Histoire de la Réformation du seizième siècle

6.12

Luther sur la confession – La vraie absolution – L’Antechrist – On se rallie à Luther – Satires – Ulrich de Hütten – Lucas Cranach – Le carnaval à Wittemberg – Staupitz intimidé – Travaux de Luther – Humilité de Luther – Progrès de la Réforme

Si les légats de Rome échouaient auprès des puissants du monde, les agents inférieurs de la papauté parvenaient à porter le trouble parmi les petits. La milice de Rome avait entendu le commandement de son chef. Des prêtres fanatiques se servaient de la bulle pour épouvanter les consciences, et des ecclésiastiques honnêtes, mais peu éclairés, regardaient comme un devoir sacré d’agir conformément aux instructions du pape. C’était dans le confessionnal que Luther avait commencé la lutte contre Rome ; ce fut dans le confessionnal que Rome engagea la bataille contre les adhérents du réformateur. Bafouée à la face de la nation, la bulle devint une puissance dans ces tribunaux solitaires. « Avez-vous lu les écrits de Luther ? demandent les confesseurs ; les possédez-vous ? les regardez-vous comme vrais ou comme hérétiques ? » Et si le pénitent hésite à prononcer l’anathème, le prêtre lui refuse l’absolution. Plusieurs consciences sont troublées. Il y a une grande agitation parmi le peuple. Cette manœuvre habile va ramener sous le joug du pape des populations déjà gagnées à l’Évangile. Rome se félicite d’avoir élevé dans le treizième siècle ce tribunal destiné à asservir aux prêtres les consciences libres des chrétiensg. Tant qu’il demeure debout, son règne n’est pas fini.

g – En 1215, par le quatrième concile de Latran, sous Innocent III.

Luther apprit ces choses. Seul pour déjouer cette manœuvre, que fera-t-il ? La parole, une parole prononcée hautement, courageusement, voilà son arme. La parole ira chercher ces consciences alarmées, ces âmes effrayées, et les fortifiera. Il fallait donner une impulsion puissante. La voix de Luther se fit entendre. Il s’adressa aux pénitents avec une courageuse fierté, un noble dédain de toutes les considérations secondaires. « Quand on vous demande si vous approuvez ou non mes livres, leur dit-il, répondez : Vous êtes un confesseur, et non un inquisiteur ou un geôlier. Mon devoir est de confesser ce que ma conscience me porte à dire ; le vôtre n’est pas de sonder et de découvrir les secrets de mon cœur. Donnez-moi l’absolution, et disputez ensuite avec Luther, avec le pape, et avec qui il vous plaira ; mais ne faites pas du sacrement de la pénitence une querelle et un combat — Et si le confesseur ne veut pas céder, alors, continue Luther, je me passerai plutôt de son absolution. Soyez sans inquiétude : si l’homme ne vous absout pas, Dieu vous absoudra. Réjouissez-vous de ce que vous êtes absous de Dieu même, et présentez-vous sans crainte au sacrement de l’autel. Le prêtre rendra compte, au jugement dernier, de l’absolution qu’il vous aura refusée. Ils peuvent bien nous refuser le sacrement, mais ils ne peuvent pas nous priver de la force et de la grâce que Dieu y a attachées. Ce n’est ni dans leur volonté ni dans leur pouvoir, mais dans notre foi que Dieu a placé le salut. Laissez là sacrement, autel, prêtre, église ; la Parole de Dieu condamnée dans la bulle est plus que toutes ces choses. L’âme peut se passer du sacrement, mais elle ne peut vivre sans la Parole. Christ, le véritable évêque, se chargera de vous nourrir spirituellementh. »

h – « Und wird dich der redite Bischoff Christus selber speisen… » (Luth. Op. LXVII, p. 565.)

Ainsi la voix de Luther pénétrait dans les familles et dans les consciences alarmées, pour leur communiquer le courage et la foi. Mais ce n’était pas assez pour lui de se défendre ; il sentait qu’il devait attaquer et porter coup après coup. Un théologien romain, Ambroise Catharin, avait écrit contre lui. « Je remuerai la bile de cette bête italiennei. » dit Luther. Il tint parole. Dans sa réponse il prouva, par les révélations de Daniel et de saint Jean, par les épîtres de saint Paul, de saint Pierre et de saint Jude, que le règne de l’Antechrist, prédit et décrit dans la Bible, était la papauté. « Je sais pour certain, dit-il en terminant, que Notre Seigneur Jésus-Christ vit et règne. Fort de cette assurance, je ne craindrais pas plusieurs milliers de papes. Que Dieu vous visite enfin selon sa puissance infinie, et fasse luire le jour de l’avènement glorieux de son Fils, dans lequel il détruira le méchantj. Et que tout le peuple dise : Amen ! » Et tout le peuple disait : Amen. Un saint effroi s’emparait des âmes. C’était l’Antechrist qu’on voyait assis sur le trône pontifical. Cette idée nouvelle, qui empruntait une grande force des descriptions des prophètes, lancée par Luther au milieu de son siècle, porta à Rome le coup le plus terrible. La foi à la Parole divine remplaçait celle que l’Église avait seule obtenue jusqu’alors ; et la puissance du pape, longtemps l’objet des adorations du peuple, était devenue celui de sa haine et de sa terreur.

i – « Italicæ bestiæ bilem movebo. » (Lut. Ep. 1, p. 570.)

j – « Ostendat illum diem adventus gloriæ Filii sui, quo destruatur iniquus iste. » (Luth. Op. lat., II, p. 162.)

L’Allemagne répondait à la bulle du pape en entourant Luther de ses acclamations. La peste était dans Wittemberg, et cependant on voyait chaque jour arriver de nouveaux étudiants, et quatre à six cents disciples étaient assis habituellement dans les salles académiques, aux pieds de Luther et de Mélanchthon. L’église du couvent et l’église de la ville étaient trop petites pour la foule, avide des paroles du réformateur. Le prieur des Augustins tremblait de voir ces deux temples s’écrouler sous le poids des auditeursk. Mais ce mouvement des esprits n’était pas renfermé dans les murs de Wittemberg ; il parcourait l’Allemagne. Des princes, des seigneurs, des savants, écrivaient de tous côtés à Luther des lettres pleines de consolation et de foi. Le docteur en montra plus de trente au chapelainl.

k – « Es möchte noch gar die Kirche und Capelle um der Menge willen einfallen. » (Spalatin in Seckend., p. 295.)

l – « Mehr als 30 Briefe von Fürsten… » (Ibid.)

Le margrave de Brandebourg arriva un jour à Wittemberg avec plusieurs autres princes pour visiter Luther. « Ils ont voulu voir l’hommem, » dit celui-ci. En effet, tous voulaient voir l’homme dont la parole remuait les peuples et faisait chanceler sur son trône le pontife de l’Occident.

m – « Videre enimhominem voluerunt. » (Luth. Ep. I p. 544, 16 janvier 1521.)

L’enthousiasme des amis de Luther augmentait de jour en jour. « O folie inouïe d’Emser, s’écriait Mélanchthon, qu’il ait osé se mesurer avec notre Hercule, méconnaissant le doigt de Dieu dans les actions de Luthern, comme le roi des Égyptiens le méconnut dans celles de Moïse. » Le doux Mélanchthon trouvait des paroles puissantes pour exciter ceux qui lui paraissaient faire des pas rétrogrades ou demeurer stationnaires. « Luther s’est levé pour la vérité, écrivait-il à Jean Hess, et pourtant tu gardes le silence !… Il respire encore, il prospère encore, bien que Léon s’indigne et frémisse. Souviens-toi qu’il est impossible que l’impiété romaine donne son approbation à l’Évangileo. Comment manquerait-il à ce siècle malheureux des Judas, des Caïphe, des Pilate, des Hérode ? Arme-toi donc de la puissance de la Parole de Dieu contre de tels adversaires. » Tous les écrits de Luther, son Oraison dominicale, surtout la nouvelle édition de la Théologie allemande, étaient dévorés avec avidité. Il se formait des sociétés de lecture, dont les membres se communiquaient ces ouvrages. Des amis les réimprimaient et les faisaient répandre par des colporteurs. On les recommandait du haut des chaires. On voulait une Église allemande ; on demandait que nul ne fût à l’avenir revêtu de quelque dignité, s’il ne pouvait prêcher au peuple en allemand, et que les évêques germains s’opposassent partout à la puissance papale.

n – « … Dei digitumesse, quæ a Martine fiant. » (Corp. Réf., I. p. 282.)

o – « Non posse Evangelium romanæ impietati probari » (Corp. Réf., p. 280.)

