Hudson Taylor

SEPTIÈME PARTIE
La préparation de l'ouvrier et de l'œuvre
1860-1866

CHAPITRE 46
La Mission naissante
1865

Une vie nouvelle avait commencé pour Hudson Taylor avec la décision prise ce dimanche de juin au bord de la mer à Brighton. Le lendemain, il était debout au lever de l'aurore et partait pour Londres à six heures trente. Rien ne fut conservé de cette journée, si ce n'est que Mme Taylor fut réjouie de voir son mari beaucoup mieux, et que celui-ci consacra du temps à la prière avec un homme qui désirait se joindre à la Mission mais dont le chemin était hérissé de difficultés. Le jour suivant, s'accomplissait l'acte pratique que l'on était en droit d'attendre :

27 juin. Été avec M. Pearse à la London & County Bank, et ouvert un compte au nom de la Mission à l'Intérieur de la Chine (China Inland Mission). Versé dans ce compte : dix livres sterling.

C'était la première fois qu'apparaissait le nouveau nom. Il revint souvent ensuite dans le petit journal, comme si Hudson Taylor prenait plaisir à l'écrire en entier. Ainsi, après la réunion de prières du samedi 1er juillet :

Donné à Mlle Faulding un reçu pour une livre pour la Mission à l'Intérieur de la Chine.

3 juillet. Déjeuné avec Lady Radstock... M. Berger a pris le thé avec nous et est resté jusqu'à sept heures. Il a promis quatre-vingts à cent livres pour la presse à imprimer et les caractères, et cent cinquante livres pour la Mission à l'Intérieur de la Chine.

4 juillet. Mlle Faulding a apporté trois shillings et six pences de la chapelle de Regent's Park pour la Mission à l'Intérieur de la Chine.

Il y a là une joie débordante, semblable à celle d'une jeune mère auprès du berceau de son premier-né.

Alors commencèrent des jours offrant un contraste frappant avec le silence des semaines précédentes. Le complet abandon à la volonté de Dieu mit en branle, dans l'âme d'Hudson Taylor, les cloches de la joie, et lui permit de comprendre tout ce que les voies de Dieu avaient eu jusqu'alors de mystérieux. Il comprit pourquoi le Seigneur l'avait arrêté au moment où il voulait partir pour la Chine et pourquoi l'article destiné au Baptist Magazine lui avait été renvoyé. Maintenant il avait quelque chose à écrire, un but défini à mettre en face du peuple de Dieu, et une nouvelle puissance pour plaider la cause de l'intérieur de la Chine. Il avait enfin trouvé sa voie et découvert le secret d'une vie meilleure et plus profonde, non en suivant ses propres pensées, mais en faisant « les œuvres que Dieu a préparées pour nous afin que nous y marchions ».

Un grand changement se fit bientôt sentir dans la petite maison de la rue de Coborn, qui devint un centre d'activité de plus en plus intense. Il fallait préparer le départ de deux missionnaires, M. J.-W. Stevenson, qui était avec Hudson Taylor à Londres depuis quelques mois, et un jeune Écossais nouvellement arrivé, M. Georges Stott. De nouvelles portes s'ouvraient dans une société distinguée et influente où s'offraient des occasions nombreuses de plaider la cause de la Mission. Celui qui avait conduit Son serviteur dans les quartiers les plus pauvres de l'Est de Londres allait lui ouvrir les salons de l'Ouest. Et voici comment :

Une semaine après sa visite à Brighton, Hudson Taylor se trouvait à Bayswater, chez sa sœur, Mme Broomhall. Le dimanche matin, au lieu de se rendre comme à l'ordinaire à la petite église dont il était membre, il pria Dieu de le conduire où Il le jugerait bon. Passant dans la rue de Welbeck, devant la salle, où se réunissait une petite assemblée de « Frères larges », il y entra et trouva un grand rafraîchissement dans la célébration de la Sainte-Cène.

Or il arriva que, parmi les sujets de prière énumérés à la fin de la réunion et recommandés à l'attention des fidèles, l'un d'eux parut oublié. Hudson Taylor craignit que la réunion ne s'achevât sans qu'il fût apporté au Seigneur. Il s'agissait d'un cas tout ordinaire où les prières étaient demandées en faveur d'un malade. Bien qu'étranger à l'assemblée, Hudson Taylor, avec ferveur, intercéda pour le souffrant.

