Histoire des Dogmes III — La Fin de l’Âge Patristique

2.6 — La christologie de saint Cyrille.

Saint Cyrille a été contre le nestorianisme le principal champion de l’orthodoxie. Les orientaux cependant l’ont combattu, et d’autre part, les grands monophysites, Dioscore, Timothée, Sévère, Philoxène ont revendiqué son autorité en faveur de leur doctrine. Il est donc d’une souveraine importance de se former une idée exacte de son enseignement christologique, et de voir comment il a pu se faire que cet enseignement, proclamé orthodoxe par les conciles, ait pu être invoqué par les dissidents comme contraire aux décisions du concile de Chalcédoine.

Avant tout, précisons le sens dans lequel notre auteur entend les expressions usitées dans la controverse. Pour l’école antiochienne φύσις et ὑπόστασις avaient, en christologie, le même sens, et désignaient la substance concrète avec ses propriétés et facultés essentielles. Ces deux mots s’opposaient à πρόσωπον, qui désignait l’individu complet, la personne indépendante. Pour Cyrille, toujours en matière christologiquee, ces trois termes φύσις, ὑπόστασις, πρόσωπον, ont la plupart du temps le même sens : ils désignent l’individu concret, la personne existant à part soi et indépendante. Il n’y a aucune difficulté pour l’identification de φύσις et d’ὑπόστασις : fréquemment Cyrille prend ces mots l’un pour l’autre et montre qu’il les regarde comme équivalents. Qu’il leur donne le sens de personne, la chose n’est pas moins certaine. Il lui arrive de rapprocher ὑπόστασις et πρόσωπον comme ayant même sens, par exemple dans l’anathématisme iv : Εἴ τις προσώποις δυσὶν ἤγουν ὑποστάσεσι…, et dans la défense du même anathématisme. Dans la justification contre Théodoret du iie anathématisme, il écrit : ἡ τοῦ Λόγου φύσις ἢ ὑπόστασις ὅ ἐστιν αὐτὸς ὁ Λόγος. Dans la lettre xlv il dit que Jésus-Christ est seul et unique Fils, et, comme l’ont enseigné les Pères, une seule φύσις incarnée du Dieu Verbe. A l’occasion de son épître xlvi, 2, il répond à l’objection : s’il n’y a qu’une seule φύσις incarnée du Dieu Verbe, il s’est opéré un mélange et une fusion des deux natures ; et sa réponse est telle qu’évidemment φύσις désigne pour lui une nature concrète indépendante, c’est-à-dire une personne. Même observation pour le passage de la même épître (4), où il ne veut pas que l’on dise que Jésus-Christ a souffert τῇ φύσει τῆς ἀνϑρωπότητος. Mais surtout cette conclusion ressort de toute l’attitude doctrinale de saint Cyrille. Si φύσις ne marquait pas pour lui la nature existant à part, on ne s’expliquerait pas pourquoi le patriarche d’Alexandrie voit toujours dans les δύο φύσεις de ses adversaires l’affirmation de deux personnes en Jésus-Christ, puisque lui-même admet de son côté l’existence en Jésus-Christ d’une humanité distincte et complète. Or, à cette humanité, quand il parle sa langue propre, Cyrille ne donne jamais simplement le nom de φύσιςf.

e – En christologie, car, en matière trinitaire, Cyrille conserve aux mots φύσις et ὑπόστασις le sens donné par les cappadociens : μία γὰρ ἡ ϑεότητος φύσις ἐν τρισὶν ὑποστάσεσιν ἰδικαῖς νοουμένη (Adv. Nestor. blasph., V, 6, col. 240).

f – Je dis quand il parle sa langue propre, car il est des circonstances où il a dû parler la langue de ses adversaires, surtout quand il a dû montrer qu’il admettait, lui aussi, l’inconfusion des deux éléments du Christ.