Il y avait plus : des satires mordantes, dirigées contre les principaux ultramontains, circulaient dans les provinces de l’Empire. L’opposition réunissait toutes ses forces autour de cette doctrine nouvelle, qui lui donnait précisément ce qui lui manquait, en la justifiant aux yeux de la religion. La plupart des jurisconsultes, fatigués des empiétements des tribunaux ecclésiastiques, se rattachaient à la réforme ; mais les humanistes surtout embrassaient vivement ce parti. Ulrich de Hütten était infatigable. Il écrivait à Luther, aux légats, aux hommes les plus considérés de l’Allemagne : « Je te le dis et je te le dis encore, ô Marinus, disait-il au légat Caraccioli dans une de ses publications, les ténèbres dont vous aviez obscurci nos yeux sont dissipées, l’Évangile est prêché, la vérité est annoncée, les niaiseries de Rome sont couvertes de mépris, vos ordonnances languissent et meurent, la liberté commencep… »

p – « Ablata illa est a vobis inducta olim nostris oculis caligo, prædicatur Evangelium… Spes est libertatis… (Ulrich ab Hütten Eques Mar. Caracc. Luth. Op. lat., II, p. 176.)

Ne se contentant pas de la prose, Hütten recourait aussi aux vers. Il publiait ses Cris sur l’incendie de Luther. En appelant à Jésus-Christ, il le conjurait de consumer du feu de ses regards ceux qui osaient méconnaître sa puissance :

Quo tu occulos, pie Christe, tuos, frontisque severæ
Tende supercilium, teque esse ostende neganti.
Qui te contemnunt igitur, mediumque tonanti
Ostendunt digitum, tandem iis te ostende potentem.
Te videat ferus ille Leo, te tota malorum
Sentiat inluvies, scelerataque Roma tremiscat,
Ultorem scelerum discantte vivere saltem,
Qui regnare negant…q

qIn Incendium Lutheranum Exclamatio Ulrichi Hutteni Equitis, Mar. Caracc.) (Luth. Op. lat., II, p. 176.)

Il se mit surtout à écrire en allemand. « Jusqu’à présent, disait-il, j’ai écrit en latin, langue que tous ne pouvaient comprendre ; mais maintenant c’est à la patrie que je m’adresse ! » Ses rimes allemandes ouvraient et faisaient lire au peuple le honteux et volumineux registre des péchés de la cour de Rome. Mais Hütten ne voulait pas s’en tenir à de simples paroles ; il était impatient de faire intervenir son épée dans la lutte ; et il pensait que ce serait avec les glaives et les hallebardes de tant de vaillants guerriers, dont s’enorgueillissait l’Allemagne, que l’on accomplirait la vengeance de Dieu. Luther s’opposa à ces projets insensés : « Je ne veux pas, dit-il, que l’on combatte pour l’Évangile par la violence et par le carnage. Je l’ai écrit à Huttenr. »

r – Nollem vi et cæde pro Evangelio certari ; ita scripsi ad hominem. » (Luth. Ep., I, p. 343.)

Le célèbre peintre Lucas Cranach publia, sous le titre de Passion de Christ et de l’Antechrist, des gravures qui représentaient, d’un côté la gloire et la magnificence du pape, et de l’autre l’humiliation et les souffrances du Rédempteur. Luther en composa les inscriptions. Ces gravures, faites avec beaucoup d’esprit, produisirent un effet inouï. Le peuple se détachait d’une Église qui paraissait en tout point si opposée à l’esprit de son fondateur. Cet ouvrage, dit Luther, est excellent pour les laïquesα. »

α – « Bonus est pro laicis liber. » (Luth. Ep., I, p.571.) Il vaudrait la peine de faire une réimpression de ce livre. Je l’ai trouvé dans la bibliothèque de Zurich.



Cranach (1472-1553)

Plusieurs employaient contre la papauté des armes peu en rapport avec la sainteté de la vie chrétienne, Emser avait répondu à l’ouvrage de Luther intitulé : Au bouc de Leipzig, par un écrit qui avait pour titre : Au taureau de Wittemberg ; le nom n’était pas mal trouvé. Mais à Magdebourg on pendit le livre d’Emser à la potence, avec cette inscription : « Ce livre est digne d’un tel lieu ; » et l’on plaça une verge à côté, pour indiquer la punition que méritait son auteurs. A Dœblin, on écrivit sous la bulle du pape, pour se moquer de l’impuissance de ses foudres : Le nid est ici ; mais les oiseaux s’en sont envolést. »

s – « In publico infamiæ loco affixus. » (Luth. Ep. I, p. 560.)

t – « Das Nestist hie, die Vögel sind ausgeflogen. » (Ibid., p.570.)

