne pouvais rien donner qui comptât, en comparaison de ce que j'avais à recevoir. Je ne pouvais retenir des larmes de joie tandis que je me consacrais moi-même de nouveau au service de Celui qui nous a aimés et nous a lavés de nos péchés dans Son précieux sang.

Oh ! comme je me suis senti fort dans la joie du Seigneur !... Mais bientôt Il me fit comprendre que ma force est en Lui, et vient de Lui seul. Je sentis que, pour Lui, je pourrais, tout quitter. Mais je me dis aussitôt : « Il est inutile de penser à ce que tu pourrais faire et d'en parler. Que feras-tu ? Pierre pensait qu'il pourrait faire ceci et cela, mais au moment de l'épreuve, il renia son Seigneur. Oui, je tomberais comme lui si j'essayais avec ma propre force. Seul le Saint-Esprit peut opérer en nous le vouloir et le faire. »

Une seconde lettre, jointe à celle-ci et destinée à sa Sœur, montre comme il sentait profondément la réalité de ces choses :

Nous nous attachons trop aux choses visibles et temporelles, et trop peu à celles qui sont éternelles. Ayons seulement ces choses devant les yeux et les soucis et les plaisirs de ce monde ne nous affecteront pas beaucoup. Oh ! ma chère sœur, vivons pour l'éternité ! Cherchons à être près du Trône. Qu'importe si, comme cela est probable, nous devons passer par de grandes tribulations ! N'a-t-Il pas promis : « Je ne te délaisserai point, et je ne t'abandonnerai point ? » C'est donc avec assurance que nous pouvons dire : « Le Seigneur est mon aide, je ne craindrai rien ; que peut me faire un homme ? » Gloire à Son saint nom !

Oh ! avoir plus de grâce et d'amour, un amour comme le Sien, Lui qui n'a pas regardé Sa vie comme précieuse afin de nous racheter ! Il ne chercha pas Ses aises afin de pouvoir nous assurer un bonheur éternel et un repos céleste. La valeur d'une âme, comme elle est immense, incalculable ! Seul le sang précieux de Christ pouvait la racheter, et ce prix fut payé. Si nous croyons réellement ces choses, et si nous avons reçu les bénédictions qui découlent de Son sacrifice, nous retiendrons-nous, ou retiendrons-nous nos bien-aimés ? Craindrons-nous d'entrer à Son service parce que cela diminuerait nos aises ? Estimerons-nous même que nos vies sont précieuses si nous pouvons peut-être gagner des âmes pour Jésus ? Non, mille fois non, ! Si nous le faisons, comment l'amour de Dieu demeurerait-il en nous ?

Ma chère sœur, vivons pour Dieu et pour Lui seul. Cherchons à connaître toute Sa volonté et à l'accomplir, quel qu'en soit le prix. Et puisse Dieu, de qui procèdent tous les saints désirs et par qui seul ils peuvent être réalisés, répandre sur toi et sur moi un esprit de grâce afin que, n'ayant pas d'autre ambition que de faire Sa volonté, nous soyons rendus capables de l'accomplir, pour qu'Il soit glorifié en nous !

Mais bien qu'il fût prêt aux sacrifices que cela comportait, il ne devait pas faire le voyage jusqu'en Chine comme marin. « Il ne devait pas être éprouvé jusque-là », écrivait sa mère en rappelant avec reconnaissance la réponse donnée à leurs prières. Car il était évident, pour les personnes dont il estimait le plus les conseils, que le moment n'était pas encore venu pour lui de partir. Il était encore trop jeune. Une plus grande préparation et une expérience plus profonde des choses de Dieu lui étaient nécessaires. Il était bon, sans doute, qu'il fût décidé à quitter tout pour suivre le Maître là où Il le conduirait. Mais le Seigneur le voulait-Il en ce moment en Chine ? Ses parents et ses amis ne le pensaient pas. Hudson Taylor avait beaucoup prié pour que, si c'était la volonté de Dieu qu'il partit sans délai, ils reconnussent cette volonté comme telle et lui tendissent une main de cordiale association. Tous furent d'un sentiment contraire. Hudson Taylor ne pouvait prendre la résolution de partir en méprisant l'avis de ses amis chrétiens de Hull et de sa propre famille à Barnsley.