Avant tout, précisons le sens dans lequel notre auteur entend les expressions usitées dans la controverse. Pour l’école antiochienne φύσις et ὑπόστασις avaient, en christologie, le même sens, et désignaient la substance concrète avec ses propriétés et facultés essentielles. Ces deux mots s’opposaient à πρόσωπον, qui désignait l’individu complet, la personne indépendante. Pour Cyrille, toujours en matière christologiqueg, ces trois termes φύσις, ὑπόστασις, πρόσωπον, ont la plupart du temps le même sens : ils désignent l’individu concret, la personne existant à part soi et indépendante. Il n’y a aucune difficulté pour l’identification de φύσις et d’ὑπόστασις : fréquemment Cyrille prend ces mots l’un pour l’autre et montre qu’il les regarde comme équivalents. Qu’il leur donne le sens de personne, la chose n’est pas moins certaine. Il lui arrive de rapprocher ὑπόστασις et πρόσωπον comme ayant même sens, par exemple dans l’anathématisme iv : Εἴ τις προσώποις δυσὶν ἤγουν ὑποστάσεσι…, et dans la défense du même anathématisme. Dans la justification contre Théodoret du iie anathématisme, il écrit : ἡ τοῦ Λόγου φύσις ἢ ὑπόστασις ὅ ἐστιν αὐτὸς ὁ Λόγος. Dans la lettre xlv il dit que Jésus-Christ est seul et unique Fils, et, comme l’ont enseigné les Pères, une seule φύσις incarnée du Dieu Verbe. A l’occasion de son épître xlvi, 2, il répond à l’objection : s’il n’y a qu’une seule φύσις incarnée du Dieu Verbe, il s’est opéré un mélange et une fusion des deux natures ; et sa réponse est telle qu’évidemment φύσις désigne pour lui une nature concrète indépendante, c’est-à-dire une personne. Même observation pour le passage de la même épître (4), où il ne veut pas que l’on dise que Jésus-Christ a souffert τῇ φύσει τῆς ἀνϑρωπότητος. Mais surtout cette conclusion ressort de toute l’attitude doctrinale de saint Cyrille. Si φύσις ne marquait pas pour lui la nature existant à part, on ne s’expliquerait pas pourquoi le patriarche d’Alexandrie voit toujours dans les δύο φύσεις de ses adversaires l’affirmation de deux personnes en Jésus-Christ, puisque lui-même admet de son côté l’existence en Jésus-Christ d’une humanité distincte et complète. Or, à cette humanité, quand il parle sa langue propre, Cyrille ne donne jamais simplement le nom de φύσιςh.

g – En christologie, car, en matière trinitaire, Cyrille conserve aux mots φύσις et ὑπόστασις le sens donné par les cappadociens : μία γὰρ ἡ ϑεότητος φύσις ἐν τρισὶν ὑποστάσεσιν ἰδικαῖς νοουμένη (Adv. Nestor. blasph., V, 6, col. 240).

h – Je dis quand il parle sa langue propre, car il est des circonstances où il a dû parler la langue de ses adversaires, surtout quand il a dû montrer qu’il admettait, lui aussi, l’inconfusion des deux éléments du Christ.

Ces observations préliminaires, on le comprend, sont capitales pour la vraie intelligence de la christologie cyrillienne. Entrons maintenant dans le détail de cette doctrine.

Au lieu de partir, comme les antiochiens, des deux natures unies, Cyrille, dans son exposé, part de la personne même du Verbe. Car c’est du Verbe qu’il s’agit toujours dans cette christologie, la personne de Jésus-Christ étant identiquement celle du Verbe, le Verbe, dans son état d’incarnation, étant Jésus-Christ.

Ce Verbe est complet dans sa divinité, ἐν ϑεότητι τέλειος mais l’humanité qu’il prend et dans laquelle il existe est aussi complète, κατά γε τὸν ἀνϑρωπότητος λόγον, composée d’un corps et d’une âme raisonnable. Notre auteur rejette nettement l’apollinarisme. S’il emploie fréquemment le mot σάρξ pour désigner l’humanité de Jésus-Christ, c’est évidemment à la suite de Jean 1.14, et non, comme il l’explique lui-même, pour exclure l’âme intelligente.

Le Verbe complet s’unit donc une humanité complète. Quelle est cette union ? Pour la désigner, Cyrille se sert de différents termes, ἕνωσις, συνδρομή, σύνοδος ; mais celui dont il use le plus souvent est ἕνωσις. Ἕνωσις marque l’acte même de l’union, l’unitio dont le qualificatif qui l’accompagne, φυσική ou καϑ᾽ ὑπόστασιν, indique le terme.

Cette union d’abord ne consiste pas en un simple rapport extérieur, une simple relation d’adaptation ou d’inhabitation établie entre le Verbe et l’humanité : οὗ κατὰ συνάφειαν ἁπλῶς ὡς γοῦν ἐκεῖνός (Nestorius) φησι, τὴν ϑύρατεν ἐπινοουμένην, ἤτοι σχετικήν. ––– ϑεωρεῖς ὡς σφόδρα ἀλλότριος ἐπὶ τοῦ Χριστοῦ ὃ τῆς ἐνοικήσεως ὅρος.

Mais, d’autre part, elle ne s’est pas faite par une conversion et un changement de l’un des deux éléments en l’autre. Le Verbe ne s’est pas changé en la chair : γέγονε σὰρξ ὁ Λόγος οὐ κατὰ μετάστασιν ἣ τροπήν : il n’a pas formé son corps de sa substance divine, mais il l’a pris de Marie. De même, comme nous le dirons dans un instant, la chair ou l’humanité n’a pas été transformée dans le Verbe : elle est restée dans sa substance propre.

