Précis de prédication chrétienne

Suppléments : LE PRÉDICATEUR CHRÉTIEN

par Harold Kallemeyn

Je me propose de préciser quelle est la vocation du prédicateur chrétien en considérant trois responsabilités fondamentales qui lui incombent.

Le prédicateur est d'abord un héraut, représentant du Seigneur qui l'envoie. Ensuite un disciple de Jésus-Christ, et le pasteur de ceux qui l'écoutent. Enfin, un interprète de l'Écriture.

Le prédicateur : un héraut.

Le prédicateur est un héraut, c'est-à-dire un porte-parole chargé par son roi de transmettre un message comme les prophètes de l’Ancien Testament qui n'hésitaient pas à introduire leur discours par la formule caractéristique : « ainsi parle l'Éternel ... »

Pour évoquer le ministère des prophètes, l'Ancien Testament utilise parfois aussi parfois l'image d'une sentinelle chargée d'avertir le peuple du danger qu'il court (par exemple Ézéchiel 3.16-21; 33.1-20). Celle-ci est instructive et complète celle du héraut.

Ces deux images encouragent le prédicateur à satisfaire à trois exigences :

Premièrement, le prédicateur ne doit pas inventer son message. Il est un représentant du Dieu qui se révèle lui-même et qui fait connaître sa volonté dans l’Écriture qu'il a inspirée.

Ensuite, son message porte, avant tout, sur Dieu lui-même, ses œuvres et ses intentions à l'égard de sa création : le Dieu Créateur a agi dans l'histoire humaine pour racheter sa création et appelle l'homme à mettre toute sa confiance en lui.

Le prédicateur ne doit donc pas se contenter de transmettre des informations au sujet de Dieu. Il a la responsabilité de faire appel au cœur et à la volonté de ses auditeurs au nom de Celui qu'il représente, et de les avertir avec insistance, pour les amener à un engagement personnel. Avec l'apôtre Paul, le prédicateur exhorte ses auditeurs : « Soyez réconciliés avec Dieu ! » (2 Corinthiens 5.20).

Cet appel vigoureux place l'auditeur devant un choix décisif : « Va-t-il placer sa confiance en Dieu pour vivre, ou va-t-il douter de Sa Parole, refuser de l'accepter, et, finalement, mourir ? » (cf. 1 Corinthiens 1:21). L'enjeu du message transmis est donc immense : c'est une question de vie ou de mort.

C'est pourquoi, en troisième lieu, il se doit d'être clair dans ses paroles pour être bien compris. Comme le héraut à qui a été confié un message lourd de conséquences, ou la sentinelle qui doit produire un signal clair pour avertir du danger (cf. 1 Cor 14.8), il ne peut tenir des propos ambigus. Que son discours soit clair est d'autant plus indispensable que l'appel à la foi est souvent vite étouffé par bien d'autres voix, bien d'autres envies, bien d'autres appels auxquels ses auditeurs sont exposés.

Les images du héraut et de la sentinelle rappellent donc au prédicateur une triple exigence :

- être fidèle au message qui lui est confié.

- faire appel, au nom de Celui qui l'envoie, au cœur et à la volonté de ses auditeurs.

- être clair dans ses propos.

Le prédicateur : disciple et pasteur.

Le prédicateur est lui-même un disciple de Jésus-Christ pleinement convaincu du message qu'il délivre. Il a goûté aux bienfaits de l'Évangile et il sait que le sort de ses auditeurs en dépend. C’est pourquoi il prend la parole avec grande conviction.

Mais de plus, à partir de sa propre expérience, il sait à quel point le croyant peut douter de la grâce de Dieu. Il est conscient de ce que le fidèle peut hésiter à se confier jour après jour à Dieu et à se soumettre à Sa volonté. Connaissant le chemin de la réconciliation et de la sanctification, il sait que cette route est, comme pour Chrétien dans « le voyage du pèlerin », semée d'embûches. Une des difficultés importantes est le doute : le doute avec ses réticences et ses résistances qui se dressent comme un obstacle à la foi, à l'obéissance, et au service chrétien. Quand il prépare ses sermons, le prédicateur chrétien tient compte de ce « combat de la foi » que doivent mener les croyants auxquels il va s'adresser.