Il arriva ainsi à la conclusion que l'heure du Seigneur n'avait pas encore sonné. Peut-être Dieu allait-Il lui faire faire un nouveau pas dans la préparation missionnaire. Mais, certainement, il n'entrait pas dans Son plan qu'il partît immédiatement pour la Chine.

Ce fut très dur au jeune homme de renoncer aux projets qu'il avait échafaudés, et il apprit qu'il peut y avoir de la volonté propre même dans l'apparence de la consécration. C'était une occasion, en tout cas, de mettre en pratique cet important principe que l'obéissance vaut mieux que le sacrifice, et il la saisit avec joie, s'en remettant au Seigneur pour tout le reste. Parvenu au bout de quelque temps à la certitude que telle était bien la volonté de Dieu, il écrivit à sa mère le 22 mars :

Quant à mon départ pour la Chine, suivant l'avis unanime de tous ceux que j'ai consultés ici, et selon ton propre sentiment, je me propose, Dieu voulant, de rester encore un an à Hull et d'attendre les directions du Seigneur. J'ai été très heureux de ton opinion, car j'avais demandé au Seigneur, à qui tous les cœurs sont ouverts, de nous donner à tous une même pensée. Si c'est Sa volonté que je parte plus tôt, Il peut me pousser en avant ou m'ouvrir la route d'une façon décisive...

En avril, il passa une semaine à Barnsley, et en revint reposé, mais sentant aussi plus durement la pauvreté et la solitude de la vie qu'il menait à Drainside. Sa joie intérieure fit rapidement disparaître cette impression de retour, et il eut un bon été de travail, de méditation, de prière et d'étude de la Parole de Dieu. Le temps lui semblait trop court pour tout ce qu'il avait à faire, mais il fit l'expérience qu'une heure de prière au début du jour rend capable de faire ensuite beaucoup plus de travail.

J'ai compris que c'est une bonne chose, écrivait-il à sa sœur en juillet, de ne pas tenter de faire quoi que ce soit par sa propre force, mais de regarder au Seigneur pour tout. Je te recommande d'une façon pressante de ne jamais lire la Bible ni même d'essayer d'écrire une lettre sans avoir élevé ton cœur vers le Seigneur, pour qu'Il te guide, t'éclaire et t'instruise, qu'Il te délivre des embûches du Malin et te bénisse en tout. Essaie, et tu verras que ce n'est pas en vain que l'on s'attend au Seigneur.

Il sentait profondément le besoin d'une sagesse supérieure à la sienne. Le Dr Hardey, frappé par son intelligence et s'intéressant à sa vocation, lui avait fait une proposition généreuse qui lui aurait permis de compléter ses études médicales.

Il lui demandait en retour de s'engager pour plusieurs années. Hudson Taylor, quoique très désireux de devenir médecin, refusa, ne se sentant pas libre de se lier, puisqu'il ne savait ni quand, ni comment, le Seigneur lui ouvrirait la route de la Chine.

Depuis sa visite à Barnsley, il lui semblait même que le moment était venu de faire un pas en avant. Il avait maintenant vingt ans et sentait qu'il devait utiliser au mieux le temps qu'il lui restait à passer en Angleterre. Il n'avait pas oublié la proposition de M. Pearse et de la Chinese Évangélisation Society, qui lui avaient offert de se charger de ses frais d'études à l'Hôpital de Londres, s'il trouvait un emploi lui laissant le temps de se préparer ou s'il subvenait à ses besoins d'une autre manière.

Il se demandait si cette proposition était toujours valable et s'il pourrait en bénéficier.

Après beaucoup de prières, il eut la certitude qu'il ne devait plus rester longtemps à Hull. Il avait appris du Dr Hardey tout ce qu'il pouvait en apprendre, et un séjour plus prolongé devenait inutile. Oui, il devait partir, mais comment ?

