Appelé à la liberté

5.16-25 : LA NATURE PÉCHERESSE ET L'ESPRIT

16 Je vous dis donc ceci : laissez le Saint-Esprit diriger votre vie, et vous n'obéirez pas aux désirs de la nature pécheresse. 17 Car les désirs de cette propre nature sont opposés à ceux de l'Esprit ; et l'Esprit a des désirs qui s'opposent à ceux de la nature pécheresse. Les deux s'opposent l'un à l'autre, c'est pourquoi il vous est impossible de faire le bien que vous voudriez. 18 Mais si vous êtes conduits par l'Esprit, vous n'êtes plus sous le régime de la Loi.

19 Tout le monde voit bien ce que produit la nature pécheresse : c'est l'immoralité, les pratiques dégradantes et la débauche, 20 l'adoration des idoles et la magie, les haines, les querelles, la jalousie, les accès de colère, les rivalités, les dissensions, les divisions, 21 l'envie, l'ivrognerie, les orgies et autres choses de ce genre. Je ne puis que répéter ce que j'ai déjà déclaré à ce sujet : ceux qui commettent de telles actions n'auront aucune part à l'héritage du Royaume de Dieu.

22 Mais le fruit de l'Esprit c'est l'amour, la joie, la paix, la patience, l'amabilité, la bonté, la fidélité, 23 la douceur, la maîtrise de soi. La Loi ne condamne certes pas de telles choses. 24 Or, ceux qui appartiennent à Jésus-Christ ont crucifié la nature pécheresse avec ses passions et ses désirs. 25 Puisque l'Esprit est la source de notre vie, laissons-le aussi diriger notre conduite.

La vie dans le Christ ou la liberté constitue le thème principal de la deuxième moitié de l'épître aux Galates. Nous étions dans l'esclavage sous la malédiction et la condamnation de la Loi, mais le Christ nous en a libérés. Nous étions esclaves du péché, mais maintenant nous sommes enfants de Dieu.

Cependant, chaque fois que Paul parle de liberté, il avertit qu'elle peut facilement se perdre. Après avoir été libérés, certains retombent dans l'esclavage (5.1), d'autres transforment leur liberté en licence (5.13). C'est là le thème de Paul dans les deux derniers paragraphes que nous avons considérés. En particulier, aux versets 13 à 15, il a insisté sur le fait que la vraie liberté chrétienne se traduit par la maîtrise de soi, le service accompli dans l'amour envers notre prochain et l'obéissance à la Loi de Dieu. Une question se pose maintenant : Comment ces choses sont-elles possibles en pratique ? Voici la réponse : seul le Saint-Esprit peut nous garder réellement libres.

Cette section, dans laquelle Paul développe ce thème, est tout simplement remplie du Saint-Esprit. L'Esprit est mentionné à sept reprises. Il est présenté comme Celui qui nous sanctifie et qui seul peut s'opposer à notre nature pécheresse et la tenir en bride (vv. 16, 17), nous rendre capables d'accomplir la Loi afin que nous soyons délivrés de sa domination sévère (v. 18), et enfin faire croître les fruits de la justice dans nos vies (vv. 22, 23). Ainsi la jouissance de la liberté chrétienne dépend du Saint-Esprit. Certes, c'est le Christ qui nous libère, mais sans l'oeuvre constante du Saint-Esprit pour nous sanctifier et nous diriger, notre liberté risque fort de dégénérer en licence.

Le sujet de ce paragraphe peut se diviser en deux parties intitulées : « La réalité du combat » et « le chemin de la victoire ».

I. LA RÉALITÉ DU COMBAT (vv. 16-23)

Les protagonistes du combat se nomment « la nature pécheresse » et « l'Esprit ». Dans les vv. 16 et 17, Paul écrit : Je vous dis donc ceci : laissez le Saint-Esprit diriger votre vie, et vous n'obéirez pas aux désirs de la nature pécheresse. Car les désirs de cette propre nature sont opposés à ceux de l'Esprit ; et l'Esprit a des désirs qui s'opposent à ceux de la nature pécheresse. Les deux s'opposent l'un à l'autre...

