Hudson Taylor

DOUZIÈME PARTIE
La marée montante
1881-1887

CHAPITRE 71
Les Cent
1886-1887

Profondément impressionné par ce qu'il avait vu des besoins des provinces du Nord et des possibilités d'accès, Hudson Taylor descendit le Han sur un parcours de mille six cents kilomètres, emmenant avec lui la fillette d'un missionnaire de Hanchung, dont la vie ne pouvait être sauvée que par un changement de climat. Il fut seul, pendant six semaines, à prendre soin de l'enfant et il trouva beaucoup de réconfort dans sa compagnie.

Ma petite compagne de voyage se développe merveilleusement, écrivait-il à Mme Taylor, elle est tout à fait gentille et gaie : elle s'attache à moi avec affection et il est si doux de sentir de nouveau de petits bras autour de mon cou.

Bien qu'il lui fût très dur d'être loin des siens, il ne pouvait encore retourner en Angleterre. Presque deux ans s'étaient écoulés depuis son arrivée en Chine, mais la nouvelle organisation avait besoin d'être consolidée, avant qu'il pût repartir.

L'année 1886 s'achevait. Sa principale préoccupation était d'instituer un Conseil d'ouvriers expérimentés pour aider M. Stevenson dans ses nouvelles fonctions de directeur-adjoint. Celui-ci était aussi revenu de l'intérieur du pays, enthousiasmé de ce qu'il avait vu dans les provinces du Nord. Il avait passé plusieurs semaines avec le pasteur Hsi, après le départ d'Hudson Taylor, à visiter des groupes isolés de convertis et il était toujours plus frappé de la vitalité et des possibilités de l'œuvre. Son cœur débordait de joie, cette joie dans le Seigneur qui fait notre force et, en prenant sa part des responsabilités qu'Hudson Taylor avait été seul à porter pendant des années, il apportait une large mesure d'espérance et de courage.

Ce fut dans cet esprit que les surintendants des diverses provinces se réunirent pour la première fois, à Anking, au milieu de novembre. Ils passèrent deux ou trois semaines avec le fondateur de la Mission et M. Stevenson, se consacrant à la prière, et au jeûne un jour sur deux, pendant la première semaine, afin de se préparer à l'étude des questions qu'ils avaient à résoudre.

Nous ne nous arrêterons pas sur les décisions importantes de cette assemblée. Un petit livre gris, qui en renfermait les principaux résultats, fut répandu rapidement au sein des stations missionnaires, un petit livre imprégné de l'esprit du Maître et plein de sages et d'utiles conseils. Il renfermait des instructions pour tous, trésoriers, secrétaires, surintendants, jeunes et vieux, hommes et femmes, fondées sur une intelligence profonde des conditions de la vie en Chine. Un cours d'étude de la langue fut adopté et mis en usage. Les Principes et Pratique de la Mission furent de nouveau exposés et développés pour les jeunes ouvriers1. Mais quelque chose de plus important que le livre gris marqua les réunions de ce premier Comité de Chine : ce fut l'esprit de foi et l'attente confiante de nouvelles marques de la fidélité de Dieu. Le mouvement avait commencé dans le Shansi, quand M. Stevenson écrivait de la capitale :

Nous sommes grandement encouragés : nous demandons et recevons des bénédictions précises pour cette terre affamée et altérée. Nous attendons au moins cent nouveaux ouvriers en Chine, en 1887.

C'est la première mention des Cent. Ardent, plein de confiance en Dieu, il développa son projet dans les réunions de Comité, mais Hudson Taylor semble avoir d'abord partagé l'impression générale, trouvant que c'était là marcher trop vite. Cent ouvriers en une année, quand le personnel total de la Mission s'élevait à moins de deux fois ce nombre ! Et que dire de l'augmentation des dépenses !