Lady Radstock se trouvait dans l'auditoire. Frappée par la simplicité et l'à propos des paroles prononcées par Hudson Taylor, elle s'enquit de cet inconnu. Apprenant qu'il s'agissait d'un missionnaire en Chine, elle voulut le voir de plus près et l'invita pour le déjeuner du lendemain. Ce fut le commencement d'une amitié durable et féconde, en bénédiction pour la Chine.

L'une des filles de Lady Radstock, Lady Beauchamp, après un séjour chez sa mère, organisa dans le comté de Norfolk où elle habitait une série de réunions qui devait durer plusieurs jours. Bien que débordé de travail, Hudson Taylor, comprenant l'importance de l'occasion qui lui était offerte, accepta son invitation. M. et Mme Beauchamp et toute leur famille furent très émus par ce qu'ils entendirent. Les enfants eux-mêmes s'éprirent d'une grande amitié pour cet hôte aimable qui leur racontait de si jolies histoires sur la Chine. L'un d'eux devait même devenir un de ses plus chers collaborateurs.

Bien qu'Hudson Taylor n'eût parlé ni d'argent ni de collecte, ses hôtes éprouvèrent le besoin de l'aider financièrement. Mais ils avaient donné si généreusement pour d'autres œuvres qu'il ne leur restait que peu de fonds disponibles. Après avoir exposé cela au Seigneur, une heureuse pensée leur vint. Le moment approchait de renouveler l'assurance pour les vastes serres de leur parc. Le Seigneur, qui commande aux vents et aux vagues, ne pourrait-Il pas se charger Lui-même de protéger ces serres ? Ils le crurent et signèrent en faveur de la Mission un chèque égal au montant de la prime d'assurance. Hudson Taylor ignora longtemps les circonstances dans lesquelles ce don avait été fait, mais le Seigneur les connaissait et s'en souvint. Peu de mois après, une tempête d'une violence exceptionnelle ravagea les campagnes voisines. Beaucoup de vitres volèrent en éclats sur plusieurs kilomètres à la ronde. Mais les serres de Langley Park n'éprouvèrent aucun dommage.

La chaude sympathie de la famille Beauchamp, et de Lord Radstock, qui devint pour lui un ami fidèle et un correspondant assidu, lui fut très précieuse à tous les points de vue, et elle procura à l'œuvre naissante l'appui d'un grand nombre de personnes de leur entourage.

À mesure que les branches de l'arbre grandissaient et se multipliaient, les racines gagnaient aussi en profondeur par la méditation et la prière. C'était en M. Berger surtout qu'Hudson Taylor trouvait l'aide dont il avait besoin. Quand le missionnaire partit pour la Chine, ce fut M. Berger qui entreprit de représenter l'œuvre en Europe. pour le déjeuner du lendemain. Ce fut le commencement d'une amitié durable et féconde, en bénédiction pour la Chine.

L'une des filles de Lady Radstock, Lady Beauchamp, après un séjour chez sa mère, organisa dans le comté de Norfolk où elle habitait une série de réunions qui devait durer plusieurs jours. Bien que débordé de travail, Hudson Taylor, comprenant l'importance de l'occasion qui lui était offerte, accepta son invitation. M. et Mme Beauchamp et toute leur famille furent très émus par ce qu'ils entendirent. Les enfants eux-mêmes s'éprirent d'une grande amitié pour cet hôte aimable qui leur racontait de si jolies histoires sur la Chine. L'un d'eux devait même devenir un de ses plus chers collaborateurs.

Bien qu'Hudson Taylor n'eût parlé ni d'argent ni de collecte, ses hôtes éprouvèrent le besoin de l'aider financièrement. Mais ils avaient donné si généreusement pour d'autres œuvres qu'il ne leur restait que peu de fonds disponibles. Après avoir exposé cela au Seigneur, une heureuse pensée leur vint. Le moment approchait de renouveler l'assurance pour les vastes serres de leur parc. Le Seigneur, qui commande aux vents et aux vagues, ne pourrait-Il pas se charger Lui-même de protéger ces serres? Ils le crurent et signèrent en faveur de la Mission un chèque égal au montant de la prime d'assurance. Hudson Taylor ignora longtemps les circonstances dans lesquelles ce don avait été fait, mais le Seigneur les connaissait et s'en souvint. Peu de mois après, une tempête d'une violence exceptionnelle ravagea les campagnes voisines. Beaucoup de vitres volèrent en éclats sur plusieurs kilomètres à la ronde. Mais les serres de Langley Park n'éprouvèrent aucun dommage.

