Calvin Homme d'Église

Préface et avertissement sur le vocabulaire

La Réforme avait triomphé à Genève avant l'arrivée de Calvin. Mais en célébrant le quatrième centenaire du serment solennel de mai 1536, par lequel les bourgeois, réunis en Conseil Général, s'engagèrent à « vivre selon l'Evangile », l'Eglise de Genève doit se souvenir que si l'intention manifestée par ce serment a pu aboutir à la constitution d'une communauté chrétienne solidement établie, c'est à Jean Calvin qu'elle le doit.

Il a donc paru légitime d'offrir aux fidèles, à l'occasion de cet anniversaire, un nouveau choix d'œuvres de Calvin, destiné à mettre en lumière, non principalement l'exégète ou le prédicateur, le dogmaticien ou le polémiste, le catéchète ou le directeur spirituel, mais le prodigieux « bâtisseur d'Eglises ».

Ceux qui savent dans quels combats l'Eglise évangélique est présentement engagée en divers pays comprendront l'opportunité d'une telle entreprise, car si Vinet a pu déclarer que la question d'Eglise était la question de son siècle, à combien plus forte raison pouvons-nous le dire aujourd'hui !

On trouvera d'abord dans ce volume des textes de législation ecclésiastique.

LES ARTICLES DE 1537 laissent apparaître déjà les traits saillants du calvinisme en ce qui concerne la question délicate des rapports entre l'Eglise et l'Etat. Le jeune réformateur (il n'a pas 28 ans) a discerné la ligne médiane dont il ne déviera jamais. Il exclut tout cléricalisme, puisque les ministres de l'Evangile sont soumis comme le Magistrat à l'unique autorité de l'Ecriture : « Si vous voyez notre avertissement être de la sainte Parole de l'Evangile »... proposent-ils par deux fois ; au Magistrat d'examiner et de prendre ses responsabilités. Mais il écarte en même temps un gouvernement spirituel exercé par la Seigneurie : la discipline de la Cène (pour ne prendre qu'un exemple) est une affaire d'Eglise, qui relève de l'assemblée des fidèles et non du pouvoir civil. On sait que Calvin préféra se laisser bannir de Genève en 1538 plutôt que de céder sur ce point.

Quand on l'y fit rentrer trois ans plus tard, il mit comme condition à son retour l'établissement d'une discipline ecclésiastique indépendante du pouvoir civil et confiée à un Consistoire. On en trouvera la charte dans les ORDONNANCES DE 1541.

On remarquera aussi un développement de la pensée de notre réformateur, dû à l'influence de Bucer, auprès duquel, à Strasbourg, Calvin avait passé le temps de son exil : tandis que les ARTICLES DE 1537 requièrent du plaisir du Magistrat la création d'un office de surveillance, les Ordonnances de 1541 en font une exigence de la Parole de Dieu et représentent les divers ministères ecclésiastiques comme des « offices que notre Seigneur a institués pour le gouvernement de son Eglise ». Il y a là un trait distinctif des Eglises réformées.

Le SERMENT DES MINISTRES et les ORDONNANCES DES ÉGLISES DE CAMPAGNE apportent d'utiles précisions sur la façon pratique dont furent réglés à Genève les rapports entre le pouvoir politique et le pouvoir spirituel.

Une fois l'Eglise organisée, il faut maintenir dans son sein la pureté de la doctrine. Des textes n'y suffisent pas ; la vigilance active des pasteurs doit s'y employer, toutes les lois qu'une question nouvelle surgit, qui émeut les consciences. Les Congrégations pastorales, dont la première partie était publique, offraient l'occasion de donner aux fidèles tous les éclaircissements nécessaires sur les matières controversées.

L'intérêt de la CONGRÉGATION SUR L'ÉLECTION ÉTERNELLE réside en ce qu'elle montre Calvin exposant de façon simple et populaire un sujet difficile entre tous. Elle nous fait saisir la méthode du réformateur qui s'efforce de ne rien avancer qu'il ne prouve par des passages bibliques ; et la doctrine de la prédestination y apparaît essentiellement comme une expression de la loi à la libre et pure grâce de Dieu. On sera frappé par l'unanimité du corps pastoral d'alors.

Notre siècle épris d'œcuménisme doit savoir avec quelle ardeur Calvin travailla à l'établissement de bons rapports entre les églises de la Réforme. On le remarque surtout dans la question si délicate de la sainte Cène. Souffrant des dissensions entre luthériens et zwingliens, Calvin fit œuvre de conciliateur, et nous publions l'ACCORD SUR LES SACREMENTS, à cause de son rôle décisif.

Dans l'histoire du protestantisme helvétique : il empêcha la formation d'une église zwinglienne (alémanique) en opposition avec une église calviniste (romande). Il ouvrit aussi la porte à l'influence du calvinisme dans plusieurs pays étrangers.