C'est alors que sa foi passa par une épreuve soudaine à laquelle elle n'était pas préparée. Son père, peu satisfait de ses affaires et n'ayant pu se décider, pour diverses raisons, à partir comme missionnaire pour la Chine, avait maintenant l'idée de s'établir au Canada ou aux Etats-Unis, dans l'espoir d'améliorer sa situation. Sa mère lui écrivit pour lui demander s'il serait disposé à venir le remplacer à la maison pendant deux ans. Surpris et consterné, le jeune homme ne prit guère en considération les vœux de ses parents. Il serait revenu avec joie pour deux ans, pour dix ans même, s'il s'était agi de permettre à son père d'aller travailler en Chine. Mais la question était bien différente, et il écrivit franchement à sa mère, laissant voir quel sacrifice ce serait pour lui de renoncer à se préparer pour l'œuvre de sa vie... Il ne tarda pas, d'ailleurs, à se rendre compte de l'égoïsme de son attitude et nous avons une preuve de la sincérité de sa repentance dans une lettre adressée à son père le 9 juillet 1832 :

Je ne peux venir te voir, aussi je t'écris pour te dire comme l'enfant prodigue : « J'ai péché contre le ciel et contre toi et je ne suis plus digne d'être appelé ton fils ». Ma conscience m'a reproché à plusieurs reprises la réponse que je t'ai faite lorsque tu m'as demandé si j'étais disposé à revenir deux ans à la maison dans le cas où tu partirais, et je ne peux plus avoir de repos... tant que je ne t'ai pas supplié de me pardonner.

J'ai parlé des sacrifices que je devrais faire pour revenir à la maison ; mais je n'ai rien dit de ceux que tu as faits si généreusement pour moi — les heures d'insomnie, l'anxiété, les dépenses, l'éducation que tu m'as donnée et à laquelle je dois le bonheur dont je jouis maintenant. Voilà comment j'ai répondu à tant de bonté ! J'ai parlé des sacrifices que j'aurais à faire en me chargeant pour un temps très court du commerce où tu as peiné pendant vingt ans pour moi. Père, j'ai été un, fils ingrat... J'en suis profondément affligé. Veux-tu me pardonner ?

Je veux essayer, par la grâce de Dieu, d'être à l'avenir plus fidèle à mon devoir, et si tu désires toujours que je vienne à la maison pour deux ans, je le ferai volontiers, et même avec plaisir, car cela me donnera l'occasion de montrer la sincérité de ma repentance. Puis dans la suite, si le Seigneur le veut, je pourrais espérer m'engager à Son service en Chine.

Mais, une fois de plus, le sacrifice qu'il était prêt à faire ne lui fut pas demandé : son père abandonna son projet de voyage et continua à Barnsley sa vie utile et considérée. Ainsi Hudson Taylor était de nouveau libre de disposer de lui-même et d'envisager encore une fois son départ pour Londres.

Alors commença une période dont il devait se souvenir longtemps, période qui eût été pleine d'une douloureuse anxiété si la grâce de Dieu ne l'avait complètement transformée en joie et en paix. Car, plus sa conviction devenait claire quant à ce que le Seigneur voulait de lui, plus les difficultés paraissaient grandes sur son chemin. Il savait qu'il devait avertir sans tarder le Dr Hardey et aller continuer ses études de médecine à Londres. Mais il échouait dans tous ses efforts pour trouver un emploi. Sans ressources et n'ayant que peu d'amis, il eût pu se. sentir découragé. Au contraire, au lieu de perdre son temps et sa force dans l'inquiétude, il fut rendu capable de remettre tout entre les mains de Dieu en Lui demandant avec la confiance d'un enfant : « Montre-moi Ta voie. » Il ne savait pas comment cela s'arrangerait ; mais il priait d'autant plus, avec la confiance qu'au temps voulu Dieu le guiderait.

Pendant tout le cours de juillet et d'août, cette assurance devint de plus en plus forte, et les promesses du Psaume 37 faisaient ses délices :

Confie-toi en l'Éternel, et pratique le bien. Aie le pays pour demeure et la fidélité pour pâture. Fais de l'Éternel tes délices, et il te donnera ce que ton cœur désire. Recommande ton sort à l'Éternel, mets en lui ta confiance, et il agira... Garde le silence devant l'Éternel, et espère en lui. L'Éternel affermit les pas de l'homme et il prend plaisir à sa voie.