La chaude sympathie de la famille Beauchamp, et de Lord Radstock, qui devint pour lui un ami fidèle et un correspondant assidu, lui fut très précieuse à tous les points de vue, et elle procura à l'œuvre naissante l'appui d'un grand nombre de personnes de leur entourage.

À mesure que les branches de l'arbre grandissaient et se multipliaient, les racines gagnaient aussi en profondeur par la méditation et la prière. C'était en M. Berger surtout qu'Hudson Taylor trouvait l'aide dont il avait besoin. Quand le missionnaire partit pour la Chine, ce fut M. Berger qui entreprit de représenter l'œuvre en Europe.

La chose vint tout naturellement, dit Hudson Taylor. Nous nous sentîmes attirés l'un vers l'autre. C'est dans son salon que la Mission reçut son nom. Aucun de nous deux ne demanda rien à l'autre, ni ne le chargea de rien. Cela fut ainsi, tout simplement.

Et que dire de l'aide plus précieuse et plus profonde encore qu'Hudson Taylor trouva auprès de la compagne de sa vie, de son affection si tendre, de sa sagesse si pratique et si spirituelle en même temps ? C'était dans la vie de Mme Taylor surtout que la nouvelle impulsion donnée à l'œuvre allait amener les plus grands changements. Elle devait servir de mère à la Mission, en même temps qu'à sa jeune et grandissante famille. Elle avait à peine trente ans, et, déjà chargée de quatre enfants, elle aurait à s'occuper des messagers de l'Évangile que son mari enverrait dans toutes les provinces de la Chine fermées encore aux étrangers. Elle trouvait, il est vrai, une grande joie et un grand soulagement dans la foi si vaillante de son compagnon ; mais ce n'était pas sur lui toutefois qu'elle s'appuyait. Orpheline de père et de mère dès l'enfance, elle avait appris à se confier au Père céleste, dont elle connaissait la fidélité. Pour porter son double fardeau et sa responsabilité, elle comptait à chaque instant « sur la plénitude de Dieu ».

Après la décision prise à Brighton, le principal était l'achèvement du manuscrit renvoyé par l'éditeur du Baptist Magazine. Ce n'était pas une tâche facile ; elle réclamait beaucoup d'étude, de réflexion et de prières. Trop occupés pendant la semaine pour trouver le calme nécessaire à ce travail, M. et Mme Taylor y consacraient toutes les heures du dimanche laissées libres par le culte public. Côte à côte dans le petit cabinet de la rue de Coborn, ils priaient et écrivaient, écrivaient et priaient.

Chaque phrase, disait Hudson Taylor, était comme imprégnée de prière. Pendant que je marchais de long en large dans la chambre, Maria était assise à la table et tenait la plume.

Le résultat fut le volume intitulé : Le dénuement spirituel et les droits de la Chine. (China's spiritual needs and claims.)

En parcourant ces pages, on comprend qu'elles aient touché et remué d'innombrables lecteurs pendant plus d'une génération. Fruit d'une étude approfondie et remarquablement propres à atteindre leur but, elles sont toutes parfumées d'un esprit de prière et d'amour. Le moi de l'auteur s'efface entièrement pour laisser place à Dieu seul. M. Berger y est nommé, ainsi que les missionnaires déjà partis ou en route pour la Chine ; d'Hudson Taylor, il n'est pour ainsi dire jamais question.