Comme le montre la lecture des Articles de 1537, Calvin demandait que l'Eglise fût composée de chrétiens professant leur foi. Nous croyons intéressant de donner le texte de la CONFESSION DE FOI qu'il rédigea pour les habitants de Genève.

Si cette profession de la loi entraîne des dangers pour le chrétien, Calvin la réclame tout de même, et nul ne lira sans émotion le TRAITÉ DU FIDÈLE PARMI LES PAPISTES, qui pourchasse la conscience avide de subterfuges jusque dans ses derniers retranchements. Ce chef-d'œuvre avait sa place tout indiquée dans notre volume, vu son importance pour les Eglises sous la croix.

Calvin exerça également une grande influence sur son époque par sa correspondance avec de nombreux chefs d'Etat et personnages haut placés, correspondance à laquelle il faut ajouter les épîtres dédicatoires qui servent de préfaces à ses commentaires bibliques.

Dans cette précieuse collection, nous avons choisi la LETTRE AU PROTECTEUR D'ANGLETERRE, qui donne en vingt pages un programme complet de réformation de l'Eglise, adapté aux circonstances du pays. Calvin y apparaît comme le grand chef spirituel, le grand éducateur des consciences, le génial organisateur dont la chrétienté avait besoin.

Quant aux DÉDICACES que nous publions, elles sont particulièrement propres à faire comprendre la vision que Calvin avait de l'Eglise. La vraie Eglise, formée de ceux que Dieu appelle, commence d'exister aussitôt après la chute ; elle vit déjà sous les patriarches, engendrée par la seule Parole de Dieu, et se développe à travers toute l'Ancienne Alliance ; elle a pour chef unique Jésus-Christ et se perpétue jusqu'au temps actuel, comme un petit troupeau souvent méprisé, parfois persécuté. Les Princes, auxquels « Dieu a mis le glaive en la main pour maintenir et défendre le règne de son Fils », doivent certes travailler à l'avancement de l'Evangile dans leurs états. Mais quand bien même toutes les puissances du monde se ligueraient contre elle, l'Eglise serait préservée et soutenue par la seule main de Dieu. Les Actes des Apôtres en témoignent abondamment, comme Calvin le montre dans son ARGUMENT ou résumé, placé en tête du commentaire.

Calvin homme d'Eglise... sans doute, l'intérêt documentaire des pages que nous publions suffirait à justifier notre entreprise. Mais nous avons, en les mettant au jour, une ambition plus haute : nous croyons que Calvin, homme d'Eglise, a encore quelque chose à dire aux chrétiens d'aujourd'hui et nous souhaitons qu'en « regardant au rocher dont elles ont été taillées, à la carrière d'où elles ont été tirées » (Esaïe 51.1) les Eglises réformées recueillent les enseignements qui leur permettront d'être, dans le temps présent, plus fidèles à leur Dieu !

Genève, Pentecôte 1936.

LA COMMISSION

Avertissement

Dans l'établissement du TEXTE des morceaux, puisé aux meilleures sources, nous avons été guidés par le seul souci d'en faciliter la lecture. C'est pourquoi l'ORTHOGRAPHE a été modernisée ; et pour la PONCTUATION nous nous sommes senti le droit de mêler les principes du XVIe siècle, commandés par la rhétorique, avec ceux de notre siècle, dictés par la logique ; enfin les MOTS DIFFICILES ont été traduits au fur et à mesure dans des parenthèses.

Cependant les expressions suivantes, qui reviennent sans cesse, n'ont pas été traduites, et nous prions le lecteur d'en prendre note :

AUCUN signifie quelque, un certain ; au pluriel, AUCUNS quelques, quelques-uns.

AUCUNEMENT signifie quelque peu, en quelque façon ; avec ne : en aucune façon, nullement.

COMBIEN QUE signifie quoique, bien que.

DEVANT signifie avant ; DEVANT QUE : avant que.

DU TOUT signifie complètement, entièrement ; c'est le contraire de notre « pas du tout ».

MESTIER signifie besoin ; IL EST MÉTIER : il est nécessaire, il faut ; VOUS AVEZ MÉTIER DE : vous avez besoin de, il vous faut ; IL N'EST JE MÉTIER : point n'est besoin (JE est en réalité une particule affirmative, mais qui renforce la négation, comme notre « certes » dans « certes pas »).

POURTANT signifie partant, par conséquent, donc, pour cette raison, pour autant.

QUANT ET QUANT signifie en même temps.

SEMBLER AVIS signifie sembler ; IL NOUS SEMBLE.

AVIS QUE : nous estimons que.

SI peut signifier néanmoins SI NE FAUT-IL PAS il ne faut pas cependant SI EST-CE QUE n'en reste pas moins que.

TANT Y A QUE signifie quoi qu'il en soit.

TOUTES FOIS ET QUINTES QUE signifie toutes les fois que.

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