Comme il pensait à ces paroles bienfaisantes, un changement inattendu transforma toutes choses pour lui. Il en vint à les considérer à la lumière qui descend de l'Invisible seulement. Au fond, qu'attendait-il en vérité ? Il n'était point pauvre, ou dans les difficultés, mais riche, riche de toutes les promesses de Dieu. Son devoir était-il d'aller de l'avant ? Et pourtant, il semblait qu'il n'y avait pas de terrain solide sous ses pas. Son Maître était-il présent sur la mer inconnue qui s'étendait devant lui ? Était-ce Sa voix qu'il percevait par-delà les grosses eaux ? Alors il pouvait quitter sans hésitation son petit bateau et s'avancer vers Jésus. « Si c'est Toi, Seigneur, ordonne que j'aille vers Toi. » Et la réponse lui fut donnée d'une manière telle qu'il ne put plus avoir de doutes.

Je crois, écrivait-il à sa mère le 27 août, que je n'ai jamais joui d'une telle paix intérieure. La raison en est qu'au lieu de regarder aux circonstances, je m'abandonne dans les mains de Dieu. Quel magnifique psaume, ce Psaume 37 ! Oh ! les riches festins préparés pour nous dans la précieuse Parole !

En ce qui concerne Londres, j'ai commencé à rechercher dans la prière, à mon retour de Barnsley, pourquoi je désirais faire ce pas. Mon seul objectif, je le crois, est d'être rendu capable de mieux servir le Seigneur et d'être plus utile en vue de l'avancement de Son règne. J'ai toutes les raisons de penser que ce changement me permettra une formation précieuse pour la Chine. Alors, pourquoi ne le ferais-je pas ? Simplement parce que j'ai des doutes concernant les moyens matériels ? Si mon père terrestre avait offert de m'envoyer cinq ou dix livres en cas de besoin, j'aurais quitté mon emploi sans hésitation. À combien plus forte raison dois-je aller de l'avant en me confiant en Celui qui a dit : « Ne soyez pas en souci et ne dites pas : Que mangerons-nous ? Que boirons-nous ? De quoi serons-nous vêtus ? Votre Père céleste sait que vous avez besoin de toutes ces choses. » « Confie-toi en l'Éternel et pratique le bien. Aie le pays pour demeure et la fidélité pour pâture. »

Partir en m'appuyant sur des circonstances extérieures revient à douter du Seigneur. Aussi j'ai averti le Dr Hardey samedi dernier et partirai pour Londres, que j'aie trouvé ou non une situation, me confiant dans le Seigneur... J'éprouve la vérité de cette parole : « Tu garderas en parfaite paix celui dont l'esprit s'appuie sur toi, parce qu'il a confiance en toi. » Mon esprit est aussi calme, ou plutôt il l'est plus que si j'avais cent livres sterling dans ma poche. Que Dieu me garde toujours ainsi, comptant simplement sur Lui pour chaque bénédiction, temporelle ou spirituelle, pour l'amour de Jésus.

Cette décision prise, Hudson Taylor ne craignit pas de couper les ponts derrière lui. Il écrivit aussitôt à son cousin, qui était toujours à Barnsley, en lui suggérant de s'adresser au Dr Hardey pour obtenir le poste qu'il quittait lui-même. John Taylor s'était converti durant son apprentissage et cherchait une situation qui le faciliterait dans ses études médicales. Il se faisait beaucoup de souci pour son avenir et nul ne fut plus heureux que le cousin dont il prenait la place lorsque le Dr Hardey lui répondit affirmativement. Mais l'intérêt qu'Hudson Taylor lui portait allait bien plus profond que ces questions extérieures. Il chercha avec soin à profiter de la situation dans laquelle ils se trouvaient pour fortifier sa foi en Dieu.

Pardonne-moi, mon cher John, si je te supplie de lire la Bible davantage et de prier davantage pour que le Saint-Esprit te donne plus de lumière et d'amour, et plus de confiance en la Parole de Dieu, jour après jour. Alors les inquiétudes que tu as éprouvées au sujet de ton avenir disparaîtront. Si tu as eu de quoi être en, souci, moi combien plus ! Et cependant, par la grâce de Dieu, mon esprit a été et est gardé dans une paix parfaite parce que je suis enraciné en Lui...