[Le lecteur moderne ne peut que noter la nébulosité foncière de ces antiques concepts scolastiques, qui ne réussit pas à se dissimuler derrière un vocabulaire grec faussement précis : l’embryon de Jésus n’a certainement pas pris son chromosome Y de l’ADN de Marie ! Dieu l’a donc surnaturellement créé. Interrogé sur la signification concrète des termes qu’il emploie, substance divine, chair, Cyrille n’aurait évidemment pu donner aucune réponse détaillée. (ThéoTeX)]

Il n’y a pas eu non plus fusion du Verbe et de l’humanité pour former un tertiurn quid qui ne serait ni l’un ni l’autre. Cyrille a été souvent accusé de soutenir cette erreur : il a toujours protesté contre cette accusation :

« Bien ignorant, écrit-il, est celui qui affirme qu’il y a eu confusion et mélange. » — « Considérant, comme je l’ai dit, le mode dont s’est faite l’incarnation, nous voyons que les deux natures se sont unies entre elles d’une union indissoluble, sans confusion et sans transformation (ἀσυγχύτως καὶ ἀτρέπτως) : car la chair est chair et n’est pas la divinité, bien qu’elle soit devenue la chair de Dieu ; et semblablement, le Verbe est Dieu et non la chair, bien que, par l’économie, il ait fait sienne la chair. »

Et, sans doute, il est d’anciens Pères qui, pour désigner l’union, en Jésus-Christ, du Verbe et de l’humanité, se sont servis du mot κρᾶσις, Cyrille ne l’ignore pas ; mais ils n’avaient pas l’intention, ajoute-t-il, de désigner par là un vrai mélange, comme dans les liquides : ils voulaient simplement marquer l’intimité de l’union.

Ainsi donc, dans l’union, chacun des éléments du Verbe incarné est resté « dans sa propriété naturelle » : ἐν ἰδιότητι τῇ κατὰ φύσιν ἑκατέρου μένοντός τε καὶ νοουμένου. Le Verbe est resté ce qu’il était, μεμενηκότος δὲ ὅπερ ἦν : l’humanité, de son côté, existe dans sa nature d’humanité :

« Je confesse moi aussi, écrit Cyrille, qu’il y a entre la divinité et l’humanité une très grande différence et distance ; car, ces deux choses sont diverses quant à la qualité de leur être (κατά γε τὸν τοῦ πῶς εἶναι λόγον), et elles ne paraissent en rien semblables l’une à l’autre. Mais, dès que survient le mystère du Christ, l’idée de l’union ne méconnaît pas la différence, mais elle exclut la division : elle ne mêle pas et ne confond pas les natures (οὐ συγχέων ἦ ἀνακρινῶν τὰς φύσεις), mais, parce que le Verbe de Dieu a participé à la chair et au sang, on comprend et on dit qu’il n’y a qu’un seul Fils. »

Nous trouvons ici l’affirmation par Cyrille de l’existence en Jésus-Christ d’une vraie nature humaine après l’union, et l’expression technique qui lui sert à désigner cette nature. Cette expression n’est pas φύσις, nous l’avons remarqué ; c’est ἰδιότης ἡ κατὰ φύσιν, ou bien ὁ τοῦ πῶς εἶναι λόγος, ou même et plutôt ποιότης φυσική, comme il le dit lui-même en joignant ces deux formules. C’est là proprement la nature en tant qu’elle s’oppose à la personne, φύσις, ὑπόστασις ou πρόσωπον.

L’humanité du Christ, d’ailleurs, ne conserve pas dans l’union seulement son être intime, elle garde aussi ses propriétés, c’est-à-dire sa passibilité, ses faiblesses, ses infirmités, ses besoins, ses passions honnêtes. Elle a souffert de la faim, de la soif, des mauvais traitements qu’elle a subis.

Dès lors, et puisque Jésus-Christ est ainsi et à la fois vraiment homme et vraiment Dieu, il est consubstantiel à sa mère aussi bien qu’à son Père : ὁμοούσιον τῇ μητρὶ ὡς τῷ πατρὶ, καϑὼς οἱ πατέρες εἰρήκασιν.

Tout ce qui précède, cependant, nous dit en quoi l’union ne consiste pas plutôt qu’il n’en donne une idée positive et n’en manifeste la nature intime. Sur ce dernier point, Cyrille n’hésite pas à déclarer que nous restons dans l’ignorance, et que l’unité de Jésus-Christ est, dans son fond, incompréhensible pour nous et ineffable. La divinité et l’humanité sont jointes ξένως τε καὶ ὑπὲρ νοῦν : l’ἕνωσις est ἀδιάτμητος καὶ ὑπὲρ νοῦν. Et les apollinaristes prétendent bien, sans doute, qu’il est impossible que deux natures complètes entrent en composition du Christ, puisqu’elles formeraient alors deux fils et deux Christs : mais, en définitive, nous ne saurions dire à quoi s’arrête la puissance divine. La tradition nous a transmis le fait de l’unité personnelle de Jésus-Christ : il faut, avant tout, l’accepter.

Si le fond du mystère de l’incarnation nous échappe, nous pouvons cependant avoir quelque idée des rapports qu’il a établis entre le Verbe et l’humanité, et en constater les résultats.

Saint Cyrille enseigne d’abord que l’union a commencé avec la conception même de Jésus. Ce n’est pas un homme qui est né de Marie, mais le Verbe de Dieu selon l’humanité. « Car il n’est pas né d’abord de la sainte Vierge un homme ordinaire, en qui le Verbe serait ensuite descendu ; mais, s’étant uni [à la chair] dès le sein [de Marie, le Verbe] a reçu une naissance charnelle, s’attribuant la naissance d’une chair qui lui est propre. » L’union est donc ἐξ αὐτης τῆς συλλήψεως. C’est le Verbe qui forme de la Vierge son propre corps. Contre cette affirmation souvent répétée on a objecté, il est vrai, que notre auteur paraît admettre, avant l’union, un moment de la durée où le Verbe et l’homme ont existé comme deux, puisqu’il parle de Jésus-Christ comme n’étant, après l’union, qu’une seule nature de deux qui se sont unies. Mais il faut remarquer — et Cyrille lui-même l’observe — qu’il ne s’agit ici que d’un ordre logique et d’une simple vue de l’esprit (ὅσον μὲν ἦκεν εἰς ἔννοιαν, καὶ εἴς γε μόνον τὸ ὁρᾷν τοῖς τῆς ψυχῆς ὄμμασι). L’esprit perçoit dans le Verbe incarné, avec une personne unique, une double ποιότης φυσική. S’il fait un instant abstraction de l’union, cette double ποιότης lui apparaîtra comme deux personnes ou deux φύσεις ; mais l’idée de l’union survient aussitôt qui supprime cette dualité. Tout est subjectif dans ce processus, et se passe ἐν ἐννοίαις, ἐν ϑεωρίᾳ.

De cette union est résulté un seul être, un seul Christ, un seul Fils, un seul Seigneur : ἕνα Χριστὸν, ἕνα υἱὸν, ἕνα κύριον ὁμολογοῦμεν. Cyrille a écrit un traité exprès, le Quod unus sit Christus, pour établir cette unité du Christ dont il avait le sentiment si profond. Mais du reste, c’est mal s’exprimer dans la christologie cyrillienne que de parler de l’unité du Christ comme d’un résultat de l’union. Pour Cyrille, le Christ est un non pas par, mais malgré l’union. Le Verbe est, avant l’incarnation, un πρόσωπον, une ὑπόστασις, une φύσις, tous ces mots désignant sa personne. Ce Verbe a fait sienne, par une union incompréhensible, une humanité prise de la Vierge. Mais il n’a subi aucun changement par cette union : sa personne est restée ce qu’elle était ; elle existe seulement dans un état nouveau, elle est σεσαρκωμένη. Et quant à l’humanité qu’il a prise, comme elle n’a jamais existé et n’existe pas ἰδικῶς et καϑ᾽ ἑαυτήν, elle ne saurait être une φύσις, ni une hypostase, ni une personne. Ainsi l’unité personnelle du Verbe incarné n’est nullement altérée par l’incarnation. Jésus-Christ est aussi rigoureusement une seule personne que le Verbe ἄσαρκος. Bien plus, il est absolument la même personne. On a noté que c’est là le point central de la christologie cyrillienne, et l’on a eu raison. L’union est καϑ᾽ ὑπόστασιν, non parce qu’elle a produit une hypostase inexistante auparavant, mais parce que, à l’hypostase préexistante du Verbe, elle a associé l’humanité. Elle est une ἕνωσις φυσική, κατὰ φύσιν, non parce qu’il en est résulté une nouvelle φύσις, mais parce que l’humanité a été liée ineffablement à la φύσις du Verbe. De φύσις en Jésus-Christ il n’y en a qu’une, la φύσις τοῦ Λόγου éternelle, laquelle est devenue, dans le temps, σεσαρκωμένη.

On serait infini si l’on voulait transcrire tous les textes de saint Cyrille qui appuient cette présentation de sa doctrine. En voici quelques-uns :

« Ne le divise pas, et ne mets pas à part (ἰδικῶς) un homme et le Dieu Verbe ; n’imagine pas l’Emmanuel comme une double personne (διπρόσωπον). » — « Nous ne disons pas qu’autre est le Fils engendré avant tous les siècles de l’essence de Dieu et du Père, et autre celui qui, à la fin des temps, est devenu (γενόμενον) de la femme, est devenu sous la loi ; mais il n’y en a qu’un, et c’est le même soit avant soit après la conjonction et l’union vraie avec la chair. » — « Nous reconnaissons un seul Christ, un seul Seigneur et un seul Fils, qui est et qui doit être cru à la fois Dieu et homme. Nous avons coutume de défendre l’union absolument indissoluble, croyant que le même est [à la fois] Fils unique et premier-né, Fils unique comme Verbe de Dieu le Père, et sorti de sa substance ; premier-né aussi en ce qu’il est devenu homme et entre plusieurs frères. »