A Wittemberg, profitant des jours du carnaval, les étudiants revêtirent l’un d’eux d’un costume semblable à celui du pape, et le promenèrent dans les rues de la ville, avec pompe, mais d’une manière un peu trop folâtre, dit Lutheru. Arrivés sur la grande place, il s’approchèrent de la rivière, et quelques-uns, feignant une subite attaque, parurent vouloir jeter le pape à l’eau. Mais le pontife, peu désireux de ce bain-là, prit la fuite ; ses cardinaux, ses évêques et ses familiers firent de même, se dispersant dans tous les quartiers de la ville ; et les étudiants de les poursuivre par les rues : il n’y avait pas un coin de Wittemberg où quelque dignitaire romain ne s’enfuît devant les cris et les risées de la population ameutéev. « L’ennemi de Christ, dit Luther, qui se joue et des rois et de Christ lui-même, mérite bien qu’on se joue ainsi de lui. » Erreur, selon nous : la vérité est trop belle pour la faire descendre dans la boue. Elle doit combattre sans l’auxiliaire des chansons, des caricatures et des scènes de carnaval. Peut-être, sans ces démonstrations populaires, ses succès seront-ils moins apparents ; mais ils seront plus purs, et par conséquent plus durables. Quoi qu’il en soit, la conduite imprudente et passionnée de la cour de Rome avait excité une antipathie universelle ; et cette bulle par laquelle la papauté croyait tout étouffer, fut précisément ce qui fit éclater partout la révolte.

u – « Nimis ludicre Papam personatum circumvenerunt sublimem et pompaticum… » (Ibid., p. 561.)

v – « Fugitivum cum cardinalibus, episcopis, familiisque sius, indiversas partes oppidi disperserunt et insecuti sunt… » (Luth. Ep., 17 février 1521.)

Cependant, tout n’était pas enivrement et triomphe pour le réformateur. Derrière ce char où le traînait son peuple ému, transporté d’admiration, ne manqua pas de se trouver l’esclave chargé de lui rappeler sa misère. Quelques-uns de ses amis semblaient disposés à rebrousser chemin. Staupitz, qu’il nommait son père, paraissait ébranlé. Le pape l’avait accusé, et Staupitz s’était déclaré prêt à se soumettre au jugement de Sa Sainteté. « Je crains, lui dit Luther, qu’en acceptant le pape pour juge, vous ne paraissiez me rejeter moi et les doctrines que j’ai soutenues. Si Christ vous aime, il vous contraindra à rétracter votre lettre. Christ est condamné, dépouillé, blasphémé ; c’est le temps, non de craindre, mais d’élever la voixw. C’est pourquoi, tandis que vous m’exhortez à l’humilité, je vous exhorte à la fierté ; car vous avez trop d’humilité, de même que moi j’ai trop d’orgueil. On m’appellera orgueilleux, avare, adultère, homicide, antipape, homme coupable de tous les crimes… N’importe ! pourvu qu’on ne puisse pas me reprocher d’avoir gardé un silence impie au moment où le Seigneur disait avec douleur : Je regarde à ma droite, et il n’y a personne qui me reconnaisse, (Psa.142.1-7) La parole de Jésus-Christ est une parole, non de paix, mais d’épée. Si vous ne voulez pas suivre Jésus-Christ, moi je marcherai seul, je m’avancerai seul, et j’emporterai la placex. »

w – « Non enim hic tempus timendi sed clamandi… » (Luth. Ep. I, p. 357.)

x – « Quod si tu non vis sequi, sine me ire et rapi… » (Ibid., p. 538.)

Ainsi Luther, comme un général d’armée, embrassait tout le champ de bataille ; et tandis que sa voix poussait dans la mêlée de nouveaux soldats il découvrait ceux des siens qui paraissaient faibles, et les rappelait à la ligne du devoir. Partout ses exhortations se faisaient entendre. Ses lettres se succédaient rapidement. Trois presses étaient sans cesse occupées à multiplier ses écritsy. Ses paroles couraient au milieu du peuple, affermissaient dans les confessionnaux les consciences effrayées, relevaient dans les couvents les âmes prêtes à céder, et maintenaient les droits de la vérité dans les palais des princes.

y – « Cum tria prela solus ego occupare cogar. » (Luth. Ep. I, 558.)