L'auteur montre d'abord le sérieux de la vie et comment chacun de nos actes, comme chacune de nos négligences, peuvent avoir une influence décisive, non seulement sur notre propre destinée, mais sur celle des autres. Il montre comment nous devons prier, non en égoïstes, mais avant tout pour l'avancement du Royaume de Dieu. Christ est notre modèle, en cela comme en tout, Lui qui, pour sauver un monde souffrant et perdu, a renoncé à Lui-même en s'abaissant jusqu'à la mort de la croix. Le peuple de Dieu a péché gravement en oubliant cet exemple. Sachant que la majorité de nos semblables ne connaissent pas encore le salut, comment pouvons-nous, nous qui devons tout au sacrifice du Fils de Dieu, demeurer confortablement et sans souci dans une vie égoïste ?

Entrant alors dans le vif de son sujet, il parle de la Chine, de son antiquité, de son étendue, de sa population, des premiers essais de mission, soit catholique, soit protestante. Depuis Morrison, l'œuvre a, sans doute, fait des progrès, mais combien insuffisants encore ! N'est-ce point effrayant que, même dans les sept provinces maritimes où l'Évangile a pénétré, cent quatre-vingt-cinq millions de Chinois soient entièrement hors de son atteinte ! Et que dire des onze provinces de l'intérieur où aucun messager encore n'a porté la bonne nouvelle aux deux cents millions d'âmes qui les habitent ! Tout cela est mis en évidence par des diagrammes et des tableaux où Hudson Taylor avait mis tout son cœur. En prenant connaissance de ces choses, l'esprit ne peut être que bouleversé. Il n'est pas étonnant que cet homme fût accablé. Pas surprenant qu'il ne pût se soustraire au sentiment poignant de sa responsabilité. Il considérait tout cela sous le regard de Dieu, obligeant le lecteur à en faire de même. Et cela devient alors profondément solennel, à la lumière de l'Éternité, dans la présence du Crucifié pour le salut du monde. Son ordre précis : « Allez... Je suis avec vous tous les jours » résonne, accompagné des lamentations des milliers qui, heure par heure, descendent sans Christ dans la tombe. Quelle réalité que les mots ne peuvent exprimer : « En Chine, un million d'âmes meurent sans Dieu, chaque mois. » Et nous, qui avons reçu le bon dépôt de Sa Parole, nous sommes responsables. Ce ne sont pas seulement les besoins de la Chine qui ont appelé à l'existence la Mission, ce sont aussi ses droits.

Sans s'appesantir sur ces faits, Hudson Taylor dévoile plutôt l'immensité de la tâche. Mais une autre réalité encore se dégage de ces pages, emplissant l'âme et le cœur d'émerveillement : la grandeur des besoins est surpassée par la grandeur de la fidélité, des ressources, des promesses, des plans et des ordres de Celui qui a dit : « Toute puissance m'a été donnée... allez donc. » Et cela suffit. Les besoins sont immenses, mais infini est le secours que Dieu promet. Ce Dieu-là, Hudson Taylor Le connaissait, L'avait mis à l'épreuve et s'abandonnait à Lui...

Nous avons affaire à un Dieu tout puissant dont le bras n'est pas trop court pour sauver, ni l'oreille trop pesante pour entendre ; à un Maître qui nous a dit : « Demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit Parfaite », et encore : « Ouvre ta bouche et je la remplirai. » Quelle culpabilité est la nôtre devant Lui, si nous négligeons d'employer, pour le salut de ceux qui périssent, la puissance de la prière faite avec foi !

Cette solennelle responsabilité, d'un côté, et les divines promesses de l'autre, nous encouragent à demander sans hésiter au Maître d'appeler et de pousser dans sa moisson vingt-quatre européens et vingt-quatre indigènes, pour planter l'étendard de la Croix dans les onze provinces non évangélisées de la Chine et dans la Tartarie chinoise. Ceux qui n'ont jamais éprouvé la fidélité de Dieu en réponse à leurs prières regarderont comme téméraire et hasardeux l'envoi de ces vingt-quatre pionniers européens dans un pays éloigné, où ils n'auront que Dieu pour appui. Mais un homme qui, pendant bien des années, a eu le privilège de mettre ce Dieu à l'épreuve en toutes sortes de circonstances, sur terre et sur mer, dans la maladie et la santé, dans les dangers et les besoins urgents et aux portes mêmes de la mort, serait absolument inexcusable de partager de telles craintes.