Et il faut rappeler ici les expressions ἕνωσις καϑ᾽ ὑπόστασιν, φυσική, κατὰ φύσιν déjà signalées, et couronnées par la fameuse formule que Jésus-Christ est μία φύσις τοῦ Θεοῦ Λόγου σεσαρκωμένη. Cette formule, la plus parfaite expression de sa doctrine, si l’on se conforme à sa façon de parler, le patriarche d’Alexandrie ne l’a jamais abandonnée. Il a pu, dans le symbole d’union, adopter un instant le langage de ses adversaires et parler de deux natures (δύο φύσεις). Il l’a adopté parce que, comme il l’explique lui-même, il trouvait dans le reste du symbole des correctifs qui ne permettaient pas de voir dans ces mots l’affirmation de deux natures séparées ou de deux personnes : mais, pour lui, il est toujours revenu à sa locution préférée comme à la plus exacte expression du mystère du Christ. Ce Christ est l’unique nature incarnée du Dieu Verbe.

Mais enfin pourquoi l’humanité, dans l’union, n’est-elle pas une personne ? Cyrille l’a dit : parce qu’elle n’existe pas à part (ἰδικῶς) ; elle n’existe pas à part, elle ne s’appartient pas, parce qu’elle appartient au Verbe qui l’a faite sienne. C’est l’idée de l’ἰδιοποίησις, que saint Athanase avait déjà fait valoir et que son successeur reprend à son tour. « Nous disons que le corps est devenu le propre (ἴδιον) corps du Verbe, et non de quelque homme [existant] à part et séparément, et d’un Christ et fils autre que le Verbe. Et de même que le corps qui appartient à chacun de nous est dit notre propre corps, ainsi faut-il le comprendre pour le Christ un. Car, bien que [son corps] soit homogène ou consubstantiel à nos corps (car il est né de la femme), [on ne doit pas moins] le considérer et l’appeler, comme je l’ai dit, le propre corps du Verbe. » Et plus brièvement : Ἴδιον δὲ σῶμα τὸ ἡμῶν ἐποιήσατο (ὁ Λόγος) καὶ προῆλϑεν ἄνϑρωπος ἐκ γυναικός. C’est la forme, comme on l’a justement remarqué, sous laquelle Cyrille présente l’idée de l’enhypostasie, qui sera développée plus tard par Léonce de Byzance. En faisant sienne l’humanité qu’il prend, le Verbe l’attire en sa personne, et en quelque sorte l’y insère.

De cette façon de concevoir en Jésus-Christ l’union du Verbe et de l’humanité résultaient toute une série de conséquences que le patriarche d’Alexandrie a très bien vues, et qu’il a expressément tirées de leurs principes.

La première est la légitimité de la communication des idiomes : c’est-à-dire le devoir d’attribuer à la personne du Verbe incarné les actions, passions et propriétés soit de la divinité soit de l’humanité, et d’attribuer à la divinité ou à l’humanité prises in concreto (à Dieu ou à l’homme) les actions et passions de l’autre nature. Saint Cyrille a usé largement et justifié l’emploi de la première forme de cette communicationi, mais il use aussi de la seconde. Car, ajoute-t-il, il s’est fait comme un mélange des propriétés de la divinité et de l’humanité unies, chacune d’elles devenant participante, dans l’union et par l’union, des propriétés de l’autre élément : ὥσπερ ἀλλήλοις ἀνακιρνὰς (ὁ Λόγος) τὰ τῶν φύσεων ἰδιώματα. « Il faut donc reconnaître que [le Verbe] a donné à sa propre chair la gloire de l’opération divine, en même temps qu’il a fait sien ce qui est de la chair, et qu’il en a revêtu sa propre personne par l’union de l’économie. » Ainsi, la chair devient vivifiante comme le Logos lui-même, et elle est associée à la mission active du Saint-Esprit. Mais Cyrille remarque bien d’ailleurs que cette façon de parler n’est légitime qu’à la condition de considérer la divinité et l’humanité dans l’union ; car la divinité elle-même n’a pas souffert ; le Verbe de Dieu pris à part n’est pas né de la Vierge ; il n’a été ni garrotté, ni meurtri, il n’est pas mort : il était aussi impassible dans la Passion que l’est la flamme dans laquelle est plongé un fer rouge que l’on frappe : le fer est touché, mais la flamme, non.

i – Cyrille pousse si loin cette loi qu’il évite continuellement de donner l’humanité en Jésus-Christ comme sujet ou régime direct des actions ou passions de Jésus-Christ. C’est le Verbe qui agit et qui souffre σαρκί.

Une seconde conséquence de l’unité de personne en Jésus-Christ est qu’en lui il n’y a qu’un Fils, lequel étant identique au Verbe, Fils de Dieu, est donc fils naturel de Dieu (υἱὸν ἕνα καὶ φύσει). Mais, d’autre part, ce même Verbe incarné, parce qu’il s’est approprié tout ce qui est de sa chair, est devenu fils, par nature, de Marie, Marie a mis au monde un Dieu : elle est ϑεοτόκος. On se rappelle que c’est la dispute soulevée par ce mot qui occasionna tout le conflit nestorien. Il faut rendre cette justice aux adversaires qu’ils comprirent immédiatement des deux côtés jusqu’où portait cette discussion en apparence purement verbale. Cyrille a consacré à justifier le ϑεοτόκος deux traités entiers, le Quod sancta Virgo Deipara sit et non Christipara, et le Quod beata Maria sit Deipara, sans compter des portions considérables d’autres écrits, par exemple le livre premier de l’Adversus Nestorii blasphemias, et la première partie du De recta fide ad reginas.

[En vocabulaire et en pensée modernes, fils de Marie, signifie que le caryotype de Jésus provenait, au moins par moitié, de l’ADN de Marie. Si son ovule surnaturellement fécondé avait été par la suite implanté dans un autre utérus, l’essentialité de la personne de Jésus n’en aurait nullement été changée. Cette réflexion élémentaire permet de relativiser l’importance du mot ϑεοτόκος qui troublait si profondément les premiers penseurs chrétiens, en partie parce que leur conception de la nature humaine était profondément floue. Ceci dit, le mystère de l’incarnation reste entier : les progrès de la connaissance en biologie peuvent dissiper de fausses idées sur l’homme, ils ne peuvent pas nous éclairer sur Dieu. (ThéoTEX)]

Une troisième conséquence tirée par Cyrille de sa doctrine est qu’en Jésus l’homme ne doit pas être adoré d’une unique adoration avec le Verbe (συμπροσκυνεῖσϑαι), comme si cette adoration avait deux termes distincts, mais doit être adoré comme formant avec le Verbe le terme unique de l’unique adoration, puisqu’il est personnellement le Verbe incarné :Ἡμεῖς δὲ μιᾷ προσκυνήσει τιμᾶν εἰϑίσμεϑα τὸν Ἐμμανουὴλ, οὗ διϊστάντες τοῦ Λόγου τὸ ἑνωϑὲν αὐτῷ καϑ᾽ ὑπόστασιν σῶμα.

Enfin, dernière conséquence, Jésus étant un en personne, mais Dieu et homme, se trouve être médiateur naturel entre l’homme et Dieu : « [L’apôtre] l’appelle médiateur de Dieu et des hommes, parce qu’il est un des deux substances (ὡς ἐξ ἀμφοτέρων τῶν οὐσιῶν ἕνα ὄντα)… Il est donc médiateur de Dieu, parce qu’il est de la même substance que le Père ; et il est encore médiateur des hommes, parce qu’il participe complètement, bien que sans le péché, à la nature humaine. »

Telle est, dans ses lignes principales, et dans un exposé trop maigre pour rendre le souffle puissant qui traverse les ouvrages du patriarche d’Alexandrie, la conception que saint Cyrille se faisait de l’unité du Christ et du mystère de l’incarnation. On ne peut nier que la personne du Verbe n’y occupe la première et la plus grande place ; que l’humanité au contraire n’y paraisse effacée et comme sacrifiée. Mais c’est aller trop loin que de prétendre, ainsi qu’on l’a fait (Dorner, Loofs, Harnack), que, dans le système de Cyrille, l’humanité de Jésus-Christ n’est pas une humanité vraie, une substance humaine solide et individuelle, mais seulement le groupement des propriétés essentielles de l’humanité qui auraient pour centre et pour support la substance même du Verbej. Cette opinion, qui repose sur une fausse interprétation du mot φύσις dans Cyrille, va contre les affirmations formelles du patriarche. Il dit et répète qu’il y a eu, dans l’incarnation, σύνοδος πραγμάτων ἤγουν ὑποστάσεων, que le Fils est un ἐκ δυοῖν πραγμάτοιν ; et s’adressant à Théodoret, qui a parlé de la forme (μορφή) de Dieu qui a pris la forme du serviteur, il remarque que ces formes ne se sont pas unies sans leurs hypostases (δίχα τῶν ὑποστάσεων), sans quoi on n’aurait pas une vraie incarnation (ἵνα καὶ ὁ τῆς ἐνανϑρωπήσεως λόγος ἀληϑῶς γενέσϑαι πιστεύηται).

j – Dans ce système, il n’y a pas enhypostasie de la nature, il y a insubstantiation des propriétés humaines dans le Verbe.