Tu me demandes ce que je ferai si aucune situation ne se présente ? Dieu voulant, j'irai à Londres. Je m'efforcerai de me « confier en l'Éternel et de faire le bien » et, dans toutes mes affaires, de Le consulter... et Il s'occupera de mes besoins. En même temps, Il s'attend à ce que je Le prie à leur sujet. « Demandez et il vous sera donné. »

Cher John, il est doux de dépendre de Jésus seul. Je n'ai pas encore de position stable, mais je ne crains pas d'attendre, s'Il veut que j'attende.

Quelques lignes écrites à sa sœur ce même jour, le 4 septembre, montrent qu'il n'était pas insensible aux difficultés de sa situation. Il en sentait vivement l'incertitude, mais il était désireux d'être éprouvé en cela ou en toute autre chose pour son bien et pour la gloire de Dieu.

Je n'ai pas encore trouvé à Londres de situation qui puisse me convenir. Mais cela ne m'inquiète pas, « car Il est le même, hier, aujourd'hui et éternellement ». Son amour est inépuisable, Sa parole ne change pas, Son pouvoir est toujours le même : aussi le Cœur qui se confie en Lui est-il gardé dans une paix parfaite.

Peu après, son chemin s'éclaircit. Son oncle de Londres lui avait offert déjà de le recevoir pour quelque temps ; la Société pour l'Évangélisation, de la Chine s'engagea de nouveau à payer les frais d'hôpital ; ses amis chrétiens de Hull lui donnèrent un certain nombre de lettres d'introduction. Tout cela, joint à d'autres offres qu'il n'avait pas acceptées, lui montra qu'il était dans la bonne voie. Plein de reconnaissance, il écrivit à sa sœur, au milieu de septembre :

O l'amour de Dieu, la bonté de mon Père et de ton Père, de mon Dieu et de ton Dieu ! Qu'Il est bon de me garder dans une paix si complète, et si plein de joie et de bonheur, alors qu'extérieurement je suis dans la situation la plus difficile ! Si j'avais laissé aux circonstances le soin de résoudre la question : « Dois-je partir ou rester ? » dans quelle incertitude aurais-je été, dans quelle incertitude aurait été John ! Mais le Seigneur m'ayant donné la force de faire ce pas décisif sans hésiter parce que c'était pour Sa gloire, et comme je laissais toutes choses entre Ses mains, mon esprit fut aussi rempli de paix qu'il l'eût été autrement d'incertitude. Il est probable que j'en aurais perdu le sommeil, et, cela ajouté à mon travail, qui absorbe mon temps et mes forces, m'eût complètement épuisé.

Que Dieu soit loué pour Sa bonté ! Maintenant j'ai une maison où aller, de l'argent pour payer mon inscription à l'hôpital, et des amis chrétiens. Lorsque Dieu le jugera à propos, s'Il le juge à propos, Il me trouvera une situation convenable, sinon Il aura soin de moi et m'emploiera selon ce qu'Il voudra. Je remets tout entre Ses mains, car je vois bien que c'est le meilleur moyen d'être en paix et en sécurité. Il peut arranger tout cela bien mieux que nous-mêmes. « Tu es mon Roi, ô Dieu : ordonne la délivrance pour Jacob... je n'aurai pas confiance dans mon arc, et mon épée ne me sauvera point... Nous nous glorifions en Dieu tout le jour et nous louons ton nom à jamais. »

Je sais que je ne puis me guider, ni me garder, même dans les affaires temporelles, mais je sais qu'Il me conduira par Son conseil, puis me recevra dans Sa gloire (Ps. 73.24). Pourquoi serais-je anxieux ? Pour ce qui concerne les bénédictions temporelles, notre Père céleste sait que nous avons besoin de toutes ces choses (Matt. 6.32). Quant aux bénédictions spirituelles, il y a en Lui plénitude pour chaque besoin. Pauvres, faibles, faillibles comme nous sommes, Jésus est à nous. « En lui habite corporellement toute la plénitude de la divinité » et « nous avons tout pleinement en lui ».


1 Matthieu 14.28

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