Notre comparaison du prédicateur chrétien avec un héraut d’autrefois a ses limites, car il ne peut pas se contenter, comme le héraut du Moyen-Âge, d'une proclamation ponctuelle. Il est appelé, le plus souvent, à s'arrêter dans le lieu de sa prédication pour y demeurer. Là, il apprend à connaître les habitants. Et il observe que la Bonne Nouvelle engendre chez eux la même réaction que celle qu'il éprouve lui-même, si souvent, à l'écoute de l'Évangile, à savoir le combat de la foi.

Ce combat spirituel, né du doute et des résistances dans le cœur humain, ne surprend donc pas le prédicateur. Il s'y attend même. Plus encore, il prépare son sermon en tenant compte de ces résistances : par exemple, il anticipe leurs objections et les réfute pendant la prédication.

Il se donne pour objectif que son auditoire soit gagné de tout cœur au message annoncé. Pour ce faire, il accorde à ses auditeurs le temps nécessaire, d'une part, pour assimiler les concepts qu'il énonce et, de l'autre, pour discerner quels en sont les enjeux pour l'accomplissement de leur vocation chrétienne.

Il fait attention à ne pas surcharger son sermon d'informations : il sait que, le plus souvent, l'esprit humain ne saisit pas tout de suite les implications du message. Et, plus encore, que le cœur se laisse gagner à la confiance en Dieu au travers de périodes d'hésitations et même de résistances prolongées. C'est pourquoi, à l'exemple de Jésus-Christ, il « ... ne brisera pas le roseau froissé, et il n'éteindra pas le lumignon qui fume... jusqu'à ce qu'il ait donné la victoire... » (Ésaïe 42.3 et Matthieu 12.30)

Le prédicateur chrétien tiendra compte du nécessaire combat de la foi de ses auditeurs en leur accordant le temps nécessaire pour comprendre son message et en apprécier toute la valeur. C'est comme s'il leur offrait le cadeau d'un moment privilégié pendant lequel ils pourront discerner l'appel de Dieu et renouveler leur engagement de foi.

Il gagne leur confiance au fur et à mesure que ceux-ci discernent qu'il les comprend et compatit à leurs difficultés et à leurs peines, ou s'associe à leurs joies et à leurs espoirs. Leur cœur est ainsi préparé favorablement à recevoir le message biblique.

Par contre, il détruit cette complicité quand il donne l'impression qu'une simple compréhension des concepts enseignés devrait suffire pour assurer leur mise en pratique. Or, celui qui reçoit le message, aux prises avec ses combats de la foi, sait que cela n'est pas vrai ! Quand le prédicateur donne cette impression, il provoque une sorte de « décrochage » dans l'esprit de celui auquel il s'adresse. Ce dernier se contente alors d'emmagasiner les informations qui lui sont fournies, tout en s'imaginant que ce qui est dit ne concerne pas ses préoccupations profondes.

Le prédicateur « héraut et sentinelle » sait qu'il doit transmettre avec fidélité vigueur et clarté le message qui lui est confié par son Seigneur. Le prédicateur, disciple convaincu et pasteur, reconnaît que le combat de la foi n'est jamais définitivement gagné ici-bas.

Le prédicateur : interprète

S'il est vrai que le prédicateur n'invente pas le message apporté, il est cependant appelé à composer, dimanche après dimanche, son propre sermon. Il ne peut se contenter de simplement lire le texte biblique ou de répéter le même discours, semaine après semaine.

Il a le privilège et la responsabilité de « créer » son sermon. Ceci exige de sa part des compétences d'interprète pour bien faire comprendre le message du texte biblique et pour en montrer clairement la pertinence.

