Dialogue avec Tryphon

LXXXV

1 Parlerai-je de cette autre prophétie :

« Ouvrez donc vos portes, ô princes ! élevez-vous, portes éternelles ; donnez entrée au roi de gloire. »

C’est encore une de ces prophéties que vous osez, par vos perfides interprétations, détourner de leur véritable sens. Les uns l’appliquent à Ezéchias, les autres à Salomon ; mais elle ne s’entend ni de l’un, ni de l’autre, ni d’aucun de nos rois ; il est facile de montrer qu’elle ne peut regarder que notre Christ. Il a paru sans éclat et sans beauté, comme le disent Isaïe, David et toutes les Écritures. Il est le Seigneur des vertus, grâce à la volonté de Dieu le père, qui l’a revêtu de cette prérogative ; il est ressuscité d’entre les morts et remonté aux cieux, ainsi que l’avaient annoncé le livre des Psaumes et les autres Écritures qui le proclamaient le Dieu des vertus.

Voulez-vous vous convaincre que ce titre lui appartient ? Vous en avez un moyen facile : voyez ce qui se passe sous vos yeux. 2 N’est-ce point par le nom de ce fils du Très-Haut, de ce premier-né de la création, qui naquit d’une vierge, qui fut homme de douleur, que votre peuple a crucifié et fait mourir sous Ponce-Pilate, qui est ressuscité et remonté aux cieux, n’est-ce pas, dis-je, par la vertu de son nom, que le démon, interpellé dans nos exorcismes, s’enfuit et par sa fuite atteste sa défaite ? 3 Interpellez le malin esprit par quelqu’autre nom que vous voudrez, soit de vos rois, soit de vos justes, soit des prophètes ou des patriarches, et vous verrez s’il s’avoue vaincu.

Toutefois, en invoquant le nom de votre Dieu, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob, peut-être parviendrez-vous à le soumettre. Pour vos exorcistes, quels moyens emploient-ils ? Des moyens tout humains, ainsi que je vous l’ai dit, c’est-à-dire des charmes, des amulettes, à la manière des gentils. 4 Mais revenons à la prophétie de David ; c’est aux anges, aux vertus des cieux, que s’adresse l’Esprit saint qui parle dans cette prophétie : il leur ordonne d’ouvrir les portes éternelles, afin de laisser entrer le Seigneur même des vertus, Jésus-Christ, ressuscité d’entre les morts par la volonté de son Père. N’est-ce pas ce que démontrent aussi clairement que tout le reste les paroles mêmes du prophète ? Je les citerai de nouveau en faveur de ceux qui n’étaient point à notre conférence d’hier ; 5 c’est pour eux que je reprends sommairement beaucoup de choses qui ont été dites dans cet entretien. Et si je les rappelle après n’y être longtemps arrêté, je ne crois rien faire en cela de déraisonnable. Trouve-t-on ridicule que le soleil, la lune, les autres astres, parcourent toujours la même route et ramènent toujours les mêmes saisons ; qu’un arithméticien, à qui l’on demande combien font deux et deux, réponde Quatre, bien qu’il ait déjà fait plusieurs fois cette réponse ; que l’on continue d’assurer toujours dans les mêmes termes qu’une chose est vraie et certaine, quand on a pu l’assurer une fois avec certitude ? Non, sans doute ; ce qu’on pourrait trouver ridicule, c’est qu’un homme qui ne raisonne que d’après les livres saints les abandonnât un seul moment, ne revint pas sans cesse aux mêmes passages, quand les mêmes objections reviennent sans cesse, et qu’il pût se flatter de tirer de son propre fond quelque chose de meilleur que le divines Écritures. 6 Mais voici les paroles par lesquelles le Seigneur, ainsi que je l’ai dit, nous annonce que dans le ciel résident avec lui des anges et des vertus : « Vous qui habitez les cieux, chantez le Seigneur ; chantez-le, vous qui résidez dans les hauteurs du firmament. Louez-le, vous qui êtes ses anges ; louez-le, vous tous qui êtes ses armées et ses puissances. »

Alors un Juif nommé Mnaseas, du nombre des auditeur qui nous étaient arrivés le lendemain, s’éleva pour me remercier d’avoir bien voulu reprendre en faveur des nouveau : venus ce que j’avais dit la veille.

7 – Les divines Écritures m’en font un devoir, lui répondis-je. Jésus-Christ nous prescrit d’aimer même nos ennemis Isaïe nous l’avait recommandé dans le long discours où il annonce le grand mystère de notre régénération, dont le effets s’étendent à tous ceux qui vivent dans l’espoir que le Christ reparaîtra au milieu de Jérusalem, et qui cherchent à lui plaire par leurs œuvres. 8 Voici dans quels termes parle le prophète : « Écoutez la parole du Seigneur, vous qui tremblez à si voix. Vos frères vous haïssent ; ils vous rejettent à cause de mon nom, disant : Que la gloire du Seigneur se montre nous la verrons à votre joie ! Mais ils seront confondus Voix de tumulte dans la ville, voix du temple, voix du Seigneur qui tire vengeance de ses ennemis. Une mère a enfanté avant d’être en travail, elle a mis au monde un fils avant le temps de la douleur. Qui jamais a ouï rien de tel ! 9 Qui jamais a rien vu de semblable ? La terre produit-elle en un jour ? Une nation se forme-t-elle tout d’un coup ? Cependant Sion a conçu et a mis au monde ses enfants. Moi qui fais enfanter les autres, ne pourrais-je pas enfanter moi-même, dit le Seigneur ? Moi qui donne une postérité aux autres, je serais stérile ! Réjouissez-vous avec Jérusalem, tressaillez d’allégresse avec elle, vous tous qui pleurez sur eux ; vous serez remplis de ces consolations, vous serez inondés du torrent de ses délices, vous jouirez de l’éclat de sa gloire. »

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant