Le Jour du Seigneur, étude sur le Sabbat

2.1 — La loi du sabbat.

2.1.1 — La loi sabbatique fondamentale ou le 4e commandement.

Fait considérable dans l’histoire du sabbat : il est l’objet d’un des Dix commandements, cette pierre angulaire de la loi mosaïque ; il est du petit nombre de ces devoirs, de nature essentiellement morale et religieuse, qui furent si solennellement prescrits à Israël. Ces Commandements ne mentionnent ni la grande fête commémorative de la sortie d’Egypte, ni les sacrifices, ni la circoncision, mais bien le sabbat. Celui-ci est ainsi élevé au-dessus de la Pâque, des sacrifices, même de la circoncision qui pourtant remontait à Abraham. Il est associé seul, comme partie intégrante, aux lois les plus fondamentales de toute vraie morale religieuse.

[Le Décalogue, c.-à-d. les dix paroles. Tel est le nom déjà donné dans l’Anc. Test. Exode 34.28 ; Deutéronome 4.13 ; 10.4, (עשׂרת הדברים). Il permet de considérer le sublime début, Exode 20.2, comme la première des dix paroles, et les v. 3-6 comme n’en formant qu’une seule, ainsi que le fait la tradition talmudique (Delitzsch, art. Dekalog dans Real.-Encykl. p. 535 ; Œhler, même article dans la 1re édit., p. 535). S. Preiswerk croyait aussi que c’était la vraie division (Morgenland, 1838, p. 339). Elle rattache tout naturellement la solennelle sanction de v. 5b-6 d’abord au v. 3 et, du reste, n’empêche point de distinguer toujours 10 commandements, la 2de parole en renfermant deux, distincts, bien que liés.]

Le Décalogue, qui est dit avoir été écrit sur deux tables de pierre (Exode 32.15 ; 34.1), renferme deux groupes de commandements, dont les 4 premiers sont relatifs aux devoirs directs envers Dieu ; les 6 autres, aux devoirs sociaux. Or le commandement sabbatique apparaît parmi les premiers : après l’interdiction du polythéisme, de l’idolâtrie, de la profanation du nom de Dieu. Il termine ainsi la série des grands devoirs directement religieux et précède immédiatement le devoir d’honorer père et mère. Et, de même que le 5e Commandement forme comme une transition entre les deux séries, les parents pouvant être considérés comme des représentants de Dieu pour leurs enfants (Lévitique 19.13, 32), le 4e Commandement termine d’autant mieux la série des devoirs directs envers Dieu qu’il a lui-même une importance sociale de premier ordre (déjà Exode 20.8-11, et plus encore Deutéronome 5.12-15 ; Exode 23.12).

L’importance légale du Décalogue ressort aussi de plusieurs données du récit sacré : 1° Il fut promulgué après trois jours de préparation solennelle pour les Israélites et du haut du Sinaï entouré d’une barrière qu’il était interdit de franchir sous peine de mort, tandis que la montagne tremblait, que sa fumée s’élevait comme celle d’une fournaise, que l’éclair sillonnait la nue et que le bruit même du tonnerre était dominé par un son de trompette plus effrayant encore. — 2° Entre toutes les ordonnances de la législation, les dix Commandements furent seuls promulgués par la voix même de l’Éternel adressée directement au peuple et le remplissant d’un tel effroi qu’il dit à Moïse : « Parle avec nous toi-même et nous écouterons, mais que Dieu ne parle point avec nous, de peur que nous ne mourrions. » — 3° Ce furent aussi les seules ordonnances divinement écrites sur deux tables de pierre, et cela à deux reprises, les premières Tables ayant été brisées par Moïse même, à la vue du veau d’or adoré par les Israélites. — 4° Les deux Tables furent placées, sur l’ordre de l’Éternel, au centre même du Tabernacle, non seulement dans le Lieu très saint, mais encore dans l’Arche de l’Alliance, sous ce Propitiatoire d’or massif, d’où l’Éternel, selon sa promesse, devait manifester sa présence au milieu de son peuple.

[Exode 19 ; 20.18-21 ; Deutéronome 5.4-5, 22-27 ; Exode 24.12 ; 31.18 ; 32.15-19 ; 34.1, 25 ; Deutéronome 4.13 ; 9.9-17 ; 10.1-5. Voir Delitzsch, Zeitschrift, 1882, p. 298. Les deux Tables étaient écrites des deux côtés : Exode 32.15 ; Exode 25.16, 21 ; Deutéronome 10.1-5 ; 1 Rois 8.9 ; 2 Chroniques 5.10 ; Néhémie 9.4. « L’arche était le lieu de dépôt pour l’objet le plus sacré de l’Ancienne Alliance : les deux Tables de pierre sur lesquelles était écrit le Témoignage, c.-à-d. l’attestation contenue dans le Décalogue de l’alliance traitée par Jéhovah avec Israël, et des bases sur lesquelles elle était conclue, ou le document sacré de l’Alliance. Aussi l’Arche est-elle appelée l’Arche du témoignage ou de l’alliance de Jéhovah. » (Riehm, Handw., art. Bundeslade.) Les deux Tables sont appelées le Témoignage (Exode 25.16, 21 ; 30.6 ; 40.20), les Deux Tables du Témoignage (Exode 34.29) ; l’Arche, l’Arche du Témoignage (Exode 30.26), l’Arche de l’Alliance (Nombres 10.33 ; Deutéronome 10.8 ; 31.25-26 ; Josué 3.6, etc.)]

On trouve le Décalogue Exode ch. 20 et Deutéronome ch. 5, et les deux textes ne sont point identiques, surtout pour le 4e Commandement. Nous avons déjà parlé de Deutéronome 5.12-15, comme renvoyant à Exode 20.8-11, et nous y reviendrons. Mais, pour le moment, nous ne nous occuperons que des versets de l’Exode.

Nous les traduisons ainsi : Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier. 9. Six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage. 10. Mais le septième jour est sabbat pour l’Éternel ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l’étranger qui est dans tes portes. 11. Car en six jours l’Éternel a fait les cieux, la terre, la mer et tout ce qui y est contenu, et il s’est reposé le septième jour : c’est pourquoi l’Éternel a béni le jour du sabbat et l’a sanctifié.

Les v. 8-10 exposent la prescription, que justifie le v. 11.

Le 7e jour doit être pour l’Israélite un jour de repos et de repos religieux. Il est dit v. 8 : « Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier, » et v. 10 : « Mais le 7e jour est sabbat pour l’Éternel ton Dieu, » c’est-à-dire à cause, en considération, en faveur de l’Éternel. Le mot sabbat, comme substantif, était déjà employé Exode 16.23, 25-26, 29. Le verbe shabath apparaît déjà Genèse 2.2-3, où il est dit de Dieu qu’il se reposa au 7e jour de toute l’œuvre qu’il avait créée en la faisant. Que le mot shabath ait signifié d’abord se reposer, puis cesser, comme le pensait Gesenius, ou d’abord couper, et de là cesser, comme l’estime Lotz, toujours est-il qu’il signifie bien se reposer après avoir cessé son ouvrage, en particulier dans Genèse 2.2-3. — Nous avons déjà vu que lorsqu’il est dit, v. 3, que Dieu sanctifia le 7e jour, cela ne signifie pas en première ligne qu’il le mit à part, mais qu’il le déclara saint et en fit une source de sainteté, qu’ainsi, du reste, il le mit à part, et que ce jour appelait l’homme lui-même à le sanctifier librement, en le reconnaissant comme saint, consacré à l’Éternel, et en se conduisant en conséquence. Le 7e jour devait donc, d’après le Décalogue, être un jour de repos religieux, mais point aux dépens de la tâche terrestre, qu’il supposait, au contraire, accomplie par le travail des 6 autres jours. Enfin, c’était avant tout l’Israélite lui-même, le père de famille, qui devait se reposer au 7e jour, mais en laissant aussi se reposer enfants, domestiques et bétail.

Le v. 11 renferme la justification du sabbat mosaïque. Il rappelle la création de l’univers en 6 jours, le repos de l’Éternel au 7e et l’institution primitive du sabbat en souvenir de ce repos. « C’est pourquoi, est-il ajouté, l’Éternel a béni le jour du sabbat et l’a sanctifié, » ces derniers mots se retrouvant Genèse 2.3. Le sabbat n’est donc point présenté comme une institution purement mosaïque. Elle est tout autrement ancienne : le mosaïsme n’a fait que la sanctionner, la restaurer et la développer à plusieurs égards. Sous ce rapport, le sabbat est analogue à la circoncision, qui, tout au moins pour la famille d’Abraham, fut instituée au temps du patriarche, avant d’être sanctionnée par la loi de Moïse (Genèse 17.1-14, 25-27 ; 21.4 ; Lévitique 12.8), et aux sacrifices qui apparaissent bien vite après la chute. (Genèse 4.3-7). Mais il est d’origine encore plus ancienne, car il remonte à l’âge d’innocence, et c’est peut-être pour cela qu’il figure dans le Décalogue. On a souvent vu dans le Souviens-toi de Exode 20.8 une allusion à cette antique origine. Mais d’autres théologiens prennent simplement le mot dans le sens de : observer, garder. Le voisinage du v. 11 nous ferait pencher pour la première interprétation. — La même origine du sabbat est indiquée Exode 31.17, qui réclamera notre attention et où la perpétuité du sabbat semble même rattachée à cette origine.

En tête du second des grands discours, qui, d’après le Deutéronome, ont couronné la carrière du prophète-législateur, se trouve donc une espèce de répétition du Décalogue. Le 4e Commandement y est ainsi conçu : Observe le jour du sabbat pour le sanctifier comme l’Éternel ton Dieu te l’a ordonné. Six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est sabbat pour l’Éternel ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bœuf, ni ton âne, ni aucune de tes bêtes, ni l’étranger qui est dans tes portes, — afin que ton serviteur et ta servante se reposent comme toi, et que tu te souviennes que tu as été esclave au pays d’Egypte et que l’Éternel ton Dieu t’en a fait sortir à main-forte et à bras étendu. C’est pourquoi l’Éternel ton Dieu t’a ordonné d’observer le sabbat.

Entre ce texte et celui de l’Exode, on constate les différences suivantes :

1° Au point de vue le plus général, le texte du Deutéronome ne signale pas, ainsi que le fait celui de l’Exode, la création des cieux et de la terre comme fondement du repos hebdomadaire du 7e jour ; mais, par contre, il rappelle fortement la servitude d’Egypte et la délivrance qui la termina.

2° Au lieu de : Souviens-toi, il y a dans le Deut. : Observe. Cette seconde expression, qui indique une simple prescription, convient très bien à une répétition un peu libre du Commandement, tandis que la première, qui renferme ou, tout au moins, peut renfermer une allusion à l’origine du sabbat, n’était pas moins opportune lors de la promulgation au Sinaï. Cette remarque est confirmée par les derniers mots de Deutéronome 5.12 : « Comme l’Éternel ton Dieu te l’a ordonné. »

3° Ils sont, en effet, une allusion manifeste à un commandement déjà donné, qui pour nous est Exode 20.8-11, et ils expliquent ainsi comment le texte du Deutéronome ne mentionne pas expressément le principe même de l’institution.

[« L’Exode dit : Souviens-toi… ; le Deut. met à sa place : Observe … C’est peut-être aller trop loin que de vouloir insister sur cette différence et dire que le second terme trahit en quelque sorte une coutume déjà invétérée, tandis que le premier pourrait être l’équivalent d’un simple avis de ne pas manquer à un devoir particulier. Mais cette distinction, en apparence si précaire, est aussitôt recommandée par les mots que le Deut. ajoute : « comme l’Éternel… te l’a ordonné. » Il vise ainsi une loi plus ancienne, directement émanée de Dieu et reproduite ou rappelée maintenant. La même formule est ajoutée par le Deutéronomiste au commandement d’honorer père et mère. » Reuss, L’hist. sainte et la Loi, p. 182.

Dillmann dit que dans les mots : « Comme l’Éternel… » on pourrait, en tenant compte de Deutéronome 15.6 ; 20.17 ; 26.18, où la même formule « paraît faire allusion à des documents écrits, » voir le but de renvoyer à un autre texte supposé connu, comme le pensent Grotius, Kleinert, Bruston, Delitzsch. Mais pour lui la réapparition des mêmes mots dans le 5e Commandement rend cependant cette interprétation très douteuse. Un peu plus loin, lorsqu’il arrive à ce Commandement, il se borne à observer qu’on ne peut y découvrir une raison particulière justifiant la formule. Dans le cours du Commentaire, il renvoie pour Deutéronome 15.6 à Genèse 17.20, pour Deutéronome 20.17 à Nombres 33.52, pour Deutéronome 26.18 à Exode 19.5. Ces indications sont précieuses et, de plus, l’objection tirée du 5e Commandement paraît peu concluante ; elle est même susceptible de se transformer en argument contraire. Précisément à cause de l’évidence morale de ce Commandement, la formule ne peut y avoir d’autre but que de renvoyer à un texte aussi solennel que celui du Décalogue, et ce but se comprend. — Le fait que dans Deut. ch. 5 le 4e et le 5e Commandements renferment chacun, et eux seuls, une allusion expresse au texte fondamental, peut être rapproché soit de ce qu’ils se suivent immédiatement, soit de la déclaration de Lévitique 19.1-3, où les deux prescriptions : « Chacun de vous respectera son père et sa mère, et observera mes sabbats, » viennent après ces paroles de l’Éternel à Moïse : « Parle à toute l’assemblée des enfants d’Israël et tu leur diras : Soyez saints, car je suis saint, moi l’Éternel votre Dieu, » et précédent immédiatement ces mots non moins augustes dans toute leur brièveté : « Je suis l’Éternel votre Dieu. »]

4° Tandis que l’Exode dit simplement :« tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l’étranger… », le Deutéronome met à la place de ni ton bétail, la formule plus développée : ni ton bœuf, ni ton âne, ni aucune de tes bêtes, comme pour compléter ; puis il ajoute à la fin : afin que ton serviteur et ta servante se reposent comme toi. Il y a là une touchante préoccupation des serviteurs et des animaux domestiques, qui forme un des traits particuliers du Deutéronome. Ne dirait-on pas que Moïse, près du terme de sa carrière, voyait déjà le sabbat assez bien observé par les Israélites, sauf à l’égard des serviteurs, du bétail, des bêtes de somme, et qu’il éprouvait le besoin d’insister sur ces points spéciaux ? — Deutéronome 5.14 est, du reste, déjà presque tout entier dans Exode 23.12, où il est parlé du repos sabbatique du bœuf et de l’ane, du fils de l’esclave et de l’étranger. On y retrouve la même inspiration. Notez aussi que, dans ce même chapitre de l’Exode, il est parlé v. 9 du respect pour l’étranger en souvenir du séjour en Egypte, et v. 10 et 11, à propos de l’année sabbatique, des pauvres et des bêtes des champs. Exode 23.9 a donc aussi un rapport intime avec Deutéronome 5.15, auquel nous allons passer.

5° Il y est dit : et (afin) que tu te souviennes que tu as été esclave en Egypte et que l’Éternel… t’en a fait sortir à main-forte et à bras étendu. C’est pourquoi l’Éternel… t’a ordonné d’observer le jour du sabbat. On abuserait de la lettre en concluant de cette dernière phrase que le but du sabbat mosaïque était restreint au repos des serviteurs et au rappel à tous les Israélites des souvenirs d’Egypte. Toute la première partie du Commandement vise directement le père de famille, avant tout pour lui-même : « Observe le jour du repos pour le sanctifier… Six jours tu travailleras… Mais le septième jour… tu ne feras aucun ouvrage, ni toi… », et au v. 14, il est dit expressément : « afin que ton serviteur et ta servante se reposent comme toi. » Nous rattachons v. 15b directement à 14b (où se trouvent les derniers mots cités) et à 15a, d’une manière plus générale à v. 12-15a. L’importance mise par Moïse dans la reproduction du Décalogue et en général dans les discours du Deutéronome, à rappeler aux Israélites ce qui s’était passé sur les bords du Nil, se justifie pleinement. Il y avait alors 40 ans qu’ils les avaient quittés, et ils n’étaient que trop disposés à l’oubli. De plus, ils allaient traverser le Jourdain pour conquérir Canaan, et quoi de plus propre à les encourager que d’inculquer profondément dans leur mémoire ce que l’Éternel avait déjà fait pour eux ? — Il est du reste évident que si le souvenir de l’exode s’associait très bien à la commémoration de la création de l’univers, il ne pouvait servir de base à l’institution même du sabbat, c’est-à-dire d’un jour sur 7 consacré à un religieux repos. Il n’y avait aucun rapport manifeste entre le septénaire en général et la sortie d’Egypte. La Pâque en était la grande fête commémorative, mais ce ne pouvait être le sabbat.

Des différences analogues à celles qui viennent d’être signalées pour le 4e Commandement se retrouvent pour d’autres. Les modifications que présente à cet égard le Deutéronome, ont toutes, en effet, un caractère commémoratif ou explicatif ou exhortatif. Ainsi dans le 5e Commandement il est ajouté : (honore ton père et ta mère,) comme l’Éternel ton Dieu l’a ordonné, (afin que tes jours se prolongent) et que tu sois heureux (dans le pays que l’Éternel ton Dieu te donne). — Dans le 10e, au lieu de : Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain ; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur …, il y a : Tu ne convoiteras point la femme de ton prochain ; tu ne désireras point la maison de ton prochain, ni son champ, ni son serviteur … Les mots : ni son champ sont donc ajoutés, et cela se comprend, à la veille d’entrer en Canaan. En outre, dans l’énumération, l’épouse est mise en tête, et des verbes différents sont employés suivant qu’il s’agit d’elle ou des autres biens.

[« Dans le premier texte (celui de l’Exode), la femme, l’esclave, la servante, etc., sont énumérés comme formant ensemble la maison du prochain ; c’est une espèce d’analyse de cette notion plus générale, et un seul et même verbe est employé pour caractériser le péché. Dans le second texte, au contraire, la femme est d’abord mise à part, comme le bien sacré par excellence ; elle est même déclarée tel, en ce que la défense est formulée par un verbe différent de celui qui introduit les autres : et la maison, dans ce texte, ne peut être autre chose que le lieu d’habitation, à côté duquel on place le champ dont il n’est pas question dans le premier cas. Nous tromperions-nous en pensant que le changement, supposé intentionnel, milite en faveur de la priorité du texte de l’Exode, en ce que l’autre corrige en quelque sorte ce qui pouvait paraître déroger à la dignité de l’épouse légitime. » (Reuss, L’hist. et la Loi, p. 183.)]

On peut être surpris de la liberté avec laquelle Moïse, dans ses discours en Moab, modifia le texte si sacré du Décalogue, donné par Dieu même. Mais, d’une part, ces modifications s’expliquent dans un but pratique et à l’époque tardive du discours ; de l’autre, Moïse était le médiateur attitré entre Jéhovah et le peuple, et il était honoré par Jéhovah d’une condescendance exceptionnelle. Il est même dit : l’Éternel parlait avec Moïse face à face comme un homme parle à son ami (Exode 20.19-21 ; Deutéronome 5.23-31 etc.). Nul doute, en conséquence, que la liberté dont usa Moïse dans ses novissima verba, en modifiant à quelques égards le Décalogue, mais, du reste, en faisant allusion expresse au texte authentique, ne fût conforme à la volonté de Jéhovah.

Nous croyons donc non seulement que le texte du Décalogue selon l’Exode est antérieur à celui du Deutéronome, mais encore qu’il reproduit fidèlement les paroles originales. Telle est aussi l’opinion de Kurtz, Œhler, Delitzsch et de la Bible annotée, tandis que pour Reuss et Wellhausen, le vrai texte perdu ne peut être reproduit qu’à peu près, et que pour d’autres théologiens il ne renfermait que les prescriptions, sans développement comminatoire, encourageant ou explicatif.

Le fait même que le texte du Décalogue selon l’Exode y est donné comme le véritable, son rapport avec celui du Deutéronome, le caractère si exceptionnel, si auguste, si fondamental du Décalogue présenté comme venant directement de l’Éternel, soit oralement en présence de tout le peuple, soit par écrit sur les deux Tables, ne nous permettent pas d’admettre que le vrai texte ne soit celui de l’Exode.

En outre, les considérants, si l’on nous permet ici cette expression, nous paraissent vraiment dignes et de la haute parole d’introduction (v. 2) et des prescriptions elles-mêmes. L’ensemble fait bien l’impression d’un tout fortement lié et comme sorti d’un seul jet. C’est un monolithe, c’est un obélisque de granit dont les formes et les inscriptions défient les siècles.

Les considérants se rattachent seulement aux Commandements de la première Table et au 5e, qui relie si bien la seconde à la première. Rien n’égale le sinaïtique caractère de la déclaration qui pour nous se rapporte aux deux premiers Commandements : Car moi, l’Éternel ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui punis l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et à la quatrième génération de ceux qui me haïssent, et qui fais miséricorde jusqu’à la millième génération à ceux qui m’aiment et qui gardent mes commandements. Quelle harmonie entre ces paroles et l’importance que devait avoir pour les Israélites le culte du vrai Dieu, unique et spirituel ! Et comme elles réfléchissent la redoutable sainteté, au fond toute pénétrée de miséricorde et d’amour, qui venait de se révéler si énergiquement à Israël ! (Cp. Exode 33.17-23.) Le 3e Commandement est suivi des simples mots : « car l’Éternel ne laissera point impuni celui qui prendra son nom en vain ». Dans le 4e, l’ordre d’observer le sabbat est accompagné, fort à propos, du rappel de son antique origine. Dans le 5e, la promesse conditionnelle ajoutée à la prescription fait allusion à cette terre de Canaan, dont la possession promise depuis des siècles à la postérité d’Abraham, allait enfin lui être accordée.

Il est certain que si, comme nous le pensons, Exo. ch. 20 renferme le vrai texte du Décalogue donné par Jéhovah, l’enseignement de la Genèse sur la création en 6 jours, le repos de l’Éternel au 7e, l’institution primitive de la semaine et du sabbat, est hautement confirmé. Ajoutons toutefois que cette sanction ne se rapporte pas directement au texte génésiaque lui-même, mais à l’antique tradition qui y fut saintement déposée. Cette distinction doit être faite, non seulement pour Exode 20.11 ; 31.17, mais encore pour d’autres fragments bibliques également d’une haute antiquité, à savoir Deutéronome 4.32, 16-18 ; Psaumes 8.6-7, psaume reconnu comme davidique, même par Hitzigt. Ce qui indique l’indépendance de Exode 20.11 ; 31.17 à l’égard de Genèse 2.2-3, c’est que dans ces trois passages le repos de Dieu est exprimé par des mots différents.

[Dans Genèse 2.2 il y a וישׁבּת et v. 3, שׁבת, de cesser, se reposer ; dans Exode 20.11, de וינח, de נוּח, respirer, reprendre haleine, se reposer ; et dans Exode 31.17 שׁבת וינּפשׁ. Naphash a le même sens que Nouach. Ces deux verbes paraîtraient même plus anciens que le premier. à cause de leur caractère figuré si prononcé.]

En outre, l’univers est représenté dans Exode 20.11 comme déjà v. 4 et aussi Deutéronome 4.17-18, par la triade des cieux, de la terre, de la mer et de leur contenu, ou tout simplement des cieux, de la terre et de la mer, désignation assez rare dans l’Ancien Testament, mais qui passe pour très ancienne, tandis que dans Exode 36.17, comme dans Genèse 2.4-5, il est parlé de la dualité des cieux et de la terre, ou l’inverse, désignation plus ordinaire, et dans Genèse 2.1 des cieux, de la terre et de toute leur armée.

Aux quelques indications critiques disséminées dans ce qui précède, il convient d’ajouter au moins les suivantes. On verra que les opinions des spécialistes sont encore fort divergentes, mais qu’on peut entrevoir de nouvelles bases scientifiques favorables à la profonde vérité de la foi traditionnelle. Les critiques actuels sont généralement d’accord pour reconnaître dans l’Hexateuque les vestiges de trois grands documents : 1° celui dit l’Elohiste ou le 1er Elohiste, longtemps appelé l’Ecrit fondamental, qui peut être désigné comme le document sacerdotal ou lévitique et que l’école Reuss-Wellhausen rattache à une époque très tardive ; 2° le document Jéhoviste ou prophétique ; 3° celui dit le 2d Elohiste ou le document théocratique, entrevu d’abord par Ilgen, puis fortement constaté par Hupfeld. Nous désignerons, pour abréger et avec Dillmann, le 1er par A, le 2d par C et le 3e par B.

Auquel des trois documents appartenait le texte du Décalogue Exode 20, tout au moins en substance ? Ewald répondait : au document élohiste, qu’il appelait le Livre des origines ; et Renan a reproduit récemment cette opinion, qui même joue un grand rôle dans sa conception de l’histoire religieuse d’Israël. — La plupart des autres critiques, par contre, mettent en avant le document B : Delitzsch et Wellhausen, Dillmann et Bruston, récemment Westphal. — Observons aussi qu’on signale un rapport si intime entre B et C qu’ils représenteraient également le jéhovisme ou prophétisme, et constitueraient en conséquence le document jéhoviste dans le sens large du mot. — Maintenant, pour donner quelque idée de l’importance du document B, indiquons brièvement d’abord comment il est considéré par Dillmann. Son signe le plus caractéristique est l’emploi persistant du mot Elohim pour désigner Dieu, même après Exode 3.13-18. L’auteur appartenait au royaume des dix tribus ; il était antérieur aux prophètes Amos et Osée, sans pouvoir être facilement placé avant la moitié du huitième siècle. B a été connu de l’auteur de C, qui a eu à sa disposition les sources utilisées par B et peut-être encore d’autres sources écrites. Dillmann appelle ailleurs B le plus ancien écrit biblique qui nous ait été conservé, et il dit dans la préface de son Commentaire sur Exo. Lev. (p. VI) : « B et S (il désigne ainsi un recueil de lois données sur le Sinaï, recueil sur lequel nous aurons à revenir et que nous appellerons le Livre de sainteté) renferment les lois les plus anciennes, des lois très anciennes (älteste und sehr alte Gesetze). A, C et D (l’auteur du Deutéronome) y ont puisé : C et D littéralement, A plus librement. » — Renan aussi, considère B comme un document très ancien, il l’appelle le Livre des légendes du Nord et estime qu’il a été rédigé, de même que le Livre des guerres de l’Éternel ou le Jaschar, vers 900 avant Jésus-Christ. Selon Knobel, dans sa Genesis de 1880, le Jaschar, « c’est-à-dire le Livre du droit, » serait différent du Livre des guerres de l’Éternel et, « dans ce qu’il a de vraiment homogène, » correspondrait au 2d Elohiste. Pour Ewald, le 2d Elohiste est ce qu’il appelle « le 3e Narrateur » ou « le Livre des alliances, » et il a été rédigé au temps de Samson. — L’école Reuss-Wellhausen croit que C est plus ancien que B et a été employé pour lui, non l’inverse. Elle n’en attribue pas moins une assez haute antiquité à B. Pour Kuenen, en particulier, C date des environs de l’an 800 et B, de l’an 750.

Mais l’antiquité de B n’est pas seule à nous intéresser ici. C’est par le moyen de ce document que nous est aussi parvenu le Livre de l’Alliance (Exode 20.22 à ch. 23), où, selon Dillmann, on reconnaît des traces de sources écrites plus anciennes que B. Ce qui est vrai du Livre de l’Alliance, doit l’être plus encore du Décalogue, dont l’importance est unique, et Dillmann ne manque pas de le faire ressortir.

Delitzsch, dans son étude sur le Décalogue, n’insiste point sur ce que Exode 20.2-17 paraît provenir de B ; mais, avec sa compétence exceptionnelle comme hébraïsant, il présente des considérations générales du plus haut intérêt sur le style et le point de vue de ce texte. Ce sont ceux des documents jéhovistes et du Deutéronome, et ils n’ont rien de spécialement élohiste. Ils présentent le reflet le plus immédiat de l’individualité de Moïse, et le texte des paroles de l’Éternel entendues au pied du Sinaï devait être en harmonie intime avec la langue du grand législateur, humble serviteur et ami de l’Éternel. On rencontre le même point de vue, non seulement dans le Décalogue, mais aussi dans d’autres documents liturgiques ou législatifs très anciens conservés dans le Pentateuque, tels que la bénédiction sacerdotale (qui devait avoir un retentissement si prolongé jusque dans le culte de l’Église chrétienne), le signal du départ de l’Arche, les fragments du Livre de sainteté. L’empreinte jéhoviste apparaît aussi dans le Deutéronome, même renforcée ; et cela s’explique, dès que l’on admet que l’individualité de l’auteur, formée sous la haute influence de son modèle, en avait ainsi accentué et développé le type.

On sait qu’à la fin du 2d Commandement selon Exode 20, il est parlé de ceux qui aiment Dieu et gardent ses commandements. Wellhausen voit ici, dans l’expression d’aimer Dieu, une trace de l’influence exercée sur Exode 20.2-17 par le Deutéronome. Dillmann combat cette opinion en disant d’abord que Exode 20.6 est déjà commenté dans Deutéronome 7.9 ; puis, que l’expression d’aimer Dieu, dans ce 1er v., est appelée par celle de haïr, qui contraste avec elle et la précède dans le v. 5. — Selon Delitzsch, non seulement ce n’est pas du Deutéronome que sont venues dans le Décalogue l’expression et la pensée de l’amour de Dieu, mais, tout au contraire, c’est le Décalogue dont l’action se fait sentir dans le Deutéronome. Si l’expression d’aimer Dieu ne se lit dans le Pentateuque que dans Exode 20.6 et le Deutéronome, où elle joue un si grand rôlec, c’est que le commandement de l’amour de Dieu, qui devait devenir si nettement dans le Nouveau Testament le premier et le grand commandement (Matthieu 22.38), apparut d’abord dans le Décalogue, ressemble ainsi déjà dans l’Exode à une source et devient un fleuve dans le Deutéronome. On retrouve ici une analogie, que Delitzsch a plus d’une fois signalée, entre, d’une part, le rapport de l’Exode, du Lévitique et des Nombres avec le Deutéronome, et, de l’autre, le rapport des trois premiers Évangiles avec celui de Jean. En outre, si l’on considère, non plus les livres mêmes du Pentateuque, mais l’histoire qu’ils racontent : la promulgation du Décalogue au Sinaï et les derniers discours de Moïse à son peuple, on reconnaîtra qu’il était naturel que la parole du grand serviteur, au bout de sa longue carrière, fût comme tout imprégnée de haute et mâle tendresse et insistât en premier lieu sur le devoir de l’amour de Dieu.

cDeutéronome 6.5 ; 10.12 ; 11.1, 22 ; 13.3 ; 19.9 ; 30.6, 16, sans compter Deutéronome 5.10, où se retrouve exactement le texte même de Exode 20.6.

[Selon Reuss (L’hist. s. et la Loi, p. 66), deux « faits incontestables » s’opposent à l’opinion traditionnelle sur l’authenticité du texte du Décalogue selon Exode 20. L’un est la différence entre ce texte et celui de Deutéronome 5, et nous en avons suffisamment parlé. L’autre réclame à son tour notre examen, au moins en note. Reuss le formule ainsi : « Le texte, qui, selon l’opinion universellement admise, se serait trouvé gravé sur les deux Tables, est celui qu’on lit Exode 20.2-17… Ce texte se compose de 620 lettres. Avec l’écriture carrée actuelle, ce texte, en ne tenant aucun compte des marges et des interlignes (la séparation des mots n’était pas d’usage), aurait demandé 1,5 m2 de superficie, même en ne calculant pour chaque lettre que l’espace minime de 25 cm2. En prenant en considération la forme des lettres antiques, cet espace est absolument insuffisant. Qu’on évalue maintenant le poids de ces tables et qu’on le mette en regard de la hauteur du Sinaï et des forces d’un octogénaire. »

La réfutation faite par Delitzsch de cette objection nous semble très forte. « Ces remarques, dit-il (Zeitsch., 1882, p. 296…), reposent sur une fausse supposition. Des tables destinées à être exposées au public et vues de loin peuvent demander des lettres de 25 cm2, et encore ce serait trop. Mais les Tables de l’Alliance ne devaient pas étaler le Décalogue : elles devaient en garder le document. »

Delitzsch observe en second lieu que les deux Tables devaient, d’après Exode 32.15, être écrites des deux côtés et qu’ainsi la superficie requise doit être réduite de moitié. Comme, de plus, il est probable que chaque table n’était point un carré parfait, mais un rectangle, la superficie nécessaire pour chacune des deux faces aurait pu, même dans le cas où chaque lettre aurait eu 25 cm2, n’être que de 3/4 de m2, avec une longueur de 1 m et une largeur de 3/4 de m.

Delitzsch, pour faire ressortir tout ce qu’il y a d’exorbitant à réclamer 25 cm2 pour chaque lettre, décrit ensuite 4 antiques monuments sémitiques qui peuvent être rapprochés des deux Tables : 1° La table des sacrifices qui a été trouvée à Marseille et qui forme un trapèze long de 69 cm et large de 35 : sa surface qui n’a que 1/3 de m2, compte plus de 800 lettres, dont chacune n’a qu’un peu plus de 1 cm2 ; et encore les syllabes sont-elles assez distantes les unes des autres (Cp. Encyl. des sc. rel., VI, p. 759, 768) ; — 2° L’inscription de Siloé, dont le rectangle a 70 cm de long, 35 de large, et qui a contenu primitivement en 6 lignes 210-220 syllabes (Cp. Encycl. des sc. rel., VI, p. 770) ; et enfin deux monuments assyriens qui méritent surtout notre attention.

Le premier a été trouvé dans un temple d’Assournazirpal, découvert par Rassam à l’est de Mossoul, et décrit dans l’ouvrage de Mürdter : Kurzgefasste Geschichte Babyloniens u. Assyriens. Assournazirpal régnait à Ninive dans la 1re moitié du ixe siècle. « Sur un carré pavé (gepflasterten), dit Delitzsch, s’élevait un autel, au haut duquel conduisaient cinq degrés, et près de là était un coffre de marbre avec un pesant couvercle. Dans la coffre se trouvaient deux tables d’albâtre avec des inscriptions identiques, tandis qu’une troisième table, avec la même inscription, était en haut sur l’autel. La découverte de ces tables fit la plus vive impression à Mossoul et dans tous les environs. Avec la rapidité de l’éclair se répandit le bruit qu’on avait trouvé les Tables de la loi de Moïse, et la violente excitation qui s’empara de la population rendit même assez difficile la tâche de Rassam. Les tables d’albâtre, comme me l’apprend Fréd. Delitzsch, qui a pris lui-même les mesures sur l’original, sont larges de 22 cm, longues de 32. Elles sont écrites des deux côtés et renferment en tout 49 lignes écrites, en gros 570 signes. Fréd. Delitzsch m’a aussi communiqué la description d’une autre inscription assyrienne, et voici ses propres paroles : « La table de pierre du Roi Ramman-Nirar, trouvée à Kileb Schergat (ou Kalah Shergat), se distingue particulièrement par la beauté et la grandeur de ses caractères cunéiformes. Elle peut avoir (je donne ces mesures de souvenir) 30 cm de largeur, 52 de longueur, 5 d’épaisseur ; elle est assez lourde, mais peut être portée. Les signes écrits ont à peu près 1 cm. de haut ; plusieurs, jusqu’à 2,5 cm. de large. Encore ici les deux côtés sont écrits. Le côté de devant renferme 36 lignes ; le côté de derrière, 44. Si l’on compte les signes écrits, c.-à-d. non les traits en forme de clou ou de coin, mais les signes des syllabes, composés souvent d’un grand nombre de traits, on trouve à peu près 360 signes écrits sur la face antérieure, environ 500 sur l’autre, en tout 860. » — Ramman-Nirar régna de 810 à 781. (Archinard, p. 166.) « Ce sont surtout les tables d’albâtre, continue Franz Delitzsch, qui me paraissent avoir de l’analogie avec les Tables de l’Alliance. Le récit biblique ne désigne que d’une manière générale, comme pierre (אבן), la matière qui portait l’écriture, et il ne donne aucune indication de mesure… L’écriture a été gravée (חרות, Exode 32.16) non avec le ciseau (Meissel), mais avec le burin, le poinçon (Grabstichel, עט, Job 19.24) ; la gravure était peu profonde, comme elle l’est pour la pierre de Mésa et pour les tables de bronze de l’antiquité classique. Les deux tables n’étaient point des blocs de pierre, à en juger par leur nom (לוּחוֹת), qui implique qu’elles n’étaient pas très épaisses. » לוּהַ vient d’un mot hébreu inusité et de la même famille que λευκός. Il signifie en arabe briller et de là être poli, lisse.

L’inscription de Mésa (Moab) est indiquée par Schrader et Ph. Berger comme la plus ancienne inscription d’alphabet sémitique qui ait été trouvée. Elle remonte à près de 900 ans av. J.-C. Ph. Berger a réfuté brièvement l’opinion de Reuss sur la prétendue impossibilité des deux Tables descendues par Moïse, en ces mots : « On croyait alors que ces premiers caractères devaient être extrêmement grands. La découverte de la stèle de Mesa a modifié nos idées sur ce point. Savez-vous quelle place occuperait le Décalogue en caractères de la dimension de la stèle de Mésa ? Il tiendrait sur deux tablettes de 50 cm de haut sur 35 de large, c.-à-d. à peu près des dimensions que les grands peintres de la Renaissance, guidés par le sentiment des proportions, ont données aux tables de la Loi. L’argument n’était donc pas bon. » (Leçon d’ouvert., p. 35.)]

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