Appelé à la liberté

5.26 – 6.5 :LES RELATIONS ENTRE CHRÉTIENS

26 Ne soyons pas vaniteux et évitons de nous provoquer les uns les autres et de nous jalouser mutuellement.

Chap. 6 : Frères, si quelqu'un vient à être pris en faute, vous qui vous laissez conduire par l'Esprit, ramenez-le dans le droit chemin avec un esprit de douceur. Et toi qui interviens, fais attention de ne pas te laisser toi-même tenter. 2 Aidez-vous les uns les autres à porter vos fardeaux. De cette manière, vous accomplirez la Loi du Christ. 3 Si quelqu'un s'imagine être une personne d'exception – alors qu'en fait il n'est rien – il s'abuse lui-même. 4 Que chacun examine son propre comportement. S'il y découvre quelque aspect louable, alors il pourra en éprouver de la fierté par rapport à lui-même et non par comparaison avec les autres, 5 car chacun aura à répondre pour lui-même de ses propres actions.

Dans Galates 5.16-25 l'apôtre Paul a décrit à la fois le combat entre la nature pécheresse et l'Esprit, et aussi la façon d'obtenir la victoire au moyen de la crucifixion de la nature pécheresse et de la marche selon l'Esprit.

Galates 5.26-6.5 décrit l'un des résultats pratiques de cette victoire. Ce passage concerne nos relations personnelles, en particulier avec nos frères et soeurs dans l'Église. Le rapport entre ces deux sections est clair si l'on compare les exhortations des versets 25 et 26 : Puisque l'esprit est la source de notre vie, laissons-le aussi diriger notre conduite (v. 25) ; Ne soyons pas vaniteux et évitons de nous provoquer les uns les autres et de nous jalouser mutuellement (v. 26). Le passage d'Ephésiens 5.18ss. est similaire, car le résultat du commandement : « Soyez remplis de l'Esprit » inclut le fait de s'adresser l'un à l'autre et d’être « soumis l'un à l'autre ».

Ces deux passages montrent que la preuve principale du fait de marcher selon l'Esprit ou d'être rempli de l'Esprit ne consiste nullement en une expérience mystique d'ordre privé, mais dans des relations quotidiennes empreintes d'amour pour les autres. C'est tout à fait logique car le premier fruit de l'Esprit est l'amour.

Cependant, il est facile de parler d'« amour » de façon générale et abstraite ; il est bien plus difficile d'expliquer comment démontrer notre amour les uns pour les autres dans des situations concrètes. Aussi Paul développe-t-il à présent certaines de ces situations, en décrivant de quelle façon nous devrons nous conduire ou ne pas nous conduire envers les autres si nous laissons l'Esprit diriger notre vie.

1. COMMENT LES CHRÉTIENS NE DEVRAIENT PAS SE TRAITER (v. 26)

Ne soyons pas vaniteux et évitons de nous provoquer les uns les autres et de nous jalouser mutuellement. Ce verset est très instructif car il montre que notre conduite envers les autres reflète notre opinion de nous-mêmes. C'est quand nous cédons à la vanité que nous provoquons et envions les autres. L'adjectif grec kenodoxos indique quelqu'un qui a de lui-même une opinion qui est sans valeur, vaine ou fausse. Il chérit une illusion concernant lui-même ou tout simplement il est orgueilleux. Or, quand nous sommes ainsi, nos relations avec les autres en sont empoisonnées. En effet, chaque fois que nos relations avec les autres se détériorent, l'orgueil en est presque toujours la cause primordiale. Selon Paul, quand nous sommes orgueilleux, nous avons tendance à nous comporter de l'une ou l'autre de ces manières : soit nous provoquons les autres, soit nous les envions.

