Précis de prédication chrétienne

13. LA VOIX

1) Une bonne articulation est le premier devoir à remplir à cet égard. Hélas ! Elle laisse souvent bien à désirer. Le micro supplée à la force du son, mais pas à sa clarté. Une dame un peu dure d'oreille fréquentait un très grand temple caractérisé par une mauvaise acoustique. Elle m'a dit qu'elle allait au culte quand c'était le pasteur X qui prêchait, parce qu'il était le seul qu'elle arrivait à comprendre. Or cet homme était loin d'avoir une voix puissante et sonore. Son timbre était plutôt grêle. Mais il articulait bien, au point que c'était fatigant d’observer les contractions de sa bouche. Cet exemple est à méditer.

À la limite, avec une bonne articulation, on peut se faire entendre dans une salle de dimensions moyennes, même quand on est affligé d'une extinction de voix. Il faut s'exercer et se faire corriger jusqu’à  ce qu'on atteigne un bon niveau de prononciation. Le grand orateur grec Démosthène avait par nature des difficultés dans ce domaine. Pour surmonter ce handicap, il allait au bord de la mer, mettait cinq petits cailloux dans sa bouche et soutenait une conversation avec un ami placé à distance. Après cela il était en mesure de dominer la houle d'une assemblée populaire.

Il faut apprendre à manier l’instrument vocal dont le Créateur nous a pourvus. Parfois nous n'avons plus, en fin de phrase, le souffle nécessaire, et nous baissons le ton d'une manière désagréable. Le son produit par les cordes vocales ne doit pas rester prisonnier du gosier, mais utiliser les résonances naturelles. Une mauvaise technique produit une voix mal placée qui ne porte pas suffisamment.

Il est nécessaire aussi de bien poser sa voix, c’est-à-dire de respecter son registre, basse, baryton, ténor pour les hommes ; alto, mezzo et soprano pour les femmes. Ceux qui parlent en public doivent utiliser de préférence les notes du milieu de leur registre (médium), les sons graves ou aigus restant exceptionnels.

Les chanteurs et les acteurs apprennent à poser et placer leur voix. Des cours de chant et de diction avec cette même visée devraient figurer dans le programme de toute école de théologie.

2) Le volume de la voix doit être proportionné à la dimension de la pièce où l'on parle. La plupart des orateurs sont en danger de pécher par défaut plutôt que par excès dans ce domaine. Il arrive cependant qu'on soit péniblement assourdi par un discours tonitruant prononcé dans une modeste chapelle. Il convient de régler le volume de la voix de telle sorte qu'on puisse le diminuer un peu tout en étant compris, et l'augmenter à l'occasion sans avoir à crier.

Jésus se faisait comprendre en plein air par des milliers de personnes. Il prenait d'ailleurs ses précautions. Il lui arrivait de s'installer dans une barque et de s'adresser à des foules qui s'étageaient sur le rivage comme sur des gradins, (Matthieu 13.1-2). L’histoire nous parle de certains prédicateurs exceptionnellement doués au point de vue vocal : Wesley et son ami Whitefield haranguaient des rassemblements de 10 000, voire de 20 000 personnes. Ce dernier avait un organe si puissant qu'on pouvait percevoir ses éclats de voix à un kilomètre de distance. Spurgeon devait un jour prendre la parole dans un immense édifice de 20 000 places, sans haut-parleur. Pour tester sa voix, il s’était récité très fort, puis plus doucement un texte biblique, comme un écho. Un ouvrier qui travaillait quelque part dans les combles de l'édifice fut si impressionné d'entendre ce double message dont il ignorait la provenance qu'il se convertit à l'heure même.

Peut-être que quelques-uns de ceux qui lisent ce manuel auront le privilège de parler, par exemple, sur le champ missionnaire, à des foules considérables. Moyennant un bon usage de la voix, c'est possible encore au XXe siècle et peut-être au XXIe Au besoin, on peut demander à un ami de prendre place au dernier rang et de faire un signe de la main s'il convient de renforcer la voix. Encore ne faut-il pas négliger de regarder de son côté !

Dans le monde occidental, l'usage du micro s'est généralisé au point qu'on ne s'en prive pas même dans des édifices où il ne serait pas indispensable. Il s’agit de bien s'en servir. Parfois on l'attache autour du cou, ce qui ne pose le moins de problèmes, à la condition de ne pas s’embarrasser dans le fil qui va rejoindre la prise. D'autres fois, le ou les micros sont fixes. Attention de se mettre à la bonne distance de l’appareil ! En s'avançant pour murmurer un conseil affectueux, on a quelquefois la désagréable surprise d'une résonance excessive parce qu’on s'est trop rapproché du micro. Des prédicateurs qui se promènent à droite et à gauche sur une estrade deviennent par intermittence tout à fait inaudibles. L’instrument le plus scabreux est le micro tenu à la main. Ce sont surtout les chanteurs qui ont cette habitude, mais parfois des orateurs y ont recours. Souvent on tient le micro trop près de la bouche, ce qui provoque un brouhaha déplaisant et incompréhensible.

3) La voix humaine est un organe merveilleux, susceptible de variations presque illimitées. L’intensité peut être forte, moyenne ou faible, la tonalité aiguë, moyenne ou grave, le débit rapide, moyen ou lent. En combinant ces diverses possibilités, par groupes de trois, on aboutit à vingt-sept variations ! À cela, s’ajoutent les divers timbres que l’on peut adopter : joyeux, attristé, agressif, paisible, etc. Nous sommes donc inexcusables si nous sommes monotones. Nous ne le sommes certainement pas dans la conversation courante. Les enfants sont exubérants. Qu'on pense au bruit qu'ils font dans la cour d'une école pendant la récréation ! Ces mêmes enfants adoptent souvent un ton artificiel lorsqu'ils récitent un texte appris par cœur. Le prédicateur aussi risque de manifester dans le discours public une monotonie peu naturelle et endormante, un ton solennel ou un débit trop rapide. Rappelons-nous cette règle : l’homilétique, c’est l’art de la communication simple et directe.

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