« Oui, rétorqua sans se troubler le directeur-adjoint, mais comment pouvons-nous demander moins que cela avec de si grands besoins ? »

Il était difficile de répondre, car les cinquante stations centrales et les nombreuses annexes où il aurait fallu des missionnaires, pour ne rien dire de la Chine entière, laissaient voir que ce nombre était encore trop faible. Ainsi, peu à peu, les membres de l'assemblée furent entraînés et l'atmosphère de foi et de prière devint telle que l'idée put s'enraciner. Avant de quitter Anking, Hudson Taylor écrivit en Angleterre d'une façon toute naturelle :

Nous demandons cent missionnaires en 1887 ; que Dieu les choisisse et nous fournisse les ressources nécessaires.

Un peu plus tard, à Takutang, dans la tranquillité du lac et des montagnes, il mettait de l'ordre dans des comptes, ayant l'intention de partir pour l'Angleterre aussitôt que possible, quand un incident se produisit qui ranima son espérance. Il dictait à son secrétaire une phrase déjà écrite auparavant : « Nous attendons cent missionnaires en 1887. » Voulait-il vraiment dire cela ? M. Stevenson vit le secrétaire, qui devait être lui-même l'un des cent, sourire avec incrédulité. « Si le Seigneur ouvrait des fenêtres aux cieux, semblait-il dire, alors cela pourrait être. » Hudson Taylor s'en aperçut et s'écria avec feu :

Si vous me montriez une photographie, prise en Chine, de ces cent missionnaires, je ne pourrais être plus certain de leur envoi que je ne le suis maintenant.

Alors M. Stevenson répandit dans la Mission une petite carte avec ces mots : « Voulez-vous vous engager à prier pour les Cent ? » et, avec la permission d'Hudson Taylor, il câbla à Londres : « Nous prions pour l'envoi de cent missionnaires en 1887. »

Ainsi, le pas était fait, mais non pas inconsidérément. Hudson Taylor avait trop profondément reçu les leçons de l'expérience pour s'aventurer dans une telle entreprise sans l'assurance que Dieu le guidait.

L'acceptation et l'envoi des Cent, écrivait-il à Mme Taylor, exigera beaucoup de travail, mais Dieu nous donnera les forces ; beaucoup de sagesse, mais le Seigneur nous guidera...

Et, à quelques intimes amis :

Voulez-vous nous aider par vos prières ? Ce mouvement entraînera de plus lourdes responsabilités, du travail, des frais ; quelques-uns d'entre nous espèrent que la promesse « infiniment au delà » signifie cinquante ou soixante missionnaires de plus que les cent actuellement demandés. Cela exigera beaucoup de correspondance, beaucoup de prières et de réflexion pour savoir qui accepter et qui écarter. Préparer des réunions d'adieux, s'assurer les prières d'au moins six congrégations pour chaque groupe partant, tout cela donnera du travail. L'équipement et le voyage de cent personnes reviendront à plus de cinq mille cinq cents livres. L'argent arrivera par petites sommes et chacun réclamera une lettre de remerciements. Nous aurons un grand besoin des bénédictions, du secours et de la force d'En-haut... Ai-je tort de vous demander vos prières pour moi-même et pour mes collaborateurs ? Quand je vois, par la foi, ces hommes et ces femmes décidés et qualifiés, cette moisson mûre qu'ils vont aider à rentrer, ces âmes amenées à Dieu par leur moyen et, par-dessus tout, la joie de notre Rédempteur au sujet de ce mouvement et de ses conséquences étendues, mon cœur est heureux, et le vôtre le sera aussi.

Cette vision et cet esprit de joie le soutinrent dans les magnifiques et terribles journées de 1887. Quelle année ce fut ! Précédée de deux jours de prières, car un seul ne suffisait pas, elle s'acheva avec le départ du dernier groupe qui complétait les Cent, tout travail terminé et toutes dépenses payées, et avec une plénitude de bénédiction qui se répandit dans des cercles toujours plus étendus.