Mais enfin, dira-t-on, Cyrille n’admet en Jésus-Christ qu’une seule φύσις après l’union. Cela est vrai, et il est vrai par conséquent que si l’on ne regarde qu’aux mots, Cyrille est monophysite. Cette constatation s’aggrave de ce que la formule μία φύσις τοῦ Θεοῦ Λόγου σεσαρκωμένη, qu’il croyait de saint Athanase, est en réalité d’Apollinaire, et a bien, chez ce dernier, une signification monophysite, en ce sens du moins que le Verbe, se trouvant jouer vis-à-vis de la chair le rôle de l’âme intelligente — qui est absente —, formait bien réellement avec elle une seule nature. Cette comparaison d’ailleurs de l’âme et du corps, Cyrille s’en est fréquemment servi pour expliquer l’union du Verbe et de l’humanité. Et il n’est donc pas surprenant que les monophysites postérieurs aient revendiqué, en faveur de leur doctrine, l’autorité du patriarche d’Alexandrie. — Tout cela, encore une fois, est vrai ; et l’on ne peut que regretter qu’alexandrins et antiochiens n’aient pas parlé la même langue, et que Cyrille se soit laissé prendre aux fraudes apollinaristes. La première circonstance rendait déjà la discussion difficile ; la seconde devait rendre Cyrille presque intraitable. Convaincu que les δύο φύσεις de Nestorius — et les outrances de celui-ci justifiaient sa manière de voir — signifiaient bien deux personnes, et que, en défendant lui-même l’unité de φύσις, il défendait la tradition d’Athanase et des papes, il ne pouvait que s’obstiner dans sa formule et la soutenir jusqu’au bout, encore qu’il consentît, par amour de la paix, à s’en départir un instant. Mais enfin tout cela ne fait pas que Cyrille n’ait pas, en réalité, et suivant notre façon de parler, admis en Jésus-Christ l’existence de deux natures, d’une nature divine et d’une nature humaine complètes, coexistant sans mélange et sans confusion dans l’unité personnelle du Verbe. On en a vu plus haut les preuves, et il est inutile de les répéterk. Si donc on peut reprocher au patriarche d’Alexandrie de n’avoir pas employé les formules du concile de Chalcédoine, on ne peut du moins lui reprocher d’être avec lui en désaccord de pensée. Le même cas s’est produit, nous le dirons, pour les grands monophysites qui se sont réclamés de son autorité. Eux aussi ont été des monophysites de langage plus que de doctrine ; mais ils n’ont pas eu, comme lui, l’excuse de venir avant les définitions de Chalcédoine. — Et quant à cette comparaison de l’union de l’âme et du corps, apportée pour expliquer l’union du Verbe et de l’humanité, et que Nestorius critiquait si vivement chez Cyrille, n’oublions pas que c’est une simple comparaison, dont on avait déjà usé ; et que, précisément, Cyrille l’a souvent fait valoir parce qu’il y trouvait nettement marquée, avec l’intimité de l’union, l’inconfusion des éléments unis.

k – On peut y ajouter le texte suivant : Ἰησοῦν, τὴν τῶν φύσεων εἰδότα διαφορὰν καὶ ἀσυγχύτους ἀλλήλαις αὐτὰς διατηροῦντα (In Lucam, col. 484 ; Fragm. in epist. ad Hebr., col. 100 ; C).

Il serait donc abusif de qualifier de monophysisme la doctrine cyrillienne de l’incarnation. Ceci posé, il reste à examiner, relativement à cette doctrine, quelques autres questions soulevées par les controverses postérieures.

Saint Cyrille a-t-il admis en Jésus-Christ une ou deux opérations, une ou deux volontés ? — On sait en effet que les monothélites invoquèrent plus tard, en leur faveur, l’autorité du patriarche d’Alexandrie, et citèrent même de lui des textes dans lesquels ils voyaient leur doctrine enseignée. Les orthodoxes en alléguèrent d’autres qui la contredisaient. — Qu’en est-il en réalité ?

Disons d’abord qu’au temps de Cyrille cette question ne se posait pas, et, par conséquent, n’a pas expressément attiré son attention. Elle est complexe d’ailleurs, et demande des précisions qui ne furent faites que plus tardl. Saint Jean Damascène distinguera avec soin celui qui agit et qui veut (ὁ ἐνεργῶν, ὁ ϑέλων), la faculté d’agir et de vouloir (ἡ ἐνεργετικὴ δύναμις, τὸ ϑελετικόν), l’acte même d’agir et de vouloir (ἐνέργεια, ϑέλησις, τὸ ἐνεργεῖν, τὸ ϑέλειν) et l’objet de l’action et de la volonté (τὸ ἐνεργητόν, τὸ ϑελητόν). Or il n’est pas douteux, d’une part, que Cyrille n’ait admis en Jésus-Christ l’unité de sujet agissant et voulant, puisqu’il ne reconnaissait en lui qu’une personne, et, d’autre part, qu’il n’ait admis que cette personne unique a accompli deux sortes d’œuvres, des œuvres divines et des œuvres humaines, a agi ϑεϊκῶς ἅμα τε σωματικῶς. On doit aller plus loin et, puisque notre auteur enseignait que le Verbe a pris une humanité complète et une âme raisonnable douée de tout ce qui lui convient, il faut dire qu’il admettait aussi dans le Verbe incarné une faculté humaine d’agir, de vouloir, et de vouloir librement, et par conséquent un agir et un vouloir humains. C’est ce que l’on croit apercevoir dans certains textes où Cyrille parle de la double opération du Christ (διπλὴν τὴν ἐνέργειαν), souffrant comme homme et agissant comme Dieu, et où il oppose, à l’occasion de la scène de Gethsémani, la volonté humaine du Sauveur à sa volonté divine, le μὴ ϑέλειν ἀποϑανεῖν au vouloir divin. Cette conclusion toutefois ne fait pas que Cyrille n’ait pu, à certains moments, envisager les choses d’une façon plus synthétique, et paraître alors favorable à la doctrine de l’unique opération dans le Christ. Il a, en effet, anticipé parfois la théorie sévérienne d’après laquelle l’ἐνέργεια ne se distingue pas de l’hypostase ou de la personne se mouvant vers le terme qu’elle veut atteindre, ὑπόστασις εἰς ἔργα κεκινημένη. Dans ces conditions l’ἐνέργεια de Jésus-Christ est nécessairement unique, encore qu’elle s’exerce tantôt par la nature divine seulement, tantôt par le moyen de la chair. Et ainsi s’explique le texte objecté par les monothélites où notre auteur, commentant le fait de la résurrection de la fille de Jaïre, parle de la μία ζωοποιὸς ἐνέργεια Χριστοῦ et dit que le Christ μίαν τε καὶ συγγενῆ δι᾽ ἀμφοῖν ἐπιδείκνυσι τὴν ἐνέργειαν. Il s’agit ici de la puissance vivificatrice du Verbe, qui se manifeste en associant la chair comme συνεργάτην à son opération divine.