Premièrement, nous provoquons les autres. Le verbe grec prokaleo est unique dans le Nouveau Testament. Il signifie défier quelqu'un à se battre. Il implique que nous sommes si certains de notre supériorité que nous poussons les autres à la contester afin d'avoir l'occasion de la démontrer. Deuxièmement, nous nous envions les uns les autres, étant jaloux des dons ou des accomplissements d'autrui.

Ce qu'écrit l'apôtre ici est entièrement vrai dans notre propre expérience. En général, nous adoptons les uns envers les autres l'une de ces deux attitudes. Nous sommes motivés soit par un sentiment d'infériorité, soit par un sentiment de supériorité. Si nous nous considérons comme supérieurs aux autres, nous les provoquons, car nous voulons qu'ils sachent et qu’ils ressentent notre supériorité. Si au contraire nous les considérons comme supérieurs, nous les envions. Dans les deux cas, notre attitude provient de la vanité ou de l'orgueil, de notre idée si peu réaliste de nous-mêmes que nous ne pouvons supporter aucun rival.

L'amour, fruit de l'Esprit manifesté par les chrétiens quand ils marchent selon l'Esprit, se situe à l'opposé. De tels chrétiens n'éprouvent aucun orgueil, ou plutôt cherchent sans cesse à le maîtriser par l'Esprit. Ils n'ont pas d'eux-mêmes une trop haute opinion, mais une sage appréciation d'eux-mêmes (Rom 12.3). Le Saint-Esprit a ouvert leurs yeux pour voir à la fois leur propre péché et leur propre indignité, et aussi l'importance et la valeur des autres aux yeux de Dieu. Quiconque éprouve ce sentiment d'amour considère les autres comme « plus importants » et recherche des occasions de les servir.73

73 Phil 2.3 : « Ne faites donc rien par esprit de rivalité, ou par un vain désir de vous mettre en avant ; au contraire, par humilité, considérez les autres comme plus importants que vous-mêmes. » Ceci ne peut pas être un ordre de regarder tout le monde, y compris le pire délinquant, comme moralement “meilleur” (car l’humilité n’est ni aveugle ni pervertie), mais plutôt de les considérer comme “plus importants” et, par conséquent, comme méritant d’être servis.

En résumé, des relations réellement chrétiennes doivent être gouvernées non par la rivalité mais par le service mutuel. La juste attitude envers autrui n'est ni : « Je suis mieux que vous et je vais vous le prouver », ni : « Vous êtes mieux que moi et je n'aime pas cela du tout », mais : « Vous avez de l'importance (parce que Dieu vous a créé à son image et parce que le Christ est mort pour vous) et c'est pour moi une joie et un privilège de vous servir ».

2. COMMENT LES CHRÉTIENS DEVRAIENT SE TRAITER (vv. 2-4)

Le principe général est donné dans Galates 6.2 : Aidez-vous les uns les autres à porter vos fardeaux. De cette manière vous accomplirez la Loi du Christ.

Remarquons l'implication de ce commandement, à savoir le fait que nous avons tous des fardeaux et que Dieu ne désire pas que nous les portions seuls. Certains essayent, car ils pensent que c'est un signe de courage de ne pas importuner les autres par leurs fardeaux. Une telle attitude est certes courageuse, mais elle est stoïque plutôt que chrétienne. D'autres font remarquer que le Psaume 55.23 nous dit : « Rejette ton fardeau sur l’Éternel : il prendra soin de toi », et que le Seigneur Jésus invitait ceux qui étaient accablés sous le poids d'un lourd fardeau à venir à lui et promettait de leur donner du repos (Mat 11.28). Ils affirment donc que Dieu est parfaitement capable de porter nos fardeaux, et que par conséquent c'est un signe de faiblesse de rechercher une aide humaine. Cette idée aussi constitue une grave erreur. Certes, Jésus-Christ seul peut porter le fardeau de notre péché et de notre culpabilité : il le porta dans son propre corps quand il mourut sur la croix. En revanche, il n'en est pas de même de nos autres fardeaux : nos inquiétudes, nos tentations, nos doutes et nos chagrins. De toute évidence, nous pouvons remettre au Seigneur ces fardeaux aussi. En effet, nous pouvons nous décharger sur lui de tous nos soucis, car il prend soin de nous (1 Pi 5.7). Mais rappelons-nous que l'une des façons dont Dieu porte ces fardeaux-là est par le moyen des amis qu'il nous donne.