L'histoire des Cent fut souvent racontée. Nous savons comment Hudson Taylor et ses collaborateurs furent amenés à demander à Dieu dix mille livres de dons supplémentaires pour faire face à ces dépenses nouvelles, et cela en grosses sommes afin de ne pas surcharger de correspondance le trésorier. Nous savons que six cents hommes et femmes s'offrirent pour la Mission, cette année-là, que cent-deux furent envoyés, et que onze mille livres, et non dix mille, furent reçues sans aucun appel de fonds. Nous savons, ce qui est très remarquable, comment la prière fut exaucée quant à la forme même des envois d'argent. La somme était exactement constituée par onze dons qui ne donnèrent que peu ou pas de travail supplémentaire. Mais une telle histoire supporte d'être redite, spécialement d'après les lettres d'Hudson Taylor lui-même, non à la gloire d'un homme ou de méthodes humaines, mais de Dieu seul.

« Nous avons besoin d'ouvriers, non de flâneurs », écrivait-il aussitôt après son retour en Angleterre. Quel exemple que celui de son infatigable activité ! Sauf quelques journées consacrées à la correspondance et aux réunions du Comité, il voyagea et prêcha sans interruption. Il semblait néanmoins qu'il fût constamment en pourparlers avec des candidats, constamment à écrire en Chine ou en Angleterre, tant il cumulait toutes les fonctions ; sans diminuer le temps consacré à la prière et à l'étude de la Bible, pour la nourriture de sa propre âme et des multitudes dont il avait la charge, pour tous les problèmes de l'œuvre et les besoins de chaque membre de la Mission.

Le nombre des lettres qu'il écrivit est incroyable ; treize ou quatorze en moyenne, pour chaque jour des douze mois, les dimanches exceptés. Il avait souvent deux, trois et quatre réunions par jour, sans compter ses voyages ; l'index de sa correspondance mentionne même, certains. jours, trente ou quarante lettres, écrites en vingt-quatre heures. Et ce n'étaient pas de simples notes d'affaires ; beaucoup étaient longues, soigneusement méditées, comme celles qu'il adressait à M. Stevenson et qui concernaient la direction de l'œuvre en Chine.

Trois visites en Irlande et quatre en Écosse ; une campagne de propagande avec son ami Réginald Radcliffe et Georges Clarke sur l'évangélisation du monde ; la participation à une vingtaine de conventions pour le développement de la vie spirituelle, dans la plupart desquelles il parla à plusieurs reprises, ne furent qu'une partie de son activité extérieure. Il y avait, en outre, des réunions d'adieux à tous les départs de missionnaires et de nombreux discours dans des réunions privées ou des chaires d'églises.

Nous étions à Glasgow la semaine dernière, écrivait en mars Mme Taylor, présidant jusqu'à trois réunions par jour. Et mon mari était en rapport avec quarante candidats.

Il y en avait, en même temps, vingt autres à Édimbourg. À la suite d'une réunion, dans la capitale de l'Écosse, cent-vingt personnes s'offrirent pour la Mission, prêtes à partir là ou Dieu les enverrait.

Pendant ce temps, à la rue de Pyrland, le trésorier, M. Broomhall, n'était pas moins occupé, ni moins encouragé. Invité à dîner à Londres, il sortit un jour de sa poche une lettre qui l'avait profondément touché. Elle provenait d'une pauvre veuve écossaise qui, vivant de quelques shillings par semaine, faisait des dons fréquents pour la Mission en Chine. « Elle pouvait se passer de viande, disait-elle, mais les païens ne pouvaient se passer de l'Évangile. » Ces simples mots témoignaient d'un véritable esprit de sacrifice, et de ferventes prières accompagnaient sa modeste offrande. Il n'en fallut pas davantage pour que cette lettre produisit un résultat bien plus considérable que son auteur ne l'eût jamais supposé.

À la fin du repas, l'hôte déclara que tout ce qu'il avait donné pour l'œuvre de Dieu — et il avait donné beaucoup — ne l'avait jamais privé d'une côtelette de mouton. À l'étonnement de M. Broomhall, il promit cinq cents livres sterling pour la Mission ; trois autres convives firent une promesse semblable et une quatrième personne qui n'assistait pas au repas, mais en entendit parler, porta la somme à deux mille cinq cents livres sterling. Comme cela s'était produit pour les Soixante-dix, le Seigneur encourageait les chefs de la Mission en Angleterre, leur donnant la preuve évidente que la prière qui jaillissait en Chine, tous les jours, de tant de cœurs, était selon Sa volonté.