Sa responsabilité est grande : celle de bien interpréter l’Écriture pour que, par son sermon, les auditeurs entendent un message venant de Dieu ! L’importance de la tâche homilétique est telle que les Églises chrétiennes devraient veiller avec le plus grand soin au choix et à la formation de leurs prédicateurs. Elles ne devraient pas prendre le risque de devoir se contenter de sermons délivrés par des personnes n'ayant pas la réelle capacité d'annoncer « tout le conseil de Dieu » et de distinguer les faux appels du seul véritable.

Il me paraît particulièrement important de nos jours que celui qui prêche ait une idée claire du rapport qui existe entre la loi et l’Évangile : l'appel à la confiance en Dieu peut être si facilement confondu avec une invitation à une indulgence coupable envers soi-même, et l'appel à l'obéissance se transformer en un encouragement au légalisme, ou être perçu comme tel.

Le pasteur prend au sérieux sa vocation d'interprète s'il consacre du temps à l'étude assidue de la Bible. Il exerce aussi cette vocation lors de ses entretiens pastoraux. Comme dans la prédication, il y fait voir le rapport qui existe entre le message biblique et la vie de foi. Ces entretiens lui permettent de mieux connaître ceux à qui sa prédication du dimanche est destinée et ainsi à leur parler avec davantage de pertinence.

Si le prédicateur néglige l'une de ces trois responsabilités fondamentales, tout le peuple de Dieu en souffre. Il arrive qu'un prédicateur mette l'accent presque exclusivement sur une seule de ces responsabilités au point d'en négliger les autres.

Il existe, par exemple, des prédicateurs qui sont surtout des sentinelles : ils exhortent sans cesse à une consécration et à une fidélité plus conséquentes. En les écoutant, l'auditeur peut avoir l'impression que s'il ne devient pas immédiatement un champion de la foi, il risque de passer sa vie sur la touche, ou, tout du moins, d'être relégué en division B du Royaume de Dieu.

Il existe aussi des prédicateurs qui sont surtout des pasteurs : ils compatissent à tel point aux faiblesses de leurs auditeurs que leurs sermons n'incluent guère d'appel franc à la vie de foi, d'obéissance et de service.

D'autres encore ne prennent pas soin de comprendre le sens du texte biblique dans son contexte, et se contentent des idées qui leur passent par la tête, lesquelles sont parfois édifiantes, mais qu'une étude attentive révélera absentes du texte. Cela n'encourage guère 'auditeur à prendre au sérieux le message biblique enseigné par les textes eux-mêmes.

Il existe, enfin, des prédicateurs qui sont surtout des interprètes : ils expliquent les complexités du texte biblique avec un tel brio que l'auditoire a l'impression d'assister à une conférence destinée à des spécialistes. On aurait presque envie d'applaudir à la fin du sermon et de féliciter le prédicateur pour son discours impressionnant. Mais, ce n'est pas parce que le fidèle est frappé par ces qualités oratoires que sa foi aura été nourrie.

Nous terminerons par une dernière remarque : la prédication a tout avantage à être intéressante. Pour entrer dans le combat de la foi, l'esprit doit nécessairement s'intéresser au propos du prédicateur. Mais cette qualité nécessaire à la bonne prédication n'est pas pour autant suffisante pour faire une bonne prédication. Car tout sujet intéressant, même religieux, n'édifie pas nécessairement la foi.

Qu'est le prédicateur chrétien ? Quelqu'un qui assume cette triple vocation :

– celle de héraut, appelé, comme les prophètes d'autrefois, à proclamer avec fidélité un message pour lequel il est le porte-Parole du Seigneur,

– celle de pasteur et disciple, qui reconnaît ses propres combats de la foi ainsi que ceux du peuple de Dieu, et

– celle d’interprète-chercheur qui se consacre sans relâche à l'étude de l'Écriture pour discerner, avec l'aide de l'Esprit, son intelligibilité et son étonnante actualité.

Que Dieu aide chaque prédicateur à assumer de façon équilibrée sa vocation particulière afin que les fidèles qui lui sont confiés avancent sur le chemin de la foi et découvrent de plus en plus le Seigneur dont il est le messager.

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