Un exemple frappant de ce principe nous est donné dans le ministère de l'apôtre Paul. A un stade de sa vie il fut accablé d'un lourd fardeau. Il était terriblement inquiet concernant l'Église de Corinthe et en particulier concernant leur réaction à une lettre très sévère qu'il leur avait écrite. En proie à l'anxiété, son esprit ne connaissait aucun repos. « Nous avons connu toutes sortes de détresses », écrivait-il, « conflits au-dehors, craintes au-dedans ». Puis il continuait : « Mais Dieu, qui réconforte ceux qui sont abattus, nous a réconfortés par l'arrivée de Tite » (2 Co 7.5, 6). Ainsi la consolation divine ne fut pas accordée à Paul uniquement par le fait de prier et s'attendre au Seigneur, mais au moyen de la présence d'un ami et de la bonne nouvelle que dernier lui apportait.

L'amitié humaine, qui nous permet de porter les fardeaux les uns des autres, fait partie du plan de Dieu pour son peuple. Ainsi nous ne devrions pas garder nos fardeaux pour nous-mêmes, mais rechercher un ami chrétien qui nous aidera à les porter avec nous.

En portant le fardeau les uns des autres, nous accomplissons « la Loi de Christ » (v. 2). En raison du lien intéressant dans cette phrase entre « vos fardeaux » et « la Loi du Christ », il est possible que Paul vise discrètement les judaïsants. En effet, certaines des exigences de la Loi sont présentées comme un fardeau dans le Nouveau Testament (cf. Luc 11.46 ; Ac 15.10, 28), et les judaïsants cherchaient à imposer aux Galates le fardeau de l'observance de la Loi dans le but d'être acceptés par Dieu. Aussi Paul peut-il vouloir leur déclarer qu'au lieu d'imposer aux autres le fardeau de la Loi, ils feraient mieux de porter leurs fardeaux et d'accomplir ainsi la Loi du Christ.

La « Loi du Christ » consiste à s'aimer les uns les autres comme il nous aime ; c'était là son « commandement nouveau » (Jn 13.34 ; 15.12). Aussi, comme Paul l'a déjà mentionné en Galates 5.14, aimer notre prochain revient à accomplir la Loi. Fait impressionnant, « aimer son prochain », « porter les fardeaux les uns des autres » et « accomplir la Loi », sont trois expressions équivalentes. Ainsi s'aimer les uns les autres comme le Christ nous a aimés peut nous conduire, non à des actes d'abnégation héroïques et spectaculaires, mais au ministère banal et peu spectaculaire qui consiste à porter les fardeaux les uns des autres. Quand nous voyons une femme, ou un enfant, ou une personne âgée porter une lourde valise, n'offrons-nous pas de la porter à leur place ? Il doit en être de même quand nous voyons quelqu'un qui a un lourd fardeau sur son coeur et son esprit : nous devons être prêts à cheminer avec lui et à partager son fardeau. De même, nous devons nous montrer assez humbles pour laisser les autres à leur tour partager les nôtres.

Porter les fardeaux des autres est un grand ministère dont tout chrétien doit et peut se charger, car c'est une conséquence naturelle de la marche selon l'Esprit. Ce comportement accomplit la Loi du Christ. « Par conséquent », écrivit Martin Luther, « les chrétiens doivent avoir les épaules larges et une bonne ossature »74 – afin de pouvoir porter de lourds fardeaux.