Ici Hudson Taylor donne de nombreux exemples des délivrances merveilleuses dont il fut l'objet ou le témoin. Il vit Dieu, en réponse à la prière, apaiser la fureur de la tempête, changer la direction du vent et donner de la pluie au milieu d'une sécheresse prolongée. Il Le vit calmer les passions irritées et déjouer les intentions meurtrières des hommes violents et les machinations des ennemis de Son peuple. Il Le vit guérir des mourants quand tout secours humain était impuissant... Pendant huit ans et demi il éprouva la fidélité de Dieu, qui pourvut abondamment à tous les besoins de Son serviteur et de Son œuvre.

En conséquence, les principes de la nouvelle Mission sont simplement tirés de la coordination de ces deux faits : les besoins à satisfaire et : Dieu. Il est à la tête de l'œuvre qu'Il a suscitée. Hudson Taylor n'eut pas d'autre appui et il n'en désira pas. Chaque problème trouvait sa solution dans un appel direct à Celui qui peut répondre à tout.

La grandeur même de ses besoins, considérée à la lumière des ressources divines et non humaines, exigeait des méthodes aussi nouvelles et définies que la sphère d'activité de la Mission projetée.

Comment, par exemple, l'œuvre serait-elle celle d'une section quelconque de l'Église de Christ ? Aucune n'est assez nombreuse ni assez riche pour fournir les hommes et les ressources indispensables. La Mission doit être libre d'accepter tous les ouvriers, pourvu qu'ils soient des hommes et des femmes qui connaissent vraiment leur Dieu, ayant le don de gagner des âmes, et laissant les petites différences s'évanouir devant le seul grand lien qui unit tous les enfants de Dieu.

Et quant aux fonds, comment la Mission, ne possédant rien, pourrait-elle promettre à ses membres un salaire fixe ? Tout ce qu'Hudson Taylor recevra en réponse à la prière, il sera heureux de le distribuer à ses collaborateurs, mais il ne pouvait promettre rien de plus, si ce n'est la résolution de ne jamais faire de dette, ni pour la Mission, ni pour lui-même. Quiconque s'engagerait dans cette œuvre devrait se pénétrer de l'idée qu'étant appelé par Dieu, il ne devra compter que sur Lui pour lui fournir la force, la grâce, la protection, les capacités nécessaires, aussi bien que le pain quotidien. À cette œuvre de toi chacun des collaborateurs devra apporter sa quote-part de foi au Dieu vivant. C'était là la seule base possible.

Parlant de cette période du début, Hudson Taylor écrivait plus tard :

Après avoir prié, nous décidâmes de faire appel, sans distinction de dénomination, à tous ceux qui croient pleinement à l'inspiration de la Parole de Dieu et qui veulent prouver leur foi en allant dans l'intérieur de la Chine sans autres garanties que celles qu'ils trouvent entre les couvertures de leur Bible de poche.

La Parole de Dieu dit : « Cherchez d'abord le Royaume de Dieu et sa justice et tout le reste (pain et vêtement) vous sera donné par-dessus. » Celui qui ne croit pas que Dieu dit la vérité n'a que faire d'aller en Chine pour propager la foi. S'il le croit, assurément cette promesse lui suffira. Il est écrit encore : « Dieu ne refuse aucun bien à ceux qui marchent dans l'intégrité. » Si quelqu'un n'a pas l'intention de marcher ainsi, il fera mieux de rester chez lui. S'il a cette intention, il possède le meilleur fonds de garantie. Dieu dispose de, tout l'or et l'argent du monde, et « des troupeaux qui paissent sur mille montagnes ». Nous n'aurons pas à être végétariens...

Nous aurions pu avoir un fonds de garantie, si nous l'avions désiré, mais nous sentîmes qu'il serait plus nuisible qu'utile. Nous pouvons accepter d'avoir aussi peu que le Seigneur le voudra, mais nous ne saurions consentir à avoir de l'argent non consacré ou des fonds placés d'une manière douteuse. Plutôt ne rien avoir, même pour acheter du pain, car il y a beaucoup de corbeaux en Chine, et le Seigneur saurait bien nous les envoyer comme auprès d'Élie, avec du pain et de la viande. Notre Père nous connaît bien, et Il sait parfaitement que Ses enfants s'éveillent chaque matin avec un bon appétit. Il leur donne toujours le déjeuner nécessaire et ne les envoie pas au lit sans souper. Il a nourri pendant quarante ans dans le désert trois millions d'Israélites. Nous ne nous attendons pas à ce qu'Il envoie en Chine trois millions de missionnaires ; mais, s'il le faisait, Il saurait bien les entretenir. Ayons toujours ce Dieu devant nos yeux, afin que nous marchions dans Son chemin, cherchant à Lui plaire et à Le glorifier dans les grandes comme dans les petites choses. Sur ce fondement, l'œuvre de Dieu, faite à la manière de Dieu, ne manquera jamais des subsides de Dieu.