Par « nature pécheresse », Paul veut dire la nature déchue héritée de nos parents, en d'autres termes, « nos instincts naturels » (Parole Vivante). Par « l'Esprit » il semble indiquer le Saint-Esprit lui-même qui nous renouvelle et nous régénère, d'abord en nous donnant une nouvelle nature, puis en demeurant en nous. Plus simplement, nous pouvons dire que « la nature pécheresse » représente ce que nous sommes en vertu de notre naissance naturelle et « l'Esprit » ce que nous devenons en vertu de notre nouvelle naissance, lorsque nous naissons de l'Esprit. Or, ces deux éléments (la nature pécheresse et l'Esprit) s'opposent fortement l'un à l'autre.

Certains affirment que le chrétien ne connaît aucun conflit intérieur, aucune guerre civile en lui-même, car, disent-ils, son ancienne nature pécheresse est morte. Ce passage contredit semblable optique. Les chrétiens, selon l'expression pittoresque de Luther, ne sont nullement « en bois », c'est-à-dire, il est faux de prétendre qu'ils « ne réagissent jamais à rien, ne ressentent jamais aucun désir provenant de leur nature pécheresse »65.

65 Luther, p. 508.

Certes, à mesure que nous marchons selon l'Esprit, nous apprenons de plus en plus à maîtriser la nature pécheresse. Néanmoins celle-ci demeure en nous en même temps que l'Esprit, et le combat entre eux est féroce et sans relâche. En outre, l'on peut affirmer qu'il s'agit d'un combat spécifiquement chrétien. Nous ne nions certes pas qu'il puisse exister un conflit moral chez des non-chrétiens, mais nous affirmons que le combat est plus féroce chez les chrétiens car ils possèdent deux natures – la nature pécheresse et l'Esprit – qui ne s'accorderont jamais.

Considérons à présent les comportements de ces deux natures.

a. Les oeuvres de la nature pécheresse (vv. 19-21)

Tout le monde voit bien, déclare Paul, ce que produit la nature pécheresse. Ses manifestations sont évidentes pour tous. Notre ancienne nature pécheresse elle-même est certes secrète et invisible, mais ses oeuvres (les paroles et les actes par lesquels elle se manifeste) sont visibles et évidentes. Que sont-elles ?

Avant de considérer la liste des oeuvres de la nature pécheresse, l'on doit ajouter un mot concernant l'expression « la convoitise de la chair » (v. 16, Darby). Il est regrettable qu'en français cette expression ait acquis une connotation absente du grec. De nos jours le mot, « convoitise » signifie parfois « le désir sexuel non réprimé » et « la chair » signifie « le corps ». par conséquent, « la convoitise de la chair » et « les péchés de la chair » sont (dans le langage courant) ceux en rapport avec nos appétits physiques. Or, dans l'esprit de Paul, cette expression comporte un sens beaucoup plus large. Pour lui « la convoitise de la chair » (« les désirs de la nature pécheresse », Semeur) englobe tous les désirs répréhensibles de notre nature déchue. Ce fait est indiscutable à la lumière de la liste épouvantable que Paul dresse de ces oeuvres.

Cette liste n'est certes pas exhaustive, car Paul la termine avec les mots : « et autres choses de ce genre » (v. 21). Toutefois les oeuvres incluses dans cette liste semblent appartenir à au moins quatre domaines : la sexualité, la religion, la vie en société et la boisson.

Premièrement, le domaine de la sexualité : l'impureté, les pratiques dégradantes et la débauche (v. 19).

Le mot pour « l'impureté » est traduit par « la fornication » (Darby), « l'impudicité » (Segond »), « l'inconduite » (Colombe). Au sens strict, il signifie les rapports sexuels de deux personnes non mariées, mais il peut se rapporter à tout comportement sexuel illicite. « Les pratiques dégradantes » pourraient peut-être se traduire par « vices contre nature »66 et « la débauche » par « l'indécence » (Parole Vivante), faisant allusion au « mépris flagrant de toute bienséance ».67 Ces trois mots suffisent pour montrer que tout péché sexuel, privé ou public, entre personnes mariées ou célibataires, « naturel » ou « contre nature », est à classer parmi les oeuvres de « la chair ».