74 Luther, p. 540.

L'apôtre continue au v. 3 : Si quelqu'un s'imagine être une personne d'exception – alors qu'en fait il n'est rien – il s'abuse lui-même. Ce passage semble impliquer que si nous ne portons ni ne voulons porter les fardeaux les uns des autres, c'est parce que nous avons une trop haute opinion de nous-mêmes : nous ne nous abaisserions pas à un tel acte, car ce serait indigne de nous. Une fois encore il est évident, comme dans Galates 5.26, que notre comportement envers les autres reflète notre opinion de nous-mêmes. De même que, lorsque nous cédons à l'orgueil, nous provoquons et envions les autres, de même nous refusons de porter leurs fardeaux quand nous nous imaginons une « personne d'exception ».

Cependant, nous voir ainsi revient à nous tromper nous-mêmes. Comme nous l'avons déjà vu, l'orgueil est « une vanité » car nous entretenons une fausse opinion de nous-mêmes. En vérité nous ne sommes nullement « une personne d’exception », mais au contraire « rien du tout ». Cette affirmation est-elle exagérée ? Non, si le Saint-Esprit a ouvert nos yeux pour que nous nous voyions tels que nous sommes, des rebelles envers Dieu qui nous créa à son image, et ne méritant de sa part rien que la perdition. Quand nous réalisons ce fait et le gardons à l'esprit, alors nous cessons de penser que nous sommes meilleurs que les autres, et nous ne refusons plus de les servir ni de porter leurs fardeaux.

En outre, même quand nous sommes chrétiens, rachetés par Dieu grâce à l'oeuvre de Jésus-Christ, nous ne nous comparerons pas aux autres. Ce sont ces comparaisons qui sont si odieuses et si dangereuses, comme l'apôtre nous le montre dans les vv. 4 et 5 : Que chacun examine son propre comportement. S'il y découvre quelque aspect louable, alors il pourra en éprouver de la fierté par rapport à lui-même et non par comparaison avec les autres, car chacun aura à répondre pour lui-même de ses propres actions. En d'autres termes, au lieu de scruter notre prochain et de nous comparer à lui, nous devons examiner notre « propre comportement », car il nous faudra rendre compte de nos « propres actions ». Autrement dit, nous sommes responsables envers Dieu de nos actes et nous devrons lui en rendre compte un jour.

Il n'existe aucune contradiction ici entre le v. 2 : « Aidez-vous les uns les autres à porter vos fardeaux, » et la traduction littérale du v. 5 : « Car chacun portera sa propre charge » (Segond). En effet, les mots « fardeaux » et « charges » traduisent des mots grecs différents : baros (v. 2) signifie un poids ou une charge lourde, tandis que phortion (v. 5) était « un terme courant pour un ballot »75. Ainsi nous devons porter « les fardeaux » des autres lorsqu'ils sont trop lourds à porter pour une seule personne. En revanche, il existe une charge que nous ne pouvons partager – et qui en réalité n'en a nul besoin parce que c'est un paquet assez léger pour que tout homme puisse le porter -à savoir, notre responsabilité envers Dieu au jour du jugement. En ce jour-là, vous ne pourrez porter ma charge et je ne pourrai porter la vôtre. « Car chacun aura à répondre pour lui-même de ses propres actions ».

75 Lightfoot, p. 217.

3. UN EXEMPLE DE LA MANIÈRE DE PORTER LES FARDEAUX LES UNS DES AUTRES (v. 1)

Au v. 1, l'apôtre Paul donne à ses lecteurs une illustration de la manière de porter les fardeaux les uns des autres : Frères, si quelqu'un vient à être pris en faute, vous qui vous laissez conduire par l'Esprit, ramenez-le dans le droit chemin avec un esprit de douceur. Et toi qui interviens, fais attention de ne pas te laisser toi-même tenter. Surprendre quelqu'un en train de pécher n'est pas rare. L'exemple le plus connu dans le Nouveau Testament est celui de la femme que les Pharisiens amenèrent à Jésus « surprise en flagrant délit d'adultère » (Jn 8.4, Segond). Mais nous connaissons beaucoup d'exemples moins sensationnels de personnes prises sur le fait. L'apôtre nous donne des instructions pour ce genre de situation. Il nous dit d'abord ce qu'il convient de faire, ensuite qui doit agir, et enfin comment s'y prendre.