Ce qu'Hudson Taylor passait sous silence est aussi significatif que ce qu'il disait. Il n'était pas question d'établir un comité. Il n'y avait pas d'appuis auprès d'organisations ou de noms connus. La direction de l'œuvre devait être assumée par son fondateur qui en était le membre le plus expérimenté et qui, semblable à un général en service commandé, se tenait avec ses troupes sur le champ de bataille. Cela semble si naturel que l'on ne réalise pas l'importance de cette innovation et la précieuse contribution qu'Hudson Taylor apportait en ceci, comme en tant d'autres choses, au problème missionnaire.

Il avait appris à ses dépens combien un missionnaire peut souffrir et combien une œuvre est entravée, compromise même, lorsqu'elle est sous un contrôle d'individus qui, tout en étant bien intentionnés, n'ont pas une connaissance suffisante de la tâche et des lieux où elle s'accomplit. Il n'était pas question d'aide financière ; il n'était pas fait d'appel pressant. Il était simplement donné l'adresse de M. Berger, comme représentant de l'œuvre en Angleterre. Les paroles tranquilles de l'auteur créent une impression de richesse plutôt que d'indigence. « Quoique les besoins soient grands, ils n'épuisent pas les ressources de notre Père. »

Pas un mot, enfin, d'une protection quelconque du gouvernement, ou de droits appuyés sur les Traités. L'auteur cite de nombreux cas où la protection divine l'a préservé des dangers inséparables d'une œuvre de pionnier. Les temps de péril furent toujours pour lui des occasions d'éprouver la sollicitude de Celui qui est un refuge plus assuré qu'un drapeau étranger ou que le plus puissant vaisseau de guerre.

Il peut susciter, Il suscitera des ouvriers volontaires, qualifiés, pour toutes les formes d'activité de notre œuvre, concluait-il. Tout ce que nous nous proposons de faire est de nous reposer fermement sur la fidélité de Celui qui nous a appelés à cette tâche et, obéissant à Son appel et nous remettant à Sa puissance, d'élargir la sphère de nos opérations pour la gloire du Nom de Celui qui seul fait des choses magnifiques. Si l'on nous demande : « Êtes-vous sûr que l'intérieur de la Chine, bien qu'avant grand besoin de l'Évangile, soit accessible ? » Nous répondrons par une autre question : « Quand le Maître dit :

Allez ! le serviteur a-t-il le droit d'élever des objections ? » Toutes les difficultés ne sont-elles pas résolues par le fait que toute Puissance Lui a été donnée au ciel et sur la terre et qu'Il est avec nous jusqu'à la fin du monde ?...

Les difficultés et les dangers seront grands. Mais précisément ces difficultés, et le sentiment de notre pauvreté et de notre faiblesse, nous obligeront à nous appuyer d'autant plus sur la force, la richesse, la plénitude de Jésus. « Dans le monde, vous aurez des tribulations, mais en Moi... paix ! » Telle sera l'expérience de ceux qui seront occupés dans ce travail. Si c'est pour la gloire de Dieu, pour le bien de Son œuvre et pour les intérêts véritables de ceux qui sont en cause, les temps de danger et d'épreuve manifesteront d'une manière toute spéciale Sa puissance pour délivrer, et Sa grâce soutiendra et sera suffisante pour le plus faible de Ses serviteurs dans le combat...