66 Cole, p. 161.

67 Lightfoot, p. 210.

Deuxièmement, le domaine de la religion : l'adoration des idoles et la magie (v. 20). Il est important de voir que l'adoration des idoles est autant une oeuvre de « la chair » que l'immoralité sexuelle, et qu'ainsi les oeuvres de la chair incluent les offenses contre Dieu aussi bien que contre notre prochain et contre nous-même. Si « l'adoration des idoles » est le culte effronté rendu à d'autres dieux, « la magie » est « le commerce secret avec des puissances maléfiques ».68

68 Lightfoot, p. 211.

Troisièmement, le domaine de la vie en société. Paul donne maintenant huit exemples de la désintégration des relations personnelles : « haines, discorde, jalousie, emportements (le mauvais caractère, les accès de colère), rivalités (inspirées par des ambitions égoïstes)69, dissensions, factions (scissions), envie » (vv. 20, 21, TOB).

69 Cole, pp. 161, 163.

Quatrièmement, le domaine de la boisson (v. 21) : l'ivrognerie, les orgies (les beuveries, les ripailles).

A cette liste des oeuvres de « la chair » dans les domaines de la sexualité, de la religion, de la vie en société, et de la boisson, Paul ajoute maintenant un avertissement solennel : Je ne puis que répéter, écrit-il, ce que j'ai déjà déclaré à ce sujet : (quand il se trouvait chez eux en Galatie) ceux qui commettent de telles actions (le verbe prassontes signifie une pratique habituelle plutôt qu'une chute accidentelle) n'auront aucune part à l'héritage du Royaume de Dieu (v. 21). Puisque le royaume de Dieu est un royaume de piété, de justice et de maîtrise de soi, ceux qui donnent libre cours aux désirs de leur nature pécheresse en seront exclus. Car de telles oeuvres prouvent qu'ils ne sont pas unis au Christ ; et s'ils ne sont pas unis au Christ, alors ils ne sont nullement « la descendance d'Abraham et... les héritiers des biens que Dieu a promis à Abraham » (3.29). Pour d'autres allusions au fait de recevoir (ou pas) notre héritage dans le Christ, voir Galates 4.7, 30.

b. Le fruit de l'Esprit (vv. 22, 23)

Ce groupe de neuf grâces chrétiennes semble dépeindre l'attitude du chrétien vis-à-vis de Dieu, des autres et de lui-même.

D'abord, l'amour, la joie, la paix : voici un trio de vertus chrétiennes générales. Cependant elles paraissent avant tout concerner notre attitude envers Dieu, car le premier amour d'un chrétien est son amour pour Dieu, sa joie principale est sa joie en Dieu, et sa paix la plus profonde est sa paix avec Dieu.

Ensuite, la patience, l'amabilité, la bonté. Ce sont des vertus sociales, dirigées vers l'homme plutôt que vers Dieu. « La patience » se montre tolérante envers ceux qui se livrent à la provocation ou à la persécution. « L'amabilité » est le fait d'avoir bon caractère, tandis que « la bonté » apparaît dans les paroles et les actes.

Enfin, le troisième trio est la fidélité, la douceur et la maîtrise de soi. « La fidélité » constitue la qualité qui permet de compter sur quelqu'un. « La douceur » est l'humble soumission dont le Christ fit preuve (Mt. 11.29; 2 Co. 10.1). Ce sont deux aspects de la « maîtrise de soi » qui concluent la liste.

Ainsi nous pouvons dire que « l'amour, la joie, la paix » sont dirigées principalement vers Dieu, « la patience, l'amabilité, la bonté », vers l'homme, et « la fidélité, la douceur et la maîtrise de soi » vers soi-même. En outre, toutes ces vertus sont « le fruit de l'Esprit », produit naturellement dans la vie du chrétien conduit par l'Esprit. Rien d'étonnant à ce que Paul ajoute La Loi ne condamne certes pas de telles choses (v. 23). Car le rôle de la Loi consiste à réprimer et à dissuader, tandis que, de toute évidence, ces vertus n'en ont pas besoin.