a. Ce qu'il convient de faire

Si quelqu'un vient à être pris en faute... ramenez-le... Le verbe est instructif. Katartizo signifie « mettre en ordre » et ainsi « rétablir dans sa condition première » (Arndt-Gingrich). Dans le grec ordinaire, ce mot était utilisé comme un terme médical pour remettre un os démis ou cassé. Il est employé dans Marc 1.19 pour les apôtres qui « réparaient » leurs filets. Arndt et Gingrich suggèrent une interprétation plus large, à savoir qu'après une nuit de pêche, ils étaient occupés à « remettre en état » leurs filets en les nettoyant, en les réparant et en les pliant.

Remarquons le caractère très positif de l'instruction de Paul. Si nous surprenons quelqu'un en train de pécher, nous ne devons pas demeurer inactifs sous prétexte que cela ne nous regarde pas et que nous ne désirons nullement nous en mêler. De plus, nous ne devons ni le mépriser ni le condamner dans notre coeur ni déclarer, si son écart de conduite l'amène à en souffrir les conséquences : « C'est bien fait pour lui », ou « Laissons-le macérer dans son jus ». Nous n'avons pas non plus à rapporter sa conduite au pasteur, ni à en bavarder à nos amis dans l'Église. Au contraire, nous devons chercher à le « ramener » en le remettant dans le droit chemin » (Phillips). Voici comment Luther applique cette instruction : « Courez vers lui, prenez-lui la main, relevez-le, réconfortez-le avec douceur, et entourez-le de vos bras comme si vous étiez sa mère ».76

76 Luther, p. 538.

Ce passage ne nous explique pas de façon précise de quelle manière nous devons rétablir notre frère qui est tombé, mais nous l'apprenons par les instructions plus détaillées données par Jésus dans Matthieu 18.15-17. Nous devons nous rendre auprès de notre frère et lui faire comprendre sa faute dans un face à face privé. Jésus nous propose, lui aussi, un but positif et constructif : nous devons chercher à le « gagner », dit-il, tout comme Paul nous dit ici de le « ramener ».

b. Qui doit agir

Vous qui vous laissez conduire par l'Esprit. Certains commentateurs ont pensé que Paul se montrait ici sarcastique. Ils ont supposé qu'il existait en Galatie un groupe de gens super-spirituels qui se qualifiaient eux-mêmes de « spirituels ». Mais il n'y a aucune preuve de l'existence de ce parti et aucune raison de voir dans les propos de Paul le moindre sarcasme. Il se réfère plutôt à des chrétiens « mûrs » et « spirituels », qu'il décrira plus tard plus en détail dans 1 Corinthiens 2.14 - 3.4, et qu'il a déjà commencé à dépeindre dans Galates 5.16-25. Tous les chrétiens sont habités par l'Esprit, mais les chrétiens « spirituels » sont aussi « conduits par l'Esprit » et, de plus, ils « marchent selon l'Esprit », si bien que « le fruit de l'Esprit » apparaît dans leur vie. En effet, ce ministère d'amour qui consiste à ramener un frère qui s'est écarté du droit chemin est exactement ce que nous ferons si nous marchons selon l'Esprit. C'est d'ailleurs seulement le chrétien « spirituel » qui devrait tenté de le ramener.