Ils avaient besoin de cet encouragement, car leur effort était exténuant. Personne ne se réjouissait plus de ce développement de l'œuvre que la mère de la Maison missionnaire sur laquelle retombait tout le fardeau de la réception des candidats.

Grande fut la joie lorsque, le jour même de l'anniversaire d'Hudson Taylor2, juste avant les réunions annuelles, un câblogramme aporta de Shanghaï la nouvelle d'une abondante moisson. Dans le district du pasteur Hsi, deux cent vingt-six convertis avaient été baptisés.

Il n'était pas étonnant qu'Hudson Taylor commençât son discours aux réunions annuelles en citant cette parole originale d'un évangéliste de couleur : « Quand Dieu fait une chose, Il la fait belle. » Le matin même, un autre câblogramme avait été reçu de Chine annonçant un don de mille livres pour parer aux frais d'envoi des Cent, dont cinquante-quatre étaient déjà acceptés ou partis.

Jusqu'à ce moment, tous ceux qui étaient prêts avaient pu être envoyés, et Hudson Taylor exprimait ainsi sa confiance :

Dieu, en ce qui concerne les ressources, nous donne les preuves qu'Il agit avec nous, que cette œuvre Lui plaît et qu'Il la fait prospérer. Il nous donnera les Cent et pourvoira à tous leurs besoins.

Parlant des vingt et une années de « bonté et de miséricorde » qu'il commémorait ce jour-là et de la manière dont il avait été pourvu à tous les besoins d'argent, il rappelait :

Le Seigneur est toujours fidèle. Les disciples disaient : « Seigneur, augmente-nous la foi ». Le Seigneur ne les a-t-Il pas repris à ce propos ? Ce n'est pas d'une grande foi que vous avez besoin, leur dit-Il en fait, mais de la foi en un grand Dieu. Si même votre foi est petite comme un grain de moutarde, elle suffit pour déplacer une montagne. Nous avons besoin d'une foi qui repose sur un grand Dieu, et qui compte qu'Il accomplira Sa propre Parole, et fera exactement ce qu'Il a promis. Nous avons été conduits à demander cent nouveaux ouvriers pour cette année. Nous avons la promesse certaine : « Tout ce que vous demanderez au Père, en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. » Appuyés sur cette promesse, notre confiance a été aussi ferme, quand nous commençâmes à prier en novembre, que si mon cher beau-frère, M. Broomhall, m'avait envoyé une liste des cent candidats acceptés. Nous avons consacré plusieurs jours au jeûne et à la prière pour être dirigés. Et nous avons commencé cette affaire comme il le fallait, avec Dieu. Nous sommes absolument sûrs que tout sera achevé par Sa grâce et pour Sa gloire. Ce nous est une grande joie de savoir que, de ces cent, trente et un sont déjà en Chine. Mais ce nous est une plus grande joie encore de savoir que plus de cent de nos ouvriers, en Chine, s'unissent tous les jours, dans une même prière, pour demander à Dieu de compléter les cent nouveaux missionnaires... Nous donnera-t-Il « infiniment au delà » en envoyant plus de cent ouvriers, ou en stimulant d'autres centres chrétiens à en envoyer plusieurs centaines ; ou éveillera-t-Il l'enthousiasme missionnaire dans toute l'Église, bénissant ainsi le monde entier par ce moyen, je l'ignore. J'espère qu'Il exaucera les prières sur tous ces points ; mais je suis assuré que, de toute façon, ce sera « beau ».