Après avoir examiné « les désirs de la nature pécheresse » et « le fruit de l'Esprit » séparément, l'opposition irréductible entre « la nature pécheresse » et « l'Esprit » devrait apparaître plus clairement qu'auparavant. En effet, ils tirent dans des directions opposées. Aussi existe-t-il entre les deux « un combat mortel permanent »70. Le résultat de ce conflit est le suivant : « c'est pourquoi il vous est impossible de faire le bien que vous voudriez » (fin du v. 17). Le parallèle entre cette petite phrase et la seconde partie de Romains 7 est, à mon avis, trop exact pour être fortuit. Tout chrétien régénéré peut dire : « Dans mon être intérieur, je prends plaisir à la Loi de Dieu » (Rom. 7.22) ; c'est-à-dire : « Je l'aime et j’aspire à la mettre en pratique. Ma nouvelle nature aspire profondément à aimer Dieu et mon prochain. Je désire intensément être bon et faire le bien ». C'est le langage de tout croyant régénéré. Néanmoins il lui faut ajouter : « Cependant par moi-même, même avec ces désirs nouveaux, je ne peux faire ce que je veux. Pourquoi ? A cause du péché qui habite en moi ». Ou, comme l'apôtre Paul l'exprime ici dans Galates 5 : « A cause des passions de ma nature pécheresse qui s'opposent au désirs de l'Esprit ».

70 Lightfoot, p. 209.

Voici le combat chrétien – intense et interminable. En outre, c'est un combat dans lequel par lui-même le chrétien ne peut être victorieux. Il est obligé de reconnaître : « Vouloir le bien est à ma portée, mais non l'accomplir » (Rom. 7.18) ou, « il vous est impossible de faire le bien que vous voudriez » (Gal. 5.17).

« Est-ce tout ? » demande sans doute un lecteur perplexe. « Cette confession tragique, “vouloir le bien est à ma portée, mais non l'accomplir”, représente-t-elle le dernier mot au sujet du combat moral intérieur du chrétien ? Est-ce tout ce que le christianisme a à offrir – une expérience d'échec perpétuel ? » Certes non. Si nous étions laissés à nous-mêmes, nous ne pourrions faire ce que nous voudrions, nous céderions aux désirs de notre ancienne nature. En revanche, si nous laissons le Saint-Esprit diriger notre vie (v. 16), alors nous ne succomberons pas à ses passions. Nous les expérimenterons toujours, mais nous n'y donnerons pas libre cours. Au contraire, nous produirons le fruit de l'Esprit.

2. LE CHEMIN DE LA VICTOIRE (vv. 24, 25)

Que devons-nous faire afin de contrôler les désirs de la nature pécheresse et de produire le fruit de l'Esprit ? Voici en bref la réponse : nous devons nous comporter envers l'une et l'autre de la façon appropriée pour un chrétien. Selon les propres paroles de l'apôtre, nous devons « crucifier » notre nature pécheresse et « laisser l'Esprit diriger » notre vie.

a. Nous devons crucifier notre nature pécheresse

Cette expression apparaît au v. 24 : Or, ceux qui appartiennent à Jésus-Christ ont crucifié la nature pécheresse avec ses passions et ses désirs. Ce verset est souvent mal compris. Remarquons-le, la « crucifixion » de la nature pécheresse décrite ici n'est pas quelque chose que nous subissons mais que nous accomplissons. C'est nous-mêmes qui avons « crucifié la nature pécheresse ».

Peut-être pourrais-je mieux réfuter ce malentendu courant en affirmant que Gal. 5.24 n'enseigne nullement la même vérité que Gal. 2.20 ou que Rom. 6.6. Dans ces versets, il est écrit que, grâce à notre union avec le Christ par la foi, « nous avons été crucifiés avec lui ». Mais ici c'est nous qui agissons : nous « avons crucifié la nature pécheresse ». Il ne s'agit pas ici de « la mort » que nous avons expérimentée en vertu de notre union avec le Christ, mais plutôt d'une « mise à mort » délibérée.