« Au milieu des tempêtes qui m’assaillent, écrivait-il à l’Électeur, j’espérais toujours trouver une fois la paix. Mais je vois maintenant que ce n’était là qu’une pensée d’homme. De jour en jour l’onde se soulève, et déjà l’Océan m’entoure tout entier. La tempête se déchaîne avec un effroyable fracasβ. Je saisis d’une main le glaive des batailles, et de l’autre j’édifie les murs de Sionγ. » Ses anciens liens sont rompus : la main qui a lancé contre lui les foudres de l’excommunication les a brisées. « Excommunié par la bulle, dit- il, je suis délié de l’autorité du pape et des lois monastiques. J’embrasse avec joie cette délivrance. Mais je ne quitte ni l’habit de l’ordre ni le couventδ. » Et cependant, au milieu de toute cette agitation, il ne perd pas de vue les dangers auxquels cette lutte expose son âme. Il sent la nécessité de veiller sur lui-même. « Tu fais bien de prier pour moi, écrivait-il à Pellican, qui demeurait à Bâle. Je ne puis me livrer suffisamment à de saints exercices ; la vie m’est une croix. Tu fais bien de m’exhorter à la modestie : j’en sens le besoin ; mais je ne suis pas maître de moi-même ; je ne sais quel esprit m’emporte. Je ne veux de mal à personneε ; mais mes ennemis me pressent avec une telle fureur, que je ne prends pas assez garde aux séductions de Satan. Prie donc pour moi… »

β – « Videns rem tumultuosissimo tumultu tumultuantem. » (Luth. Ep., I, p. 546.)

γ – « Una manu gladium apprehendens, et altera murum ædificaturus. » (Ibid., p. 565.)

δ – « Ab ordinis et Papæ legibus solutus… quod gaudeo et amplector. » (Ibid., p. 358.)

ε – « Compos meinon sum, rapior nescio quo spiritu, cum nemini me male velle conscius sim… » (Luth. Ep. I, p. 555)



Conrad Pellican

Ainsi et le réformateur et la Réformation couraient vers le but auquel Dieu les appelait. L’ébranlement se communiquait. Les hommes qui paraissaient devoir être les plus fidèles à la hiérarchie commençaient à s’émouvoir. « Ceux-là même, dit Eck assez ingénument, qui tiennent du pape les meilleurs bénéfices et les plus riches canonicats, demeurent muets comme des poissons. Plusieurs d’entre eux exaltent même Luther comme un homme rempli de l’Esprit de Dieu, et appellent les défenseurs du pape des sophistes et des flatteursz. » L’Église, en apparence pleine de force, soutenue par les trésors, les puissances, les armées du monde, mais en réalité amaigrie, affaiblie, sans amour de Dieu, sans vie chrétienne, sans enthousiasme pour la vérité, se trouvait en présence d’hommes simples, mais courageux, et qui, sachant que Dieu est avec ceux qui combattent pour sa Parole, ne doutaient point de la victoire. On a vu de tout temps quelle est la puissance d’une idée pour pénétrer les masses, pour soulever les nations et entraîner, s’il le faut, des milliers d’hommes sur le champ de bataille et à la mort. Mais si une idée humaine a une telle force, quel pouvoir n’aura pas une idée descendue du ciel, quand Dieu lui ouvre la porte des cœurs ? Le monde n’a pas vu souvent à l’œuvre une telle puissance ; il l’a vu cependant aux premiers jours du christianisme, à ceux de la Réformation, et il le verra en des jours futurs. Des hommes qui dédaignaient les richesses et les grandeurs du monde, qui se contentaient d’une vie de peine et de pauvreté, commençaient à s’émouvoir pour ce qu’il y a de plus saint sur la terre, la doctrine de la foi, de la grâce. Tous les éléments religieux entraient en fermentation dans la société ébranlée et le feu de l’enthousiasme portait les âmes à s’élancer avec courage dans cette vie nouvelle, dans cette époque de renouvellement qui venait de s’ouvrir avec tant de grandeur, et où la Providence précipitait les peuples.

z – Reynald. Epist. J. Eckii ad cardinal, Conturenum.

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