Si des hommes dévoués et décidés d'obéir à Dieu sont trouvés, il n'y a pas de raison de douter que Dieu ne leur soit fidèle. Il ouvrira une porte devant eux, et Il les estimera plus que les passereaux et les lis qu'Il revêt et nourrit. Il sera avec eux dans les périls, dans les difficultés, dans les perplexités. Ils peuvent être faibles, mais Il agira en puissance par leur moyen. S'ils jettent leur pain sur les eaux, Sa Parole ne retournera pas à Lui sans effet. Il agira selon Son bon plaisir et les fera prospérer dans les choses pour lesquelles Il les a envoyés. C'est sur nos Eben-Ezer passés que nous bâtissons nos Jehovah-Jireh. « Ceux qui connaissent Ton Nom mettront leur confiance en Toi. »

Une telle foi, si pratique, et si dépourvue de calcul humain, devait remuer fortement les cœurs. Terminé vers la mi-octobre, le manuscrit fut d'abord soumis à M. et Mme Berger. « Le Seigneur a permis qu'ils y prissent intérêt », lisons-nous dans le journal d'Hudson Taylor.

Cet intérêt se manifesta immédiatement d'une façon pratique. M. Berger pourvut aux frais de cette publication et fit toute diligence afin qu'elle fût prête pour la Convention de Mildmay qui devait avoir lieu dix jours plus tard. Elle put en effet y être distribuée dès le début aux centaines de chrétiens qui venaient là pour vivifier leur piété et chercher une communion plus intime avec Dieu.

Rares assurément furent les participants à ces réunions qui s'en retournèrent chez eux sans éprouver un sentiment plus vif de leur responsabilité envers la Chine.

Pendant les semaines qui suivirent, Hudson Taylor reçut de nombreuses lettres de chaleureuse adhésion à l'œuvre de la Mission à l'Intérieur de la Chine. Des offres de service vinrent de la part d'étudiants, de commis de magasin, d'artisans, etc., ainsi que beaucoup d'invitations à faire des conférences. La première édition de son ouvrage fut épuisée en trois semaines.

J'ai été grandement stimulé par la lecture de votre brochure, lui écrivait Lord Radstock. J'espère que le Saint-Esprit vous donnera encore des paroles qui pousseront beaucoup d'ouvriers dans la moisson. Cher frère, élargissez encore votre ambition. Demandez cent ouvriers, et le Seigneur vous les donnera.

Et un chèque de cent livres accompagnait cette lettre, qui le réjouit grandement, bien que la demande de cent ouvriers dût sembler insensée en ce temps des petits commencements.

En attendant, l'on préparait l'envoi d'un groupe de dix ou douze missionnaires, et les forces d'Hudson Taylor, accablé par toutes sortes de devoirs, suffisaient à peine à la tâche.

La révision marche bien, écrivait-il à sa mère. Nous avons fait une seconde édition de mon appel pour la Chine. Je prépare un journal de la Mission j'enseigne le chinois à quatre élèves, j'ai des réunions continuelles à présider, et beaucoup de candidatures à examiner... Demandez à Dieu avec nous d'envoyer l'argent et les hommes nécessaires et d'écarter ceux qui ne sont pas appelés par Lui, car il y a beaucoup d'offres.

Ce fut à ce moment qu'une sérieuse maladie mit en danger Mme Taylor qui dut subir une grave opération.

Il est très solennel de penser que notre bonheur domestique est peut-être si près de sa fin, écrivait-il alors à ses parents. Dieu soit loué, elle se repose entièrement sur Jésus. Demandez pour moi la grâce de pouvoir dire en vérité : « Ta volonté soit faite ! »

Trois semaines plus tard, sa compagne bien-aimée lui était rendue. Et il pouvait donner gloire à Dieu pour les progrès réalisés depuis le dimanche mémorable de Brighton. Outre les huit collaborateurs déjà au travail en Chine, vingt ou trente autres étaient désireux de se joindre à la Mission. Au cercle grandissant des amis qui priaient, Hudson Taylor écrivait :

Oh ! combien nous avons besoin d'être guidés par le Seigneur ! Nous avons entrepris notre œuvre en regardant à Lui pour toutes choses. Il nous faut pour cela Sa force. Pour Le bien servir, nous devons vivre tout près de Lui.

Le 31 décembre fut mis à part pour le jeûne et la prière dans la maison de la rue de Coborn, et cette journée termina dignement l'année qui avait vu naître une Mission si complètement dépendante de Dieu.

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