Qu'est-ce-que cela signifie ? Bien sûr, Paul emprunte l'image de la crucifixion à la déclaration du Christ selon lequel : « Si quelqu'un veut me suivre, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix et qu'il me suive » (Mc. 8.34). « Prendre sa croix » était une image pittoresque de notre Seigneur pour exprimer le renoncement à soi-même. Tout disciple du Christ doit se conduire comme un criminel condamné et porter sa croix jusqu'au lieu d'exécution. Maintenant, Paul tire la conclusion logique de cette métaphore : nous devons non seulement porter notre croix et marcher avec, mais aussi veiller à ce que l'exécution ait bien lieu. Nous devons activement prendre notre nature pécheresse (notre moi obstiné et égaré) et en quelque sorte la clouer à la croix. Voici la façon imagée dont Paul décrit la repentance, c'est-à-dire le fait de nous détourner de notre ancienne vie d'égoïsme et de péché, en la rejetant totalement et définitivement.

Le fait que notre nature pécheresse est destinée à être « crucifiée » est très significatif. Certes, il est toujours dangereux de raisonner à partir d'une analogie. Néanmoins je suggère que les points suivants, loin d'être fantaisistes, sont inséparables de l'idée même de la crucifixion.

Premièrement, le rejet par le chrétien de son ancienne nature doit être impitoyable. Dans le monde gréco-romain la crucifixion n'était pas une forme d'exécution agréable. Elle n'était pas infligée à des gens raffinés ou aimables, mais réservée aux pires criminels. (C'est pourquoi être crucifié était si ignominieux pour Jésus.) Par conséquent, si nous devons « crucifier » notre nature pécheresse, il est clair que celle-ci n'est pas quelque chose de respectable, digne d'être traitée avec courtoisie et respect, mais au contraire quelque chose de si dépravé qu'elle ne mérite aucun autre sort sinon la mort par crucifixion.

Deuxièmement, notre rejet de l'ancienne nature sera douloureux. La crucifixion était une forme d'exécution « infligeant une douleur intense » (Grimm-Thayer). Lequel d'entre nous ignore la douleur aiguë du conflit intérieur qui surgit lorsque nous choisissons de nous associer aux « souffrances du peuple de Dieu plutôt que de jouir... d'une vie dans le péché » (Héb. 11.25) ?

Troisièmement, le rejet de notre ancienne nature doit être net. La mort par crucifixion était certes une mort lente, mais elle était certaine. Le criminel cloué à une croix ne survivait jamais. John Brown souligne la signification de ce fait : « La crucifixion... entraînait la mort non de façon subite mais de manière graduelle... Le vrai chrétien... ne parvient pas à détruire totalement la nature pécheresse ici-bas ; mais il l'a clouée sur la croix, et il est décidé à l'y maintenir jusqu'à ce que mort s'ensuive ».71

71 Brown, p. 309.

Quand un criminel avait été cloué sur une croix, on l'y laissait mourir. Des soldats étaient postés sur le lieu d'exécution pour surveiller la victime. Leur rôle consistait à empêcher quiconque de le descendre de la croix, du moins avant sa mort. Or, « ceux qui appartiennent à Jésus-Christ », affirme Paul « ont crucifié la nature pécheresse avec ses passions et ses désirs ». Le verbe grec est au parfait, ce qui signifie qu'il s'agit d'un acte que nous avons accompli définitivement au moment de notre conversion. Quand nous sommes venus à Jésus-Christ, nous nous sommes repentis. En d'autres termes, nous « avons crucifié » tout ce que nous savions être répréhensible. Nous avons pris notre ancienne nature égocentrique, avec toutes ses passions et tous ses désirs, et l'avons clouée à la croix. De plus, notre repentance était aussi définitive qu'une crucifixion. Ainsi, Paul affirme : si nous avons crucifié la nature pécheresse, nous devons la laisser sur la croix jusqu'à sa mort. Il nous faut renouveler chaque jour cette attitude de rejet impitoyable et sans compromis envers le péché. Dans le langage de Jésus, comme Luc le rapporte, tout chrétien doit « se charger chaque jour de sa croix » (Luc 9.23).