l – Le Pseudo-Basile cependant avait déjà peut-être distingué, à propos du Verbe, l’ἐνεργήσας, l’ἐνέργεια, et l’ἐνεργηϑέν (Adv. Eunomium, IV, P.G., XXIX, 689 C).

Sur la science humaine de Jésus-Christ, saint Cyrille n’est guère plus décisif que les Pères grecs qui l’ont précédé. On se serait attendu à le trouver plus tranchant.

Il examine dans le Thesaurus, assertion xxii, le texte De die et hora nemo scit (Matthieu 24.36 ; Marc 13.32). Sa solution est que Jésus-Christ a dit qu’il ignorait le jour du jugement comme homme, et non comme Verbe, et qu’en cela, il a gardé l’ordre convenable à l’incarnation. C’est à peu près la réponse qu’il fait à Théodoret à propos du même texte, en remarquant toutefois que c’est le même Verbe incarné qui, comme Dieu, n’ignore rien, et comme homme, paraît ignorer, parce que « subissant la mesure de l’humanité ignorante, il s’est approprié, dans l’économie, cela avec le reste ».

Son interprétation du passage Quot panes habetis (Marc 6.38 ; Jean 6.5-6) est moins nette. Cyrille se contente de dire que, sachant ce qu’il en était comme Dieu, Jésus-Christ « pouvait l’ignorer comme homme, afin d’être en tout semblable à ses frères ».

Enfin, notre auteur s’est occupé du texte Luc 2.52 sur le progrès de Jésus en sagesse, en âge et en grâce. Dans le Quod unus sit Christus, il effleure seulement le sujet ; mais dans le Thesaurus, assertion xxviii, il y revient plus à fond. Il avance d’abord que Jésus-Christ s’est développé en tant qu’homme ; puis se reprenant en quelque sorte, il suppose que le progrès en sagesse et en grâce n’a été qu’apparent, la sagesse et la grâce du Sauveur se révélant par degrés à ceux qui le voyaient : « Il avançait en sagesse et en grâce. Ne pense pas qu’il se fît en lui une addition de sagesse, car le Verbe de Dieu ne manque de rien ; mais, parce qu’il était toujours plus sage et plus gracieux pour ceux qui le voyaient, il est dit qu’il avançait, le progrès étant, en fait, relatif à ceux qui l’admiraient, plus qu’en lui-mêmem. »

m – Cyrille, quant à lui, ne se serait pas fait prendre à cette apparence… Un tel jésuitisme en dit long sur le manque de réalisme psychologique de ce Père, et par conséquent sur la faiblesse de sa christologie. (ThéoTEX)

C’est cette dernière conclusion qu’il développe clairement contre Nestorius. Elle était, ce semble, plus dans le sens général de sa christologie. Il est remarquable cependant qu’au grand champion de l’unité du Christ il ait paru parfois conforme à l’ordre de l’incarnation que l’humanité de ce Christ partageât l’ignorance qui est le lot de toute humanité.

Ainsi, pour nous résumer et pour tout conclure, si l’on veut avoir de la doctrine christologique de saint Cyrille une idée juste, il est bon de ne pas presser outre mesure les distinctions verbales faites après lui. Au lieu de construire en quelque sorte artificiellement, comme les antiochiens, l’unité du Christ, le patriarche d’Alexandrie la saisit directement et en a le sens immédiat. Son point de vue est moins métaphysique que religieux. C’est, comme Athanase l’idée de la rédemption qui le hante. Un homme ne pouvait nous sauver : il faut pour cela que le Verbe de Dieu, que Dieu lui-même naisse, souffre et meure pour nous.

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