Cependant, nous ne devons pas nous emparer de ce fait comme d'une excuse pour écarter une tâche désagréable. Nous ne devons pas conclure : « Cela ne me concerne pas car je ne suis pas spirituel ». Le v. 1 reconnaît certes que tous les chrétiens ne sont pas « spirituels », mais tous les chrétiens devraient l'être, et par conséquent tous ont la responsabilité de ramener un frère tombé dans le péché.

c. Comment s'y prendre

Vous qui vous laissez conduire par l'Esprit, ramenez-le dans le droit chemin avec un esprit de douceur. Et toi qui interviens, fais attention de ne pas te laisser toi-même tenter. Le mot grec pour « douceur » (praotès) est déjà apparu en Gal 5.23 comme faisant partie du fruit de l'Esprit, car « la douceur est une caractéristique de la vraie spiritualité ».77 L'une des raisons pour lesquelles seuls des chrétiens spirituels devraient exercer ce ministère est que seuls les chrétiens spirituels font preuve de douceur. Ensuite Paul ajoute que nous devrions être prudents, de peur d'être tentés. Cette remarque suggère que la douceur naît de la conscience de notre propre faiblesse et de notre facilité à pécher. Phillips propose la paraphrase suivante : « Non avec un sentiment de supériorité mais en vous mettant en garde contre la tentation ».

77 Lightfoot, p. 216.

Ainsi nous avons vu que lorsqu'un frère est surpris en train de pécher, il doit être ramené, et que des croyants spirituellement mûrs doivent exercer ce ministère délicat avec douceur et humilité. Il est triste que dans l'Église contemporaine cette simple instruction de l'apôtre est rarement suivie. Cependant, si nous marchions selon l'Esprit, nous nous aimerions les uns les autres et alors, nous porterions les fardeaux des autres, et nous n'hésiterions pas à chercher à ramener un frère tombé dans le péché. En outre, si nous obéissions à cette exhortation apostolique comme nous le devrions, beaucoup de bavardages malveillants seraient évités, des rechutes plus sérieuses encore seraient empêchées, l'Église en serait fortifiée et le nom du Christ glorifié.

CONCLUSION

Nous revenons à notre point de départ. Ceux qui marchent selon l'Esprit sont conduits à entretenir des relations harmonieuses les uns avec les autres. En effet, cette expression « les uns les autres » donne la cohésion au paragraphe que nous avons étudié. « Ne devenons pas vaniteux en nous provoquant les uns les autres, en nous portant envie les uns aux autres » (5.26 Segond), mais au contraire portons les fardeaux les uns des autres (6.2). Cette réciprocité est l'expression inévitable de la fraternité chrétienne. Ce n'est pas par hasard que Paul s'adresse à ses lecteurs comme à ses « frères » (v. 1) En grec, le premier et le dernier mot de Galates 6, à part l'« Amen » final, est le mot « frères ». Lightfoot cite le commentateur Bengel : « Tout un raisonnement se dissimule sous ce seul mot ».78

78 Lightfoot, p. 215.

Tout comme l'apôtre déduit notre liberté chrétienne du fait que nous sommes « fils » de Dieu, de même notre comportement de chrétien découle à ses yeux du fait que nous sommes « frères ». Ce paragraphe constitue la réponse du Nouveau Testament à la question irresponsable de Caïn : « Suis-je le gardien de mon frère ? » (Gn. 4.9). Si quelqu'un est mon frère, alors je suis son gardien. Alors je dois veiller sur lui par amour et me sentir concerné par son bien-être. Je ne dois ni affirmer ma supériorité imaginaire sur lui et le provoquer, ni éprouver de l'amertume à cause de sa supériorité sur moi et l'envier. Au contraire je dois l'aimer et le servir. S'il est accablé par de lourds fardeaux, je dois porter ses fardeaux. S'il tombe dans le péché, je dois chercher à le ramener avec douceur. Car c'est à une telle vie chrétienne pratique, à un tel souci et à un tel service fraternels, que nous mènera la marche par l'Esprit. C'est ainsi également que la Loi du Christ sera accomplie.

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