Cet enseignement biblique est si généralement négligé qu'il a besoin d'être souligné. Le premier secret essentiel de la sainteté est le degré et la netteté de notre repentance. Si des péchés obsédants nous harcèlent sans cesse, voici la raison : soit nous ne nous sommes jamais vraiment repentis, soit nous n'avons jamais renouvelé notre repentir initial. C'est comme si, ayant cloué notre ancienne nature sur la croix, nous retournions sans cesse avec nostalgie au lieu de son exécution. Nous commençons alors à la choyer, à la caresser, à souhaiter qu'elle soit relâchée, et même à essayer de la descendre de la croix. Or, il nous faut apprendre à l'y maintenir. Quand une pensée impure, malveillante ou empreinte de jalousie envahit notre esprit, nous devons la chasser sur le champ. Il est fatal de commencer à l'examiner et à nous demander si nous allons lui céder ou pas. Nous lui avons déclaré la guerre ; par conséquent nous n'allons pas reprendre les négociations. Nous avons réglé la question une fois pour toutes ; nous n'allons donc pas rouvrir le débat. Nous avons crucifié notre nature pécheresse ; aussi ne retirerons-nous jamais les clous.

b. Nous devons laisser l'Esprit diriger notre vie

Nous en venons maintenant à l'attitude que nous devons adopter envers le Saint-Esprit. Elle nous est décrite de deux manières. D'abord, nous devons être conduits par le Saint-Esprit (v. 18). En second lieu, nous devons laisser l'Esprit diriger notre conduite (vv. 16 et 25). Dans le texte grec de ces deux expressions, « l'Esprit » vient en premier afin de souligner son importance, un simple datif est utilisé (il n'est accompagné d'aucune préposition comme « dans » ou « par »), et enfin le verbe (au présent) indique une action continue. En même temps il y a une distinction nette entre « être conduit par l'Esprit » et « laisser l'Esprit diriger (notre) vie » (littéralement, « marcher par l'Esprit), car la première expression est passive et la seconde active. Ainsi l'Esprit nous conduit, et nous marchons sous sa conduite.

D'abord, les chrétiens sont décrits comme ceux qui laissent l'Esprit diriger leur vie. En grec le verbe « diriger » s'appliquait à un fermier qui dirige du bétail, à un berger qui conduit un troupeau, à des soldats qui escortent un prisonnier au tribunal ou en prison, et au vent qui pousse un bateau. Ce verbe s'utilise de façon métaphorique à la fois pour les bons et pour les mauvais esprits – de la puissance maléfique de Satan qui conduit les hommes dans le mauvais chemin (1 Co. 12.2 ; Eph. 2.2), et aussi du Saint-Esprit qui conduisit le Christ dans le désert lors de la tentation (Luc 4.1,2) et qui conduit les fils de Dieu aujourd'hui (Rom. 8.14). Comme notre « conducteur », le Saint-Esprit prend l'initiative, il oppose ses désirs à ceux de notre nature pécheresse (v. 17), et il crée en nous des désirs spirituels et saints. Ainsi, il exerce sur nous une douce pression, et nous devons céder à sa direction et à son contrôle.

« Nous entendons sa douce voix, tendre comme le souffle du soir,
Qui pardonne chaque faute, calme chaque crainte, et parle du ciel.
Car chaque vertu en nous, chaque victoire acquise,
Chaque pensée sainte, provient de Lui seul ».

Toutefois nous commettrions une grave erreur en concluant que notre seul devoir consiste à nous soumettre de façon passive au contrôle du Saint-Esprit, comme si notre unique tâche était de nous livrer à sa direction. Au contraire, nous devons nous-mêmes « marcher », de façon active et décidée, dans le droit chemin. En outre, le Saint-Esprit est à la fois le chemin où nous marchons et aussi le guide qui nous montre le chemin.