Je vous demande de bien comprendre ce principe du travail avec Dieu et de la prière pour obtenir toutes choses de Lui. Si l'œuvre est aux ordres de Dieu, nous pouvons Lui demander des ouvriers en toute confiance et s'Il donne les ouvriers, nous pouvons Lui demander alors de pourvoir à leurs besoins. Nous acceptons toujours un bon ouvrier, que nous ayons ou non les ressources pour cela. Nous lui disons souvent : « Cher ami, votre premier travail est de vous joindre à nous pour demander à Dieu l'argent nécessaire à votre voyage. » Et dès que nous avons assez d'argent, nous l'envoyons. Nous n'attendons pas d'avoir les fonds qu'il faudra lui remettre quand il sera là-bas. Le Seigneur y pourvoira entre temps, et les fonds seront envoyés en Chine par télégramme, assez tôt pour subvenir à ses besoins... Prenons garde d'avoir constamment Dieu devant les yeux, de marcher dans Ses voies, de chercher à Lui plaire et à Le glorifier en toutes choses, grandes ou petites. Dans cet esprit de dépendance, l'œuvre de Dieu, faite selon les méthodes de Dieu, ne manquera jamais des ressources de Dieu3.

Et maintenant, si ce principe de tout rapporter à Dieu et de tout recevoir de Dieu est bien établi, et je crois que l'expérience de la Mission à l'Intérieur de la Chine le prouve, ne devrions-nous pas l'appliquer de plus en plus dans notre propre vie ? La volonté de Dieu est que Son peuple soit un peuple sans fardeau, pourvu de tout le nécessaire. Ne nous déciderons-nous pas à « ne nous mettre en peine de rien, mais en toutes choses, avec des prières, des supplications et des actions de grâces », à confier à Dieu ce qui serait pour nous un fardeau et un souci, et, ainsi, à vivre dans Sa paix parfaite ?

Cette manière si simple de concevoir les choses fit tressaillir toutes les Églises où la prière en faveur des Cent était connue. Il parut à beaucoup que c'était là une nouvelle lumière jetée sur les problèmes de la vie et la révélation d'une puissance insoupçonnée pour y faire face.

Je ne sais plus ce que c'est que l'anxiété depuis que le Seigneur m'a enseigné que l'œuvre est à Lui, déclara Hudson Taylor ; ma grande affaire, dans la vie, c'est de plaire à Dieu. Marchant avec Lui, dans la lumière, je ne sentirai pas de fardeau.

Tel était partout son message, délivré avec une tranquille simplicité et une joie dans le Seigneur qui ne pouvaient que renforcer la certitude.

Je dois m'arrêter pour dormir un peu, sous peine d'être terne à la réunion de ce soir, écrivait-il d'Écosse à Mme Taylor. Il faut que je brille pour Jésus, Jésus seul !

Et il brillait, en effet, quoique l'effort nécessité par sa tache fût intensif.

En Chine, l'arrivée des petites troupes de renfort causait une vive reconnaissance. La nouvelle organisation se révélait heureuse ; les centres de formation, en particulier, rendaient d'inappréciables services. Mlle Murray à Yangchow et M. Baller à Anking exerçaient une influence bienfaisante sur les nouveaux arrivants. Ils prenaient soin de. leur santé physique et spirituelle, comme aussi de leurs études. Leurs conseils basés sur une expérience personnelle était d'un grand prix pour M. Stevenson, quand le moment arrivait de répartir les ouvriers dans leurs postes respectifs.

Vers le début de novembre, Hudson Taylor eut la joie d'annoncer aux amis de la Mission que leurs prières étaient pleinement exaucées, les cent ouvriers étant au complet et les ressources nécessaires à leur envoi en Chine étant fournies. Beaucoup s'offraient encore et, dans ses dernières réunions en Écosse et en Irlande, il put témoigner de la réponse d'un Dieu fidèle aux prières de Son peuple et de la manière dont Il avait donné « infiniment plus ».

Nos réunions, écrivait-il à M. Stevenson, sont évidemment une bénédiction pour l'Église de Dieu : les plus reconnaissants témoignages nous en sont donnés partout. De nouveaux candidats continuent à s' offrir et je vois que nous ne pouvons en recevoir cent de notre Dieu sans qu'Il y ajoute encore une centaine. Beaucoup de ceux qui ne peuvent partir cette année seront cependant prêts.