Ce fait devient clair quand on compare de façon précise les versets 16 et 25. En français, ces deux versets contiennent le verbe « diriger », mais en grec les mots sont différents. Au v. 16, il s'agit du verbe ordinaire pour marcher, mais au v. 25 le verbe (stoicheô) se réfère littéralement à des personnes « disposées en ligne ». D'où sa signification : « marcher en ligne » ou « s'aligner sur ». Dans les épîtres de Paul ce verbe est utilisé pour des chrétiens qui partagent la foi d'Abraham et dont on peut dire qu'ils « marchent en ligne » sur ses traces en suivant son exemple (Rom. 4.12), pour des chrétiens qui « marchent en ligne avec » la position à laquelle ils sont parvenus (Phil. 3.16), et enfin avec les exigences de la Loi (Ac 21.24) ou avec la vérité de l'Évangile (Gal. 6.16). Dans chacun de ces cas, il existe une règle, un critère ou un principe, qui doit être suivi. Dans Galates 5.25 cette « règle » ou cette « ligne » est le Saint-Esprit lui-même et sa volonté. Aussi « laisser l'Esprit diriger notre vie » revient à marcher délibérément sur le chemin ou selon la ligne que le Saint-Esprit nous trace. En somme, l'Esprit nous conduit, mais nous devons nous laisser « diriger » par lui et selon sa règle.

Ainsi, de même que nous « avons crucifié notre nature pécheresse » (en écartant ce que nous savons être répréhensible), nous devons aussi laisser le Saint-Esprit diriger notre vie (en suivant ce que nous savons être juste). Nous rejetons un chemin dans le but d'en suivre un autre. Nous nous détournons du mal afin de nous occuper de ce qui est bien. Si nous devons nous détourner de façon impitoyable des désirs de notre nature pécheresse, nous devons tout autant nous tourner délibérément vers les choses de l'Esprit. L'Ecriture affirme que nous devons « tendre vers ce qui est conforme à l'Esprit », « rechercher les réalités d'en-haut », « tenir compte de tout ce qui est vrai, noble, juste, pur, digne d'amour ou d'approbation, de tout ce qui mérite respect et louange »72.

72 Rom 8.5 ; Col 3.1, 2 ; Phil 4.8.

Cette attitude se verra dans tout notre style de vie – dans nos loisirs, nos lectures, nos amitiés, et surtout dans ce que l'on appelait autrefois « l'emploi assidu des moyens de la grâce », c'est-à-dire dans les disciplines de la prière et de la méditation de l’Ecriture, dans la communion fraternelle avec d'autres croyants qui nous encouragent à l'amour et à la pratique du bien, dans le respect du jour du Seigneur, dans l'assistance au culte et dans la participation à la Sainte Cène. De toutes ces manières, nous nous occupons des choses spirituelles. En un mot, il ne suffit pas de céder de façon passive au contrôle de l'Esprit, nous devons également marcher activement dans le chemin indiqué par l'Esprit. C'est seulement ainsi que le fruit de l'Esprit apparaîtra.

CONCLUSION

En résumé, nous avons vu que les désirs de notre nature pécheresse sont nombreux et mauvais, que le fruit de l'Esprit est agréable et souhaitable, que notre nature pécheresse et l'Esprit sont en conflit perpétuel l'une avec l'autre, de sorte que par nous-mêmes nous ne puissions pas faire ce que nous voulons, et que notre rôle consiste à crucifier notre nature pécheresse (en rejetant ses mauvaises oeuvres) et à marcher par l'Esprit (en favorisant l'apparition de son fruit).

Cette victoire est à la portée de tout chrétien, car tout chrétien a « crucifié la nature pécheresse » (v. 24) et tout chrétien est dirigé par l'Esprit (v. 25). Notre devoir revient à prendre chaque jour du temps pour nous rappeler ces vérités nous concernant afin de vivre en rapport avec elles. Si nous avons crucifié la nature pécheresse (et c'est le cas), alors nous devons la laisser clouée à la croix où elle mérite de rester, et éviter de tâter les clous. Aussi quand le tentateur viendra avec des insinuations trompeuses, nous devons nous retourner contre lui en déclarant : « J'appartiens au Christ, aussi ai-je crucifié ma nature pécheresse, et il est hors de question que j'envisage un seul instant de la descendre de la croix ». Et encore : « J'appartiens au Christ, aussi l'Esprit habite-t-il en moi, et je vais tendre vers les choses de l'Esprit et laisser l'Esprit diriger ma vie, en m'alignant jour après jour sur sa règle ».

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