Et un mois plus tard :

Vous devez persévérer avec ardeur dans la prière, ainsi que tous nos amis, afin que Dieu glorifie Son Nom, pourvoyant à toutes les ressources indispensables à l'œuvre. Rien n'est plus évident pour moi qu'en obtenant cent ouvriers cette année, nous en avons obtenu une seconde centaine. Pour les envoyer et les entretenir, il faudra dix mille livres sterling de plus et, en des temps comme ceux-ci, c'est une augmentation considérable de passer d'un peu plus de vingt mille livres à quarante mille livres sterling. Il est heureux que Dieu Lui-même ait posé la question : « Y a-t-il quelque chose d'impossible à l'Éternel ? » Mais il ne faut pas oublier « qu'il se laissera fléchir par la maison d'Israël ». Si nous prions moins pour les ressources, ce sera bientôt pour nous un sujet de dures épreuves. Soyons davantage des hommes de prière. À Dieu soit toute la gloire !4.

Je suis chaque jour plus reconnaissant à Dieu de vous avoir donné à nous. Aucune sagesse humaine n'est suffisante pour votre tâche, mais aussi longtemps que vous chercherez les directives de Dieu en toute chose, et que, malgré le travail accablant, vous prendrez le temps de vivre dans Sa communion et de prier pour Ses ouvriers, le Seigneur continuera à vous employer et à vous bénir.

Deux jours avant la fin de l'année, Hudson Taylor revenait à Londres, ayant terminé la rude bataille qui, bien qu'accomplie dans la foi et le repos du cœur, l'avait mis néanmoins à l'épreuve au suprême degré, lui et ses collaborateurs.

Douze mois auparavant, à Shanghaï, un missionnaire âgé lui avait dit, alors qu'il était sur le point de s'embarquer :

« Je suis fort réjoui d'apprendre que vous demandez à Dieu d'importants renforts. Évidemment, vous n'obtiendrez pas cent collaborateurs au cours de l'année, mais vous en obtiendrez beaucoup plus que si vous n'en demandiez pas. »

Hudson Taylor le remercia et lui répondit : « Nous avons par avance la joie de l'exaucement, mais je suis assuré que vous la partagerez vous aussi en saluant le dernier des Cent, à son arrivée en Chine. »

Cela se réalisa car, parmi ceux qui se réunirent pour recevoir le dernier groupe complétant la centaine, aucun ne fut plus joyeux que le digne vétéran, à tête blanche, que Dieu, quelques semaines plus tard, appelait dans Son repos.


1 Il faut se souvenir que la Mission n'avait qu'une vingtaine d'années d'existence, et que la majorité des missionnaires étaient récemment arrivés en Chine. Sur cent quatre-vingt-sept que comptait leur effectif, cent-dix étaient des jeunes, tant du point de vue du nombre des années de service que de l'expérience. Il était donc hautement désirable de résumer à leur intention ce qui avait été appris, au travers de beaucoup de souffrances parfois, par ceux qui devenaient leurs aides et leurs conseillers.

2 Hudson Taylor fêta son cinquante-cinquième anniversaire le 21 mai 1887.

3 Je redoute bien plus l'argent non consacré que le manque de fonds, écrivait Hudson Taylor quelques semaines plus tard. Le Seigneur n'a pas conseillé à Ses disciples de prendre au désert des chargements de vivres. Il y avait là un garçon avec cinq pains d'orge et deux poissons. Cela a suffi. Ce que le Seigneur désire, c'est que Son peuple soit, non point riche, mais en pleine communion avec Lui qui est la richesse même. Chrétiens, nous sommes fils de Roi !

4 Dans son message de nouvelle année, adressé en janvier 1888 aux membres de la Mission, Hudson Taylor écrivait à ce propos : « N'oublions pas que, si nous ne faisons pas appel à l'homme, nous devons continuer d'une façon très précise à faire appel à Dieu. Une impulsion divine, une direction divine, est à l'origine de chacun des dons qui nous sont adressés. Ce fait, qui rend notre travail si fécond, nous gardera dans une attitude de dépendance toute particulière à l'égard de Dieu. Nous ne saurions assez Le louer de cette position si heureuse et de cette nécessité de nous confier pleinement en Lui. »

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